Dix petites poupées

Commentaire sur le livre de 
B.A. PARIS

<Je me détourne, en me demandant ce qu’elle dirait si je lui annonçais que je viens de trouver une seconde poupée russe. Si le corps de Layla avait été retrouvé, elle aurait pris ma découverte sur le compte d’une étrange coïncidence. Mais son corps n’a jamais été retrouvé. Et s’l y a bien une chose que je redoute, c’est qu’Ellen croie que Layla puisse être encore en vie. >

Extrait : DIX PETITES POUPÉES, B.A. Paris, Hugo Roman éditeur, 2019, format numérique, 2,5 Mo. Équivalence : 194 pages. Version papier chez Hugo Roman : 336 pages

Layla a disparu il y a douze ans, en pleine nuit, sur une aire d’autoroute, alors qu’elle rentrait de vacances en France avec son petit ami, Finn. On ne l’a jamais revue depuis. Finn a raconté la vérité sur ce qui s’est passé cette nuit-là. Mais pas toute la vérité. Ni aux policiers qui l’ont interrogé lors de l’enquête, ni même à Ellen, la sœur de Layla, avec laquelle il a refait sa vie et qu’il s’apprête à épouser.

Quand un de leurs voisins croit apercevoir Layla près du cottage où vivent Finn et Ellen, le passé ressurgit. Finn reçoit d’étranges et inquiétants e-mails. Layla serait-elle encore en vie ? Et pourquoi des petites poupées russes, souvenirs de l’enfance des deux sœurs, font-elles soudain leur apparition ?

Esprit à la dérive

C’est une histoire étrange, étriquée, un peu confuse. Elle tourne autour de trois personnages auxquels se rajoutent quelques figurants. Une nuit, une jeune femme, Layla disparaît dans une aire d’autoroute. Son ami, Finn McQuaid est dans tous ses états. Parce qu’il adore Layla. Les recherches ne donnent rien. Après quelques temps, Layla est considérée comme morte mais pas pour tout le monde. Finn n’a pas tout révélé aux policiers.

Douze années se sont écoulées. Finn a refait sa vie avec la sœur de Layla, Helen. Mais bientôt, un voisin croit avoir aperçu Layla. Finn reçoit d’étranges courriels et accumulent des petites poupées russes déposées bien en vue sur son passage. Layla serait-elle de retour 12 ans après ? Finn va-t-il reconsidérer sa relation avec Helen

C’est donc l’histoire du bizarre triangle amoureux qui repose sur un trouble de la personnalité. Finn a une situation très particulière à gérer et ce qui complique davantage cette situation est qu’il a de la difficulté à se gérer lui-même car Finn est un caractériel colérique et prompt :

<…parfois, quand nous nous promenons sur un sentier qui borde un à-pic, à quelques pas seulement, je me prends à me demander ce que ça ferait de la pousser dans le vide, pour qu’elle s’écrase en bas et cesse de respirer. Je ne peux plus dormir du sommeil paisible de l’innocent. Tout comme je faisais des cauchemars à l’idée d’avoir tué Layla, je fais maintenant des cauchemars dans lesquels je tue Hellen.> Extrait

C’est un récit difficile à suivre qui met en scène des personnages qui brillent par leur immaturité. Layla est partout mais elle est insaisissable, Finn ne s’endure pas et Helen n’est peut-être pas celle qu’on pense. Ajoutons à cela les poupées. Le titre précise qu’il y en dix mais il me semble qu’il y en a partout. Aucun doute, c’est un récit qui joue avec les nerfs du lecteur.

C’est un thriller psychologique, violent mais sans artifice. Il est relativement bien développé mais pas des plus abouti. Les personnages sont froids et ne portent pas à l’empathie. C’est une forme de huis-clos dans lequel l’ambiance est plus oppressante que le suspense comme tel. Avec toutes ces poupées et ces courriels énigmatiques, j’avais l’impression que le récit prenait toutes sortes de directions…pénible à suivre par moment.

Le sujet est intéressant, original même. La finale est prévisible à partir de la deuxième partie de l’histoire et je l’ai trouvée un peu tirée par les cheveux, peu réaliste. Le rythme est bon, dans une alternance de personnages et de temps. C’est un thriller intrigant mais pas vraiment inoubliable.

De B.A. Paris, je préfère de loin DÉFAILLANCE que j’ai lu avec beaucoup plus d’avidité.

Suggestion de lecture : À TRAIN PERDU, de Jocelyne Saucier


L’auteure B.A. Paris

 De la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert

le samedi 30 août 2025

LE MYSTÈRE DES JONQUILLES d’Edgar Wallace

*<Je parle à un homme dont la vie toute entière est un
reproche à son titre d’homme !… un homme qui n’est
sincère en rien, qui vit de l’intelligence et de la
réputation de son père ; de l’argent gagné par le dur
labeur d’hommes qui valent mieux que lui.>*
(Extrait : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, Edgar Wallace.
Format numérique, 1439 kb, papier : 294 pages. Ebooks 2016)

Après quelques minutes de conférence, Jack Tarling, le détective fraîchement arrivé de Shanghai avec son second Ling Chu, se rend compte que l’enquête que lui propose le milliardaire Thornton Lyne ne consiste qu’à piéger Odette Rider, l’employée qui a refusé les avances de son patron. Il refuse et pense n’entendre plus parler de cette affaire. Mais deux jours plus tard, le cadavre de Lyne est retrouvé dans Hyde Park, recouvert de jonquilles, avec un billet en chinois dans sa poche évoquant un châtiment. Vu ses compétences, Scotland Yard charge Tarling de résoudre ce « Mystère des jonquilles ».

On découvre très vite que des liens existent avec Odette Rider… Est-elle l’assassin ? Quel rapport y a-t-il avec la danseuse que Lyne avait molestée lors de son dernier séjour à Shanghai ? Ou faut-il soupçonner l’obséquieux Milburgh, le second de Lyne qui puisait dans la caisse depuis des années ?

Il y a encore Sam Stay, qui adorait Lyne et lui avait promis à sa sortie de prison de punir Odette : quelle vengeance va-t-il exercer sur la jeune fille à laquelle Tarling s’intéresse plus qu’il ne le voudrait ?

Des fleurs pour un cadavre
*Réveillez les femmes qui sont dans la maison,
dit Tarling à voix basse,
Mme Rider a été assassinée. *
(Extrait)

Voici une histoire simple avec un fil conducteur rectiligne : Thornton Lyne, richissime, s’amourache d’une jolie fille qui travaille chez lui. Il est habitué à ce qu’on cède à tous ses caprices. La jeune fille repousse ses avances et son humiliation lui fait immédiatement concevoir pour elle une haine féroce. Lyne était un menteur accompli. On le retrouve bientôt assassiné, le cadavre couvert de jonquilles.

Avec LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, on voit du premier coup d’œil l’évolution qui s’est opérée avec le temps dans la littérature policière. Publié à l’origine en 1931, ce livre a eu suffisamment de succès pour être réédité quelques fois.

On a ici un format fidèle au style littéraire policier du début du XXe siècle : dépouillé, un peu naïf, avec une galerie de personnages très restreinte, presqu’un vase clos. L’ensemble est peu crédible…l’inspecteur Tarling qui tombe amoureux d’Odette Rider, soupçonnée de meurtre. Ce même Tarling qui, apprend-on au milieu du texte est le seul héritier de celui qui a été tué, le milliardaire Thornton Lyne.

Subitement, monsieur Tarling est devenu un lointain parent de monsieur Lyne. C’est un peu facile. Et puis le bon serviteur Ling Chu qui parle subitement anglais. Aussi, certains détails du récit n’ont jamais été éclaircis comme ceux entourant le meurtre de la mère d’Odette Rider. Quant aux jonquilles, elles sont évoquées dans la première partie parce qu’elles recouvrent le cadavre de Lyne mais elles sont accessoires.

Il n’y a que six personnages actifs dans ce roman : Thornton Lyne, et encore, il est assassiné dans le premier cinquième du livre, l’inspecteur Tarling, frais arrivé de Chine, l’inspecteur Whiteside de Scotland Yard, Ling Chu, serviteur de Tarling et fin limier, Milburg, qui gère les magasins de Lyne et Odette Ryder *pâle fantôme qui passait et repassait dans cette tragédie sans en faire vraiment partie…* (Extrait)

Ryder a eu l’audace de refuser les avances de monsieur Lyne et Sam Stay, un tordu qui adule Thornton Lyne.  Un petit complot ourdi par Lyne pour se venger se retourne contre lui. Ce ne fut pas compliqué pour moi de deviner qui est le coupable. Même si le mystère s’épaissit quelque peu au milieu du récit.

L’histoire demeure dépouillée et prévisible. J’ai été un peu déçu, me rappelant que cette époque a quand même produit d’excellents écrivains comme Arthur Conan Doyle qui publiait LE CHIEN DES BASKERVILLE, 40 ans avant le mystère des Jonquilles. Pourtant, le style littéraire était fidèle à l’époque mais le sens de l’intrigue et du mystère de Conan Doyle était infiniment supérieur.

J’ai lu un article publié après la sortie de l’adaptation cinématographique sortie en 2014 qui dit que le film redresse certains torts du livre. C’est donc à essayer. Sur le plan littéraire, j’aurai plutôt tendance à me rabattre vers des valeurs plus sûres comme Émile Gaboriau, Gaston Leroux, Agatha Christie ou ce bon vieil Arthur Conan Doyle.

Suggestion de lecture : CYANURE, de Camilla Läckberg

Edgar Wallace, intégralement Richard Horatio Edgar Wallace (1875 – 1932)  était romancier, dramaturge et journaliste britannique. Il a pratiquement inventé le moderne « thriller »; ses œuvres ont des intrigues complexes mais clairement développées et sont connues pour leurs climats passionnants.

Sa production littéraire – 175 livres, 15 pièces de théâtre et d’innombrables articles et esquisses de critiques – était prodigieuse ainsi que sa cadence de production. Ses œuvres incluent Sanders of the River (1911), The Crimson Circle (1922), et The Terror (1930). Son dernier travail était en partie le scénario de King Kong, qui a été achevé peu de temps avant sa mort.  (Encyclopaedia Britannica)

 

Le mystère des jonquilles
au cinéma

LE MYSTÈRE DES JONQUILLES est un film français réalisé par Jean-Pierre Mocky et sorti en 2014. Le réalisateur fait partie de la distribution et joue le rôle de Tarling. On retrouve aussi Gérard Bohringer, Denis Lavant et Isabelle Nanty.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 26 février 2022