*…l’âme errante du baron remarque l’âme errante de l’écrivain. < Touriste ? Demande-t-il ? -Heu…oui en quelque sorte. Je suis décédé ce matin. -Vraiment ? Alors préparez-vous à beaucoup de surprises. *
(Extrait : DEPUIS L’AU-DELÀ, Bernard Werber, éditeur original : Albin Michel, 2017, papier, 448 p. Version audio : Audible, décembre 2017, narratrice : Carine Obin, durée d’écoute : 13 heures 16 minutes)
Je me nomme Gabriel Wells.
Je suis écrivain de romans à suspense. Ma nouvelle enquête est un peu particulière car elle concerne le meurtre de quelqu’un que je connais personnellement : Moi-même.
J’ai été tué dans la nuit et je me demande bien par qui. Pour résoudre cette énigme j’ai eu la chance de rencontrer Lucy Filipini. En tant que médium professionnelle, elle parle tous les jours aux âmes des défunts. Et c’est ensemble, elle dans le monde matériel, moi dans le monde invisible, que nous allons tenter de percer le mystère de ma mort.
Un esprit à la rescousse
*…<j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Vous
préférez que je commence par laquelle ? – La bonne.
répond Gabriel, passablement irrité. – Je vous ai
menti. Vous n’êtes pas malade. -C’est déjà ça. Et la
mauvaise alors ? -La mauvaise, c’est queeee…vous
êtes mort. *
Voici l’histoire de Gabriel Wells, écrivain, petit neveu d’Edmond Wells qui signe l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu imaginé par Werber et qui est récurrente dans son œuvre, des extraits de l’encyclopédie faisant office d’introduction de plusieurs chapitres.
Une nuit, Gabriel se couche, s’endort et ne se réveillera jamais, ou plutôt si, mais dans l’autre monde, devenu âme errante. De chez les vivants, une médium qui vient à sa rencontre, Lucie Filippini, apprend à Wells qu’il est mort. Ce dernier finit par comprendre qu’il a été assassiné, empoisonné. C’est dit. Wells n’aura de paix que lorsqu’il découvrira qui l’a tué.
Débute alors une enquête complexe menée par le plus improbable des duos d’enquêteurs : une vivante qui communique avec les morts aussi aisément qu’avec des amis qui boivent un verre dans un bar, et un mort, fantôme, âme errante qui ira de surprise en surprise jusqu’à ce qu’il découvre que son assassin est le personnage le plus improbable qui soit.
Vous reconnaîtrez aisément la signature de Werber. Si vous avez lu LA TRILOGIE DES FOURMIS, vous vous demanderez peut-être dans quel monde vous avez atterri. L’après-vie imaginé par Werber rappelle une énorme machine administrée par des fonctionnaires. Je souhaitais au moins un brin d’originalité comme dans les THANATONAUTES ou une certaine essence dramatique comme dans le PAPILLON DES ÉTOILES mais j’ai été déçu.
Werber a misé sur la spontanéité allant jusqu’à exploiter l’écriture automatique, ce qui a donné un récit sans style, une histoire abracadabrante, tirée par les cheveux, sans direction, sans matière à réflexion avec peu ou pas d’essence philosophique et une finale fabulée et sans saveur. À la rigueur, c’est délirant, au pire, ennuyant.
L’ouvrage a quand même des points forts. Je pense à son humour…parfois lourd, parfois noir… : *Le monde est ironique. Je suis mort au moment même où j’avais décidé de rester en vie le plus longtemps possible…* (Extrait) parfois de nature à alléger un peu le texte… : *Cela fait partie des petits inconvénients d’être mort, on ne peut pas demander d’autographes aux célébrités qu’on rencontre dans l’au-delà. (Extrait)
Autre élément encore plus intéressant, l’histoire est développée dans l’univers des écrivains et de la littérature. Werber ne se gêne pas pour faire la promotion du livre en disant, par la bouche d’un de ses personnages que TOUTES les littératures sont dignes d’être défendues en partant du principe qu’aucun livre n’est foncièrement mauvais surtout si on applique un juste rapport de forces et de faiblesses. Ce n’est pas pour me déplaire.
Pour terminer, j’ai beaucoup aimé le clin d’œil fait par l’auteur à ces critiques littéraires tout droit sortis de la cuisse de Jupiter, pontifiants et imbus et qui oublient que le public a le dernier mot. Par exemple, les critiques en général ont plutôt levé le nez sur l’œuvre de Werber. Pourtant, Werber est un des auteurs français les plus lus dans le monde.
Il y a une petite odeur de règlement de compte mais quand-même, Bernard Werber continue de s’interroger sur les mystères de la mort et le don de médiumnité mais il le fait dans DEPUIS-L’AU-DELÀ avec une telle légèreté que ça frôle la dérision. Il y a quelques trouvailles, une suite dans les idées mais peu de profondeur et des personnages pas très fouillés. Le livre n’est pas sans qualité mais Werber a montré qu’il pouvait faire beaucoup mieux. Quant à la version audio, j’ai trouvé la narration de Karine Obin, ennuyante et soporifique. Rien pour mettre le récit en valeur.
Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon
Bernard Werber fait ses premières armes dans un journal de Cambrai aux rubriques en tout genre, avant de gagner le prix de la fondation News du meilleur jeune reporter qui lui permet de financer son premier vrai grand reportage. A son retour, il devient journaliste scientifique au Nouvel Observateur où il reste 7 ans. Son enquête sur les magnans va lui inspirer son premier roman, Les Fourmis, qui connaît dès sa sortie en 1991, un succès immédiat. Succès qui ira croissant au fur et à mesure de la parution de ses livres (près d’une vingtaine : romans, nouvelles, pièce de théâtre…). Les livres de Bernard Werber sont traduits dans une trentaine de langues.
Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert