Celle qui brûle

*D’accord, Norman Mailer avait poignardé sa femme avec un canif et William Burroughs avait abattu la sienne, mais c’était une autre époque, n’est-ce pas ? Les gens étaient devenus tellement intolérants, on ne pouvait plus faire ce qu’on voulait en toute impunité. *

Extrait : CELLE QUI BRÛLE, de Paula Hawkins. Édition numérique, Sonatine éditeur, 2021, 1480 KB, 247 pages. Même éditeur pour le support papier, 464 pages. Format audio : Audiolib éditeur, 2021, durée d’écoute 9 heures 19 minutes, narratrice : Cachou Kirsch.

FEU MODÉRÉ

C’est une histoire intéressante quoiqu’un peu tirée par les cheveux. La trame est complexe à cause de l’imposante galerie de personnages et comme c’est un thriller psychologique, les personnages principaux ont été particulièrement bien travaillés. Voyons maintenant un peu ces acteurs.

Un jeune homme, Daniel, est retrouvé mort dans sa péniche. Trois femmes sont dans la mire des policiers pour élucider ce meurtre. Laura, principale suspecte, qui a passé la dernière nuit avec Daniel. Miriam, une femme étrange, proche de Daniel puisqu’elle était sa voisine sur la péniche. Il y a enfin Angela, une alcoolique acariâtre, mère de Daniel.

D’autres personnages s’ajoutent au giron comme Carla, la sœur d’Angela, mariée à un écrivain obsédé par la mort de son fils il y a 15 ans. Enfin, il y a Miriam, une femme énigmatique, empathique, bienveillante qui s’est donné comme un rôle de médiatrice. C’est d’ailleurs pour moi un des personnages les plus fascinants de l’histoire.

Un dernier point important : tous les personnages de cette histoire ont une blessure dans l’âme comme l’écrivain cité plus haut. Les femmes soupçonnées par la police ont toutes vécues une injustice qui a fait basculer leur vie. Une colère couve en elles. Tout ça ne simplifiera pas la tâche de l’inspecteur Barker, appelé gentiment *crâne d’œuf* pour des raisons dont vous devez vous douter. Ajoutons à cela que de son vivant, Daniel était loin d’être sympathique.

L’intrigue a une forte intensité psychologique et est assez bien ficelée. La vengeance est au cœur du récit mais il y a aussi des thèmes secondaires intéressants comme l’écriture et L’auteur. À ce titre Theo Mayerson, l’écrivain encore en deuil de son fils 15 ans après sa mort, est un acteur particulièrement intéressant.

Je dois dire toutefois que la trame est complexe et traîne parfois en longueur, nous entraînant dans le passé puis dans le présent. J’avoues avoir écouté la version audio deux fois pour en saisir tous les éléments et ce n’est pas faute de l’excellente performance narrative de Cachou Kirsch.

L’histoire est bien construite et fort intrigante mais il y a trop de non-dits, pas assez d’émotion. Le *thriller redoutablement addictif promis* dans le quatrième de couverture est un peu fort mais il est vrai qu’il est profondément humain.

Certains personnages m’on fasciné dans cette histoire, le bon crâne d’œuf, malgré son rôle un peu effacé, Théo, l’écrivain qui donne au thème de l’écriture une dimension particulière dans CELLE QUI BRÛLE et surtout la bonne vieille Irène qui semble avoir tout compris.

Malgré sa longueur qui donne au lecteur une forte impression de dilution de l’intrigue, CELLE QUI BRÛLE est une bonne histoire et même un roman fort, suffisamment énigmatique pour retenir votre attention même s’il est susceptible de mettre votre patience à l’épreuve.

Suggestion de lecture : LES PASSAGERS, de John Marrs

L’autrice Paula Hawkins

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 6 juin 2025

ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery

<C’est son fils, si tu allais chercher dans les mains courantes
des services sociaux, tu y trouverais son dossier. Il est à vomir.
Elle lui fait vivre un enfer à ce gamin, depuis toujours. Elle lui
fait payer sa propre déchéance et elle en use et en abuse à
tous les degrés. C’est un bon gosse. Il ne dit rien, il ne fait rien.
D’ailleurs que peut-il faire ?>
(Extrait : ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery, éditions
Ex Aequo, collection Rouge, 2015, édition numérique. 50p.)

Qui tue ces femmes d’un unique coup de poignard en plein cœur ? Bratislava a peur. Un tueur en série sévit près de la tour UFO, le célèbre bâtiment de la capitale slovaque. Les victimes sont des femmes délinquantes. Elles sont tuées d’un coup de poignard dans le cœur, un seul, sans autre forme de violence.
L’inspecteur Théo Fusko est sur la brèche. Malgré l’aide de son énigmatique collègue, Néo, l’enquête piétine. La méthode du binôme ne figure nulle part dans les manuels de Police ; elle intrigue une jeune profileuse, Lydia Kacinova. La jeune femme s’inquiète ; elle y reconnaît les symptômes de pathologie psychiatrique, mais une vérité beaucoup plus dérangeante la guette, une vérité au-delà de l’explicable…

UNE VÉRITÉ AU-DELÀ DU RÉEL
*Théo Fusko est couché sur le dos. Il tremble…
Les spasmes s’accompagnent de gémissements…
Un couteau ensanglanté est à ses côtés, à portée
de main. Il se cabre encore et pousse un cri
effrayant, bascule sur un côté avant de s’effondrer.*
(Extrait)

C’est un roman aussi bref qu’étrange. Pour résumer, un tueur en série poignarde des femmes dans la ville de Bratislava, capitale de la Slovaquie. Le tueur, rusé et habile est difficile à traquer. L’enquête est confiée à l’inspecteur Théo Fusko, un policier étrange qui ne sera pas toujours au bon endroit au bon moment. Dans sa tâche, Théo est aidé par un énigmatique et insaisissable personnage qui vit dans l’ombre et qui donne de précieuses indications à son allié.

Cette alliance intrigue au plus haut point Lydia Kacinova, une profileuse judiciaire venue de Prague pour tenter d’établir le profil psychologique du tueur. Elle croit reconnaître dans le comportement de théo des signes de pathologie psychiatrique. Trouble dissociatif, syndrome de la personnalité multiple? En fouillant, Lydia va s’apercevoir qu’il y a encore pire…encore plus étrange.

Tout au cours de ce récit, j’ai cru verser dans la littérature fantastique alors que la finale en est une de science-fiction qui est plus proche de la réalité qu’on pense. Le récit n’est pas sans me rappeler le film de Jack Gold LA GRANDE MENACE avec Richard Burton, une excellente production qui évoque l’incroyable pouvoir du cerveau humain, et par la bande, la réalité des pouvoirs paranormaux.

Ceux-ci sont poussés à l’extrême dans le film tandis que Thierry, dans son livre, fait preuve d’une certaine retenue, ce qui n’a pas nui du tout au récit. Je ne peux pas en dévoiler plus car cela reviendrait à dévoiler le secret de l’histoire et ici, je crois qu’il vaut la peine d’être préservé même si le thème s’apparente quelque peu à bon nombre d’histoires développées dans la littérature fantastique et qui évoquent en surface les pouvoirs paranormaux. Malgré tout, le récit a une certaine originalité.

Le mystérieux partenaire de Théo s’appelle Néo. Ce dernier s’applique à guider Théo pour l’aider à préciser sa pensée sur le tueur tant recherché : *Il est en colère. Il nous connaît bien : il a découvert la relation très spéciale qui nous unit. Ce lien le met en danger. Il veut le briser. Je ressens beaucoup de haine à ton égard. Il t’en veut mon ami. Bien plus qu’à moi. Mais je ne permettrai pas qu’il te tue.* (Extrait) Ajoutons à ce mystère une atmosphère épaisse, une énigme savamment entretenue et développée, un non-dit bien dosé…c’est efficace.

L’histoire est très intéressante, intrigante, mais l’auteur a développé son idée de façon à créer un roman de la taille d’une nouvelle. Il ne fait qu’une quarantaine de pages. Je l’ai évidemment dévoré en moins d’une heure. J’ai été saisi par une finale surprenante et pourtant, je suis resté sur ma faim. Le thème est sous-développé. J’aurais souhaité que Thiéry développe davantage la psychologie de ses personnages et en dévoile plus sur les motivations du tueur.

J’ai eu l’impression que le récit est issu d’une idée géniale que l’auteur n’avait pas vraiment envie de développer. C’est un peu dommage. Malgré tout, j’ai aimé. C’est une bonne histoire qui mise en fait sur la nature de la connexion entre Néo et Théo. C’est le principal élément qui entretient l’intrigue…maladie mentale ou pouvoir surnaturel? l’œuvre du tueur en série devient plus accessoire on dirait.

Donc en résumé, trop court avec le résultat que le potentiel de l’histoire est sous-développé. Si on prend l’histoire sous l’angle de la nouvelle. C’est efficace et le lecteur y plonge rapidement.

Suggestion de lecture : CUL-DE-SAC, d’Agnès Boucher

L’auteur : Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, dans le pays de Montbéliard. Il commence à écrire en 2009, et publie des nouvelles et des romans. Dans son écriture, l’écrivain aime associer l’humour à la gravité, créer des intrigues solides avec des dénouements étonnants, planter des scènes avec un regard cinématographique.

La psychologie des personnages est la chair de ses pages. Il s’agit de caractères épais, souvent minés par des démons intérieurs. Ils ne sont ni complètement bons ni complètement mauvais. Ils évoluent dans un entre-deux qui nous est proche, une zone trouble que l’auteur considère comme une mine littéraire inépuisable.

Bonne lecture
Claude Lambert
dimanche 7 février 2021