LA TRILOGIE DU MAL, de MAXIME CHATTAM

<Sans faire l’apologie de l’horreur, j’ai tenté d’écrire
ce roman en étant le plus près possible de la
réalité. C’est sans doute cela le plus effrayant. >
Extrait : LA TRILOGIE DU MAL, avant-propos de
Maxime Chattam, Michel Lafon éditeur, 2004. Édition
de papier par Pocket, 1 435 pages.

Le mal est partout. De Portland, Oregon, aux rues enneigées de Manhattan… Le mal est immortel. Quand l’un de ses serviteurs s’éteint, un autre s’éveille déjà… Le mal est insatiable, aveugle et protéiforme. Voilà l’unique certitude de Joshua Brolin, profileur au FBI. Il en porte la marque, les blessures, les stigmates. Il en connaît l’odeur de soufre. Brolin enquête sur une série de meurtres causés par un criminel monstrueux ayant pris la relève du bourreau de Portland. De bibliothèque ésotérique en course-poursuite mortelle, il n’y a pas de répit.

L’Héritage du bourreau
<Par moi l’on va dans la cité dolente,
Par moi l’on va dans le deuil éternel,
Par moi l’on va parmi la gent perdue,
Il n’a été créé avant moi que les choses,
Éternelles, et moi, éternelle je dure.
Vous qui entrez, laissez toute espérance.>
Extrait livre 1

Dans cette œuvre incroyablement noire et violente, le mal est développé dans toutes ces facettes, même les plus effroyables, voire les plus inimaginables. 1 440 pages de mal. Ça fait cliché c’est vrai mais je crois que les lecteurs et lectrices doivent être avertis : l’omniprésence du mal pourrait pousser les âmes sensibles à l’indigestion.

Le mal est présenté comme étant partout, immortel, insatiable, cauchemardesque. Chattam est passé bien au-delà de l’audace des romanciers d’horreur…Pas de place pour les sentiments, la sensiblerie, la pitié, l’empathie. Les tueurs en série sont une des pires malédictions de l’humanité par suite de l’emprisonnement d’un esprit dans un cerveau tordu, pour plusieurs, lié au diable. Avant d’aller plus loin, il convient d’abord de décortiquer la trilogie.

Livre 1 : L’ÂME DU MAL/LE BOURREAU DE PORTLAND : Le bourreau de Portland, qui étouffait et vitriolait ses victimes avant de les découper, est mort. Et pourtant, le carnage continue selon le même modus operandi. L’inspecteur Joshua Brolin, qui avait mis ce monstre hors d’état de nuire, doit aujourd’hui poursuivre son double. Il n’y a pas d’espoir. Le Mal a une grande famille et ses frères sont légion…


Livre 2 : IN TENEBRIS : Près de 70 personnes ont disparu de façon étrange dans les rues de New York, et seule la moitié a été retrouvée, dont Julia qu’on a trouvé scalpée. Annabel O’Donnel, détective à Brooklyn, et Joshua Brolin, spécialiste des tueurs en série devenu détective privé, mènent l’enquête et trouvent un faisceau d’indices les conduisant à croire à une confrérie ou une association de tueurs en série…


Livre 3 : MALÉFICES : Un homme est retrouvé mort le visage horrifié. Des femmes disparaissent la nuit. Des foyers de Portland sont envahis par des araignées aux morsures mortelles. Et s’il y avait un seul être derrière tout ça ? Et pire : S’il n’était pas humain.  Joshua Brolin et Annabel mènent l’enquête et font face à l’impensable : une nouvelle génération de tueur.

ATTENTION ! Cet ouvrage est gore, attractif, immersif et addictif, même si vous avez la peur facile, Il est difficile d’en laisser la lecture. La trilogie ayant près de 1 500 pages, vous n’avez guère le choix. La plume de Chattam est directe et froide. Il n’envoie pas dire ce qu’il a à dire. C’est cru et ça met en scène des meurtres d’une inimaginable sauvagerie. Le mal et la morbidité suintent dans chaque page. C’est bien imaginé, bien écrit avec l’idée d’une épouvante pratiquement continue, maintenant une pression constante sur le lecteur et la lectrice.

 

Les trois histoires détaillent sans détour la psychologie des tueurs en série, la mécanique de leur cerveau, leur schéma de pensée, le tout par le biais d’un policier à l’imagination sans borne, Joshua Brolin, spécialiste du profilage, formé au FBI. Le mal, ça le connait et il amènera le lecteur et la lectrice à découvrir qu’il n’y a pas de limite dans l’exercice du mal par un esprit détraqué.

Prenons l’exemple du troisième livre. C’est lui qui m’a le plus ébranlé pour la simple raison que j’ai horreur des araignées et que c’est elles qui sont en grande partie exécutantes. Comme si j’étais hypnotisé, j’ai tout lu…il fallait que je sache le fin mot de l’histoire. Maintenant, supposons qu’après des meurtres d’une inimaginable sordidité, une personne que l’auteur appelle la chose et dont le plan est d’élever en quantité industrielle les araignées les plus mortelles avec comme objectif ultime de les lâcher dans Portland pour y semer le chaos et tuer le plus de monde possible.

Imaginez ces bêtes à huit pattes s’immiscer dans votre voiture, vos chaussures, votre sac d’épicerie, votre casquette, une fenêtre ouverte et j’en passe…Veuves noires, mygales, attrax australiennes et autres gentilles créatures…j’en ai eu froid dans le dos et j’en ai presqu’oublié un capharnaüm de fausses pistes qui a compliqué et affaibli quelque peu la finale de l’histoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Chattam m’a forcé à affronter ma peur.

Pour résumer, ces trois histoires sont impressionnantes et l’auteur ne se gêne pas pour jouer avec vos nerfs. Le rythme est rapide. La plume est crue et descriptive avec des passages à soulever le cœur.

L’ensemble recèle un certain aspect scientifique à cause de l’étude des araignées par exemple, la pratique du profilage, la psychiatrie criminelle mais surtout, point commun aux trois livres, à cause des mystères et secrets entourant la médecine légale…là non plus pas très appétissant. C’est surtout le réalisme de ces histoires qui étreint le lecteur. D’une façon ou d’une autre, personne ne sort indemne d’une telle lecture. C’est sadique et cruel, mais c’est efficace.

Suggestion de lecture : ÇA, de Stephen King

Né en 1976 en région parisienne, Maxime Chattam s’est très jeune passionné pour les histoires fantastiques, les mystères policiers et l’écriture. En 2001, son premier roman L’Âme du mal est publié. Après s’être imposé comme l’un des maîtres du thriller français, Maxime Chattam s’illustre dans la fantasy avec le même succès. Vendue à près de 600 000 exemplaires, la série Autre-Monde (déjà traduite dans une dizaine de langues) a conquis le public des jeunes adultes.

Deux autres livres de Maxime Chattam ont fait l’objet de commentaires sur ce site. Pour lire mon commentaire sur LE 5e RÈGNE, cliquez ici.
Pour lire mon commentaire sur LA THÉORIE GAÏA, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 16 avril 2023

À l’ombre de la montagne, de KATHLEEN BRASSARD

*-J’ai retrouvé ta maman. Elle va bien. Elle t’attend.
Viens, donne-moi la main, elle est impatiente de te
revoir…Ce n’est pas la perspective de revoir sa
mère qui l’a fait se lever et suivre le croque-mitaine.
C’est la terreur. Personne n’échappe au croque-
mitaine. C’est comme ça. *
(Extrait : À L’OMBRE DE LA MONTAGNE, Kathleen
Brassard, Éditeur: CreateSpace Independent Publishing
 Platform, 2017. Papier 358 pages, numérique, 938 Ko)

Qui a dit que le croque-mitaine, c’est de la foutaise? Dans un futur pas si lointain, Kay Frarma, analyste comportementale dans un bureau régional de la police d’une ville moyenne, s’ennuie à mourir à brosser le portrait psychologique de petits malfrats sans envergure. Elle ne se doute pas que bientôt, sa vie va basculer d’une effroyable manière. Elle devient la cible d’un tueur en série qui parsème les lieux qu’elle fréquente de bouts de cadavres non identifiables. Dans quel but? Est-ce que le Tueur tente de lui passer un message ou ses actes cachent-ils d’autres agissements encore plus macabres? 

Croque-mitaine du futur
*Le corps de Marco Delano a été retrouvé
dans les bois près de l’établissement au
fond d’un parking peu fréquenté. Démembré. *
(Extrait)

Voici l’histoire de Kay Frarma, une profileuse judiciaire qui exerce son métier dans une ville où il ne se passe à peu près jamais rien. Difficile de se faire un nom comme analyste comportementale quand on n’a à se mettre sous la dent que des petites affaires qui envoient aux travaux communautaires des petits délinquants sans envergure. Kay ne rêve que d’une chose : une vraie enquête sur un crime grave, une enquête qui la mettra à l’avant-scène.

Sa chance se présente quand, lors de son jogging quotidien sur la montagne, Kay découvre un bras. Voilà qui devrait mobiliser toute la brigade et Kay en particulier car quelques jours après la macabre découverte, notre profileuse reçoit une lettre dans laquelle l’assassin, qui la vise personnellement, déclare qu’il n’en restera pas là. Kay entreprend une recherche pour essayer de comprendre qui peut lui en vouloir à ce point.

Débute alors un jeu complexe du chat et de la souris. Avec la découverte d’autres parties de l’anatomie humaine et d’éléments qui visent directement Kay, notre profileuse découvre avec horreur qu’elle a affaire à un mégalomane tordu, décérébré qui côtoie tout le monde dans une ville où tout le monde connait tout le monde et ce sous l’apparence de la banale normalité.

Et ce n’est rien en comparaison de ce qui attend Kay en finale. Ce psychopathe se livre à une des plus basses activités criminelles qui soit. Je vous laisse évidemment découvrir de quelle saloperie il s’agit. Mais je peux vous dire que si Kay s’ennuyait et rêvait d’une affaire digne du titre, elle sera servie jusqu’à s’en dégoûter :

*Malgré mes longues années d’étude, les analyses comportementales de centaines de délinquants, des milliers d’heures de lecture sur le sujet, jamais je n’aurais cru me retrouver un jour dans une situation aussi…comment dire…* (extrait)

J’ai été agréablement surpris par la qualité du texte, de l’intrigue, de l’écriture car À L’OMBRE DE LA MONTAGNE est le tout premier roman de la québécoise Kathleen Brassard. Pour un départ de carrière littéraire à 49 ans, c’est à mon avis, fulgurant. Notez que le sujet n’est pas d’une grande originalité…un policier qui s’ennuie parce qu’il ne se passe rien et qui subitement s’accroche les pieds dans les traces d’un inimaginable monstre. C’est banal.

C’est bien le seul petit point négatif que je peux apporter et il est facilement surmontable avec tout ce qu’offre l’histoire en imagination, énigme, mystère et aussi et surtout pour le défi aux lecteurs qu’elle représente. En effet, plus les lecteurs/lectrices découvrent plein d’éléments clés leur permettant d’anticiper sur l’identification du (de la)  ou des coupables.

Ajoutons à cela le mystère qui s’épaissit et pourtant, la galerie de personnages est passablement restreinte, on en a vite fait le tour. Kathleen Brassard réussit cet exploit avec un naturel qui m’a mystifié. Ce livre est devenu un véritable tourne page…très difficile d’en arrêter la lecture. Le roman est bien construit et son rythme est relativement élevé.

En terminant, un mot sur les personnages. Ils sont bien travaillés. Kay en particulier. Elle est intelligente, volontaire et forte. Je ne peux pas vraiment dire que j’ai trouvé les personnages attachants sauf peut-être Julius, un jeune albinos, personnage central de cette histoire et suspect potentiel.

Peu importe ce qu’on lui reproche dans cette histoire, il a attiré ma sympathie en cours de lecture et quant à ses relations avec Kay, j’ai trouvé l’écriture aussi efficace que mystifiante. En fin de compte je crois que madame Brassard a lancé sa carrière littéraire sur une base solide.

Aussi, je vous recommande sans hésiter la lecture de cet excellent thriller policier : À LOMBRE DE LA MONTAGNE. Vous serez peut-être aussi tenté de lire son deuxième roman IVRE DE TOI.

Suggestion de lecture : LE BALLET DES OMBRES, de Marika Gallman

Écrivaine, bibliothécaire et traductrice, Kathleen Brassard est née à Québec en 1966. À 49 ans, elle écrit son premier vrai roman, À L’OMBRE DE LA MONTAGNE. Un deuxième suit…IVRE DE TOI.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 23 janvier 2022

ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery

<C’est son fils, si tu allais chercher dans les mains courantes
des services sociaux, tu y trouverais son dossier. Il est à vomir.
Elle lui fait vivre un enfer à ce gamin, depuis toujours. Elle lui
fait payer sa propre déchéance et elle en use et en abuse à
tous les degrés. C’est un bon gosse. Il ne dit rien, il ne fait rien.
D’ailleurs que peut-il faire ?>
(Extrait : ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery, éditions
Ex Aequo, collection Rouge, 2015, édition numérique. 50p.)

Qui tue ces femmes d’un unique coup de poignard en plein cœur ? Bratislava a peur. Un tueur en série sévit près de la tour UFO, le célèbre bâtiment de la capitale slovaque. Les victimes sont des femmes délinquantes. Elles sont tuées d’un coup de poignard dans le cœur, un seul, sans autre forme de violence.
L’inspecteur Théo Fusko est sur la brèche. Malgré l’aide de son énigmatique collègue, Néo, l’enquête piétine. La méthode du binôme ne figure nulle part dans les manuels de Police ; elle intrigue une jeune profileuse, Lydia Kacinova. La jeune femme s’inquiète ; elle y reconnaît les symptômes de pathologie psychiatrique, mais une vérité beaucoup plus dérangeante la guette, une vérité au-delà de l’explicable…

UNE VÉRITÉ AU-DELÀ DU RÉEL
*Théo Fusko est couché sur le dos. Il tremble…
Les spasmes s’accompagnent de gémissements…
Un couteau ensanglanté est à ses côtés, à portée
de main. Il se cabre encore et pousse un cri
effrayant, bascule sur un côté avant de s’effondrer.*
(Extrait)

C’est un roman aussi bref qu’étrange. Pour résumer, un tueur en série poignarde des femmes dans la ville de Bratislava, capitale de la Slovaquie. Le tueur, rusé et habile est difficile à traquer. L’enquête est confiée à l’inspecteur Théo Fusko, un policier étrange qui ne sera pas toujours au bon endroit au bon moment. Dans sa tâche, Théo est aidé par un énigmatique et insaisissable personnage qui vit dans l’ombre et qui donne de précieuses indications à son allié.

Cette alliance intrigue au plus haut point Lydia Kacinova, une profileuse judiciaire venue de Prague pour tenter d’établir le profil psychologique du tueur. Elle croit reconnaître dans le comportement de théo des signes de pathologie psychiatrique. Trouble dissociatif, syndrome de la personnalité multiple? En fouillant, Lydia va s’apercevoir qu’il y a encore pire…encore plus étrange.

Tout au cours de ce récit, j’ai cru verser dans la littérature fantastique alors que la finale en est une de science-fiction qui est plus proche de la réalité qu’on pense. Le récit n’est pas sans me rappeler le film de Jack Gold LA GRANDE MENACE avec Richard Burton, une excellente production qui évoque l’incroyable pouvoir du cerveau humain, et par la bande, la réalité des pouvoirs paranormaux.

Ceux-ci sont poussés à l’extrême dans le film tandis que Thierry, dans son livre, fait preuve d’une certaine retenue, ce qui n’a pas nui du tout au récit. Je ne peux pas en dévoiler plus car cela reviendrait à dévoiler le secret de l’histoire et ici, je crois qu’il vaut la peine d’être préservé même si le thème s’apparente quelque peu à bon nombre d’histoires développées dans la littérature fantastique et qui évoquent en surface les pouvoirs paranormaux. Malgré tout, le récit a une certaine originalité.

Le mystérieux partenaire de Théo s’appelle Néo. Ce dernier s’applique à guider Théo pour l’aider à préciser sa pensée sur le tueur tant recherché : *Il est en colère. Il nous connaît bien : il a découvert la relation très spéciale qui nous unit. Ce lien le met en danger. Il veut le briser. Je ressens beaucoup de haine à ton égard. Il t’en veut mon ami. Bien plus qu’à moi. Mais je ne permettrai pas qu’il te tue.* (Extrait) Ajoutons à ce mystère une atmosphère épaisse, une énigme savamment entretenue et développée, un non-dit bien dosé…c’est efficace.

L’histoire est très intéressante, intrigante, mais l’auteur a développé son idée de façon à créer un roman de la taille d’une nouvelle. Il ne fait qu’une quarantaine de pages. Je l’ai évidemment dévoré en moins d’une heure. J’ai été saisi par une finale surprenante et pourtant, je suis resté sur ma faim. Le thème est sous-développé. J’aurais souhaité que Thiéry développe davantage la psychologie de ses personnages et en dévoile plus sur les motivations du tueur.

J’ai eu l’impression que le récit est issu d’une idée géniale que l’auteur n’avait pas vraiment envie de développer. C’est un peu dommage. Malgré tout, j’ai aimé. C’est une bonne histoire qui mise en fait sur la nature de la connexion entre Néo et Théo. C’est le principal élément qui entretient l’intrigue…maladie mentale ou pouvoir surnaturel? l’œuvre du tueur en série devient plus accessoire on dirait.

Donc en résumé, trop court avec le résultat que le potentiel de l’histoire est sous-développé. Si on prend l’histoire sous l’angle de la nouvelle. C’est efficace et le lecteur y plonge rapidement.

Suggestion de lecture : CUL-DE-SAC, d’Agnès Boucher

L’auteur : Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, dans le pays de Montbéliard. Il commence à écrire en 2009, et publie des nouvelles et des romans. Dans son écriture, l’écrivain aime associer l’humour à la gravité, créer des intrigues solides avec des dénouements étonnants, planter des scènes avec un regard cinématographique.

La psychologie des personnages est la chair de ses pages. Il s’agit de caractères épais, souvent minés par des démons intérieurs. Ils ne sont ni complètement bons ni complètement mauvais. Ils évoluent dans un entre-deux qui nous est proche, une zone trouble que l’auteur considère comme une mine littéraire inépuisable.

Bonne lecture
Claude Lambert
dimanche 7 février 2021

LE TRICYCLE ROUGE, livre de VINCENT HAUUY

*-désolé, docteur, mais de mon point de vue,
elle reste tarée, objecta Steve. On ne se lève
pas un matin pour prendre un marteau et
fracasser le crâne de sa meilleure amie dans
son lit sans avoir un pet au casque ! *
(Extrait : LE TRICYCLE ROUGE, Vincent Hauuy, éd.
Hugo et compagnie, livre de poche, 2017, édition de
papier, 500 pages)

Noah Wallace est un homme usé, à l’ombre du brillant profileur qu’il était jusqu’à ce qu’un accident lui enlève sa femme et sa carrière. Mais un appel téléphonique va le contraindre à reprendre du service. Son ami et ex-coéquipier Steve Raymond a besoin de lui. Une carte postale trouvée sur le lieu d’un crime atroce au Canada le ramène à une série de meurtres commis cinq ans plus tôt. Un tueur en série présumé mort, serait de nouveau à l’œuvre. Dans le même temps à New-York, la journaliste Sophie Lavallée enquête sur un reporter disparu dans les années . Et si les deux affaires étaient liées par le même sombre secret ? 

UN TAPE-NERF INCISIF
*Puis Noah se fige. Un frisson glacial lui
parcourt l’échine, ses poils se hérissent.
Quelqu’un va mourir dans cette pièce.
Il le sent*
(Extrait : LE TRICYCLE ROUGE)

C’est un des romans les plus noirs qu’il m’a été donné de lire. Voici l’histoire de Noah Wallace, ancien policier profileur de talent dont la carrière a été brusquement interrompue dans un accident qui a emporté sa femme. Il était impliqué dans la poursuite d’un tueur en série appelé le démon du Vermont. Étrangement, l’accident met fin à une série de meurtres.

Cinq ans après ce tragique évènement. Le profileur à la retraite est rappelé à la rescousse alors qu’apparemment, le démon du Vermont a repris du service. Au cours de l’enquête, Noah va s’enfoncer dans la pénible découverte de la vérité sur son passé trouble qui laisse supposer une implication dans l’œuvre du démon du Vermont.

L’histoire développe deux enquêtes qui évoluent en convergence : celle de Noah et celle de Sophie Lavallée, une journaliste de terrain qui cherche la vérité sur la mystérieuse disparition d’un reporter appelé Trout. Le lien de cette affaire avec le démon du Vermont m’a réellement saisi lorsque je l’ai découvert en cours de lecture.

Beaucoup de chose m’ont fasciné dans ce thriller psychologique. D’abord, la profondeur des personnages. Noah en particulier. Il ressent les choses, voit par le ressenti des évènements qui se sont déjà dérulés. L’attachant personnage mettra son cancer du cerveau au service de la vérité. Lorsqu’il la découvrira, il en sera fortement ébranlé. Il y a aussi l’atmosphère qui se dégage du roman : ténébreuse, opaque qui provoque en lui une forte soif de réponses.

Je pense aussi à cette vérité que découvrira Noah. En effet, l’enquête de Noah l’amènera dans un bâtiment qui abritait une école pour enfants surdoués. La vérité se cachait en fait dans les sous-sols du bâtiment. C’est la partie la plus glauque du récit où s’imbriquent des prêtres, des services secrets incluant la puissante CIA, des militaires et surtout des enfants à qui on fera subir des traitements inimaginables visant à en faire des machines à tuer.

C’est une histoire très complexe dans laquelle une grande quantité d’éléments s’entremêlent, s’enchaînent ou s’imbriquent à la manière d’un casse-tête. À la fin, quand chaque élément prend sa place, j’ai eu l’impression comme lecteur d’être pris dans une toile d’araignée. La principale faiblesse du roman est précisément le tricycle rouge.

Au début de l’histoire, le petit tricycle rouge et l’enfant qui le conduit seront frappés de plein fouet par la voiture de Rebecca Law qui en fera une obsession : *Et alors que les voisins sortent un à un des maisons et que Rébecca continue de hurler, ils voient tous le tricycle rouge, la flaque de sang qui s’écoule…et le petit garçon nu étendu sur l’asphalte. * (Extrait)

On sait qu’au moment où l’enfant sur son tricycle rouge est frappé, la vie de plusieurs personnages vient de basculer et ne sera plus jamais la même. L’auteur a maintenu très faiblement à mon avis le lien entre le récit et le tricycle rouge. L’histoire commence par un tricycle rouge et se termine par un tricycle rouge. C’est dommage car c’est  *l’agent propulseur du récit* et faire intervenir un tricycle rouge à la fin était un peu facile.

Heureusement, le récit est percutant et efficace de par son style. Je ne suis pas vraiment surpris que ce livre ait décroché le prix MICHEL BUSI du meilleur thriller français en 2017…un thriller ayant comme toile de fond géographique le Québec et le Nord-est des États-Unis où le cauchemar débute. Le ton est donné dès le départ : sinistre, acide…

Je vous recommande LE TRICYCLE ROUGE. C’est un livre fort. Pour le premier livre d’une carrière qui s’annonce prometteuse, Vincent Hauuy frappe fort. La barrière est élevée.

Suggestion de lecture : LA COUPURE, de Fiona Barton

Né à Nancy en 1975, Vincent a su lire dès l’âge de cinq ans en regardant le célèbre jeu télévisé français *des chiffres et des lettres*. Sa mère, férue de livres en tous genres lui offre BILBO LE HOBBIT à 7 ans. Il le dévore et c’est l’étincelle qui enflamme l’imaginaire. Depuis lors, il ne cessera jamais d’inventer des histoires. À 10 ans, il «emprunte» le nouveau Stephen King de sa mère :SIMETIÈRE. Fan incontesté de Stephen King, Tolkien et George R.R. Martin, Vincent construit un monde fictif fait de paranormal, de sang et de complexité qui donnent à ses romans des intrigues très riches.  (Site de Vincent Huuy : cliquez ici.)

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 24 septembre 2020

LIEUTENANT EVE DALLAS, de NORA ROBERTS

-Démence du crime
-Préméditation du crime
*Une mise en garde…-De quel genre ? aboya Eve .
Enfermez-vous chez vous? Fuyez la ville ?… ne sortez
plus faire vos courses au cas où le magasin où vous vous
rendrez soit visé ? Semer la panique, voilà l’objectif
de ces ordures.*
(Extrait : DÉMENCE DU CRIME, Nora Roberts, t.f. Éditions
J’ai lu, 2014, édition de papier, 800 pages en co-publication
avec PRÉMÉDITATION DU CRIME)

Dans un bar chic de Manhattan, une folie contagieuse fait une véritable boucherie : 83 morts. Eve Dallas interroge les rescapés, terrorisés, qui lui relatent l’apparition d’un monstre et d’abeilles par centaines. Eve traque le moindre indice pour trouver le coupable jusqu’à déterrer des souvenirs qu’elle croyait enfouis pour toujours. Après cette affaire, Dallas n’aura guère le temps de reprendre ses esprits car elle doit élucider la mort d’une comptable appréciée et sans histoire. Quand des dossiers confidentiels de la défunte disparaissent, Ève n’a d’autres choix que de s’immiscer dans le monde impitoyable des affaires…

AVANT-PROPOS :
le lieutenant de police Eve Dallas consacre sa vie à traquer des criminels. Dans son métier, pas de place pour les sentiments. Alors, les cauchemars qui hantent ses nuits, elle les oublie…elle essaie…comme son passé, un passé pas simple…un passé qui, forcément va s’amalgamer avec plusieurs de ses enquêtes, c’est inévitable.

Nora Roberts a publié cinquante-cinq titres dans la série LIEUTENANT EVE DALLAS, en grande partie sous le pseudonyme J.D. Robb. Chaque titre de la série comprend le mot CRIME : AU BÉNÉFICE DU CRIME (#3), LA LOI DU CRIME (#11), HANTÉ PAR LE CRIME (#22), CONFUSION DU CRIME (#42), etc


DES ANGLES DU CRIME

*Tout s’est passé si vite. Ce salaud avait une façon de bouger-
rapide, agile. Il a soulevé le gamin d’une main, cogné le père
du coude gauche, pivoté sur lui-même et lancé. Ce type a joué
au football… Il est fort. Le gosse devait peser une dizaine de
kilos.*
(Extrait : #36 PRÉMÉDITATION DU CRIME)

Je n’ai lu que deux livres de la série LIEUTENANT ÈVE DALLAS, laquelle série compte 55 tomes qui peuvent se lire indépendamment. Je ne peux donc pas dire si DALLAS a évolué au cours des années. Je peux cependant affirmer que le personnage est bien campé : Dallas est très intelligente, intuitive, minutieuse, curieuse, un peu froide, agressive, tenace.

J’ai eu de la difficulté à m’attacher au personnage, peut-être à cause de son côté un peu roublard, imbu, peut-être aussi à cause de sa précision militaire et son petit côté parfait. Bref, elle m’énerve. Mais le cadre dans lequel elle a été installée est très intéressant à cause de l’histoire qui est à saveur de terrorisme, donc très ajustée avec l’actualité.

Au tout début du récit, Roberts frappe fort. Dans un grand restaurant, une folie contagieuse éclate subitement. D’abord une hallucination collective puis une paranoïa généralisée amène tout le monde à s’entretuer avec une violence innommable.

Résultat de cette incroyable boucherie : 83 morts et des blessés. L’auteure m’a accroché immédiatement à cause de l’intrigue et à cause du mobile qui est mis en lumière à la petite cuillère jusqu’à la fin qui m’a coupé le souffle.

Les possibilités sont nombreuses, le ou les tueurs sans pitié : *Qui a pu commettre un acte pareil?…Peut-être ciblait-il une ou plusieurs victimes en particulier, mais provoquer un tel massacre dans un bar en quelques minutes, Ça l’a forcément excité. Êtes-vous d’accord docteur Mira? Absolument. Tuer des gens si vite et de surcroit les manipuler comme des marionnettes. Probablement sans se salir les mains…* (Extrait)

Ce n’est pas du tout le lieutenant Dallas qui m’a fasciné dans ce récit, mais bien l’intensité dramatique de l’histoire qui amène le lecteur de rebondissement en revirement jusqu’à une seconde hécatombe qui fera une cinquantaine de morts. Comment décrire un tel meurtrier ? *Notre tueur jongle avec la colère, la cruauté, un mépris total à l’égard de l’humanité- et plus encore à l’égard de ceux qu’il côtoie chaque jour.* (Extrait)

Ce qui m’amène à vous parler d’un autre aspect du récit qui m’a fasciné : l’omniprésence du profilage. En criminologie, le profileur établit le profil psychologique d’un individu recherché en fonction des indices recueillis par les services d’enquête. C’est la première fois que je lis un roman policier dans lequel est développé et expliqué le profilage psychologique prévisionnel. J’ai donc appris quelque chose qui m’a accroché.

Maintenant, pour le tome 36, PRÉMÉDITATION DU CRIME, il est assez bien fait mais beaucoup moins intense et dramatique que dans le tome précédent. L’action se déroule dans le monde des affaires, des sociétés qui s’imbriquent les une dans les autres avec leurs clientèles…et quand des audits sont réclamés, beaucoup de financiers sont pris par surprise parce qu’ils ont beaucoup à cacher…et puis un meurtre en appelle un autre.

On s’y perd un peu tellement ce monde est tentaculaire et impitoyable. Ça donne tout de même une enquête tricotée serrée avec un lieutenant Dallas toujours aussi opiniâtre et directif. Un point en commun avec l’épisode précédent : La vie de Dallas : boulot pour 90%, du sexe pour le reste avec Connors, l’amant parfait qui gagne à être connu.

En conclusion, sans être emballé, j’ai trouvé ces deux lectures intéressantes. Je ne serais pas surpris que DÉMENCE DU CRIME soit un épisode très à part dans le monde du lieutenant Dallas. Je ne serais pas plus surpris si le fait de se lancer dans la lecture des 55 épisodes deviennent singulièrement ennuyant. Toutefois, DÉMENCE DU CRIME vaut bien qu’on s’y arrête.

Suggestion de lecture : NÉBULOSITÉ CROISSANTE EN FIN DE JOURNÉE, de Jacques Côté

voir la liste complète des tomes ici

Nora Roberts (de son vrai nom Eleanor Marie Robertson) est une romancière américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers psychologiques, née en 1950 dans le Maryland. Elle commence à écrire pendant une tempête de neige en février 1979 et son premier roman L’INVITÉE IRLANDAISE est publié en 1981. Nora Roberts est une auteure particulièrement prolifique. Près d’une dizaine de nouveaux romans sortent chaque année. Elle a vendu plus de 100 millions de livres et est traduite en plus de 25 langues.

QUELQUES ÉPISODES DE *LIEUTENANT ÈVE DALLAS*

           

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 4 avril 2020