35 MM, le livre de CHRISTOPHE COLLINS

*-Excusez-moi…mais je suis un peu
sur les nerfs…et je sais que les
apparences ne sont pas en ma
faveur. Je ne connais pas ce type
étendu dans la chambre froide.
Mais c’est bien dans mon
restaurant qu’il est venu mourir.*
(Extrait: 35 MM, Christophe Collins,
Lune-Ecarlate éditions, numérique,
310 pages)

Birdies’fall, un village sans histoire est ébranlé quand un restaurateur découvre un cadavre dans sa chambre froide. Selon un officier de police, ce n’est qu’un clochard qui s’est soulé et s’est accidentellement enfermé dans la chambre froide et est mort gelé…banal…et puis Il ne faut surtout pas nuire à l’évènement annuel tant attendu dans la région : le grand tournoi international de golf. Jack Sherwood décide de pousser l’enquête malgré l’avis de son chef. Son intuition lui fait craindre le pire et effectivement, un meurtre s’ajoute…

UN TUEUR ÉTRANGE
*Le livreur entra dans la maison et referma
calmement la porte derrière lui. Il se pencha
vers Maxwell, un étrange sourire figé sur les
traits. « Fin de l’acte 1, siffla-t-il en décochant
un violent coup de matraque sur la tempe du
shérif*
(Extrait : 35 mm)

35 mm est un thriller qui ne réinvente pas le genre mais qui comporte des forces et quelques originalités. Voyons d’abord le contenu : l’histoire se déroule à Birdie’s Fall, un petit village tranquille avec une criminalité à peu près nulle et qui serait un parfait *nowhere* si ce n’était d’un évènement annuel qui accueille le gratin d’un peu partout dans le monde.

En effet, Chefs d’état, artistes, diplomates etc.,  s’y donnaient rendez-vous pour L’OPEN ANNUEL DE GOLF. Un jour, la paix apparente du village est rompue quand un cadavre est retrouvé dans la chambre réfrigérée d’un restaurant.

L’enquête est confiée à Jack Sherwood qui ne croit pas la version dite officielle du soulard qui s’est enfermé par erreur dans un réfrigérateur et qui est mort gelé. D’autres cadavres s’ajoutent : *Des notables liés entre eux par le secret…Qui finissent tués lors de mises en scène macabres…* (Extrait)

Les politiques et les chefs de police font tout ce qu’ils peuvent pour ralentir l’enquête de Sherwood pour ne pas nuire à la réputation du village et de son évènement annuel, la vache à lait du patelin : l’Open de golf. Mais cette obstination cache quelque chose de beaucoup plus lourd.

Ça peut paraître bizarre de s’exprimer de cette façon, mais le meurtrier dans cette histoire, de toute évidence très intelligent, fait preuve d’une rare originalité. Par exemple, le fait de coudre les pattes d’une tarentule (préalablement endormie) sur la poitrine de sa victime (qui est bien réveillée) et d’enduire les crochets de l’animal d’un poison. Ça fait, au bout du compte, un cadavre assez impressionnant.

Voilà qui traduit une force très importante du récit : l’originalité du tueur qui va jusqu’à donner des indices aux policiers pour les narguer, des indices qui sont en lien avec des films célèbres. Ça explique le titre et ça en dit très long sur la psychologie du tueur qui nous est dévoilée très graduellement par l’auteur :

*Du fard de couleur bleue. Histoire de donner au cadavre l’apparence d’un mort de froid…telle que la croyance populaire se l’imagine. Cela dénote d’une réflexion, d’un crime qui va au-delà de la simple pulsion .* (Extrait) .

L’intrigue elle, est assez bien menée mais elle accuse des faiblesses, un certain piétinement dans le fil conducteur de l’histoire et, au départ, un prologue très étrange, écrit au temps présent et qui représente à peu près l’idée que je me fais d’un faux départ. Il m’a donc fallu un certain temps pour être entraîné dans l’histoire mais ma patience a été récompensée comme ça se produit souvent en lecture.

C’est la crédibilité et la psychologie des personnages qui m’ont remis sur les rails. Une petite exception toutefois : Sherwood, le flic désabusé venu s’installer au milieu de nulle part pour enterrer un passé douloureux et qui se retrouve sur la piste d’un tueur en série. Cet aspect du flic instable dans une enquête est plus que réchauffé…il est brûlé.

Cette faiblesse s’endure à mon avis car si vous persévérez dans votre lecture, dites-vous que vous vous dirigez vers une finale impensable, un dénouement tout à fait imprévisible qui vous donne l’impression d’avoir été mené en bateau par un auteur habile et dont vous avez été incapable de percer le secret.

Alors il ne vous reste qu’à dire à l’auteur : Mission accomplie, et vous voilà sur la liste des lecteurs ou lectrices satisfaits… Enfin, notons des chapitres relativement courts et une plume fluide. 35 mm est un thriller original qui est allé au-delà de mes attentes. Les références cinématographiques sont particulièrement intrigantes. Bref, j’ai passé un très bon moment de lecture et je n’hésite pas à recommander ce thriller de Christophe Collins.

Suggestion de lecture : APOCALYPSE SUR COMMANDE, de Ken Follett

Né en 1970, Christophe Collins a publié plusieurs romans fantastiques, d’aventures et d’action à la fin des années 90. Il a également touché au théâtre, au seul-en-scène, à la radio, à la télévision, à la critique littéraire et à la poésie.

Sous le nom de Christophe Corthouts, il a travaillé pendant plus dix ans avec Henri Vernes sur les aventures de Bob Morane. En 2011, il publie L’ÉTOILE DE L’EST, la première enquête du commissaire Sam Chappelle de la police de Liège. En 2012, L’ÉQUERRE ET LA CROIX, la seconde enquête de Chappelle est dans les librairies. Avec 35 MM, il publie son premier thriller.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 9 juin 2019

INDÉSIRABLES, le livre de CHRYSTINE BROUILLET

*Benoît avait levé sa main droite dans les airs,
Joss et Mathieu fondaient sur Pascal et son
cousin, leur arrachaient leurs masques en
poussant des cris de joie féroces. Maxime vit
la terreur déformer le visage de Pascal juste
avant que Mathieu lui enfonce une cagoule
noire sur la tête et la serre à sa gorge.
*
(Extrait : INDÉSIRABLES, Chrystine Brouillet, Les
Éditions de la Courte Échelle, 2003, num. 315pages)

Un homme sans scrupule tente de convaincre une jeune fille de tuer sa femme à sa place. Il avait souvent repensé au tueur qu’il avait engagé pour violer et assassiner Hélène, mais il ne se décidait pas à employer la même méthode pour être libéré de sa femme. Et il ne pourrait peut-être pas engager un tueur professionnel aussi aisément que la première fois et l’abattre après qu’il eut accompli son contrat sans être inquiété. L’adolescente accepte le contrat mais tente à son tour de manipuler un enfant pour qu’il accepte de commettre le meurtre

MANIPULATION MEURTRIÈRE
*Est-ce que tu pourrais nous préparer un
philtre royal? On le boirait ensemble…
Oublie ça. Reprit Betty. On n’en pas
besoin. Tu es le king et je suis ta queen.
On va se venger de tout le monde.

(Extrait : INDÉSIRABLES)

Je n’ai jamais été déçu par Chrystine Brouillet, y compris du temps où elle écrivait pour la jeunesse. Encore une fois, cette québécoise nous livre ce que j’appelle un roman *tricoté serré* : INDÉSIRABLES développe en convergence deux éléments.

D’abord, une enquête minutieuse sur la mort de Mario Breton qui coïncide avec des agissements bizarres du policier Armand Marsolais puis, l’histoire raconte le drame de Pascal, 12 ans, nouveau dans sa classe, petit, un peu chétif, très timide, introverti. Il devient vite la tête de turc de sa classe : intimidé, agressé, insulté, rejeté.

Maintenant, si je mets les deux éléments en convergence, ça nous donne le but de l’histoire que je résume rapidement ici. Marsolais, homme fourbe et sans scrupules veut profiter seul de l’énorme fortune de sa femme et décide de s’en débarrasser mais pas lui-même.

Il tente de convaincre Betty, une ado livrée à elle-même, égocentrique, violente et manipulatrice, de tuer sa femme à sa place. Betty qui veut se venger du petit ami qui l’a laissé tomber manipule à son tour le pauvre Pascal dont l’estime de soi est au plus bas, pour qu’il passe à l’acte et prenne à lui seul la culpabilité du crime.

J’ai été comme rivé à ce roman, inquiet pour Pascal, soucieux de savoir s’il va se sortir d’un fossé aussi profond sans accessoire. On appelle ça *entrer dans un livre*, plonger dans le récit et devenir prisonnier de sa trame.

Comme j’ai pu l’observer dans LE COLLECTIONNEUR, le roman INDÉSIRABLES est d’une extrême minutie, l’intrigue est extrêmement bien ficelée. J’ai bien aimé ma lecture même si l’édition électronique que j’ai utilisée était très mal ventilée. Les chapitres étant déjà assez longs, c’était un peu pénible, mais vue l’addiction développée pour cette histoire, je trouvais ça pardonnable.

Et puis j’ai retrouvé avec plaisir deux personnages sympathiques et attachants qui deviennent récurrents dans l’œuvre de Chrystine Brouillet : Maxime (SOINS INTENSIFS) qui vit maintenant avec Maud pendant la semaine et Grégoire (LE COLLECTIONNEUR) qui est devenu aide-cuisinier dans un prestigieux restaurant. En passant, Maud se fait toujours appeler BISCUIT.

Les deux garçons apportent à l’histoire une belle fraîcheur en plus d’être très utiles, à leur façon. Surtout que c’est Grégoire qui va enclencher sans le savoir le processus de conclusion de l’histoire.

En plus d’être d’une grande densité sur le plan littéraire, INDÉSIRABLES nous parle, nous aborde directement. Il y a un brassage d’émotions parce que le sort de Pascal a occupé mon esprit pendant toute ma lecture. Je me suis senti interpelé sur des problèmes rencontrés partout dans le monde et qui sont difficiles à résoudre parce qu’ils sont occultés, passés sous silence jusqu’à l’éclatement du drame.

Je parle de l’intimidation, du harcèlement, du taxage, de la violence verbale, psychologique et physique dans les écoles et de la manipulation. Tout ce qu’a vécu Pascal finalement, sans que personne n’intervienne. Pascal s’est isolé dans sa souffrance et sa solitude jusqu’à l’éclatement final car Betty est vraiment allée au bout de sa méchanceté.

Mais il n’y a rien de moralisateur ou d’accusateur entre les lignes d’INDÉSIRABLES bien au contraire. J’ai admiré le doigté et la sensibilité de l’auteure quant à la façon d’aborder ces problèmes sociaux criants. Je vous recommande donc INDÉSIRABLE et je dirai en terminant que le livre a une belle valeur pédagogique. On devrait en suggérer ou en imposer la lecture à l’école dès le premier secondaire. Une profonde compréhension du texte serait bénéfique à tout le monde.

Chrystine Brouillet est une auteure et chroniqueuse québécoise née le 15 février 1958 à Loretteville. Elle décroche le prix Robert Cliche dès le tout début de sa carrière avec CHÈRE VOISINE publié en 1982. De 1992 à 2002, elle publie près d’une douzaine de romans pour la jeunesse, surtout à la Courte Échelle. Cette période de sa carrière a été marquée par de nombreux prix prestigieux.

Mais ce qui fait que Chrystine Brouillet est passée au rang des auteurs les plus lus au Québec, tient d’un personnage qu’elle a créé, une femme inspecteur de police, héroïne d’une série policière de 1987 à 2013 : MAUD GRAHAM. La carrière de Chrystine Brouillet est gratifiée d’une prestigieuse reconnaissance littéraire dont l’Ordre de la Pléiade et en 1995, le grand prix littéraire Archambault.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 15 mars 2019

 

NUIT DE FUREUR, le livre de JIM THOMSOM

*Des capsules de trois cents milligrammes d’amytal.
Des barbituriques. Un produit vicieux. Vous en avalez
une et vous oubliez complètement en avoir pris. Alors
vous en prenez encore plus…il suffisait d’en vider
quelques-unes dans cette bouteille de piquette et…?*
(Extrait : NUIT DE FUREUR, Jim Thomson, Éditions Payot et
Rivages, 1953, réédition 2016, édition numérique, 200 pages)

Carl Bigelow est un petit homme, santé précaire, myope, poumons en très mauvais état.  Un jour, il se voit confier une mission par le patron : assassiner Jake Winroy, un mafieux. Personne ne doit soupçonner un règlement de compte. Comme Jake est un alcoolique perdu, Carl doit lui trouver une mort parfaite qui colle avec sa réalité d’épave. Carl a une réputation de manipulateur futé et il a misé là-dessus. Mais chez les Winroy, il y a deux femmes : l’épouse de Jake et la bonne, affublée d’une infirmité dont Carl aimerait bien connaître l’origine. 

DÉTRAQUÉ : CORPS ET ÂME
*Je jetai un dernier coup d’œil à Jake avant de quitter
la chambre. Ruthie lui avait presque arraché la gorge
avec l’un de ses propres rasoirs. Elle avait eu peur de
le faire, vous comprenez, et peur aussi de ne pas en
être capable. Et sa peur l’avait rendue folle de rage.
Ça ressemblait beaucoup à ce que j’avais fait subir à
la Gnôle.
(Extrait)

C’est le cinéma qui m’a fait connaître Jim Thompson. En fait, j’ai vu l’adaptation cinématographique de son roman L’ASSASSIN QUI EST EN MOI, version française de THE KILLER INSIDE ME avec Casey Affleck. Un film extrêmement opaque, froid, cru et violent. J’étais intrigué et pour en savoir un peu plus, j’ai jeté un œil sur la bibliographie de Thompson.

J’ai vu à qui j’avais affaire : un auteur débordant d’imagination, spécialiste du polar, devenu un incontournable de la littérature du XXe siècle et qui donne une place dans chacun de ses livres pour des esprits torturés et pas seulement les esprits, les corps aussi. C’est une caractéristique de son œuvre.

Dans NUIT DE FUREUR, un tueur impitoyable et insaisissable, Carl Bigelow se voit confier la mission de tuer Jake Winroy, une balance qui a donné ses complices à la police sur un plateau d’argent. Pourquoi la police n’a jamais pu mettre la main sur Bigelow?

Peut-être parce que ce personnage, intriguant, petit de taille, malade comme un chien, pâle comme un brouillard matinal, qui crache le sang, malmené par la tuberculose qu’il soigne avec du whisky et dont à peu près toutes les dents sont pourries…ce personnage donc n’inspire pas tellement la crainte puisqu’il porte le masque de l’insignifiance. Mais ce n’est qu’un masque. Sa réputation le précède. Il est froid, sans pitié.

Au cours de sa mission, beaucoup de choses vont changer pour le tueur sous l’influence de deux femmes dont l’une fortement handicapée et qui se déplace avec une béquille. Les femmes et le sexe constituent une forte addiction chez Carl, mais dans ce cas-ci, la vie de Bigelow va basculer….le manipulateur génial devenant graduellement manipulé lui-même.

Je crois que Jim Thompson est fidèle à son style. Il y a de la noirceur dans son roman, de la crudité, du cynisme même mais il s’est beaucoup attardé au profil psychologique de ses personnages. Ça complique l’histoire, ça la rend difficile à suivre parce que les directions sont changeantes. Le fil conducteur n’est pas solide. Parfois, j’avais plus l’impression de lire un drame psychologique qu’un thriller.

Le rythme est trop lent pour mettre l’intrigue en valeur. Le personnage principal est très intrigant. On dit que c’est un tueur froid et sans pitié et pourtant, dès le début de l’histoire, il me donnait une impression de faiblesse et de laisser aller…peut-être à cause de l’image de jeune étudiant qu’il se donnait pour préparer son crime, mais je n’ai pas embarqué dans cette mise en scène..

La finale du roman est beaucoup mieux travaillée, bâtie de façon à atteindre le lecteur. Elle est d’une grande profondeur sur le plan psychologique et dérangeante et elle nous ramène à du grand Thompson, donnant le point final à une âme détraquée, qui n’est pas celle qu’on pense, un cerveau en déroute. Une finale imprévisible qui donne une grande valeur à l’ensemble du récit et qui vous fera saisir tout le sens du titre.

Je ne regrette pas la lecture de NUIT DE FUREUR même si je l’ai trouvé un peu difficile à suivre. Je crois qu’il faut considérer la lecture d’un livre de Jim Thompson comme une expérience. C’est tortueux et tourmenté, incisif mais efficace.

Jim Thompson (1906-1977) est un romancier, nouvelliste et scénariste américain. Il s’est spécialisé dans le roman noir. Il en a écrit plus d’une trentaine, tous en partie autobiographiques. La notoriété de Thompson s’est surtout établie après sa mort, dans les années 1980 avec la réédition de ses livres et l’adaptation de plusieurs de ses romans au cinéma, dont le célèbre GUET-APENS sorti en 1972 et réalisé par Sam Peckinpah avec Steve McQueen. Je précise enfin qu’en France, entre 1950 et 1975, Thompson a été publié dans la collection SÉRIE NOIRE dont j’ai déjà parlé. Le créateur de la série, Marcel Duhamel lui avait offert symboliquement le numéro 1000 de la collection pour son livre 1275 ÂMES.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 16 décembre 2018

L’ACCORDEUR DE PIANO, le livre de Pascal Mercier

*J’attendis que cédât en moi cette grande pression intérieure comme lorsqu’on a enfin surmonté un obstacle. En vain. Je sus alors que quelque chose n’allait pas.*
(Extrait : L’ACCORDEUR DE PIANO,  Pascal Mercier, Meta-Éditions, 2008, édition de
papier, 510 pages)

Un ténor célèbre est abattu d’un coup de pistolet sur la scène de l’opéra de Berlin alors qu’il était en pleine représentation de Tosca de Puccini : L’assassin est identifié : il s’agit d’un accordeur de piano. Ses enfants, les jumeaux Patrice et Patricia regagnent le foyer familial afin de comprendre ce qui a poussé leur père, accordeur réputé mais piètre compositeur à commettre ce meurtre. C’est en sondant le passé de leur père que les jumeaux vont découvrir la cause de son désespoir et de celui de toute la famille. Est-il possible que le crime ait été orchestré par la musique ou qu’il ait un lien avec celle-ci? 

LA MUSIQUE COUPABLE
*…Succès. C’était le mot devant lequel je
M’étais enfui et que je ne voulais plus
jamais entendre. Quoique fût ce qui
avait envoyé Père en prison, l’idée de
succès y avait joué un rôle, j’en étais
sûr.
(Extrait : L’accordeur de piano)

 Avant d’entreprendre la lecture de L’ACCORDEUR de piano, j’étais stimulé par plusieurs critiques élogieuses que j’ai lues sur ce livre de Pascal Mercier… Beaucoup de commentaires pour le moins flatteurs. Malheureusement, j’ai déchanté au fil des pages.

Le récit évoque l’histoire d’une famille un peu dégénérée, en commençant par le père et époux : Frédéric Delacroix, un musicien raté dont la vie s’enlise dans un déni total de son incapacité à créer de grandes œuvres musicales. Sa vie se résume en d’*amères expériences du foyer et les nombreuses humiliations subies dans sa recherche de reconnaissance*. (extrait)

Ensuite, il y a la mère, une morphinomane qui est loin de ce qu’on pourrait appeler une enfant de Marie. Finalement, il y a les jumeaux : Patrice et Patricia dont l’amour qui les unit va un peu plus loin que le simple amour fraternel si vous me suivez bien.

Dans ce livre, les jumeaux communiquent entre eux par le biais de cahiers qui expliquent finalement une sorte de malédiction qui pèse sur la famille avec une énorme quantité de détails, dont beaucoup sont insignifiants,  qui se coupent et se recoupent. Ces cahiers sont aussi préparatoires à la séparation définitive des jumeaux.

Il y a sept cahiers pour chaque jumeau. Cela donne à l’œuvre une forme littéraire un peu particulière qui ne m’a pas vraiment emballé. Je précise aussi que le drame est annoncé dès le départ : un célèbre ténor est abattu en plein concert, devant tout le monde, par Delacroix.

Par l’entremise des cahiers, les jumeaux tente d’expliquer le geste du père, et ce faisant, dévoilent des secrets fort dérangeants sur l’histoire de la famille. C’est loin d’être simple.

Ce n’est pas facile de commenter un tel livre. D’une part, l’écriture est d’une magnifique richesse, dans une excellente traduction (de l’allemand au français) mais d’autre part, j’ai été déçu par la pauvreté du sujet. L’ensemble est lourd, indigeste avec des longueurs assommantes.

L’histoire est complexe et je me suis souvent perdu dans des sommes de détails dont l’utilité m’apparaissait douteuse. J’ai trouvé agaçant de ne pas trouver plus de rythme, de légèreté, de simplicité,  dans un livre où on parle de musique à peu près à chaque page.

C’est un roman glauque pas facile à lire sans se perdre tellement le récit est éclaté. Il n’y a pas de repères, pas de fil conducteur et il n’y a pas d’ordre chronologiques dans les évènements. Toutefois, je ne considère pas avoir perdu mon temps car j’ai savouré la beauté de l’écriture, la richesse des mots. Sous cet aspect, je considère que l’ouvrage nous pousse à une réflexion sur l’écriture et aussi sur la complexité de la famille.

Il appartient évidemment au lecteur d’aller chercher dans le récit ce qui le fera vibrer.

Suggestion de lecture : PASSÉ À VIF, de Lisa Jackson

Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri est un écrivain et philosophe suisse de langue allemande né à Berne le 23 juin 1944. De 1993 à 2007, il a été titulaire de la chaire de philosophie des langues de l’Université Libre de Berlin, mais il est surtout connu du public pour ses romans, plusieurs ayant été traduits en français comme LE SILENCE DE PERLMAN en 1995, LÉA en 2011 et bien sûr L’ACCORDEUR DE PIANO en 1998.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MARS 2016

CRIMES À LA LIBRAIRIE, collectif de nouvelles

*L’heure est venue. Discrètement, il prend un verre de vin rouge et y laisse tomber
quelques gouttes de funeste poison. Un convive le regarde d’un air réprobateur
mais poli. -C’est pour ma pression artérielle…
(Extrait : UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE, Éditions Druide, 2014, 734 pages)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est un recueil de seize nouvelles écrites par des auteurs québécois sous un thème unique. La meilleure façon de décrire cet ouvrage est encore de citer le réalisateur du projet Richard Migneault: *Je vous invite donc…à rencontrer ces seize écrivains de chez nous pour nous amener ailleurs au cœur même de leur imaginaire. Pour stimuler leur créativité et votre curiosité, je leur ai donné un devoir pas très facile à réaliser…faire de la librairie une véritable scène de crime, transformant du coup chaque livre qui s’y trouve en témoin de l’énigme, du suspense, de l’insoutenable* 

Cette anthologie regroupe autant d’auteurs de renoms que ceux les plus prometteurs de la relève. La crème de la littérature québécoise y est. Polars, récits noirs et frissons au programme.

LES NOUVELLES :
-PUBLIC CIBLE de Patrick Sénécal
-LE LIBRAIRE ET L’ENFANT de Martine Latulippe
-UNE LONGUE VIE TRANQUILLE de Martin Michaud
-LE PSAUME DU PSOQUE de Benoît Bouthillette
-DES HEURES À LA LIBRAIRIE de Chrystine Brouillet
-UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières
-L’HOMME QUI DÉTESTAIT LES LIVRES de Sylvain Meunier
-PERINDE AC CADAVER d’André Jacques
-JUNGLE JUNGLE de Jacques Coté
-DERNIER CHAPITRE AU BOOKPALACE de Florence Menay
-MON COMBAT de Mario Bolduc
-233°C de Johanne Seymour
-ROUGE TRANCHANT de Camille Bouchard
-LE PALMARÈS de Richard Ste-Marie
-DEMI-DEUIL d’Arianne Gélinas
-RARES SONT LES HOMMES de Geneviève Lefebvre

La mort entre les livres
*-Oui je vais signer.
-Bon là tu parles. Good man!
Robinson griffonna deux mots
«fuck off»

et remit la feuille à Bennet. En
voyant l’affront de ce jeune
insolent, il devint rouge de colère.
(Extrait de JUNGLE JUNGLE de Jacques
Côté, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est le fruit d’une très intéressante expérience dirigée par Richard Migneault qui a réuni 16 auteurs québécois autour d’un thème bien précis : un crime dans une librairie, sujet original s’il en est car avec son atmosphère tamisée, son calme bucolique et l’attraction qu’elle exerce sur les esprits en quête de mots et d’histoires, la librairie est un endroit qui ne se prête pas beaucoup au meurtre.

Ce thème est une trouvaille qui a mis en lumière tout le talent des auteurs sélectionnés et bien sûr la puissance de leur plume. L’objectif de l’expérience est simple : faire connaître l’univers du polar québécois et le résultat a donné une remarquable anthologie qui m’a accroché car elle m’a permis de faire des découvertes très intéressantes.

Bien sûr j’y ai retrouvé des auteurs avec lesquels j’étais déjà familier comme Patrick Sénécal, Robert Soulières, Christine Brouillet et Martin Michaud, mais j’ai aussi découvert des auteurs qui m’ont surpris et mon donné le goût d’explorer davantage leur œuvre et leur style comme par exemple Geneviève Lefèbvre dont la nouvelle RARES SONT LES HOMMES est particulièrement oppressante.

En ce qui me concerne, la qualité des textes va de très bonne à excellente. Les textes varient beaucoup en intensité, en recherche et en originalité. Comme dans tous les recueils, il y a des bonnes nouvelles, il y en a de moins bonnes. Je ne prétends pas vous dire quelles sont les meilleures mais j’ai particulièrement accroché sur la nouvelle de Martine Latulippe LE LIBRAIRE ET L’ENFANT.

Développer une histoire de meurtre dans une librairie demandant déjà beaucoup d’imagination, y impliquer un enfant rend encore plus complexe le défi littéraire sur le plan contextuel…un défi bien relevé par L’auteure qui se spécialise dans la littérature pour enfants. C’est ce qu’on pourrait appeler une double-vie littéraire.

J’ai aussi beaucoup apprécié la nouvelle d’Ariane Gélinas DEMI-DEUIL, un récit basé sur le parfum de la libraire, qui exhale jusqu’à rendre fou. Cette nouvelle n’est pas sans me rappeler l’œuvre célèbre de l’écrivain allemand Patrick Süskind LE PARFUM dont j’ai déjà parlé sur ce site. Comme je l’ai déjà précisé, décrire une odeur avec justesse et émotion est déjà un énorme défi.

Suggestion de lecture : 17 NOUVELLES ENQUÊTES DE SHERLOCK HOLMES, recueil d’Arthur Conan Doyle


Martine Latulippe à gauche et Ariane Gélinas

Je crois que grâce à l’initiative de Richard Migneault, la littérature québécoise s’est enrichie d’un fleuron qui place le polar québécois au rang de littérature de haut niveau. Il serait intéressant de répéter l’expérience avec des auteurs québécois en émergence. Les résultats pourraient être fort intéressants.

Directeur d’école à la retraite, Richard Migneault est un défenseur de la littérature québécoise. Animateur du blogue POLAR, NOIR ET BLANC et coordonnateur des Prix TENEBRIS des PRINTEMPS MEURTRIERS DE KNOWLTON, il s’est donné pour mission de faire connaître les auteurs québécois de polar en Amérique et en Europe. Il intensifie sa mission en réunissant 16 écrivains québécois autour d’un même thème, ce qui nous a donné l’excellent recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2016

SI JE TE RETROUVAIS, le livre de NORA ROBERTS

Eh bien voilà… Il fallait bien que ça arrive un jour. Pour la première fois en 7 ans avec Québec Loisir, je n’ai pas reçu ce que j’avais commandé. En ouvrant la boîte j’ai découvert une petite brique dont l’auteur et la couverture ne me disait rien du tout. Par curiosité plus que par lâcheté, j’ai décidé de conserver le livre plutôt que de le retourner. Après tout, des découvertes fantastiques ont été faites en partant d’une erreur!


Fiona Bristow mène une vie idyllique sur une île au large de seattle avec ses trois labradors. Dans sa jolie maison campagnarde, elle dirige son centre de dressage canin et reçoit des clients d’un peu partout. Quelques années plus tôt, elle a été kidnappée par un tueur en série. Par miracle elle a pu s’échapper, mais le tueur s’est vengé en assassinant son fiancé, ce qui a conduit à son arrestation.

Après des années difficiles, Fiona a enfin pu retrouver la paix dont elle avait besoin pour se reconstruire après ce cauchemar.  C’est alors qu’entre dans sa vie Simon Doyle, un homme plutôt froid et  asocial devenu propriétaire malgré lui d’un chien incontrôlable. Une chimie se crée entre ces deux personnes aux caractères particulièrement opposés. Puis se produisent des événements inquiétants: une série de meurtres sont commis en suivant exactement les mêmes méthodes que le kidnappeur de Fiona. Et tout indique que le tueur se rapproche d’elle.

Il serait très facile de ne pas aimer ce livre. Une recherche rapide a confirmé mes doutes: Nora Roberts a une sérieuse bibliographie de romans d’amour et de thrillers psychologique. Du coup ça explique pourquoi l’intrigue amoureuse et les états d’âme de Fiona prennent autant de place. Beaucoup de –je t’aime -moi non plus mais pas trop à l’eau de rose heureusement. Ça peut tout de même devenir vite ennuyeux quand on aime pas le genre.

Nora Roberts

En ce qui me concerne, trois éléments m’ont fait accrocher suffisamment longtemps pour que je veuille le finir. Dans la première partie du livre,  Fiona dirige une équipe de recherche afin de retrouver un enfant égaré. Il est beaucoup question de dressage, de comportement et de psychologie canine. Moi qui veut un berger ou un retriever depuis des années, j’en ai rêvé un coup! L’histoire se déroule à la campagne, au travers de forêt,  de clairières et  de prairies, encore de quoi me faire rêvasser. Et finalement la petite intrigue policière est somme toute assez intéressante.

Comme vous voyez c’est plutôt subjectif. Les chiens, la campagne et le meurtrier m’ont aidé à passer au travers des histoires de couple des deux personnages principaux, et de ne pas regretter la lecture de ce livre de 600 pages. Enfin j’ai trouvé que Nora Roberts manipule bien les dialogues, qu’elle utilise en abondance. Elle réussit aussi à bien nous représenter les lieux, sans se lancer dans des phases descriptives interminables.

Suggestion de lecture : LE CHIFFREUR, de Christine Benoit

Phenixgoglu
Avril 2013

Un cadavre de classe, de ROBERT SOULIÈRES

Voici un roman jeunesse fou et niaiseux, mais dans ce que ces termes ont de meilleur! En vulgarisant, il s’agit d’un roman policier, mais il est bourré d’humour! Je le recommande grandement, surtout pour les petits lecteurs, ceux qui sont intimidés ou écœurés par le côté parfois sérieux et intello de l’univers des romans.

Si vous êtes intéressé, l’excellent compte rendu que vous trouverez ICI achèvera de vous convaincre.

Dans le complément je vous présente un extrait que j’ai trouvé particulièrement sweet!

Suggestion de lecture : CAPITAINE STATIC d’Alain M. Bergeron

Phenixgoglu
Décembre 2012

(En Complément…)

CYANURE, le livre de CAMILLA LÄCKBERG

Née le 30 aout 1974 à Fjällbacka en Suède, Camilla Läckberg est l’auteure d’une série de romans policiers  parus  chez Actes Sud.

Les intrigues se situent toujours à Fjällbacka, ancien port de pêche de la côte ouest en Suède, reconverti en station balnéaire, qui, sous des apparences tranquilles cache des  relations humaines compliquées, sordides et rarement gratifiantes. .

L’histoire est celle de la famille LIJECRONA qui, un peu avant Noël se réunit sur l’île de Valo. Ils sont 8 réunis dans une maison fort belle, confortable, bien pourvue mais isolée. On y retrouve le milliardaire patriarche Ruben, ses 2 fils, leurs femmes et leurs enfants, et Martin, l’ami policier d’une des petites filles. Ils sont d’autant plus isolés qu’une violente tempête de neige empêche tous déplacements.

Le premier repas de la famille prend les allures d’un règlement de compte alors que Ruben, persuadé que la plupart de ses enfants sont des incapables cupides et profiteurs, dit de façon tranchante et sans appel sa façon de penser. Par la suite, le patriarche meurt dans d’horribles souffrances et de façon spectaculaire.

Martin prend l’enquête en main mais sera confronté à un casse-tête beaucoup plus complexe qu’il le croyait.

L’histoire est courte et pas très originale. Le style n’est pas sans rappeler Agatha Christie, et dans une moindre mesure Conan-Doyle (qui est infiniment plus raffiné avec Sherlock Holmes). Ici, l’enquête est confiée à un personnage pas très sûr de lui et qui évolue péniblement et ça devient agaçant à lire. Toutefois, l’auteur a fait de Martin le policier un personnage attachant et humain à défaut d’être génial…il n’a pas le coté *snobinard* d’un Hercule Poirot ou d’un Holmes. Comme lecteur, ça m’a donné un petit élan de sympathie.

C’est loin d’être un chef d’œuvre et ça n’invente rien, mais comme le livre est assez court (150 pages) je vous en suggère la lecture, ne serait-ce que pour la finale qui est assez inattendue et qui m’a donné la satisfaction de ne pas avoir perdu trop mon temps.

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES d’Edgar Wallace

JAILU
Novembre 2012

(En Complément…)