Le chien jaune

Commentaire sur le livre de
GEORGE SIMENON

Une enquête de Maigret

<Le regard de Maigret tomba sur un chien jaune, couché au pied de la caisse. Il leva les yeux, aperçut une jupe noire, un tablier blanc, un visage sans grâce et pourtant si attachant que pendant la conversation qui suivit, il ne cessa de l’observer. Chaque fois qu’il détournait la tête, d’ailleurs, c’était la fille de salle qui rivait sur lui son regard fiévreux. >

Extrait : LE CHIEN JAUNE, Georges Simenon, version papier : Le livre de poche éditeur, rééd. 2003, 190 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute, 3 heures 47 minutes, narrateur : Bruno Solo

À Concarneau, des faits troublants mettent la ville en émoi. On tente d’assassiner M. Mostaguen, au sortir de sa partie de cartes quotidienne à l’Hôtel de l’Amiral. Le sort s’acharne sur ses partenaires, car, deux jours après l’arrivée de Maigret, Jean Servières, rédacteur au Phare de Brest, disparaît ; le siège avant de sa voiture est maculé de sang. M. Le Pommeret meurt chez lui, empoisonné. Le docteur Michoux pense être le suivant.

Le commissaire Maigret est désigné pour résoudre cette affaire qui accumule les cadavres.

Le cas à part de Simenon

Pour apprécier LE CHIEN JAUNE, il faut connaître un peu l’inspecteur Maigret. Le gros Maigret, Jules de son prénom. Un limier aux antipodes des Colombo, Cherlock Holmes et Hercule Poirot. Maigret est un personnage singulier, énorme, dense, consistant doté d’un incroyable flair et d’un instinct exceptionnel.

Son instinct prend souvent le pas sur la logique des faits. Il parle peu, agit seul et entre avec aisance dans l’environnement d’un crime avec son éternel petit carnet. Son art est de tenter de comprendre la psychologie du coupable en se mettant à sa place. C’est un intraverti. Ce n’est évident pour personne, mais il sait où il s’en va.

Pas étonnant que l’imposant Jules soit le héros de plus de 75 romans de George Simenon. Et tous ces attributs se retrouvent dans LE CHIEN JAUNE alors que les cadavres s’accumulent, qu’il y a de la peur dans l’air et de la strychnine dans les verres. Pour résoudre cette affaire, Maigret s’obstine à se mettre dans la peau d’un chien jaune omniprésent à proximité des scènes de meurtres.

Les circonstances sont très étranges. Aussi, fidèle à sa façon de faire, qui énerve parfois tout le monde, Maigret va s’intégrer aux habitués d’un café dans lequel il s’installe. Sa méthode appelle à la patience : Écouter, observer, ressentir et se concentrer pour comprendre la présence et les agissements d’un chien jaune, élément-clé de son enquête.

Par rapport aux romans policiers modernes, LE CHIEN JAUNE est plutôt dépaysant. C’est une qualité que j’apprécie. C’est un roman très bien écrit, superbement structuré car malgré sa brièveté, il dit tout, n’omet rien. Son seul défaut réside je crois dans l’absence d’indices. Quand il y a des indices, le lecteur travaille, quand il n’y en a pas, il mijote. Fidèle à son héros, l’auteur a caché son jeu jusqu’à a fin.

C’est un roman original. Pas de longueur, pas de superflu. Le principal témoin des scènes de meurtre: un chien. C’est du vrai Simenon. Plus le roman est court, plus il est peaufiné. LE CHIEN JAUNE EST un régal.


L’auteur Georges Simenon

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 26 avril 2025

La rébellion des cornichons

Commentaire sur le livre de
MIKA

*Julie avait quinze ans. Elle était géniale ma sœur. Tout le monde l’aimait ! C’était une ado brillante et toujours souriante. Elle était mon soleil. Julia était une vraie combattante, une Viking ! Après plusieurs batailles, elle a perdu sa guerre. Il y a cinq mois, une saleté de maladie nous l’a prise. Un monstre appelé fibrose kystique. *

Extrait : LA RÉBELLION DES CORNICHONS, Mika, Bayard éditeur, collection Œil de lynx. Format numérique, 100 pages.

De la magie pour alléger un cœur

C’est un petit livre léger, rafraîchissant et franchement drôle. Les enfants de huit ans et plus auront, je crois, un plaisir fou à lire ce petit opus, surtout s’ils connaissent bien certains produits de consommation liés à l’alimentation. Vous allez comprendre. C’est l’histoire d’un garçon de 12 ans, Louis. Louis a perdu sa grande sœur, décédée à 15 ans des suites de la Fibrose Kystique. Depuis, il vit entre deux parents dysfonctionnels.

Pour s’éloigner de cette atmosphère malsaine, il passe des week-ends chez sa mamie qu’il adore. Un jour, Mamie demande à Louis d’aller à l’épicerie du vieux monsieur Casavant afin de lui rapporter des biscuits délectables à l’érable. Une fois sur place, le vieux commerçant l’entraîne dans l’entrepôt au sous-sol et Ho! Surprise, Louis y est enfermé. Ce faisant, Louis basculera dans un monde onirique où il connaîtra peur et émerveillement.

J’ai eu un plaisir fou à voir évoluer Louis entre Quaker <Monsieur Grau> et Ant Jemima, la spécialiste des crêpes, de le voir au milieu d’une chicane entre les biscuits durs et les biscuits mous, de se frotter à un géant vert et de tenter de suivre un caractériel du nettoyage, amateur de citrons, monsieur Net en personne. -Aaarrr ! non mais quel cornichon a osé salir mes planchers ? Il n’en fallait pas plus pour qu’une centaine de cornichons encerclent Monsieur Ménage. Les petits bouts vers et pustuleux semblent aussi très en colère. – Extrait.

Ça sent la revendication, car de toute évidence, les cornichons souffrent d’un manque de reconnaissance… <Nous ne sommes pas que des concombres ! Nous avons une valeur ajoutée ! Nous sommes marinés…> Extrait. Et dire qu’après cette extraordinaire aventure, mamie a demandé à Louis de faire une course à la pharmacie : <…je n’ai pas envie d’assister à un match de lutte entre un colosse rouleau de papier de toilette et un suppositoire géant. > Extrait.

Je ne suis pas sûr de pouvoir mettre un nom sur ce que Mika a voulu faire vivre à son personnage : illusion, rêve, rêve éveillé hallucination, magie ?

Ce que je sais, c’est que Louis a tiré une leçon de son aventure. Il a développé le courage du dragon. Bref : histoire courte au rythme assez trépidant. Louis est attachant et est inspiré par sa sœur qui le regarde du ciel. C’est plein de trouvailles, de bonnes idées. Reste à savoir si mamie aura ses biscuits délectables à l’érable. J’ai eu du plaisir dans la mesure où j’ai pu lire avec mes yeux d’enfants mais qu’à cela ne tienne, le sourire est garanti dans ce bref petit roman bien écrit et encore, avec beaucoup de sensibilité. J’ai même appris que le sirop d’érable peut faire des miracles. C’est court mais ça touche…osez !

Suggestion de lecture : BELLE SAUVAGE, de Philipp Pullman, de la trilogie de la poussière (littérature jeunesse)


Graphiste de formation, Mika a illustré une centaine de livres pour enfants et est aussi autrice à ses heures. En 2017, elle remporte un prix d’illustration pour le roman Chacun sa fenêtre pour rêver, décerné par le Salon du livre de Trois-Rivières. Toute petite, Mika était déjà fascinée par la littérature jeunesse. En plus de son amour pour les livres, elle ne peut vivre sans soleil et sans chocolat, mais elle ne doit cependant pas mélanger les deux, car c’est très salissant. (Québec Amérique)

POUR LES PETITS, DE LA MÊME AUTRICE

Comme lecture connexe, je vous invite à lire le dossier de MAD CANADA sur les enfants en deuil.

Bonne lecture
Claude Lambert
janvier 2022