SUPERSTITIONS, Ellison Cooper

*Al ouvrit les photos du corps de Rowena et laisser échapper un discret grognement de dégoût. « C’est une des filles ? – Oui. » Sayer préféra ne pas développer. « Comme vous pouvez le voir, elle a été découverte avec neuf figurines de babouins volées ici, et elle avait en outre une hache moderne dans la main. «Est-ce que ça vous parle ? » Al effleura du doigt le cliché de l’adolescente encerclée de babouins. « Les babouins étaient considérés comme sacrés dans l’Égypte ancienne… » *

Extrait : SUPERSTITIONS, d’Ellison Cooper. Version papier et numérique : Cherche Midi éditeur, 2021, 448 pages. Édition audio : Audible studios éditeur, 2021. Durée d’écoute : 10 heures 7 minutes. Narratrice Camille Lamache.

Washington. Lorsque le corps d’une adolescente est retrouvé dans une mise en scène qui laisse penser à un meurtre rituel, le FBI fait appel à Sayer Altair, experte en religions anciennes. Celle-ci constate que le tueur s’est inspiré pour sa cérémonie macabre d’anciens textes funéraires égyptiens, semblables à ceux recueillis dans Le Livre des morts.

Elle en est persuadée, d’autres meurtres vont suivre. Et elle a raison. S’engage alors une course contre la montre – et contre la mort – pour essayer de comprendre et d’anticiper les mouvements d’un assassin particulièrement retors. 

 

Noir c’est noir

C’est une histoire passionnante tant qu’on lui accorde attention et concentration car elle est par moment difficile à suivre parce que truffée de fausses pistes et de revirements. Voyons le tableau.

Le corps d’une adolescente est découvert dans une mise en scène macabre qui laisse supposer un meurtre rituel. Le FBI met sur l’affaire une experte en religions anciennes, Sayer Altair qui découvre rapidement que le tueur s’est inspiré de très anciens rites funéraires de l’Égypte. Pour Altair, d’autres meurtres vont suivre, beaucoup d’autres et les évènements lui donnent raison.

Le défi de Sayer Altair est d’anticiper les gestes d’un meurtrier sans âme mais particulièrement intelligent.

C’est un roman très noir mais plusieurs éléments contribuent à l’originalité de l’histoire. Le fait par exemple que Sayer soit guidée, d’une certaine façon par un psychopathe non criminel, un sujet d’étude de l’experte, appelé le sujet 037. Ça me semble un cas unique dans la littérature policière ou tout au moins très rare.

Autre élément intéressant. Plusieurs facteurs amènent les enquêteurs à supposer que le tueur est atteint du syndrome de Cotard, une maladie très rare qui rassemble des idées délirantes de négation de soi, ainsi qu’un délire de damnation et d’immortalité. Autrement dit, le tueur se croit mort et doit cheminer selon un rite précis qui l’oblige à tuer. Ça ne règle pas tout mais ça enrichit l’intrigue.


Il y a dans l’histoire plusieurs passages savants qui développent la mythologie égyptienne. Toutefois je n’ai pas trouvé ça trop barbant et c’est nécessaire à la compréhension de l’intrigue.

En second ordre, l’auteur déploie un thème qui est beaucoup plus courant dans la littérature. Il s’agit d’un mal qui s’insinue dans toutes les Sociétés et qui cause bien des maux de tête : la corruption. J’ai trouvé cet aspect de l’histoire un peu encombrant…jalousie, guerre de pouvoir, vengeance. Ici, c’est une grosse pointure des hautes sphères policières qui est mise en scène dans cette fiction, un personnage assez détestable appelé Anderson.

J’ai bien aimé. C’est une bonne histoire qui développe des thèmes recherchés en littérature : mythologie, meurtres,  rituels et bien évidemment, les superstitions.

La principale faiblesse du roman est dans ses personnages qui ne sont pas travaillés en  profondeur par l’auteure, ce qui rend leur crédibilité douteuse. Aussi, comme on se retrouve dans le dernier quart du livre avec deux tueurs qui se ressemblent, allez savoir lequel est lequel, c’est un peu confus. Il faut rester concentré sur les motivations du tueur.

J’ai été surpris par la finale…bien pensée. Rythme élevé, plume habile et une curiosité qui m’a tenu en haleine jusqu’à la fin : le sujet 037. À lire.

Suggestion de lecture : NUIT NOIRE, ÉTOILES MORTES, de Stephen King


L’autrice Ellison Cooper

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 23 novembre 2025

 

SI JE SERAIS GRANDE, d’Angélina Delcroix

*Elle me caresse les cheveux et me dit qu’on va réussir.
Réussir quoi ? Je sais pas. Elle quitte ma chambre. Les
cris recommencent dans le jardin d’à côté et s’estompent. *
(Extrait : SI J’ÉTAIS GRANDE, Angélina Delcroix, or. Éditions
Nouvelles Plumes, 2019, version audio : Audible studio éditeur,
2019. Durée d’écoute : 11 heures 50 minutes. Narrateur :
Pascal Chemin)

  1. Deux petites filles disparaissent le même jour, sans laisser de traces. Elles sont voisines, mais n’étaient pas ensemble au moment de leur enlèvement. Eleanor, bientôt six ans, vit dans la crainte de déplaire à ses parents. Est-elle la menteuse que décrit sa mère ?
  2. Des cadavres d’enfants viennent d’être découverts. Mais il y a une survivante. l’adjudante Joy Morel se retrouve à la tête d’une enquête éprouvante qui va l’entraîner aux frontières de l’inimaginable…

LES ÉLITES DE LA HONTE
âmes sensibles s’abstenir
*…Et les pensées qu’elle avait eu en entendant la voix sur le
répondeur… Quelle horreur ! À quel moment s’était-elle
transformée en un monstre d’égoïsme ? Quel malheur nous
autorise à enfermer à double tour empathie, bienveillance et
générosité ? La conséquence en était aujourd’hui mortelle. *

Le récit est ébranlant. J’avais parfois besoin d’arrêter…de respirer et de réfléchir même sur la réalité que met en lumière ce roman noir. Jetons d’abord un bref coup d’œil sur le synopsis : en 2006, deux petites filles disparaissent séparément, même si elles sont voisines. Dix ans plus tard, un charnier est découvert…un charnier d’enfant…au milieu des cadavres, une survivante dont l’esprit est totalement chaviré :

*C’est plus fort que moi. Une force me pousse. Je ne me contrôle plus. Je laboure les bandages comme un chien creuserait pour trouver un os. Au passage, je me griffe la peau autour. Maman crie. Je l’entends, mais de loin. Je suis partie dans mon monde…celui de la souffrance. * (Extrait)

 À la tête de l’enquête, Joy Morel, enceinte de quatre mois et plutôt mal remise de son enquête précédente entraînera son équipe et en général les personnages sains de l’histoire et par la bande les lecteurs-lectrices, auditeurs-auditrices au-delà des frontières de l’imaginable. Mais voilà…qui est sain dans cette histoire et qui ne l’est pas? C’est loin d’être évident.

Même si vous n’êtes que légèrement sensible, attendez-vous à grincer des dents car dans ce roman noir, tout n’est que meurtres rituels et torture d’enfants, haine, cruauté, violence, satanisme, pédophilie, folie. Le récit dévoile une des pires distorsions de l’âme humaine et touche la corde sans doute la plus sensible en littérature et dans la Société en général : les enfants. C’est à la limite du supportable.

Même le titre qui évoque un certain caractère d’innocence camouffle une incroyable terreur. Je n’ai pas eu vraiment de plaisir à écouter cette histoire. L’efficacité de la plume de Delcroix a exacerbé ma curiosité jusqu’à la finale…une finale d’ailleurs qui m’a glacé le sang. C’est bien écrit…trop bien peut-être et c’est d’une crudité parfois refoulée heureusement mais en générale glaciale et dérangeante.

Le tout se rapproche considérablement de l’actualité, la maltraitance des enfants étant une malheureuse réalité. L’auteure vient aussi nous rappeler que souvent, les personnes que l’on croit bien connaître ou qui sont haut placées dans la Société ne sont pas celles qu’on pense. Il y a des penchants qui sont hautement inavouables.

C’est un roman *Coup de poing*, très fort, très noir, immersif et même gore. Son sujet dérange mais pousse à la réflexion et c’est ce que souhaite l’auteure dans une note publiée à la fin de l’ouvrage. Il faut toutefois faire attention…il y a beaucoup de personnages, on s’y perd un peu…

Encore plus dur de savoir qui est bon, qui est mauvais : *Soit, je suis vraiment un être à part, soit ils sont tous tordus. Vu qu’apparemment je suis toute seule à être différente, la réponse est toute trouvée. * (Extrait) Malgré tout, j’ai été éprouvé par le récit, ébranlé à l’idée qu’on applique à des enfants un étau psychologique qui leur donne un horrible choix : Mourir ou devenir eux-mêmes des monstres. Préparez-vous à du *pas facile*.

Suggestion de lecture : GORE STORY, de Gilles Bergal

Angélina Delcroix, psycho praticienne et auteure

À écouter aussi, de la même auteure
le premier volet de la série JOY MOREL

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert

le samedi 16 mars 2024