CITIZEN SPIELBERG, le livre de John Baxter

*Ses films sont… des machines à ravir, un but qu’ils
atteignent presque toujours, et ce, pour une raison
assez évidente : son fond de commerce est ce que
les auteurs de science-fiction…appellent la
<capacité d’émerveillement>. *
(Extrait : CITIZEN SPIELBERG, John Baxter,  Nouveau
Monde édition, 2004, format numérique, 4512 Kb)

Moins audacieux que ses compatriotes Coppola, De Palma et Scorsese, le cinéaste Steven Spielberg n’en a pas moins dominé le box-office pendant plus d’une génération avec une spectaculaire filmographie: Jaws, E.T., Indiana Jones, Schindler’s List, Jurassic Park, Minority Report… Après avoir signé des biographies de Stanley Kubrick et Woody Allen, John Baxter trace le portrait de cet artisan infatigable, maniaque du détail et de l’organisation, dont les œuvres ont contribué à maintenir la puissance d’attraction du cinéma américain dans le dernier quart du 20e siècle.

Voir.ca janvier 2005

Celui à qui tout semble réussir
*Cette soif du public de savoir comment est Spielberg <en vrai > demeure
insatiable. Sa personnalité et son physique sont si banals et ses
déclarations publiques si neutres que tout le monde soupçonne un
Spielberg secret de se cacher sous cette apparence négligée. *
(extrait)

Voici un survol de cet imposant ouvrage par NOUVEAU MONDE. Je ne pourrais mieux m’exprimer quant au contenu : Des années 1970 à nos jours, Steven Spielberg domine de façon écrasante le cinéma américain. Maître incontesté du divertissement mêlant action, effets spéciaux et bons sentiments, il a accumulé plusieurs dizaines de succès au cinéma et rassemblé des milliards de spectateurs dans le monde entier, plus qu’aucun autre réalisateur avant lui. Devenu l’un des hommes d’affaires les plus riches d’Hollywood, il en est aussi l’un des producteurs les plus influents et respectés.

Les secrets d’une telle réussite ne se laissent pas facilement percer, tant l’homme s’acharne à donner une image d’extrême banalité et exerce un contrôle impitoyable sur tous ses collaborateurs. Pourtant, à l’issue d’une enquête minutieuse, l’auteur a réussi à reconstituer au plus près sa vie professionnelle – et le peu de place qu’elle laisse à sa vie privée.

Se dessine alors le portrait d’un adolescent, meurtri par une blessure familiale, qui s’étourdit dans la passion du cinéma. Un garçon timide qui « sèche » les cours de la fac pour se rendre tous les jours aux studios Universal – où on ne le connaît pas – pour prendre place dans un bureau inoccupé sur lequel il a posé une plaque à son nom !

Après deux ans passés à côtoyer tous les techniciens du cinéma, il en sait plus que quiconque sur les techniques du film et parvient à devenir réalisateur. C’est dans les années 1970 qu’il élabore son système de travail, avec une équipe de collaborateurs triés sur le volet, et devient un homme d’affaires maniaque du contrôle, jusqu’aux plus petits détails.

Si Spielberg, devenu père, reste tout au long de sa carrière attaché à des thèmes proches de l’enfance (E.T., Peter Pan), il tente néanmoins des sujets plus « adultes ». Après quelques semi-échecs, il y parvient pleinement avec La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan qui marquent une nette maturation psychologique. Depuis le milieu des années 1980, celui à qui tout semble réussir doit à chaque fois prouver qu’il peut encore étonner. Jusqu’où ?

Voilà ce qui vous attend. L’histoire d’un homme exigeant pour lui-même et pour les autres, un perfectionniste devenu génie. Il a beaucoup de points en commun avec Georges Lucas, le concepteur de STAR WARS qu’il a beaucoup côtoyé. Personnellement, avec Hitchcock, Spielberg est le réalisateur qui m’a le plus impressionné par son imagination et son souci du détail et plus encore car de chacun de ses films, sort quelque chose de positif, de moralement satisfaisant et d’émouvant.

L’émotion est la locomotive de Spielberg. Aujourd’hui, je regarde encore avec délectation DUEL, LES GOONIES, LA COULEUR POURPRE, SUPER 8. Jamais je ne m’en lasse. Les films de Spielberg demeurent résolument actuels. Pourquoi ? Le livre de Baxter contient beaucoup de réponses quant aux questions qu’on peut se poser sur un homme qui a réactualisé le sens de l’émerveillement à l’échelle de la planète.

Une œuvre aussi imposante présente au moins un irritant. La présentation est très lourde et davantage dans le format numérique. Les paragraphes sont *ramassés en paquets*. Le texte est très peu ventilé. Il est possible aussi que le souci du détail de Spielberg ait déteint sur John Baxter. L’ouvrage est détaillé sensiblement à outrance. L’auteur imbrique la vie professionnelle de Spielberg avec sa vie privée, si on peut appeler ça une vie privée.

Disons qu’elle est passablement compliquée et que plusieurs passages du livre sont un peu indigestes. Mais Baxter a eu le talent de faire apparaître la naissance du génie de Spielberg et d’en rapporter l’évolution avec une très belle fidélité. Je vous invite donc à faire la connaissance d’un Maître et de remonter le temps avec lui : CITIZEN SPIELBERG.

Suggestion de lecture : GEORGE LUCAS, UNE VIE, de Brian Jay Jones

John Baxter est un écrivain, journaliste et cinéaste d’origine australienne né en 1939 en Nouvelle-Galles du Sud. Il a commencé à écrire la science-fiction dans les années 1960 pour Science Fantasy entre autres. Il a produit plusieurs documentaires et écrit un grand nombre d’ouvrages traitant des films, acteurs et réalisateurs y compris les biographies de personnalités du cinéma, Steven Spielberg, Stanley Kubrick, Woody Allen, George Lucas.

Quelques chefs d’œuvre de Spielberg

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 avril 2023

UN MANIAQUE AU CHALET, Julie Royer

*Tout y est. Avant de prendre le chemin de la campagne,
il a cambriolé un petit commerce, prenant des caméras,
des projecteurs et tout le matériel dont il aura besoin
pour tourner son interprétation d’UN MANIAQUE AU
CHALET. Il sait d’ailleurs où il créera son œuvre. Qui en
seront les vedettes. ET IL SE SENT INSPIRÉ. *
(Extrait : UN MANIAQUE AU CHALET, Julie Royer, SLALOM
2018, Boomerang éditeur jeunesse, papier, 290 pages)


Une fin de semaine de rêve s’annonce pour Charlie et ses amis Louis et Maggie, grands amateurs de films d’horreur. Ils comptent tourner une reprise d’Un maniaque au chalet, la nouvelle œuvre de leur cinéaste favori, Hemon Globill.
Alors qu’ils se préparent au tournage, au chalet des arrière-grands-parents de Charlie, au fin fond de la forêt, un criminel surnommé le Cinéaste s’évade de prison. Il veut lui aussi reprendre le dernier film de Globill, mais à sa façon, pour vrai. Le vieux chalet sera son décor, et Charlie et ses amis, ses « comédiens ».

SCÈNES ET MISES EN SCÈNE
*Louis écoute Stéphanie en avalant
difficilement sa salive. Pour lui,
perdre la vie dans des eaux sombres
et glacées, c’est la fin la plus
ABOMINABLE QUI SOIT*
(Extrait)

C’est un petit livre intéressant pour les jeunes lecteurs de neuf ans et plus amateurs de sensations fortes. Le terme *émotions extrêmes* apparaissant sur le quatrième de couverture est peut-être un peu fort mais les jeunes y trouveront tout de même une bonne dose de frisson et auront un intéressant défi à relever : séparer la fiction de la réalité ce qui demande de la concentration.

L’histoire suit les péripéties de Charlie et ses amis, trois préados grands amateurs de films d’horreur et leurs parents, tous deux cinéastes professionnels. Le cinéaste préféré de Charlie, Louis et Maggie s’appelle Hemon Globill, réalisateurs de films d’horreur comme LA MAISON AUX POUPÉES TUEUSES ou L’OGRE DU CPE. Mais leur film préféré est  UN MANIAQUE AU CHALET qui raconte l’histoire de trois jeunes venus passer une fin de semaine au chalet, dans un endroit isolé, avec leurs parents cinéastes.

Leurs vacances tournent au cauchemar quand un vrai maniaque entre en scène avec sa caméra. Vous voyez où je veux en venir, un maniaque appelé LE CINÉASTE, échappé d’un hôpital psychiatrique veut tourner *à sa façon* une réplique du film de Globill et ses victimes potentielles, Charlie, Louis et Maggie et les parents de Charlie se préparaient à tourner le même film.

Le jeune lecteur ne doit pas perdre le fil de l’histoire car tout au long du récit, il aura à comprendre dans quel film il se trouve exactement : *Couvert de boue, un spectre ligoté rampe sur le sol, près de la rivière à côté de la chaloupe, en déployant de grands efforts pour se relever. -C’est…c’est…c’est…le…le…fan…LE FANTÔME DE LOUIS, bégaie Marie qui tremble de tous ses membres. * (Extrait)

Dans les moments les plus dramatiques, les jeunes lecteurs devront s’assurer de bien cerner le texte pour séparer la fiction de la réalité du texte. Il faut prendre cette nécessité de concentration comme un intéressant défi de compréhension de texte…un défi tout à fait à la portée des jeunes.

Je ne peux pas dire que ce récit tranche par son originalité. Mais il m’a paru évident que la principale force du livre réside dans sa présentation : une écriture fluide, des chapitres courts et ventilés, des grosses lettres, une utilisation ciblée et efficace des caractères gras, un développement modérément rapide, une intrigue soutenue, un texte bien encadré par les magnifiques illustrations de Sabrina Gendron.

La seule faiblesse que j’ai trouvée au récit est un certain manque d’émotions par endroit. Il m’a semblé que les enfants traduisaient mal la peur qu’ils ressentaient pour certains passages du récit. À ce niveau, le texte manque de constance. Mais j’admets volontiers que la perception des jeunes peut-être très différente de celle des adultes.

Les jeunes ont toujours été attirés par la littérature et le cinéma d’horreur. Je n’ai pas fait vraiment de recherches sur le sujet mais c’est un fait avéré. Les jeunes aiment avoir peur et les adultes ne donnent pas leur place dans la recherche de frissons. Moi-même, je suis un amateur inconditionnel. Cette littérature est en développement au Québec actuellement et le live de Julie Royer y ajoute un élément plus qu’intéressant.

Suggestion de lecture : LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX GRAVEL-CÔTÉ, de Catherine Girard-Audet

Julie Royer est titulaire d’un certificat en arts plastiques, d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. Depuis vingt-quatre ans, elle va où on l’invite, avec ses chansons, ses livres et sa guitare, afin d’éveiller les enfants à la lecture. Elle écrit des livres pour les petits et les grands. Elle écrit et coanime Gribouille Bouille, diffusée sur COGECOTV . En 2015 et en 2016, son émission reçoit le trophée COGECOTV pour la meilleure série télévisuelle destinée à la jeunesse. 

Bonne lecture
Claude Lambert

Le dimanche premier novembre 2020

35 MM, le livre de CHRISTOPHE COLLINS

*-Excusez-moi…mais je suis un peu
sur les nerfs…et je sais que les
apparences ne sont pas en ma
faveur. Je ne connais pas ce type
étendu dans la chambre froide.
Mais c’est bien dans mon
restaurant qu’il est venu mourir.*
(Extrait: 35 MM, Christophe Collins,
Lune-Ecarlate éditions, numérique,
310 pages)

Birdies’fall, un village sans histoire est ébranlé quand un restaurateur découvre un cadavre dans sa chambre froide. Selon un officier de police, ce n’est qu’un clochard qui s’est soulé et s’est accidentellement enfermé dans la chambre froide et est mort gelé…banal…et puis Il ne faut surtout pas nuire à l’évènement annuel tant attendu dans la région : le grand tournoi international de golf. Jack Sherwood décide de pousser l’enquête malgré l’avis de son chef. Son intuition lui fait craindre le pire et effectivement, un meurtre s’ajoute…

UN TUEUR ÉTRANGE
*Le livreur entra dans la maison et referma
calmement la porte derrière lui. Il se pencha
vers Maxwell, un étrange sourire figé sur les
traits. « Fin de l’acte 1, siffla-t-il en décochant
un violent coup de matraque sur la tempe du
shérif*
(Extrait : 35 mm)

35 mm est un thriller qui ne réinvente pas le genre mais qui comporte des forces et quelques originalités. Voyons d’abord le contenu : l’histoire se déroule à Birdie’s Fall, un petit village tranquille avec une criminalité à peu près nulle et qui serait un parfait *nowhere* si ce n’était d’un évènement annuel qui accueille le gratin d’un peu partout dans le monde.

En effet, Chefs d’état, artistes, diplomates etc.,  s’y donnaient rendez-vous pour L’OPEN ANNUEL DE GOLF. Un jour, la paix apparente du village est rompue quand un cadavre est retrouvé dans la chambre réfrigérée d’un restaurant.

L’enquête est confiée à Jack Sherwood qui ne croit pas la version dite officielle du soulard qui s’est enfermé par erreur dans un réfrigérateur et qui est mort gelé. D’autres cadavres s’ajoutent : *Des notables liés entre eux par le secret…Qui finissent tués lors de mises en scène macabres…* (Extrait)

Les politiques et les chefs de police font tout ce qu’ils peuvent pour ralentir l’enquête de Sherwood pour ne pas nuire à la réputation du village et de son évènement annuel, la vache à lait du patelin : l’Open de golf. Mais cette obstination cache quelque chose de beaucoup plus lourd.

Ça peut paraître bizarre de s’exprimer de cette façon, mais le meurtrier dans cette histoire, de toute évidence très intelligent, fait preuve d’une rare originalité. Par exemple, le fait de coudre les pattes d’une tarentule (préalablement endormie) sur la poitrine de sa victime (qui est bien réveillée) et d’enduire les crochets de l’animal d’un poison. Ça fait, au bout du compte, un cadavre assez impressionnant.

Voilà qui traduit une force très importante du récit : l’originalité du tueur qui va jusqu’à donner des indices aux policiers pour les narguer, des indices qui sont en lien avec des films célèbres. Ça explique le titre et ça en dit très long sur la psychologie du tueur qui nous est dévoilée très graduellement par l’auteur :

*Du fard de couleur bleue. Histoire de donner au cadavre l’apparence d’un mort de froid…telle que la croyance populaire se l’imagine. Cela dénote d’une réflexion, d’un crime qui va au-delà de la simple pulsion .* (Extrait) .

L’intrigue elle, est assez bien menée mais elle accuse des faiblesses, un certain piétinement dans le fil conducteur de l’histoire et, au départ, un prologue très étrange, écrit au temps présent et qui représente à peu près l’idée que je me fais d’un faux départ. Il m’a donc fallu un certain temps pour être entraîné dans l’histoire mais ma patience a été récompensée comme ça se produit souvent en lecture.

C’est la crédibilité et la psychologie des personnages qui m’ont remis sur les rails. Une petite exception toutefois : Sherwood, le flic désabusé venu s’installer au milieu de nulle part pour enterrer un passé douloureux et qui se retrouve sur la piste d’un tueur en série. Cet aspect du flic instable dans une enquête est plus que réchauffé…il est brûlé.

Cette faiblesse s’endure à mon avis car si vous persévérez dans votre lecture, dites-vous que vous vous dirigez vers une finale impensable, un dénouement tout à fait imprévisible qui vous donne l’impression d’avoir été mené en bateau par un auteur habile et dont vous avez été incapable de percer le secret.

Alors il ne vous reste qu’à dire à l’auteur : Mission accomplie, et vous voilà sur la liste des lecteurs ou lectrices satisfaits… Enfin, notons des chapitres relativement courts et une plume fluide. 35 mm est un thriller original qui est allé au-delà de mes attentes. Les références cinématographiques sont particulièrement intrigantes. Bref, j’ai passé un très bon moment de lecture et je n’hésite pas à recommander ce thriller de Christophe Collins.

Suggestion de lecture : APOCALYPSE SUR COMMANDE, de Ken Follett

Né en 1970, Christophe Collins a publié plusieurs romans fantastiques, d’aventures et d’action à la fin des années 90. Il a également touché au théâtre, au seul-en-scène, à la radio, à la télévision, à la critique littéraire et à la poésie.

Sous le nom de Christophe Corthouts, il a travaillé pendant plus dix ans avec Henri Vernes sur les aventures de Bob Morane. En 2011, il publie L’ÉTOILE DE L’EST, la première enquête du commissaire Sam Chappelle de la police de Liège. En 2012, L’ÉQUERRE ET LA CROIX, la seconde enquête de Chappelle est dans les librairies. Avec 35 MM, il publie son premier thriller.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 9 juin 2019