La traversée des temps

Livre 1 : PARADIS PERDUS

d’ERIC-EMMANUEL SCHMIDT

*La nuit n’apporte à Noam qu’une succession de révélations funestes. Huit milliards de personnes habitent désormais la Terre ! Huit milliards de personnes pompent de l’essence, du gaz, conduisent des voitures, empruntent des trains, circulent en avion, consomment de l’électricité. Huit milliards de personnes jettent des sacs plastique qui crottent les paysages et souillent les océans. Huit milliards de personnes agrandissent l’espace urbain en réduisant l’espace végétal. Huit milliards de personnes demandent à se nourrir alors que la terre exsangue s’épuise. *

<Extrait : LA TRAVERSÉE DES TEMPS, livre 1, PARADIS PERDUS, Eric-Emmanuel Schmidt, Albin Michel éditeur, 2021, édition de papier, 563 pages.

Cette Traversée des temps veut relever un prodigieux défi : raconter l’histoire de l’humanité sous la forme d’un roman. Faire défiler les siècles, en embrasser les âges, en sentir les bouleversements, comme si Yuval Noah Harari avait croisé Alexandre Dumas.

Depuis plus de trente ans, ce projet titanesque occupe Eric-Emmanuel Schmitt. Accumulant connaissances scientifiques, médicales, religieuses, philosophiques, créant des personnages forts, touchants, vivants, il lui donne aujourd’hui naissance et nous propulse d’un monde à l’autre, de la préhistoire à nos jours, d’évolutions en révolutions, tandis que le passé éclaire le présent.

Paradis perdus lance cette aventure unique. Noam en est le héros. Né il y a 8000 ans dans un village lacustre, au cœur d’une nature paradisiaque, il a affronté les drames de son clan le jour où il a rencontré Noura, une femme imprévisible et fascinante, qui le révèle à lui-même. Il s’est mesuré à une calamité célèbre : le Déluge. Non seulement le Déluge fit entrer Noam-Noé dans l’Histoire mais il détermina son destin. Serait-il le seul à parcourir les époques ?

Et on dit que le temps est long…

L’ambition littéraire d’Éric-Emmanuel Schmidt me rappelle un peu celle de Ken Follett : une grande saga qui suit des personnages attachants à travers les âges, l’histoire. Le projet de cet auteur prolifique est pour le moins audacieux : rien de moins que, raconter dans une octalogie, l’histoire de l’humanité. C’est ainsi que, d’entrée de jeu, les lecteurs sont entraînés dans l’histoire d’un jeune homme qui a reçu le don de l’immortalité. Il s’agit de Noam, doux, sage, empathique.

Le récit débute il y a dix mille ans près de Beyrouth au Liban. La curiosité de Noam le pousse à essayer de comprendre la nature humaine, l’essence de la vie, la spiritualité, un peu comme l’a fait Santiago dans le livre extraordinaire de Paulo Coelho L’ALCHIMISTE. En plongeant dans cette œuvre magistrale, sur laquelle travaille Schmidt depuis plus de trente ans, j’ai oublié le temps pour traverser LES temps.

Le premier grand évènement développé dans ce long pavé est le déluge. Faut-il se surprendre que le nom NOAM soit dérivé de l’anglo-saxon NOÉ, de l’hébreu NÛAH qui signifie reposer, consoler…tout à fait à l’image de notre héros immortel. L’auteur met donc tout en place pour amener très graduellement Noam vers les temps modernes.

Par sa chaleur, sa poésie, son réalisme, ce livre m’a littéralement enveloppé. J’avais l’impression par moment qu’il était développé à la façon d’un conte, immersif et vivant sans compter un sens du détail qui donne une remarquable intensité à la plume. Il y en a pour tous les goûts dans ce récit : de l’émotion, de l’aventure, de la matière à réflexion et j’en passe, sans compter le caractère attachant de Noam qui est devenu pour moi plus un ami qu’un ancêtre.

La seule faiblesse de l’ouvrage est un petit côté moralisateur perçu dans plusieurs passages, un petit caractère patriarcal qui ouvre la voie aux clichés. Mais en général, j’ai passé un superbe moment de lecture avec une merveilleuse narration de l’histoire humaine. Elle n’évite pas les indices de décadence mais cette dernière ne fait-elle pas partie de l’histoire. Je recommande chaleureusement LES PARADIS PERDUS, le livre premier de LA TRAVERSÉE des temps. Vivement la suite…

Suggestion de lecture : IMMORTELLE RANDONNÉE Compostelle malgré moi, de Jean-Christophe Ruffin


L’auteur Eric-Emmanuel Schmidt

Intéressé par l’auteur, consultez sa biographie ici.
Vous pouvez aussi visiter son site officiel.
Je vous invite aussi à consultez une petite liste préparée par Babelio, de livres ayant le temps comme sujet.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 octobre 2024

LE SINGE NU, le livre de DESMOND MORRIS

*Il existe cent quatre-vingt-treize espèces vivantes de singes et de gorilles.
Cent quatre-vingt-douze d’entre elles sont couvertes de poils. La seule
exception est un singe nu qui s’est donné le nom d’<homo-sapiens>.

Cette espèce à part, qui a brillamment réussi, passe une grande partie de son
temps à étudier les plus nobles mobiles de son comportement et non moins
de temps à en négliger…les mobiles fondamentaux. *

(Extrait : LE SINGE NU, Desmond Morris, Éditions Bernard Grasset, 1968, Le
livre de poche. Édition de papier, 320 pages avec bibliographie)

Familiarisés comme nous le sommes maintenant avec l’idée que l’homme descend du singe, noud avons coutume de considérer ce parent comme un ancêtre très lointain distancé depuis belle lurette sur la route de l’évolution des espèces par la variété dite *homo sapiens*. Dans cet ouvrage, Desmond Morris va à contre-courant en déclarant que   nous ne sommes pas une espèce nouvelle née du processus de l’évolution, nous sommes toujours des singes.

Et il le démontre. Éliminant les sociétés primitives encore existantes comme étant  » des ratés de l’évolution « , il observe le singe nu moderne, arboricole, sorti des forêts et devenu carnivore, sous l’angle de la sexualité, de l’éducation, de la combativité et de la recherche du confort Pour élaborer cette thèse originale, il lui a suffi d’étudier le comportement humain dans la même optique que celui des animaux…

ON EST TOUJOURS DES SINGES
*Le fardeau que représente les soins prodigués par
les parents est plus lourd pour le singe nu que pour
toute autre espèce vivante. Les devoirs des parents
sont peut-être aussi ardus ailleurs mais ils ne sont
jamais aussi étendus*
(Extrait)

C’est un livre intéressant qui repose sur une théorie devenue obsolète mais à laquelle certains scientifiques croient encore, à savoir que l’homme est toujours un singe. Ce qui le différencie des autres primates est son absence de pilosité. Raison pour laquelle l’homme est, dans le livre de Morris, rien d’autre que le SINGE NU. 

Desmond Morris bouscule notre égo en soutenant que nous ne sommes pas une espèce nouvelle née du processus de l’évolution. Nous sommes toujours des singes, mais sans poils. Le but du petit livre de Morris est de le démontrer. Il le fait en abordant les grands thèmes liés surtout au cousinage entre fonctions animales et humaines : Les origines, le sexe, l’éducation, l’exploration, la violence, l’alimentation, le confort, relations et symbioses. 

Il est beaucoup question de sexualité dans ce livre comme si tout reposait là-dessus. Elle est omniprésente, presque crue. Cette question m’a arraché bien des sourires mais en fin de compte, les théories qui en découlent comptent parmi les moins crédibles du volume.

Même si le livre a été publié en 1968, Morris semble convaincu que sa théorie est éternelle. L’homme est un animal et c’est tout. Il tente de le démontrer avec une conviction qui ne m’a pas atteint tout à fait.

J’ai compris aussi que Morris ne s’attendait pas à ce que sa théorie soit accueillie à bras ouverts : Malheureusement, notre puissance et notre réussite extraordinaires, en comparaison des autres animaux nous inclinent à considérer nos humbles origines avec un certain mépris; je ne m’attends donc pas à des remerciements. * (Extrait) Je trouve l’argument plutôt simpliste.

Je pense que Morris avait tort de croire à la pérennité de sa théorie car si j’applique le contexte à notre époque actuelle, le livre est d’une désolante désuétude : la femme y serait une dépendance de l’homme, l’homosexualité serait un accident de parcours de l’évolution. Est-ce la fonction qu’on attribuerait alors aux prêtres? Il m’a semblé aussi que les blancs étaient plutôt privilégiés.

Si plus de vingt millions de lecteurs se sont penchés sur l’enthousiaste théorie de Desmond Morris dans les années 1960, je me demande ce qu’ils en penseraient aujourd’hui. En ce qui me concerne, le livre est dépassé, désuet et je n’ai pas trouvé de fondement scientifique sérieux qui dépasse le stade de l’observation. L’auteur nous considère comme des animaux.

Donc la vision d’ensemble se limite à celle du biologiste ou du zoologiste. J’ai eu un peu de difficulté à garder mon intérêt pour cette lecture. L’auteur m’a quand même appris des choses intéressantes, sur l’origine des phobies. Je comprends mieux maintenant ma peur des araignées, notre amour pour les chevaux et à ce sujet, Morris n’a pas manqué de développer une théorie sur l’aspect sexuel de cette affection pour les chevaux.

C’est un peu tiré par les cheveux, mais la théorie est intéressante. L’auteur penche constamment vers l’environnement. C’est sa principale force. Il ne manque pas de préciser que le singe nu surpeuple actuellement la planète bleue et que tôt ou tard, les choses devront se rééquilibrer, parce que c’est le propre des animaux.

C’est un livre passablement intéressant mais dont l’intérêt s’est limité pour moi à une certaine exploration de la mentalité d’une l’époque.

Suggestion de lecture : DARWIN ET L’ÉVOLUTION EXPLIQUÉS À NOS PETITS-ENFANTS, de Pascal Pick

Né en 1928 à Wiltshire, Desmond John Morris est un zoologiste, écrivain et peintre anglais. Au début des années 1950, Desmond Morris intègre le département de zoologie de l’Université d’Oxford pour y réaliser sa thèse sur le comportement animal. 

Il se penche alors sur l’étude des oiseaux, puis des grands singes. Avec ses derniers, il réalise un projet autour d’œuvres réalisées par son chimpanzé Congo. L’Institute of Contemporary Arts de Londres exposera ces toiles.  Desmond Morris devient un précurseur en matière d’éthologie humaine avec son ouvrage « Le Singe nu » vendu à plus de 10 millions d’exemplaires. (Artsper)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 août 2021