LE MYSTÈRE DES JONQUILLES d’Edgar Wallace

*<Je parle à un homme dont la vie toute entière est un
reproche à son titre d’homme !… un homme qui n’est
sincère en rien, qui vit de l’intelligence et de la
réputation de son père ; de l’argent gagné par le dur
labeur d’hommes qui valent mieux que lui.>*
(Extrait : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, Edgar Wallace.
Format numérique, 1439 kb, papier : 294 pages. Ebooks 2016)

Après quelques minutes de conférence, Jack Tarling, le détective fraîchement arrivé de Shanghai avec son second Ling Chu, se rend compte que l’enquête que lui propose le milliardaire Thornton Lyne ne consiste qu’à piéger Odette Rider, l’employée qui a refusé les avances de son patron. Il refuse et pense n’entendre plus parler de cette affaire. Mais deux jours plus tard, le cadavre de Lyne est retrouvé dans Hyde Park, recouvert de jonquilles, avec un billet en chinois dans sa poche évoquant un châtiment. Vu ses compétences, Scotland Yard charge Tarling de résoudre ce « Mystère des jonquilles ».

On découvre très vite que des liens existent avec Odette Rider… Est-elle l’assassin ? Quel rapport y a-t-il avec la danseuse que Lyne avait molestée lors de son dernier séjour à Shanghai ? Ou faut-il soupçonner l’obséquieux Milburgh, le second de Lyne qui puisait dans la caisse depuis des années ?

Il y a encore Sam Stay, qui adorait Lyne et lui avait promis à sa sortie de prison de punir Odette : quelle vengeance va-t-il exercer sur la jeune fille à laquelle Tarling s’intéresse plus qu’il ne le voudrait ?

Des fleurs pour un cadavre
*Réveillez les femmes qui sont dans la maison,
dit Tarling à voix basse,
Mme Rider a été assassinée. *
(Extrait)

Voici une histoire simple avec un fil conducteur rectiligne : Thornton Lyne, richissime, s’amourache d’une jolie fille qui travaille chez lui. Il est habitué à ce qu’on cède à tous ses caprices. La jeune fille repousse ses avances et son humiliation lui fait immédiatement concevoir pour elle une haine féroce. Lyne était un menteur accompli. On le retrouve bientôt assassiné, le cadavre couvert de jonquilles.

Avec LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, on voit du premier coup d’œil l’évolution qui s’est opérée avec le temps dans la littérature policière. Publié à l’origine en 1931, ce livre a eu suffisamment de succès pour être réédité quelques fois.

On a ici un format fidèle au style littéraire policier du début du XXe siècle : dépouillé, un peu naïf, avec une galerie de personnages très restreinte, presqu’un vase clos. L’ensemble est peu crédible…l’inspecteur Tarling qui tombe amoureux d’Odette Rider, soupçonnée de meurtre. Ce même Tarling qui, apprend-on au milieu du texte est le seul héritier de celui qui a été tué, le milliardaire Thornton Lyne.

Subitement, monsieur Tarling est devenu un lointain parent de monsieur Lyne. C’est un peu facile. Et puis le bon serviteur Ling Chu qui parle subitement anglais. Aussi, certains détails du récit n’ont jamais été éclaircis comme ceux entourant le meurtre de la mère d’Odette Rider. Quant aux jonquilles, elles sont évoquées dans la première partie parce qu’elles recouvrent le cadavre de Lyne mais elles sont accessoires.

Il n’y a que six personnages actifs dans ce roman : Thornton Lyne, et encore, il est assassiné dans le premier cinquième du livre, l’inspecteur Tarling, frais arrivé de Chine, l’inspecteur Whiteside de Scotland Yard, Ling Chu, serviteur de Tarling et fin limier, Milburg, qui gère les magasins de Lyne et Odette Ryder *pâle fantôme qui passait et repassait dans cette tragédie sans en faire vraiment partie…* (Extrait)

Ryder a eu l’audace de refuser les avances de monsieur Lyne et Sam Stay, un tordu qui adule Thornton Lyne.  Un petit complot ourdi par Lyne pour se venger se retourne contre lui. Ce ne fut pas compliqué pour moi de deviner qui est le coupable. Même si le mystère s’épaissit quelque peu au milieu du récit.

L’histoire demeure dépouillée et prévisible. J’ai été un peu déçu, me rappelant que cette époque a quand même produit d’excellents écrivains comme Arthur Conan Doyle qui publiait LE CHIEN DES BASKERVILLE, 40 ans avant le mystère des Jonquilles. Pourtant, le style littéraire était fidèle à l’époque mais le sens de l’intrigue et du mystère de Conan Doyle était infiniment supérieur.

J’ai lu un article publié après la sortie de l’adaptation cinématographique sortie en 2014 qui dit que le film redresse certains torts du livre. C’est donc à essayer. Sur le plan littéraire, j’aurai plutôt tendance à me rabattre vers des valeurs plus sûres comme Émile Gaboriau, Gaston Leroux, Agatha Christie ou ce bon vieil Arthur Conan Doyle.

Suggestion de lecture : CYANURE, de Camilla Läckberg

Edgar Wallace, intégralement Richard Horatio Edgar Wallace (1875 – 1932)  était romancier, dramaturge et journaliste britannique. Il a pratiquement inventé le moderne «thriller»; ses œuvres ont des intrigues complexes mais clairement développées et sont connues pour leurs climats passionnants.

Sa production littéraire – 175 livres, 15 pièces de théâtre et d’innombrables articles et esquisses de critiques – était prodigieuse ainsi que sa cadence de production. Ses œuvres incluent Sanders of the River (1911), The Crimson Circle (1922), et The Terror (1930). Son dernier travail était en partie le scénario de King Kong, qui a été achevé peu de temps avant sa mort.  (Encyclopaedia Britannica)

 

Le mystère des jonquilles
au cinéma

LE MYSTÈRE DES JONQUILLES est un film français réalisé par Jean-Pierre Mocky et sorti en 2014. Le réalisateur fait partie de la distribution et joue le rôle de Tarling. On retrouve aussi Gérard Bohringer, Denis Lavant et Isabelle Nanty.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 26 février 2022

 

À l’ombre de la montagne, de KATHLEEN BRASSARD

*-J’ai retrouvé ta maman. Elle va bien. Elle t’attend.
Viens, donne-moi la main, elle est impatiente de te
revoir…Ce n’est pas la perspective de revoir sa
mère qui l’a fait se lever et suivre le croque-mitaine.
C’est la terreur. Personne n’échappe au croque-
mitaine. C’est comme ça. *
(Extrait : À L’OMBRE DE LA MONTAGNE, Kathleen
Brassard, Éditeur: CreateSpace Independent Publishing
 Platform, 2017. Papier 358 pages, numérique, 938 Ko)

Qui a dit que le croque-mitaine, c’est de la foutaise? Dans un futur pas si lointain, Kay Frarma, analyste comportementale dans un bureau régional de la police d’une ville moyenne, s’ennuie à mourir à brosser le portrait psychologique de petits malfrats sans envergure. Elle ne se doute pas que bientôt, sa vie va basculer d’une effroyable manière. Elle devient la cible d’un tueur en série qui parsème les lieux qu’elle fréquente de bouts de cadavres non identifiables. Dans quel but? Est-ce que le Tueur tente de lui passer un message ou ses actes cachent-ils d’autres agissements encore plus macabres? 

Croque-mitaine du futur
*Le corps de Marco Delano a été retrouvé
dans les bois près de l’établissement au
fond d’un parking peu fréquenté. Démembré. *
(Extrait)

Voici l’histoire de Kay Frarma, une profileuse judiciaire qui exerce son métier dans une ville où il ne se passe à peu près jamais rien. Difficile de se faire un nom comme analyste comportementale quand on n’a à se mettre sous la dent que des petites affaires qui envoient aux travaux communautaires des petits délinquants sans envergure. Kay ne rêve que d’une chose : une vraie enquête sur un crime grave, une enquête qui la mettra à l’avant-scène.

Sa chance se présente quand, lors de son jogging quotidien sur la montagne, Kay découvre un bras. Voilà qui devrait mobiliser toute la brigade et Kay en particulier car quelques jours après la macabre découverte, notre profileuse reçoit une lettre dans laquelle l’assassin, qui la vise personnellement, déclare qu’il n’en restera pas là. Kay entreprend une recherche pour essayer de comprendre qui peut lui en vouloir à ce point.

Débute alors un jeu complexe du chat et de la souris. Avec la découverte d’autres parties de l’anatomie humaine et d’éléments qui visent directement Kay, notre profileuse découvre avec horreur qu’elle a affaire à un mégalomane tordu, décérébré qui côtoie tout le monde dans une ville où tout le monde connait tout le monde et ce sous l’apparence de la banale normalité.

Et ce n’est rien en comparaison de ce qui attend Kay en finale. Ce psychopathe se livre à une des plus basses activités criminelles qui soit. Je vous laisse évidemment découvrir de quelle saloperie il s’agit. Mais je peux vous dire que si Kay s’ennuyait et rêvait d’une affaire digne du titre, elle sera servie jusqu’à s’en dégoûter :

*Malgré mes longues années d’étude, les analyses comportementales de centaines de délinquants, des milliers d’heures de lecture sur le sujet, jamais je n’aurais cru me retrouver un jour dans une situation aussi…comment dire…* (extrait)

J’ai été agréablement surpris par la qualité du texte, de l’intrigue, de l’écriture car À L’OMBRE DE LA MONTAGNE est le tout premier roman de la québécoise Kathleen Brassard. Pour un départ de carrière littéraire à 49 ans, c’est à mon avis, fulgurant. Notez que le sujet n’est pas d’une grande originalité…un policier qui s’ennuie parce qu’il ne se passe rien et qui subitement s’accroche les pieds dans les traces d’un inimaginable monstre. C’est banal.

C’est bien le seul petit point négatif que je peux apporter et il est facilement surmontable avec tout ce qu’offre l’histoire en imagination, énigme, mystère et aussi et surtout pour le défi aux lecteurs qu’elle représente. En effet, plus les lecteurs/lectrices découvrent plein d’éléments clés leur permettant d’anticiper sur l’identification du (de la)  ou des coupables.

Ajoutons à cela le mystère qui s’épaissit et pourtant, la galerie de personnages est passablement restreinte, on en a vite fait le tour. Kathleen Brassard réussit cet exploit avec un naturel qui m’a mystifié. Ce livre est devenu un véritable tourne page…très difficile d’en arrêter la lecture. Le roman est bien construit et son rythme est relativement élevé.

En terminant, un mot sur les personnages. Ils sont bien travaillés. Kay en particulier. Elle est intelligente, volontaire et forte. Je ne peux pas vraiment dire que j’ai trouvé les personnages attachants sauf peut-être Julius, un jeune albinos, personnage central de cette histoire et suspect potentiel.

Peu importe ce qu’on lui reproche dans cette histoire, il a attiré ma sympathie en cours de lecture et quant à ses relations avec Kay, j’ai trouvé l’écriture aussi efficace que mystifiante. En fin de compte je crois que madame Brassard a lancé sa carrière littéraire sur une base solide.

Aussi, je vous recommande sans hésiter la lecture de cet excellent thriller policier : À LOMBRE DE LA MONTAGNE. Vous serez peut-être aussi tenté de lire son deuxième roman IVRE DE TOI.

Suggestion de lecture : LE BALLET DES OMBRES, de Marika Gallman

Écrivaine, bibliothécaire et traductrice, Kathleen Brassard est née à Québec en 1966. À 49 ans, elle écrit son premier vrai roman, À L’OMBRE DE LA MONTAGNE. Un deuxième suit…IVRE DE TOI.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 23 janvier 2022