ÉMEUTES, Vic Verdier

<Les paroles s’étranglent dans la gorge de Djela. Cette femme n’est pas Paula McBride. ! Maudite sorcière ! Ses membres se relâchent et la manette glisse de sa main. Il ne lui reste plus qu’une fraction de seconde pour constater son malheur avant que le C-4 ne disperse son corps en fines particules dans l’air chaud de l’été.>

Extrait : ÉMEUTES, Vic Verdier, éditions Corbeau 2022, papier, 182 pages

Vic Verdier se rend au match des Canadiens avec sa fille sur la poignée de dollars qui lui restent. Il souhaite que cette soirée soit inoubliable, car ce sera sa dernière; il a décidé de s’enlever la vie au lever du soleil. Autour de Vic, un chassé-croisé brutal: sept histoires entremêlées, sept émeutes prêtes à se déchaîner à la moindre provocation.

Un trio de jeunes truands célèbre son premier gros coup. Un chauffeur de taxi veut régler ses comptes avec le gouvernement du Canada. Un frustré au chômage se prend pour Jason dans Vendredi 13. Une policière coiffe son casque antiémeute et se remémore le viol qui l’a brisée. Un gardien de but remplaçant comprend qu’il ne sera jamais numéro un. Un conseiller politique du premier ministre espère ramener une femme au Reine-Elizabeth. Un blogueur joue avec le feu…

56 minutes avant que les Canadiens affrontent les Flames dans le septième match de la Coupe Stanley, une émeute gronde au Centre Bell.



Nous sommes à Montréal, au Centre Bell alors que dans moins d’une heure débutera le septième match de la finale pour l’obtention de la Coupe Stanley. Au centre de l’histoire : Vic Verdier, un homme désespéré qui a méticuleusement planifié son suicide pour le lendemain, le temps de passer une dernière soirée avec sa fille Laurie-Anne.

Une tension hors norme règne au Centre Bell. Étrangement, Verdier va se retrouver au cœur d’un enchevêtrement d’histoires en convergences, celles d’une série de personnages disparates dont les motivations ne peuvent mener qu’à des émeutes hors de toutes proportions.

Contexte : un ultime match de hockey. Prétexte : Une haine démesurée de francophones, partisans du Canadien pour les anglais, partisans des Flammes de Calgary. DÉCLENCHEUR : Le compte Twitter du premier ministre du Canada piraté dans le but d’attiser la haine et la vengeance. Tous les éléments sont réunis pour transformer le Centre Bell en une inimaginable poudrière.

La foule s’embrase. Des émeutes d’une incroyable violence éclatent à l’intérieur et à l’extérieur du Centre Bell. Des émeutiers tuent avec le sourire, des personnes sont brûlées vivantes. On dirait que le mal est sorti du sol pour s’emparer du corps d’hommes et de femmes qui ont perdu tout sens de l’humanité. Chaos, carnage, tuerie. Les policiers et experts en contrôle des foules ont brillé par leur impuissance.

Pour utiliser une expression consacrée, ce livre m’a glacé le sang. C’est un roman très fort et son auteur a fait preuve d’une redoutable technique d’écriture, au point de provoquer l’addiction. Le roman n’est pas très long mais il est d’une densité à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Évidemment c’est violent, c’est très dur. Ce sont des attributs inévitables vu le sujet développé : la psychologie des foules. Dans une note très éclairantes à la fin de son livre, Verdier évoque *les théories aujourd’hui contestées, de Gustave Le Bon, publiées en 1895 dans sa <psychologie des foules>. C’était l’époque où la civilisation occidentale craignait les regroupements chargés d’émotions, les masses informes et beuglantes, bref, les manifestation du pouvoir populaire insoumis. * (Extrait)

Même si Le Bon, sociologue et psychologue social, demeure un auteur controversé, ses réflexions et observations sur le désordre comportemental et la psychologie des foules font réfléchir. Les humains pris séparément restent des humains. Mais au milieu d’une foule en colère, le même humain peut accuser un déficit de raison.

C’est exactement ce que Verdier développe dans son récit. C’est bien écrit, bien développé, plein d’excès, très intense et, autant vous le dire, choquant. Le rythme ne m’a laissé aucun répit. Excellente lecture à prendre pour ce qu’elle est : l’autopsie de la folie de masse.

Suggestion de lecture : TOUS À ZANZIBAR, de John Brunner


L’auteur Vic Verdier

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 5 octobre 2025

LÉDO, un roman sombre de PIERRE CUSSON

<Tu vas voir, salaud, lequel des deux est le plus fou…Le triangle enflammé n’est plus qu’à vingt mètres. Le moment est arrivé…> (Extrait : LÉDO, Pierre Cusson, Éditions Pratiko/ Polar presse, édition numérique, 375 pages)

La petite ville de Ste-Jasmine et l’inspecteur Réginald Simard sont aux prises avec une série de meurtres tous aussi horribles que mystérieux. Un dangereux criminel court les rues et semble insaisissable. Il s’acharne à narguer Simard en le ridiculisant par des notes laissées sur les lieux de ses méfaits. La clé de l’énigme est confinée dans les dossiers de l’éminent policier.

De nombreux rebondissements viennent compliquer l’enquête et au moment où le mystère Lédo semble résolu, surgit alors l’impensable…*Un être aussi abject, d’une perversité aussi extrême, ne peut continuer à faire partie intégrante d’une société* Extrait

PSYCHOPATHE ET PIRE…
*Recouvert d’une mince couche de frimas, le corps
de Rita Donovan gît tout au fond, sur un lit de
petits paquets de viande et de boîtes de produits
de toutes sortes.. À ses pieds l’accompagne son
caniche…*
(Extrait : LÉDO)

Comme la plupart des livres de Pierre Cusson, Lédo est un roman policier très sombre. Pour vous placer le mieux possible dans le contexte, je pourrais comparer le style de Cusson à celui de Martin Michaud (voir la chorale du diable) ou encore à celui de Chrystine Brouillet. Ces auteurs ont une capacité de montrer jusqu’où peut descendre la bêtise humaine.

Dans LÉDO, la petite ville de Sainte-Jasmine est le théâtre de meurtres aussi horribles que mystérieux. Des meurtres qui laissent supposer que les victimes ont subi une innommable torture. Un criminel dégénéré court les rues, insaisissable et pousse la provocation jusqu’à laisser des messages à l’inspecteur Réginald Simard qui enquête sur ces meurtres :

*«Que fais-tu Simard? Tu arrives trop tard. Il ne te reste plus qu’à ramasser les ordures. Comme d’habitude. Tu es un incompétent et jamais tu ne pourras m’attraper. Mais comme je suis généreux, tu auras encore ta chance. Ce petit salaud n’est pas le dernier. Alors à bientôt, Réginald. xxx.»* (Extrait)

J’ai plongé dans cette lecture et je n’ai jamais vu le temps passer. Intrigue, mystère, énigmes et beaucoup de questionnements. Il semble que plusieurs victimes étaient loin d’être des enfants de chœur. Mon attention était déjà soutenue jusqu’au milieu du récit où j’ai eu droit à un véritable coup de théâtre, l’histoire a fait un extraordinaire virage sans nuire en quoi que ce soit au fil conducteur.

N’ayant aucune idée du nombre de pages restantes, je croyais que l’histoire était terminée. Mais non. J’étais au milieu. La deuxième partie m’a catapulté dans une forte addiction qui m’amenait de surprise en surprise.

Pierre Cusson a fort bien soigné la psychologie de ses personnages et a orchestré une histoire noire dont certains passages sont à soulever le cœur et poussent le lecteur et la lectrice à se demander s’il est possible que l’homme puisse descendre aussi bas. Je vous fais grâce des détails mais en dehors des exactions humaines heureusement décrites avec une certaine retenue, nous avons ici un excellent roman policier, très bien écrit.

Le style de Cusson est très direct et le caractère haletant de l’histoire ne ménage pas le lecteur. Bavures, errance policière, traîtrise… La plume est forte. Il n’y a pas de longueurs, pas de temps morts. Le coup de théâtre au milieu du récit m’a pris par surprise et j’ai trouvé la finale fort imaginative et qui n’est pas sans laisser le lecteur avec de la matière à réflexion.

En fait, le principal questionnement ici est le fait de se faire justice soi-même. *«Se faire justice soi-même est un grave délit. Laisser errer un meurtrier parmi les innocents, c’est de la folie pure et simple», Ce sont ces phrases que Réginald Simard avait criées à Marcel Vincelette alors que ce dernier quittait sa chambre à l’hôpital de Sainte-Jasmine.* (Extrait)

Est-ce qu’on est en droit de dire que quelqu’un ne mérite pas de vivre? Que la seule façon d’empêcher une récidive de la part d’un meurtrier est de l’abattre ? Est-ce qu’on peut se substituer à la justice ?

Qui n’a pas été tenté de le faire ? La loi est claire. Il y a la justice qui est là pour ça. Elle est lente. À beaucoup, elle donne l’impression d’être détraquée. La justice est aveugle comme le dit l’expression consacrée, mais c’est la justice. Le livre pose ou peut-être devrais-je dire *expose* une question : Est-il possible qu’il se présente des circonstances qui ne donnent pas le choix ?

Plusieurs personnages ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être. C’est un beau défi de lecture car on va de rebondissement en rebondissement et l’énigme s’épaissit au fur et à mesure de la progression de l’histoire et la première conclusion tirée au milieu de l’ouvrage est surprenante. Pour ceux et celles qui aiment les lectures *hard* et *gore* pour utiliser un langage exceptionnellement familier, LÉDO est pour vous.

Suggestion de lecture : DANS L’OMBRE DE CLARISSE, de Madeleine Robitaille

Au moment d’écrire ces lignes, les notes biographiques sur Pierre Cusson étaient à peu près inexistantes. Je sais que Pierre Cusson est né en 1951 en Montérégie au Québec et que toute son enfance a été imprégnée des histoires d’Hergé, de Jules Verne et d’Henri Verne et plusieurs autres auteurs et qui ont contribué au développement de l’imagination déjà fertile de Pierre Cusson. Pour suivre cet auteur, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 novembre 2019