DANS LE LABYRINTHE

Commentaire sur le livre de
SIGGE EKLUND

Un soir de mai, dans une banlieue cossue de Stockholm, une petite fille disparaît mystérieusement de sa chambre. Après plusieurs jours d’investigations, la police en vient à soupçonner le père, Martin. L’intrigue de ce drame psychologique, tout entière tournée vers la reconstitution de l’instant précis de cette disparition, s’appuie sur une habile succession de flashbacks mettant en quatre personnages : Martin, l’éditeur talentueux accusé d’avoir violenté sa fille ; Tom, son mystérieux collaborateur à la personnalité inquiétante ; Asa, la mère, psychologue autrefois brillante qui s’enfonce dans une profonde dépression ; et Katja, l’infirmière étudiante qui semble cacher un sombre secret. 

*Katja sent son cœur battre encore plus vite. Elle se penche vers lui, aux aguets. En même temps, elle redoute déjà les prochains mots prononcés. Elle ne sait plus si elle veut vraiment entendre un aveu. Dans le lointain retentit la sirène d’une voiture de police. Martin est allongé, immobile sur le lit et fixe l’air vide. Après un long silence il dit : -J’ai fait quelque chose de mal. *
(Extrait : DANS LE LABYRINTHE, Sigge Eklund, Piranha éditeur, 2017, 517 pages en format numérique)

Quatre fois perdu dans une vie

C’est un huis-clos psychologique très dense, un peu glauque. Il n’y a pas beaucoup de personnages mais l’auteur exploite à fond le profil psychologique de chacun ce qui donne l’impression au lecteur de s’enfoncer dans un labyrinthe et rien n’est simple car si le labyrinthe a ici une valeur de symbole, il y en a aussi un vrai dans l’histoire.

Voyons les faits : Une petite fille de onze ans, Magda, disparaît mystérieusement de sa chambre. En plus de la police, quatre proches de la fillette participent aux recherches : Asa, sa mère, une psychologue dépressive, Martin son père, éditeur talentueux, très souvent absent, tom, son ambitieux collaborateur et Katja, l’infirmière scolaire qui a découvert ce que la petite fille cachait farouchement.

Tout au cours du récit, l’auteur pénètre profondément l’esprit de chaque acteur du drame au point que tout laisse à penser que Martin est coupable mais c’est mal connaître les effets d’un labyrinthe. L’auteur imbrique la psychologie de ses personnages dans un dédale d’introspection, d’analyse et de déductions qui permettent très peu au lecteur d’avancer.

Je crois avoir bien saisi l’idée de l’auteur mais j’ai été déçu par son développement. Quand il est question d’enfants dans un récit, ma sensibilité augmente de plusieurs crans or, dans cette histoire d’Eklund, je n’ai pratiquement pas senti, de la part de l’auteur, d’empathie pour Magda, peu ou pas d’émotion chez ses parents et à peu près rien sur la nature de sa disparition…a-t-elle simplement fugué? été Enlevée ? Blessée quelque part ou morte ? 

L’auteur se consacre sur la petite histoire secrète de chaque personnage. Je finirai par connaître le coupable bien sûr…et comme ça arrive souvent, c’est le coupable le plus improbable. Mais au fait, coupable de quoi. Allais-je le savoir dans la finale…? La vérité est que je n’ai jamais vraiment compris le véritable sort de la petite fille. La finale est opaque et ne m’a pas appris grand-chose. Il me manque des réponses. Je suis resté sur mon appétit.

Le livre comporte certaines forces comme l’alternance dans l’étude des personnages. Les sauts temporels que l’auteur n’a pas inutilement compliqués. Il faut quand même être concentré. Le lien avec le labyrinthe est bien exploité et je dois dire que l’écriture est très belle. Ça s’arrête là malheureusement. Je n’ai pu m’attacher à aucun personnage. Je les ai trouvés froids, tourmentés et centrés sur eux-mêmes laissant le lecteur à lui-même pour comprendre ce qui est arrivé à Magda.

J’ai trouvé ce roman noir, opaque, accusant des longueurs et manquant de rythme. L’ensemble est lourd et pas vraiment abouti. C’est la première fois que je suis déçu d’une lecture suédoise mais je m’y replongerai c’est certain.

Suggestion de lecture : L’EAU NOIRE, de Chloé Bourdon

On sait peu de choses sur Sigge Eklund. C’est un auteur suédois né en 1974. Il est scénariste (à ce titre, il a évolué à Los Angeles) producteur, télé, journaliste web et il est aussi un blogueur très suivi. DANS LE LABYRINTHE est son cinquième roman, traduit dans quatorze pays. Au moment d’écrire ces lignes, les autres romans n’étaient pas traduits en français.

Bonne lecture
Claude Lambert

le dimanche 27 octobre 2024

L’ÉGARÉE, le livre de Donato Carrisi

*Au moment où son visage enfantin s’évanouissait devant elle,
Samantha ne décela aucune peur dans ses yeux. Juste un éclair
de surprise. Tandis que le lapin l’entraînait dans son terrier,
Sam n’imagina pas que ce serait la dernière fois qu’elle verrait
son image…avant très longtemps…*
(Extrait : L’ÉGARÉE, Donato
Carrisi, livre 3 de la série LE CHUCHOTEUR, version audio, Audiolib
éditeur, 2019.Durée d’écoute : 8 heures 49 minutes, narrateur :
Antoine Tomé. À l’origine, Calmann-Lévy éditeur, 2018, papier, 28 p.)


Un labyrinthe secret plongé dans l’obscurité. Un bourreau qui y enferme ses proies. Une victime qui parvient à s’en échapper, mais sans le moindre souvenir. Un effroyable combat pour retrouver la mémoire, et une enquête à hauts risques pour traquer celui qui continue à agir dans l’ombre… Le dernier  volet tant attendu du Chuchoteur.

 

Le tueur à tête de lapin
*De l’autre côté de la vitre, dans l’ombre, se tenait un
lapin géant. Qui l’observait, immobile. Samantha   
aurait pu prendre la fuite – une partie d’elle-même
le lui ordonnait, et au pas de course –, mais elle n’en
fit rien. Elle était fascinée, hypnotisée par ce regard qui
émergeait de l’abîme.*
(Extrait)

L’ÉGARÉE est un thriller psychologique de forte intensité, noir et complexe. Quoiqu’audible indépendamment, je considère préférable d’avoir lu ou écouté les deux premiers tomes pour saisir toute la portée de l’histoire et sa mécanique littéraire…une façon de dire que je me suis senti manipulé par l’auteur pour ne pas dire en bon québécois qu’il a joué sur mes nerfs. Dès le départ, il ne faudra pas mettre en doute l’habileté de l’auteur à nous faire frissonner et nous faire égarer dans nos sentiments. Il faut donc rester attentif.

Quinze ans après sa disparition alors qu’elle n’avait que treize ans, une jeune fille, Samantha Andretti est retrouvée sur le bord d’une route, une jambe brisée. Elle venait apparemment de s’échapper du labyrinthe, un endroit sinistre où elle était séquestrée par un psychopathe. La police enquête mais parallèlement, les parents de Samantha engagent un détective privé, Bruno Genko, chargé d’aller au bout de ses affaires, un homme opiniâtre que la médecine a déjà condamné à mort par arrêt spontané du cœur pouvant se produire à tout moment. Genko est un personnage fascinant qui marche vers la mort d’une façon ou d’une autre.

C’est un roman très fort qui garde sous tension pendant toute la durée de la narration. En fait, c’est une des intrigues les plus tordues qu’il m’a été donné de lire ou d’entendre. Suivez spécialement les dialogues entre Samantha et le psychiatre qui la suit, le docteur Green. Vous pourriez réaliser comme moi que tout peut n’être qu’apparence dans ce thriller dont le poids psychologique nous saisit comme un long choc électrique.

*Quand je parle de danger, je veux dire qu’il est capable d’une méchanceté que ni toi ni moi ne pouvons imaginer… Green l’a qualifié de « sadique virtuose ». * (extrait) Les personnages sont particulièrement bien travaillés et le profil psychologique du psychopathe secoue l’auditeur/lecteur tellement il est dérangeant. La corde est sensible en effet parce que les victimes visées sont des enfants et pour ce psychopathe sans âme il est moins important de tuer que de transformer.

Vous pouvez faire tous les pronostics que vous voulez pour trouver qui est le tueur, l’auteur les détournera un par un jusqu’à la grande finale qui m’a laissé pantois et qui démontre que l’auteur du chuchoteur, qui a créé Mila Vasquez est un maître, rien de moins.

C’est une audition ou une lecture qui ébranle à plusieurs égards. Les détournements de situation et les nombreux rebondissements obligent l’auditeur à rester alerte. Il y a aussi de nombreux passages rien de moins qu’hallucinants. Je veux aussi noter au passage, que dans la version audio, Antoine Tomé s’est laissé aller à un chef d’œuvre de narration. Il a fortement contribué à mon addiction avec une maîtrise vocale traductrice de sentiments et d’émotions.

Une performance impeccable. Je crois que ce livre vous fera passer un bon moment. Le fil conducteur est un peu instable. On a l’impression que parfois l’intrigue prend plusieurs directions. Cela se produit souvent dans les thrillers de ce calibre. Mais au risque de vous laisser mener par le bout du nez par un auteur doué, laissez-vous aller…vous aimerez je crois.

Suggestion de lecture : LES LUCIOLES, de David Menon

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le « Monstre de Foligno », un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Le Chuchoteur, son premier roman, est un best-seller international et a remporté de nombreux prix littéraires, dont le Prix SNCF du polar européen et le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2011. La Fille dans le Brouillard a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par l’auteur lui-même avec, entre autres, Jean Reno. Donato Carrisi est l’auteur de thrillers italiens le plus lu au monde. 

Les premiers livres

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 6 mai 2023