INDÉSIRABLES, le livre de CHRYSTINE BROUILLET

*Benoît avait levé sa main droite dans les airs,
Joss et Mathieu fondaient sur Pascal et son
cousin, leur arrachaient leurs masques en
poussant des cris de joie féroces. Maxime vit
la terreur déformer le visage de Pascal juste
avant que Mathieu lui enfonce une cagoule
noire sur la tête et la serre à sa gorge.
*
(Extrait : INDÉSIRABLES, Chrystine Brouillet, Les
Éditions de la Courte Échelle, 2003, num. 315pages)

Un homme sans scrupule tente de convaincre une jeune fille de tuer sa femme à sa place. Il avait souvent repensé au tueur qu’il avait engagé pour violer et assassiner Hélène, mais il ne se décidait pas à employer la même méthode pour être libéré de sa femme. Et il ne pourrait peut-être pas engager un tueur professionnel aussi aisément que la première fois et l’abattre après qu’il eut accompli son contrat sans être inquiété. L’adolescente accepte le contrat mais tente à son tour de manipuler un enfant pour qu’il accepte de commettre le meurtre

MANIPULATION MEURTRIÈRE
*Est-ce que tu pourrais nous préparer un
philtre royal? On le boirait ensemble…
Oublie ça. Reprit Betty. On n’en pas
besoin. Tu es le king et je suis ta queen.
On va se venger de tout le monde.

(Extrait : INDÉSIRABLES)

Je n’ai jamais été déçu par Chrystine Brouillet, y compris du temps où elle écrivait pour la jeunesse. Encore une fois, cette québécoise nous livre ce que j’appelle un roman *tricoté serré* : INDÉSIRABLES développe en convergence deux éléments.

D’abord, une enquête minutieuse sur la mort de Mario Breton qui coïncide avec des agissements bizarres du policier Armand Marsolais puis, l’histoire raconte le drame de Pascal, 12 ans, nouveau dans sa classe, petit, un peu chétif, très timide, introverti. Il devient vite la tête de turc de sa classe : intimidé, agressé, insulté, rejeté.

Maintenant, si je mets les deux éléments en convergence, ça nous donne le but de l’histoire que je résume rapidement ici. Marsolais, homme fourbe et sans scrupules veut profiter seul de l’énorme fortune de sa femme et décide de s’en débarrasser mais pas lui-même.

Il tente de convaincre Betty, une ado livrée à elle-même, égocentrique, violente et manipulatrice, de tuer sa femme à sa place. Betty qui veut se venger du petit ami qui l’a laissé tomber manipule à son tour le pauvre Pascal dont l’estime de soi est au plus bas, pour qu’il passe à l’acte et prenne à lui seul la culpabilité du crime.

J’ai été comme rivé à ce roman, inquiet pour Pascal, soucieux de savoir s’il va se sortir d’un fossé aussi profond sans accessoire. On appelle ça *entrer dans un livre*, plonger dans le récit et devenir prisonnier de sa trame.

Comme j’ai pu l’observer dans LE COLLECTIONNEUR, le roman INDÉSIRABLES est d’une extrême minutie, l’intrigue est extrêmement bien ficelée. J’ai bien aimé ma lecture même si l’édition électronique que j’ai utilisée était très mal ventilée. Les chapitres étant déjà assez longs, c’était un peu pénible, mais vue l’addiction développée pour cette histoire, je trouvais ça pardonnable.

Et puis j’ai retrouvé avec plaisir deux personnages sympathiques et attachants qui deviennent récurrents dans l’œuvre de Chrystine Brouillet : Maxime (SOINS INTENSIFS) qui vit maintenant avec Maud pendant la semaine et Grégoire (LE COLLECTIONNEUR) qui est devenu aide-cuisinier dans un prestigieux restaurant. En passant, Maud se fait toujours appeler BISCUIT.

Les deux garçons apportent à l’histoire une belle fraîcheur en plus d’être très utiles, à leur façon. Surtout que c’est Grégoire qui va enclencher sans le savoir le processus de conclusion de l’histoire.

En plus d’être d’une grande densité sur le plan littéraire, INDÉSIRABLES nous parle, nous aborde directement. Il y a un brassage d’émotions parce que le sort de Pascal a occupé mon esprit pendant toute ma lecture. Je me suis senti interpelé sur des problèmes rencontrés partout dans le monde et qui sont difficiles à résoudre parce qu’ils sont occultés, passés sous silence jusqu’à l’éclatement du drame.

Je parle de l’intimidation, du harcèlement, du taxage, de la violence verbale, psychologique et physique dans les écoles et de la manipulation. Tout ce qu’a vécu Pascal finalement, sans que personne n’intervienne. Pascal s’est isolé dans sa souffrance et sa solitude jusqu’à l’éclatement final car Betty est vraiment allée au bout de sa méchanceté.

Mais il n’y a rien de moralisateur ou d’accusateur entre les lignes d’INDÉSIRABLES bien au contraire. J’ai admiré le doigté et la sensibilité de l’auteure quant à la façon d’aborder ces problèmes sociaux criants. Je vous recommande donc INDÉSIRABLE et je dirai en terminant que le livre a une belle valeur pédagogique. On devrait en suggérer ou en imposer la lecture à l’école dès le premier secondaire. Une profonde compréhension du texte serait bénéfique à tout le monde.

Chrystine Brouillet est une auteure et chroniqueuse québécoise née le 15 février 1958 à Loretteville. Elle décroche le prix Robert Cliche dès le tout début de sa carrière avec CHÈRE VOISINE publié en 1982. De 1992 à 2002, elle publie près d’une douzaine de romans pour la jeunesse, surtout à la Courte Échelle. Cette période de sa carrière a été marquée par de nombreux prix prestigieux.

Mais ce qui fait que Chrystine Brouillet est passée au rang des auteurs les plus lus au Québec, tient d’un personnage qu’elle a créé, une femme inspecteur de police, héroïne d’une série policière de 1987 à 2013 : MAUD GRAHAM. La carrière de Chrystine Brouillet est gratifiée d’une prestigieuse reconnaissance littéraire dont l’Ordre de la Pléiade et en 1995, le grand prix littéraire Archambault.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 15 mars 2019