LA MORT HEUREUSE, livre de HANS KÜNG

*Pour moi, refuser de prolonger indéfiniment ma vie temporelle
fait partie de l’art de vivre et de ma foi dans une vie éternelle.
Quand le temps sera venu, j’aurai le droit, pour autant que j’en
serai capable, de décider, en prenant personnellement mes
responsabilités, du moment et de la manière de mourir.

Si cela
m’est accordé, je serais content de mourir en pleine conscience
et de me séparer dignement des gens qui me sont chers.*
(Extrait : LA MORT HEUREUSE, Hans Küng, Éditions du Seuil, 2015,
Édition de papier, 135 pages)

LA MORT HEUREUSE est un plaidoyer éthique et philosophique en faveur d’une mort assistée digne et humaine. Le célèbre théologien réformiste Hans Küng revendique ce droit particulièrement au nom de sa foi dans une vie éternelle car il est clair pour lui qu’il n’y a aucun antagonisme entre la foi et le droit pour un être humain le moment venu, de décider quand et comment il va mourir alors qu’il doit lutter contre la maladie dégénérative et sans retour, et ce dans d’intolérables souffrances physiques et psychologiques. L’auteur développe une réflexion intense, libre et ouverte.

DON DE DIEU, DEVOIR DE L’HOMME
*De  la dignité de l’homme procède le droit
à se déterminer lui-même pour sa vie,
toute sa vie, même pour l’ultime étape,
celle du mourir.*
(Extrait : LA MORT HEUREUSE)

Ce livre développe un sujet extrêmement délicat. En effet, la mort assistée est un principe de fin de vie qui fait l’objet de profonds désaccords et malentendus de société sur les plans éthique, juridique, politique, médical, religieux et social. On sait que Hans Küng est un théologien catholique réformiste, voire rebelle aux positions ultra-conservatrices de l’église dont celle sur la mort assistée.

Une croyance pratiquement universelle veut que la vie soit un don de Dieu et qu’y mettre fin prématurément constituerait un déni de Dieu et dans ces conditions, l’âme ne peut être sauvée. Dans LA MORT HEUREUSE, l’argumentaire de Kung est complètement à contre-courant de cette croyance, au point de se lancer dans une apologie de la mort assistée dans un cadre moral, humain et éthique bien précis…

*Actuellement, nombre de théologiens sont d’avis que l’homme doit tenir jusqu’à *la fin prévue* pour lui et qu’il n’a pas le droit de remettre sa vie *avant l’heure*…Le Dieu créateur bon a-t-il vraiment *prévu* une réduction de la vie humaine à une vie purement biologique et végétative, avec de l’incontinence, des cathéters, une sonde stomacale et des plaies qui produisent des ulcères.

Beaucoup se demandent aujourd’hui pourquoi le fait de remettre librement, de façon responsable, une vie définitivement détruite, avec des souffrances insupportables, *avant l’heure* devrait faire l’objet d’interminables débats. La mort n’est absolument pas toujours l’ennemi de l’homme.*

Tout l’argumentaire du livre tourne autour de cette affirmation. Et pour alimenter la réflexion, Küng aborde cette peur profonde et atavique qui afflige tous les humains, au-delà de la peur de la mort : la peur de la non-existence, du non être…*De même que l’homme et le monde ne surgissent pas du néant, de même ils ne retombent pas dans le néant.

Le mourir et la mort ne sont que des étapes et un nouvel avenir vient à leur suite…Là où l’homme atteint l’ultime de sa vie, ce n’est pas le Néant qui l’attend mais…Dieu et auprès duquel les morts sont entre bonnes mains…* Donc s’est précisément parce que Hans Küng est profondément croyant qu’il plaide pour une mort assistée, encadrée, digne et humaine. Il n’est évidemment pas compris par tout le monde.

J’ai apprécié ce livre mais comprenons-nous bien. La question n’est pas de savoir ici si je suis d’accord ou non avec l’auteur. Je n’ai pas lu ce livre comme on lit un éditorial. Mais j’ai trouvé l’argumentaire de Küng sérieux et crédible.

Ce livre m’a permis d’affuter et d’enrichir mon opinion, de découvrir une nouvelle façon de voir les choses, de mettre de l’ordre dans mes idées et de préciser ma pensée sur un sujet qui est, et qui sera toujours complexe. Je dois dire aussi que Küng m’a surpris par son interprétation de la foi que je croyais jusqu’alors en parfaite contradiction avec l’euthanasie et pour son audace à faire face à ce que j’ai toujours appelé l’étroitesse d’esprit des officiers de l’Église.

Il y aura je pense autant d’interprétations de ce livre que de lecteurs, son sujet touchant la conscience de chacun puisqu’il met en perspective l’enjeu du rapport de l’homme avec la mort. Moi je considère ce livre comme un plaidoyer éthique sérieux.

Je n’ai pas senti que l’auteur voulait me *vendre* une idée comme ce fut le cas de plusieurs livres que j’ai lu sur les expériences de mort imminente par exemple. On peut sentir la conviction de l’auteur sans la partager complètement. La liberté est au lecteur qui se voit offrir ici un fort intéressant outil de réflexion.

Hans Küng est un théologien catholique et écrivain né en Suisse en 1928. Après des études en théologie à Rome, il est ordonné prêtre en 1954. Il exerça la prêtrise tout en continuant ses études dans diverses universités européennes, puis il devint professeur de théologie à l’Université de Tübingen en république fédérale d’Allemagne où il fit la connaissance de Joseph Ratzinger, alors futur pape Benoît XVI.

À partir des années 1970, il publie de nombreux ouvrages en poursuivant son enseignement  puis un conflit l’oppose à Rome, plus particulièrement à la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

Il cesse d’enseigner en 1996. Atteint de la maladie de Parkinson, il se dévoue depuis 1993 à la fondation POUR UNE ÉTHIQUE PLANÉTAIRE qui veut développer la coopération entre les religions. Cet engagement lui a valu le PRIX NIWANO de la paix en 2005.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 22 avril 2018

ONDE DE CHOC, le livre de MARILOU ADDISON

*…-je vais avoir besoin de toi bientôt.
-Bien sûr! Tout ce que tu veux! Je te le redis encore
Et encore, je serai là pour toi!
-Tout ce que je veux? Répète-t-il, une lueur étrange
Dans le regard. -…vraiment tout? Tu me le jures?…
-…Tout ce que tu voudras Elliot!
-D’accord…mais pas tout de suite…je dois encore
Réfléchir avant de prendre ma décision.

(Extrait de ONDE DE CHOC, Marilou Addison,
Éditions de Mortagne, 2013, littérature Jeunesse)

ONDE DE CHOC est l’histoire de deux ados : Elliot, 17 ans, plein de vie, audacieux et téméraire et Ralph 16 ans et demi, plus réservé, sensible et timoré. La vie de nos deux héros basculera complètement suite à un accident dramatique qui rend Elliot infirme. Ne pouvant accepter sa situation, Elliot songe à en finir avec la vie, mais il a besoin d’aide. Ralph entendra alors une demande, extrêmement grave qu’aucun être humain normal doté de sensibilité et d’empathie n’a envie de recevoir.  Pour Ralph, le choc est énorme et profond.

Je dirai d’abord que le mot *euthanasie* est un terme générique qui couvre l’euthanasie comme telle, le suicide assisté et l’homicide par compassion.

Cette histoire imaginée par Marilou Addison et écrite pour les ados n’a rien d’innovateur. Toutefois, dans une écriture simple et fluide, elle pose aux adolescents un problème d’une profonde complexité. Je sais bien que l’euthanasie est illégale au Canada mais au-delà de la loi, il y a ici une notion de transcendance qui questionne continuellement notre conscience.

En lisant ONDE DE CHOC, le jeune lecteur se posera inévitablement cette question : *qu’est-ce que je ferais si mon meilleur ami me demandais de l’aider à mourir?*

Dans son livre, Marilou Addison a pris bien soin d’opposer deux natures diamétralement opposées : Elliot, téméraire et plein de vie, Ralph, pusillanime et réfléchi;  ça fait *cliché* mais l’inclusion de détails sur le quotidien de ces jeunes, leur vie amoureuse et leurs relations familiale a ajouté à l’ensemble un très intéressant cachet de sincérité et d’authenticité.

Je pense que Marilou Addison a relevé avec succès un beau défi : celui de traiter avec sensibilité un thème aussi grave et complexe que l’euthanasie, dans une écriture accessible et une évocation assez juste des motivations qui poussent à faire la demande de suicide assisté.

Ce n’est pas à proprement parler un livre génial, mais il a la vertu, voire l’audace de questionner les jeunes et de les faire réfléchir sur un problème qui divise profondément notre société.

Suggestion de lecture :  LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Marilou Addison a grandi à Montréal où elle a évolué dans les milieux du livre entre autres comme libraire et coordonnatrice du prix CÉCILE GAGNON. Elle est mère de trois enfants. Elle adore écrire pour les petits pour qui elle a créé le personnage PISTACHE.

NOTE : ONDE DE CHOC a été publié aux Éditions de Mortagne dans la collection TABOO qui réunit des ouvrages écrits pour les jeunes et traitant de sujets sensibles. Je vous suggère par exemple DERNIÈRE STATION de Linda Corbo qui aborde le suicide sans détour à travers l’histoire d’une adolescente en mal de vivre. Tous les livres de cette collection semblent porteurs d’espoir et de courage.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2014