L’apothicaire

Commentaire sur le livre 
D’HENRI LOEVENBRUCK 

*Malgré le froid et l’heure matinale, les ouvroirs bigarrés des épiciers envahissaient l’allée, avec leurs odeurs mêlées de suif à bougies, de cannelle, de gingembre… et de clou de girofle. L’apothicaire soupira. Ces vulgaires marchands faisaient passer de simples blandices pour de vrais médicaments en les vendant à des prix que seule la mode expliquait, sans les justifier pour autant. *

Extrait : L’APOTHICAIRE, de Henri Loevenbruck. Édition de papier : Jailu éditeur 2013, 800 pages. Format numérique : Flammarion éditeur, 2011, 774 pages, 1517 KB, version audio : Audible studios éditeur, 2017, durée d’écoute : 22 heures 22 minutes. Narrateur : Jean-Christophe Lebert.




Une grosse machination




L’APOTHICAIRE est un roman historique qui pourrait bien être addictif pour de nombreux lecteurs et lectrices à cause des faits historiques qui y sont détaillés, soutenus par une imposante recherche, du caractère intrigant de l’ouvrage et de la qualité de ses personnages.

Nous suivons un énigmatique personnage, Andreas Saint-Loup, appelé l’apothicaire car il est très versé dans les soins du corps par les plantes. Saint-Loup est un peu atypique pour son époque et intrigue beaucoup ses contemporains. Nous suivons aussi son apprenti, Robin Messonier, adolescent à l’esprit vif, et une jeune fille appelée Aaliss qui a fui la cruauté de ses parents et croisé le destin de l’apothicaire et de Robin. Maintenant résumons brièvement l’histoire.

Nous sommes en France, en 1313, sous le règne du roi Philippe IV LeBel, celui-là même qui a envoyé au bûcher les derniers templiers. (voir LES ROIS MAUDITS de Maurice Druon) Un matin de la nouvelle année, un apothicaire, Andreas Saint-Loup, découvre qu’il y a une pièce dont il n’a jamais réalisé l’existence, à mi-étage de sa boutique. À partir de ce moment, et de celui où il découvrira une toile effacée du tiers de sa surface, la vie de Saint-Loup basculera complètement.

Une chaîne d’évènements amène la cour de France à accuser l’apothicaire d’hérésie ce qui pousse Philippe LeBel à le pourchasser, faisant même intervenir le grand inquisiteur de France, le redoutable Guillaume Imber qui joua un sinistre rôle dans le sort des templiers, un autre produit de la charité débordante de l’Église.

L’apothicaire, son apprenti et Aaliss deviennent des fugitifs et frôlent la mort. Saint-Loup, obsédé par la présence de sa chambre mystérieuse entreprend, parallèlement la recherche du *livre qui n’existe pas*. Le périple entraînera nos héros sur les traces du prophètes Moïse, jusqu’au buisson ardent sur le mont Sinaï. 

J’ai trouvé ce roman très fort, nullement influencé par une partie de la masse critique qui considère le récit lourd et parfois ennuyeux à cause de ses longs descriptifs historiques et religieux. Moi j’ai adoré ça car j’ai appris beaucoup de choses qui ont totalement mobilisé mon attention et les exemples sont nombreux. Je dois me limiter évidemment.

J’ai lu par exemple, avec beaucoup d’intérêt, les origines du Chemin de Compostelle, le sens de ce pèlerinage, les mystères de la basilique de Saint Jacques. J’ai appris beaucoup de choses intéressantes, entre autres sur le gnosticisme, le moyen âge qui est magnifiquement bien décrit, sur l’intolérance religieuse, les templiers et même sur le pouvoir des plantes.

J’ai appris beaucoup tout en me divertissant car l’ouvrage est riche d’intrigues, sa finale est renversante. Et ses personnages attachants, Robin en particulier.

Voyons maintenant les faiblesses et irritants. L’ouvrage accuse une surexploitation de locutions latines et grecques. Quoiqu’elles soient bien placées dans le contexte, il y en a trop et ça rend le récit un peu ampoulé, prétentieux. Il faut lire le livre avec patience et aussi de l’intérêt pour le moyen-âge car l’intrigue est souvent noyée dans les descriptifs.

Je crois enfin que le personnage principal manque de fluidité et garde un côté mystérieux jamais vraiment éclairci, abouti. Je l’ai trouvé un peu imbu et je n’ai pas réussi à m’y attacher.

Je me rabats plutôt sur l’exactitude des faits historiques, l’intrigue, qui m’a gardé sur la touche, avec un petit soupçon d’ésotérisme et de philosophie, et la nature de la quête qui est pour le moins originale. Je peux dire que ce roman initiatique a été pour moi un coup de cœur.

Suggestion de lecture, du même auteur : le rasoir d’Ockham


L’auteur : Henri Loevenbruck

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 14 décembre 2025



 

BELLE SAUVAGE

La trilogie de la poussière
livre 1

De PHILIP PULLMAN

<En outre, Lord Nugent se surprit à se demander si ce déluge était entièrement naturel. Ses compagnons gitans et lui avaient le sentiment que l’inondation relevait d’une cause plus étrange que les caprices du ciel car elle avait commencé à provoquer de curieuses illusions et à se comporter de manière inattendue. A un moment donné, ils perdirent totalement de vue la côte ; ils auraient pu tout aussi bien se trouver en pleine mer.>

Extrait LA BELLE SAUVAGE, livre 1 de la TRILOGIE DE LA POUSSIÈRE, Philip Pullman, Gallimard jeunesse 2020 pour la version audio, 544 pages pour l’édition de papier. Audio : durée d’écoute : 12 heures 50 minutes, narrateur : François-Éric Gendron.

Retour au cœur de Lyra, avant les royaumes du Nord… À l’auberge de la Truite, Malcolm, 11 ans, et Alice, 16 ans, aiment écouter les aventures des visiteurs. Certains sont étrangement intéressés par un bébé nommé Lyra et par son daemon Pantalaimon, gardés par les nonnes du prieuré tout proche. Alors que de nombreux dangers menacent l’enfant, les deux adolescents s’enfuient avec lui à bord de la Belle Sauvage, le bien le plus précieux de Malcolm.

Une préquelle de la
CROISÉE DES MONDES

LA BELLE SAUVAGE est le premier roman de la TRILOGIE DE LA POUSSIÈRE de Philip Pullman et aussi la préquelle de À LA CROISÉE DES MONDES dans laquelle l’auteur décrit et explique une enlevante chaîne d’évènements qui conduira la petite Lyra Bellacqua, qui n’a alors que six mois et son daemon, Pantalaimon, à leur installation au Jordan College.

Dans ce récit au rythme élevé et parfois hautement dramatique, nous suivons deux adolescents : Malcom Polstead, onze ans, et son daemon Asta et Alice Parslow, 16 ans, son daemon Ben. Suite à une inondation meurtrière, Malcom et Alice se donnent comme mission de protéger un bébé, activement recherché par le Magisterium car ce bébé, une petite fille nommée Lyra est l’objet d’une prophétie qui mettrait en danger la domination religieuse et sociale imposée par le puissant organisme.

Cette recherche, qui devient une poursuite effrénée, entraînera des morts, des blessés et de lourdes privations pour nos deux jeunes héros. Mais Malcolm et Alice trouveront quelques précieux alliés et bénéficieront de l’aide inespérée d’un érudit : Lord Azriel, le père de Lyra.

J’ai adoré cette histoire qui m’a permis de mieux comprendre les éléments-clés de LA CROISÉE DES MONDES : Les daemons, la poussière, appelée dans le récit le champ de Russakov ouvrant une porte sur un monde parallèle, l’introduction dans l’histoire de madame Coulter dont le rôle sera défini beaucoup plus tard, le magisterium, créature malfaisante, un gouvernement socio-religieux assis sur un pouvoir colossal et bien sûr, l’origine de Lyra et le destin tracé pour elle.

J’ai été subjugué par ce récit en particulier à cause de ses principaux personnages, attachants et ombrageux : Malcolm et Alice. Le roman n’aurait pas eu toute cette force qui le caractérise sans LA BELLE SAUVAGE, un esquif héroïque symbolisant la promesse d’un salut renforcée par la touche personnelle de Lord Azriel. Pour moi, cet élément est sans doute le plus original du récit.

L’écriture est riche, la langue colorée, la version audio est aussi excellente, la narration fort expressive de François-Éric Gendron forçant l’attention. Toutefois, le rythme du récit est parfois tellement effréné qu’on perd de vue les objectifs de la quête des jeunes. Beaucoup de passages sont expédiés, occultant quelque peu l’émerveillement du lecteur et de la lectrice. Cette observation inclut la froideur de Lord Azriel, trop avare à mon goût d’explications. C’est la principale faiblesse du roman. J’ai trouvé aussi que l’auteur a fait grandir le personnage d’Alice dans l’ombre de Malcolm. J’ai trouvé ça très dommage.

Bon. Pour résumer, LA BELLE SAUVAGE est un roman fort qui met en place une suite prometteuse. L’histoire est fouillée. On y trouve beaucoup de trouvailles originales et surtout, la plume de Pullman m’a fait développer une empathie naturelle pour les deux héros de l’histoire. Vivement la suite…

Suggestion de lecture : À LA CROISÉE DES MONDES, livre 2, LA TOUR DES ANGES, de Philip Pullman

La suite de LA BELLE SAUVAGE

Le cycle 
de la Croisée des Mondes


L’auteur Philip Pullman

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert