Les aventures de Tom Sawyer, de MARK TWAIN

*Mais Tom savait désormais de quel côté soufflait le vent et se mit en mesure de résister à une nouvelle attaque en prenant l’offensive. * (Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER, Mark Twain. Éd. Originale, 1876, réédition, 2008, Livre de Poche jeunesse, 400 pages. Version audio, Audible studio éditeur, 2014, narratrice : Mathilde Desgardin-Lamarre, durée d’écoute : 7 heures 31)

Ce livre décrit les mésaventures de Tom Sawyer, jeune garçon débordant d’imagination, élevé par sa tante Polly, au bord du Mississipi. Tom ne loupe pas une occasion de se distinguer pour plaire à la jolie Becky, et il est toujours prêt pour vivre des aventures avec son inséparable ami Huckleberry Finn, fils de l’ivrogne du village. Un soir dans un cimetière, Tom et Huck sont témoins d’un meurtre. Ils savent que le véritable assassin est Joe l’Indien… et justement ils en savent trop.

UN SYMPATHIQUE PETIT DIABLE
*Les garçons s’allongèrent à plat ventre sur le
plancher, l’œil collé à une fissure. Ils grelottaient
de peur…-Oh mon Dieu…je voudrais bien être
ailleurs ! *
(Extrait)

C’est avec plaisir que j’ai redécouvert LES AVENTURES DE TOM SAWYER, le classique best-seller de Mark Twain. J’avais lu le livre en 2017. Cette fois, j’ai utilisé le support audio et encore une fois, je me suis régalé en constatant à quel point le livre a gardé toute son actualité.

C’est d’ailleurs un des livres jeunesse les plus adulés de l’histoire de la littérature parce que le jeune lectorat se reconnait dans les personnalités de Tom et Huckleberry et le récit évoque des thèmes qui ont toujours été chers à la jeunesse : la débrouillardise, l’amitié, la liberté et l’amour émergent.

Voici donc l’histoire de Tom Sawyer, un jeune turbulent sympathique et ombrageux qui est gardé par sa tante Poly et de Hucklebbery Finn, gamin énergique, attachant, un peu naïf, qui s’habille en guenille et fume la pipe. Des jeunes vies vont basculer suite à l’arrivée dans le village de Becky Thatcher, un beau brin de fille et plus tard, Tom sera témoin d’un meurtre, ce qui va secouer l’ensemble du village, peu habitué à ce genre d’éclat.

L’histoire est fort bien développée et comprend de nombreux passages intrigants et ingénieux. Le récit étant surtout axé sur l’action, la psychologie des personnages n’était pas une priorité pour Twain mais qu’à cela ne tienne, au fil des pages, on développe l’impression qu’on connait Tom et Huck depuis toujours et on a envie de s’en faire des amis.

La narration de Mathilde Desgardin-Lamarre est intéressante quoique peut-être un peu trop déclamée. Je dois admettre toutefois que la voix qu’elle prête à Tom Sawyer est non seulement très réussie mais presque identique à celle de la version française de la télé série éponyme. Ayant visionné presque toute la série, je me sentais en pays de connaissance.

LES AVENTURES DE TOM SAWYER demeure pour moi un superbe classique qui met en valeur la liberté bien sûr et le fait que cette liberté s’acquiert, se mérite. Mais le récit pointe aussi du doigt le courage et l’audace. J’ai beaucoup aimé le petit caractère rebelle prêté aux deux principaux personnages, Tom en particulier.

Quant à Huckleberry, affectueusement appelé Hucky, j’ai trouvé ce personnage particulièrement sympathique et attachant. Je me suis surpris à le préférer à Tom. Peut-être ne suis-je pas le seul puisqu’un livre éponyme a été consacré à Huckleberry Finn, Un peu plus dramatique cette fois.

Un dernier détail intéressant, le récit est fortement autobiographique. En effet, Twain s’est inspiré de son enfance, de sa famille et surtout de quelques amis en particulier ou *combinaison d’amis* : *Huck Finn est un personnage réel. Tom Sawyer également mais lui est un mélange de trois garçons que j’ai bien connus. Il est en quelque sorte le résultat d’un travail d’architecte. *  Je vous recommande chaleureusement l’écoute de LES AVENTURES DE TOM SAWYER

Suggestion de lecture : TARZAN SEIGNEUR DE LA JUNGLE, d’Edgar Rice Burroughs

ADAPTATION À LA TÉLÉ

Plusieurs adaptations des AVENTURES DE TOM SAWYER ont été réalisées, la principale étant la série française-allemande-roumaine réalisée en 1968 par Wolfgang Libeneiner et Mihai Iacob. La photo ci-contre est extraite de cette série télévisée. Rolland Demongeot (à gauche et Marc Di Napoli incarnent respectivement Tom Sawyer et Huckleberry Finn. Outre cette série qui a marqué toute une génération, une série de bandes dessinées est parue à partir de 2007 et un jeu vidéo a été édité en 1989 par Nintendo. 

Mark Twain (1835 – 1910), dont le véritable nom est Samuel Langhorne Clemens, est né dans le Missouri. Il exerce plusieurs métiers : typographe, rédacteur dans un journal, pilote de bateau à vapeur sur le Mississipi. A partir de 1864, il exerce l’activité de reporter à San Francisco et se déplace en Europe en tant que correspondant de presse. Romancier, humoriste et essayiste, il décrira avec réalisme et sévérité la société américaine. Voir bibliographie.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 17 octobre 2020

LA BALLE SAINTE, livre de LUIS MIGUEL ROCHA

*Sache que tous les êtres humains ont leurs faiblesses.
La mienne est l’Église ; la tienne, l’excès de confiance.
Méfie-toi ! C’est souvent une grande erreur. Retire ton
ego de l’équation. Alors seulement tu pourra être sûr de
ne pas faillir.*
(Extrait : LA BALLE SAINTE, Luis Miguel Rocha, Éditions de
L’Aube, 2015, collection l’Aube Noire, COMPLOTS AU
VATICAN, t 2, édition numérique, 490 pages)

Mai 1981, Cité du Vatican. Alors que vingt mille croyants se pressent sur la place Saint-Pierre, attendant l’audience hebdo­madaire du pape Jean-Paul II, un jeune homme ­déambule parmi eux. Lorsque la papamobile passe devant lui, Mehmet Ali Aca sort un pistolet et tire six fois sur le pape avant d’être maîtrisé. Au fil des ans, l’attentat contre Jean-Paul II a fait l’objet d’intenses spéculations. Mais personne n’est parvenu à expliquer ce qui s’est réellement passé, pourquoi le pape a été pris pour cible et par qui exactement. Personne, jusqu’à maintenant, ne s’était approché de la vérité… LA BALLE SAINTE est le 2e tome de la quadralogie COMPLOTS AU VATICAN.

BONDIEUSERIES IMPROPRES
*Le pape sait-il que vous êtes ici ? Pourquoi ne pas le lui
demander vous-même ? -C’est une idée…je vais y
réfléchir. J’ai beaucoup de questions à vous poser
Père Raphaël Santini…un vif éclat brille un instant
dans le regard du russe. Il est temps de montrer ses
armes.*
(Extrait)

He oui, encore des livres avec, comme toile de fond, la face cachée de l’Église catholique ou devrais-je dire plutôt son côté obscur. Ceux qui ont lu le tome 1 retrouveront sans doute avec ravissement Rafael Santini, agent secret du Vatican, Sarah Monteiro, étoile montante du journalisme et l’énigmatique JC maître de la loge P2 qui ne serait pas étrangère à la mort du pape Jean-Paul 1er.

L’histoire suit plusieurs personnages et évènements en convergence, à commencer par l’attentat contre le pape Jean-Paul II sur lequel Mehmet Ali aca tire six fois avant d’être maîtrisé. Une de ces balles, apparemment mortelle, aurait été miraculeusement déviée, ce que Jean-Paul II attribuera plus tard à la Sainte Vierge. Le projectile a été qualifié de balle sainte et le titre laisse à penser qu’on tente encore de comprendre aujourd’hui pourquoi Jean-Paul II a été choisi comme cible et qui a pu commanditer cette tentative d’assassinat.

Dans ce deuxième opus, on retrouve encore des espions, agents secrets, agents doubles, taupes, loges secrètes, la CIA, de mystérieux ecclésiastiques envoyés par d’obscures créatures de l’église dont l’Opus Dei qu’on a appris à connaître un peu dans le livre de Dan Braun DA VINCI CODE.

Cette histoire est un vaste chassé-croisé de personnages qui ne font pas dans la dentelle et dont le but premier est de protéger l’église de tout ce qui pourrait nuire au dogme et à sa pérennité quitte à tuer, harceler, intimider, faire disparaître. Comme des milliers de livres tendent à démontrer que L’Église est historiquement assise sur le mensonge, les justiciers de la foi sont donc très occupés.

Un aspect très intéressant du livre touche la principale menace qui concerne l’église, la plus crédible dans l’histoire. Cela concerne un personnage qu’on retrouvera ici et là au cours du récit. Il s’appelle Abou Rachid. C’est un musulman à qui apparaît quotidiennement la Vierge Marie. Un musulman qui parle à la vierge c’est tout un scandale pour l’Église. Il doit disparaître. Quelqu’un s’y emploie.

Mais la sérénité, le calme et le mysticisme de Rachid opérant quelques miracles, ce ne sera pas simple pour l’église de le mettre à l’écart. L’idée même qu’un musulman soit dans les confidences de la Sainte Vierge m’en dit long personnellement sur l’utilité des religions. L’Église doit suivre un chemin. Que celui-ci mène au diable ou à la trinité Ça n’a pas d’importance. On ne doit pas déroger point. Il y aurait gros à perdre, argent, pouvoir et de colossales richesses.

Dans cette histoire, tout y est…jeux politiques, bondieuseries, manipulation, mensonge, espionnage, meurtres bref un tas de détails qui laissent à penser que l’Église n’est pas propre propre. Donc, tout y est mais il n’y a rien de neuf. C’est bien rythmé, c’est même rocambolesque. C’est une histoire complexe et peu originale avec une galerie de personnages qui donne le tournis.

Deux de ces personnages portent des noms qui rappelleront sans doute des souvenirs aux baby-boomers amateurs de séries culte : Simon Templar (Le Saint) et James Phelps (Mission impossible). Je n’ai pas compris ce choix qui fait un peu ridicule. Je dois admettre que l’auteur imbrique avec grand art l’histoire et la fiction et imprègne à son récit une intrigue assez solide. Donc au thriller s’ajoute une dimension historique.

C’est un bon thriller j’en conviens. Le fil conducteur est un peu pénible et ça manque d’originalité. On ne réinvente pas la roue. Mais bon, j’ai lu tellement de ces histoires qui se ressemblent, je m’attendais simplement à autre chose. Un peu de nouveauté quoi…

Suggestion de lecture : LE ROUGE IDÉAL, de Jacques Côté

Né à Porto en 1976, Luis Miguel Rocha a vécu en Angleterre et au Portugal. Romancier, scénariste, il est devenu le premier écrivain portugais à figurer dans la liste des best-sellers du New York Times. Il décède en 2015, âgé de seulement trente-neuf ans. LA BALLE SAINTE est le deuxième volume de la série «Complots au Vatican», après LE DERNIER PAPE (Folio Policier).

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 3 octobre 2020

TOUT EST EN UN, le livre de CHRIS ANDSON

*…j’ai peur que l’on ne puisse pas passer
sur l’île ce soir. Il le faudrait pourtant,
assura Marshal. Je voudrais bien
remettre la main sur notre prophète
avant que quelqu’un s’acharne sur lui
et lui fasse bouffer les versets de la
bible.*

(Extrait: TOUT EST EN UN, Chris Andson,
Plume Noire, collection LES CHRONIQUES
DES NOMBRES. Une édition pour tous, 2015,
version numérique, 288 pages)

La vie avec le commandant Foreste n’était pas vraiment une partie de plaisir. Son côté sombre, sa violence et son caractère étaient de moins en moins gérables. Alors quand Karen Styles lui ordonna de protéger un homme étrange, il s’exclama : – Qu’est-ce qu’il a à dire de si important ce blaireau, que je sois obligé de lui servir de garde du corps ? – Vous ne devez rien savoir commandant. Simplement le protéger. – Mais qui c’est ce mec ? – Vous le découvrirez bien assez tôt. Marshal Foreste sortira terrassé par cette rencontre.

L’ÉNIGME DU SURVIVANT
*Les otages commençaient à comprendre que
l’homme ne les relâcherait pas, tant sa folie
l’entraînait vers l’abîme. Marshal en était d’autant
plus conscient qu’il faisait un rapprochement
avec la présence qu’il trouvait suspecte, du mec
à la veste marron, qui comme par hasard se
trouvait toutes les fois sur les lieux d’un carnage.*
(Extrait : TOUT EST EN UN)

Le héros de cette histoire mouvementée est un personnage très singulier : le commandant de police Marshall Foreste. Près de la moitié du volume est consacré aux états d’âme du policier. Habituellement, je considère cela comme une faiblesse mais ici, il faut voir et comprendre la nature du personnage pour apprécier l’histoire.

En effet, le limier est mufle, mal embouché, extravagant, indiscipliné, excentrique, sombre, violent, impitoyable, incroyablement dur pour son corps, exigeant pour lui et les autres : *Tout lui collait à la peau, tout lui mangeait son oxygène. Comme certaines bêtes, il faisait respecter son territoire. Son énergie, sa vitesse d’exécution et de discernement, son comportement excentrique, cela jouait en sa faveur.* (extrait)

C’est ainsi que la faiblesse est devenue une force. Il est intrigant et extrêmement intéressant de suivre l’évolution de ce personnage malmené par la vie, dans une enquête complexe et très particulière.

Maintenant que nous avons cerné le héros, voyons l’histoire. La police s’intéresse à un mystérieux personnage qui s’est retrouvé sur les lieux de trois tueries et qui s’en est sorti indemne à chaque fois. Il s’appelle Ornet Sens, venu de nulle part et sachant exactement où il s’en va : en guerre contre le gourou d’une secte qui s’en met plein les poches, commanditaire de vol, de violence, et de meurtres.

Son objectif est de livrer aux membres de la secte NOUVEL HOMME un message de paix, d’amour et de liberté et de dévoiler toute la vérité sur l’infâme gourou Jim-Bocker Smiss. Le commissaire ordonne au commandant Foreste de surveiller et de protéger Sens qui n’a, à première vue, aucune idée du danger qui le guette et qui consiste à le faire taire…définitivement.

C’est une histoire accrochante dont le traitement est sans demi-mesure malgré une plume subtile et sensible. L’histoire  est originale parce qu’il n’est pas question ici de pousser une réflexion sur le sens de la vie mais plutôt de donner un sens à une mort. Happy ending ou pas? À vous de juger, mais le dernier quart de l’histoire est d’une forte intensité dramatique. L’auteur a particulièrement bien travaillé ses personnages.

Malgré tout l’étalement des bobos personnels de Foreste, je me suis attaché à ce personnage tout à fait extraordinaire. je vous laisse découvrir Ornet Sens, Jésus des temps modernes, qui se focalise sur une mission de nature à faire comprendre qu’aucune secte n’est justifiable surtout lorsque le gourou exploite ses semblables pour satisfaire sa soif de pouvoir et de confort.

La véritable faiblesse de ce livre que j’ai lu en version numérique est la traduction que j’ai trouvée fort douteuse, de nombreuses fautes d’orthographe, d’accords, de grammaire. Des mots sont manquants. J’ai été obligé plusieurs fois de relire des phrases et de revenir en arrière pour bien saisir le contexte du paragraphe ou du chapitre.

Ce fut pour moi comme un duel : une histoire aussi bien imaginée insérée dans un texte bourré de fautes. Je ne comprends pas qu’une maison d’édition puisse tolérer un tel gâchis. Il ne semble pas y avoir eu de relecture ou de révision. Dommage. Si vous avez la volonté ferme de surmonter le massacre du français, vous lirez tout de même une histoire haletante. Je crois que le jeu en vaut la chandelle.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Je ne peux pas dire que Chris Andson est très généreuse quant aux détails sur sa vie professionnelle et encore moins personnelle, pas plus sur les photos d’ailleurs… Les cercles littéraires se limitent à dire que c’est une auteure de romans policiers et thrillers à succès avec notamment sa série LA CHRONIQUE DES NOMBRES. Elle adore développer des enquêtes où l’étrange se mêle avec subtilité à la réalité.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 25 septembre 2020

LA TABLE DE ROBESPIERRE, de CHARLES RICHEBOURG

*Il souleva un coin du funèbre linceul…
il resta stupéfié devant le visage qu’il
venait de découvrir. Le No 16 regardait
l’éternité de ses yeux vitreux, mais sa
bouche souriait, comme si la mort avait
figé sur ses lèvres l’expression d’une
radieuse satisfaction. *
(Extrait : LA TABLE DE ROBESPIERRE,
Charles Richebourg, Éditions Oxymoron,
2017, éd. Numérique, 82 pages)

Hippolyte Plinthe, un professeur de philosophie est retrouvé égorgé sur un banc du Jardin des Plantes. Le commissaire Odilon QUENTIN apprend que le vieil homme s’était rendu, au « Café Royal » dans l’intention d’écrire une lettre capitale sur la table de Robespierre qu’occupait le célèbre politicien aux entractes du club des Jacobins durant la Révolution Française. L’  étrange client aurait griffonner un mot adressé au policier évoquant  « le baiser de la veuve ». Pourtant, la missive n’est jamais arrivée à destination. Et que signifie cette lubie de se rendre sur la table de Robespierre? Pour quelle raison le mort arborait-il un sourire radieux?…

SI MAXIMILIEN SAVAIT
*D’un invraisemblable fatras de ragots et
de cancans émergeait au moins un
renseignement précis: en quittant son
appartement pour la dernière fois, le
septuagénaire avait déclaré se rendre
au « café royal », dans l’intention bien
arrêtée d’écrire une lettre d’importance
capitale sur < la table de Robespierre. >

(Extrait)

Je parlerai d’abord d’Odilon Quentin, personnage récurrent dans l’œuvre de Richebourg. Le personnage créé par Charles Richebourg, est beaucoup flamboyant. 47 enquêtes menées par un homme prompt à résoudre les enquêtes qui lui sont proposées. J’ai pu apprécier ses talents de déduction et de synthèse.

Je crois que Richebourg a créé un personnage complet, bien creusé, solidement campé, brillant malgré ses attributs physiques : Il est gros, son apparence est terne, tête dégarnie, air empâté et il est loin d’être habillé au goût du jour mais voilà, il ne faut pas s’y fier car sa finesse d’esprit et sa perspicacité sont remarquables. Les romans mettant en vedette ce sympathique personnage sont courts, indépendants les uns des autres.

C’est ce que j’appelle des romans de gare car ils se lisent vite et bien et chacun a sa part de revirements et d’originalité. Pour ceux et celles qui apprécient les lectures aussi brèves que bien développées, je suggère fortement la collection ODILON QUENTIN. Je vous invite à consulter les titres et les premières de couverture sur le site de l’éditeur.
Cliquez ici.

Tous les attributs de Quentin se retrouvent dans le livre que je cite comme exemple aujourd’hui : LA TABLE DE ROBESPIERRE. Hypolite Plinthe, un savant de 75 ans, original et extrêmement lettré, est retrouvé égorgé. Quentin, chargé de l’affaire apprend que le professeur s’est rendu au café Royal afin d’écrire une lettre évoquant le *baiser de la veuve* sur la table utilisée jadis par Robespierre pendant ses pauses de la dictature *jacobine*  .

Pour Quentin, le baiser de la veuve évoqué dans la lettre sous-entendait la vengeance, ce qui rendait plus claire la raison pour laquelle Plinthe voulait écrire la lettre sur cette table historique :

*Conformément à ses principes, le savant estime que, pour produire un maximum d’efficacité, la lettre qui fera tomber la tête d’un homme doit être écrite à l’endroit où s’installait jadis le suppôt de la guillotine. En somme, il s’efforce de créer l’ambiance.* (Extrait)

Il faut mentionner ici qu’à l’époque décrite par cet opus, la guillotine est encore utilisée dans l’application de la peine de mort et aussi rappeler que Robespierre lui-même a été exécuté sans procès le 28 juillet 1794. Quant à savoir qui a tué Hypolite Plinthe, le commissaire Quentin a du pain sur la planche mais il a déjà une clé pour résoudre l’affaire : LA TABLE DE ROBESPIERRE.

L’idée du récit est originale et l’ensemble est développé avec une plume habile et intelligente. Le récit est aussi intriguant, surtout si on tient compte du fait que le professeur a été retrouvé mort avec un sourire béat aux lèvres. Un petit côté agaçant dans cette lecture est le rappel constant des caractéristiques physiques de Quentin qu’on appelle souvent le gros commissaire. Ça revient trop souvent et c’est irritant. Mais en général tous les éléments sont réunis pour une excellente lecture.

Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso

Quelques mots sur Robespierre

Maximilien de Robespierre s’engage dans la politique et est élu député en mai 1789. Il se fait remarquer par son éloquence en défendant la liberté de réunion, la liberté de la presse, le suffrage universel ainsi que l’instruction gratuite et obligatoire. Il milite au Club des Jacobins dont il prend la tête en avril 1790 grâce à sa réputation d’intégrité, qui lui vaut le surnom d’Incorruptible.

D’abord partisan d’une monarchie constitutionnelle, il devient, après la trahison de Louis XVI, l’un des principaux adversaires de la monarchie et s’impose comme un partisan des réformes démocratiques.

Après la chute de la monarchie, Robespierre est élu à la Convention nationale et contribue à faire voter la condamnation à mort de Louis XVI. Plus tard, il est élu membre du Comité de salut public qui cherche d’abord à éliminer les factions tels les modérés de Danton et les «Indulgents» de Camille Desmoulins puis installe le régime de «La Terreur». Robespierre atteint le sommet de sa puissance en juin 1794, en étant élu président de la Convention nationale.

L’intensification de la Terreur qui découvre toujours de nouveaux «ennemis du peuple» conduit des membres de la Convention nationale et du Club des Jacobins à organiser une conspiration. Robespierre est mis en garde à vue à l’Hôtel de Ville et meurt guillotiné le 28 juillet avec une vingtaine de ses partisans.

Maximilien de Robespierre 1758-1794

Charles Richebourg est un pseudonyme. L’auteur qui se cache derrière ce nom d’emprunt a toujours été énigmatique pour les lecteurs et les commentateurs littéraires. Dès le départ, il œuvrait en force pour les collections *AVENTURE* et *POLICE ET MYSTÈRE*.

Son personnage le plus récurent est le policier Odilon Quentin.  Richebourg s’étend très peu sur lui-même. Il évolue dans l’ombre. Je n’ai même pas trouvé une petite photo acceptable. Par contre j’aime beaucoup le petit côté énigmatique et vieillot de ses premières de couverture.

         

Bonne lecture
le vendredi 18 septembre 2020
Claude Lambert

FAUX-SEMBLANTS, le livre de JEFF ABBOTT

*« Je regrette mais je dois le faire. J’ai besoin de
le faire» répondit le «Saigneur». Il sortit le poignard
de son fourreau et le glissa sous son siège. Il avait
pris soin de le nettoyer et de l’affûter, après sa
dernière utilisation. *
(Extrait : FAUX-SEMBLANTS, Jeff Abott, édition Le Cherche
Midi, éd. Or. 2004, édition numérique, 370 pages)

Lorsque le fils d’un sénateur, Peter James, devenu star du porno, revient dans sa ville natale du Texas, rien de bon n’est à prévoir. Il est d’ailleurs retrouvé mort dans un yacht du Port Leo. Tout porte à croire que c’est un suicide par balle dans la bouche.  Tout porte à croire ?? En fait, c’est pas aussi simple. Whit Mosley et Claudia Salazar chargés de l’enquête ne sont pas au bout de leur peine et vont dangereusement affronter un tueur pervers et manipulateur. Avec FAUX-SEMBLANTS, l’auteur Jef Abbott nous garantit le retour récurrent de Mosley et Salazar.

LES VISAGES DE L’AMÉRIQUE
*Whit pensait qu’elle s’avilissait en travaillant
dans le porno, que dirait-il s’il voyait ce qui
lui arrive maintenant? Il comprendrait alors
ce qu’est vraiment l’abjection. >
Extrait

Au départ, je croyais avoir affaire à la petite lecture légère d’un format de poche, genre salle d’attente. C’est plus que cela. En fait, j’ai creusé ma tête de lecteur pour comprendre la démarche du juge Whit Mosley et tenter de me mettre à sa place pour décider entre autres de la nature du décès de Pete Hubble. Il a toutes les apparences d’un suicide.

Mais un doute persiste et devient même pernicieux à un moment où l’enquête du juge prend un tournant comportant danger de mort. Pour développer son enquête Abbott a créé des personnages un peu particuliers : Whit Mosley : devenu juge par accident, vieux garçon un peu aventurier, au look tape-à-l’œil, ne se prend pas au sérieux mais il reste consciencieux et se débat avec courage dans l’enquête la plus complexe de son mandat.

Autre personnage intéressant : la victime, Pete Hubble, une star de la porno, tourmenté par la mort de son frère Corey Hubble sur lequel il décide de tourner un film…sérieux. Pour ce film, Pete décroche un financement douteux avant de mourir d’une balle dans la bouche. Il est retrouvé, pistolet en main. Il y a aussi Lucinda, une sénatrice qui travaille à sa réélection et qui a tellement de choses à cacher. Toute la famille est  bizarre, un peu tordue.

Enfin, il y a Claudia Salazar, policière nouvellement divorcée, à cheval sur son indépendance et qui cherche du gallon… Parallèlement à ces évènements, un tueur cruel et machiavélique torture et tue dans un environnement très proche de nos personnages

Comment est mort Pete Hubble ? C’est le fil conducteur de cette histoire complexe. L’auteur nous réserve bien des surprises en plus d’une finale tout à fait improbable. Par la puissance de son écriture et son sens pointu de l’intrigue, Abbott fait plus que développer une enquête, il entraîne carrément le lecteur en plein sur le terrain de Mosley et Salazar. À travers revers et rebondissements, je me suis posé la question : Pete s’est-il suicidé ou pas.

Aurait-il été victime du tueur en série ou peut-être de sa propre famille et si c’était le cas, quel est l’intérêt. C’est une histoire bien montée, ficelée au point de mystifier le lecteur. Un seul point faible : l’histoire comporte peu d’éléments qui permettent de comprendre de façon satisfaisante les motivations du meurtrier en série. Toutefois, à la fin, son identité aura de quoi surprendre, le lecteur bien sûr mais en particulier notre ami le juge de paix.

FAUX-SEMBLANTS est un thriller dont l’intrigue est en équilibre avec le rythme qui est élevé et soutenu, parfois même essoufflant. Les personnages sont intéressants et bien travaillés, en particulier les limiers.

Et puis, comment ne pas apprécier à Whitt Mosley, cette tête de mule attachante au look de vacancier qui doit rendre un jugement dont sa vie pourrait dépendre…Les enchaînements et les rebondissements sont de nature à garder le lecteur dans le coup jusqu’à la fin…la fin qui m’a laissé un peu pantois.

L’intrigue n’est pas de nature à nous mettre copain-copain avec la politique. Il est rare dans la littérature policière, que ce milieu soit présenté à son avantage. Même chose pour le monde du porno, présenté comme étant sordide et glauque, sans compter de possibles ramifications avec la Mafia et le monde de la drogue…

Il ne faudra pas s’étonner si le premier tiers de l’histoire semble plus lent et terne. Ne vous y fiez pas. Tout se met en place et après, il faudra bien s’accrocher au fil conducteur de l’histoire car la complexité de l’enquête pourrait vous faire perdre le fil de l’histoire. En gros, je qualifierais FAUX-SEMBLANTS d’*excellent condensé de divertissement*

Suggestion de lecture : HANNIBAL, de Thomas Harris

Jeff Abbott est né en 1963 à Dallas, au Texas. Diplômé de l’Université de Rice, à Houston, en Histoire et Lettres, il se tourne vers l’écriture de romans en créant un personnage récurrent, «Jordan Poteet», bibliothécaire au Texas, et sa famille quelque peu excentrique. Il obtient «The Agatha Award» et «The Macavity Award» pour son premier titre «Do unto others» publié en 1994.

Avec le suivant, il évolue vers le roman un peu plus sombre, et un nouveau personnage : le Juge Coroner Whit Mosley et son investigatrice Claudia Salazar, avec lesquels il écrit trois titres.  En 2005, il passe enfin au thriller avec «Panic», qui va recevoir le «Thriller Award». C’est avec Panique que les francophones le découvrent en 2006. Depuis «Panic» et quelques 5 autres thrillers, un autre personnage a vu le jour, Sam Capra, jeune agent de la CIA, dans trois romans publiés en 2015.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 28 août 2020

Le mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux

*…il n’y a pas de cheminée dans la chambre <jaune>. Il ne pouvait s’être échappé par la porte… Par la fenêtre restée fermée avec ses volets clos et ses barreaux auxquels on n’avait pas touché, aucune fuite n’avait été possible. Alors? Alors…je commençais à croire au diable…*

(Extrait : LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston
Leroux, édition originale : Pierre Lafitte, 1907, 236 pages.
Pour la présente, extrait de 50 CHEFS D’ŒUVRE QUE VOUS
DEVEZ LIRE AVANT DE MOURIR, vol. 1, livre-collection
numérique)

Un soir, malgré la porte de la chambre fermée à clef « de l’intérieur », les volets de l’unique fenêtre solidement fermés eux aussi « de l’intérieur », et en l’absence de toute cheminée ou passage secret, Mlle Stangerson est agressée dans la chambre jaune. Une trace ensanglantée de la main du coupable est retrouvée sur le mur.

Qui a tenté de tuer Mlle Stangerson ? Et surtout, par où l’assassin a-t-il pu fuir de la chambre jaune ? Le jeune reporter Rouletabille, limier surdoué d’à peine 18 ans qui raisonne par « le bon bout de la raison », entreprend de trouver la solution de cet affolant problème.

ROULETABILLE <au bout de la raison>
*<À l’assassin ! À l’assassin ! Au secours ! > Aussitôt

des coups de revolver retentirent et il y eut un
grand bruit de tables, de meubles renversés, jetés
par terre, comme au cours d’une lutte et encore
la voix de mademoiselle qui criait <À l’assassin !
… Papa ! Papa !>*

Avec LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston Leroux introduit dans la littérature policière un personnage qui va se démarquer : Joseph Joséphin, jeune journaliste de 18 ans. Petite taille, le visage rond comme une boule de quilles d’où le surnom qui va lui rester : ROULETABILLE, deux bosses sur le front :

*Mais qui donc pourrait encore se vanter d’avoir la cervelle de Rouletabille ? Les bosses originales et inharmoniques de son front, je ne les ai jamais rencontrées sur un autre front…* (extrait)

Il est d’une intelligence remarquable et possède un extraordinaire talent de détective. Son raisonnement est affûté et part du principe qu’on doit affronter une énigme en utilisant le bon bout de la raison. Il me fait penser un peu au célèbre personnage de Hergé, Tintin qui est jeune aussi, reporter et doué pour résoudre les énigmes les plus complexes. Sauf que Tintin ne fume pas la pipe et est infiniment moins prétentieux.

Je trouve le jeune héros imbu de lui-même. Je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à Rouletabille mais je dois admettre qu’il est surdoué et même génial.

Ça prend Rouletabille pour résoudre le mystère de la chambre jaune. En effet, on tente d’assassiner une jeune scientifique, mademoiselle Stangerson dans sa chambre. Mais on ne comprend pas comment l’assassin a pu quitter la chambre jaune après son forfait.

La porte de la chambre et la fenêtre étant verrouillées de l’intérieur. Pas de cheminée. Le mystère est total. Il fera d’ailleurs époque en littérature introduisant d’une certaine façon le problème du *local clos*.

Toute l’enquête, le roman autrement dit devient une manifestation allant crescendo d’instinct, de réflexion, d’inférence, de déductions, de raisonnement et de raison. Le sujet, original, m’a gardé en haleine jusqu’à la finale où le coupable identifié était pour moi le plus improbable. L’ensemble est extrêmement imaginatif et il y a un petit quelque chose de surréaliste dans le déroulement de l’enquête.

Je l’ai ressenti dès le début alors que le drame éclate dans la chambre jaune. J’avais pensé à quelque chose de surnaturel mais le triomphe de la raison s’est dévoilé très graduellement, brillamment…écriture efficace, teintée d’action et de rebondissements jusqu’au revirement final.

C’est un bon livre. Son style est un peu vieillot mais la publication remonte quand même au début du 20e siècle. Toutefois le sujet qu’il développe et sa complexité en ont fait un classique. L’intrigue s’étire et parfois, les raisonnements ne finissent pas de finir et ça donne des passages indigestes et lourds.

Le héros comme tel n’a pratiquement aucun magnétisme et ses manifestations d’intelligence sont souvent teintées d’orgueil. Je ne l’ai trouvé ni sympathique ni attachant. Mais le récit demeure solide et l’intrigue, très singulière. LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE demeure un des huis-clos les plus extraordinaires de la littérature policière.

Je laisse le mot de la fin à Joseph Joséphin dit Rouletabille qui s’exprime sur le mystère de la chambre jaune : *-En vérité ! En vérité ! Acquiesça Rouletabille, qui s’épongeait toujours le front, semblant suer moins de son récent effort corporel que de l’agitation de ses pensées. En vérité ! C’est un très grand et très beau et très curieux mystère ! *(Extrait)

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, d’Edgar Wallace

LA CHAMBRE JAUNE AU CINÉMA

LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE a été adapté cinq fois au cinéma : 1913 (muet), 1919, 1930, 1949 et 2003. On en a fait aussi un téléfilm en 1965, un feuilleton radiophonique en 1983. Je signale aussi plusieurs adaptations en bandes dessinées. Ma version cinématographique préférée est celle réalisée en 1949 par Henri Aisner avec Serge Reggiani dans le rôle de Joseph Rouletabille, à droite sur la photo.

   

Serge Reggiani incarne Joseph Rouletabille dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE adapté au cinéma du livre de Gaston Leroux en 1949

Auteur français natif de Paris, Gaston Leroux (1868-1927) Grand aventurier, il n’est pas comblé par le métier d’avocat et se tourne plutôt vers le journalisme. Il travaille pour l’Echo de Paris dès 1892 puis accomplit des missions de grand reportage dans le monde entier pour de nombreux journaux. Il rencontre véritablement le succès avec son personnage de Rouletabille. Cet ingénieux reporter gagne le coeur des français dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNEle Fantôme de l’opéra et bien d’autres encore. S’en suit alors la série des Chéri-Bibi, à partir de 1913, qui remporte le même succès.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 août 2020

DÉFAILLANCES, le livre de B.A. PARIS

*Je retiens ma respiration. Suffoque en silence sous
le choc. C’est comme si on venait de me jeter un
seau d’eau à la figure pour me réveiller. Pour me
faire comprendre l’énormité de ce que j’ai fait…
Pourquoi…pourquoi ai-je fait ça ? *
(Extrait sonore :  DÉFAILLANCES, B.A. Paris, éditions
AUDIBLE studios, 2018. Narration : Maud Rudigoz,
durée d’écoute : 8 heures 55)

L’histoire est celle de Cassandra, appelée Cass et mariée à Mathew depuis un an. Tout commence une nuit d’orage sur une route isolée traversant une vaste forêt. Cette nuit-là, Cass ne s’est pas arrêtée pour offrir son assistance à la conductrice d’une voiture immobilisée au bord de la route…toujours en plein orage. Donc Cass repart sans intervenir. À ce moment, sa vie bascule…Le lendemain, Cass apprend que la conductrice a été sauvagement assassinée. Cassandra est assaillie par la culpabilité. Elle commence à recevoir des coups de fil anonymes qui la chavirent à chaque fois. Est-ce que quelqu’un l’a vu? 

Alors que les pertes de mémoire deviennent de plus en plus fréquentes chez Cass dont la mère a été emportée par une démence précoce comparable à la maladie d’Alzheimer, Cassandra commence à douter sérieusement d’elle-même et insidieusement, l’angoisse s’installe et se transforme en terreur.

AU-DELÀ DE L’OBSESSION
*Ce n’est plus de la peur mais de la terreur. *
(Extrait)
DÉFAILLANCES est un thriller psychologique intense et sombre. Son atmosphère est maintenue sensiblement oppressante. Disons que, pour planter le décor, une jeune femme, Cassandra nommée Cass se retrouve en pleine nuit d’orage sur une route traversant une forêt très dense.

En roulant, elle voit une voiture stationnée sur l’accotement. Une femme est au volant. Elle ne fait aucun signe et n’utilise pas ses clignotants. Cass décide de ne pas s’en occupée et reprend sa route. Le lendemain, Cass apprend que la femme qu’elle a aperçu la nuit dernière a été retrouvée morte, égorgée.

Dès lors, Cass développe une paranoïa. Elle a la sensation d’être épiée et même visitée par l’assassin de la femme. Cass reçoit régulièrement des appels silencieux. Elle est persuadée que c’est l’assassin. Ça devient une obsession qui l’étouffe. Elle s’en ouvre à son mari et à sa meilleure amie mais ils prennent ça avec un grain de sel et tentent de rassurer Cass.

Plus étrange encore. Cass a maintenant des blancs de mémoire. Elle oublie parfois ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, ce qui double ses inquiétudes d’autant qu’avant de mourir, sa mère était atteinte de démence précoce. Alors que la jeune femme dépérissait, elle fit des découvertes qui lui laissèrent supposer qu’elle pouvait être l’objet d’un complot.

Était-ce une nouvelle obsession qui se pointait ajoutant ainsi à cette apparence d’hystérie? Si tel était le cas, devait-elle appliquer le vieux proverbe qui dit : *Tel est pris qui croyait prendre*? Que pouvait-elle faire alors que personne ne la prenait au sérieux? En plus, elle prenait des médicaments qui lui faisaient perdre le contact avec la réalité.

Cette histoire est celle d’une descente aux enfers. Le lecteur devient pris dans un étau psychologique qui rappelle un peu certains scénarios d’Alfred Hitchcok. L’affaissement psychologique de Cass est développé graduellement de manière à donner des sueurs au lecteur qui doit prendre un parti entre la démence et la manipulation. La tension va crescendo jusqu’à une finale que j’ai trouvée fort bien ficelée.

Le récit comporte toutefois quelques faiblesses. Il y a de nombreux passages où la suite des évènements est prévisible …Le seul fait que les appels silencieux soient faits en l’absence de Mathew m’a laissé perplexe au départ. Et puis je me suis interrogé sur l’utilité de ces appels. Les personnages n’ont pas été travaillés en profondeurs, sauf peut-être Cass que j’avais envie de prendre par la main à certains moments donnés.

Mais il reste que DÉFAILLANCE est un huis-clos qui a quelque chose d’étouffant et qui devient addictif dès le moment où le lecteur sent venir le revirement de situation…cette espèce de point de rupture qui fait que n’importe quoi peut arriver. L’Histoire comme telle n’est pas un chef d’œuvre d’originalité mais son développement s’est fait avec une exceptionnelle habilité…une marque de commerce de B.A. Paris.

Quant à la narration, je suis satisfait de la performance de Maude Rudigoz. Son ton de voix colle très bien avec l’essence du récit. Il y a des passages monocordes mais ils sont largement compensés par des déguisements de voix habiles exercés dans les dialogues surtout. Et puis elle a une harmonique vocale assez agréable. 

Donc en résumé, DÉFAILLANCES est un très bon thriller psychologique, bien monté, efficace. Récit parfois lourd et prévisible. Stressant. Très bonne narration. Le livre est classé best-seller et je verrais très bien une adaptation cinématographique.

Suggestion de lecture : AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, recueil SF

B. A. Paris laisse filtrer peu d’informations sur elle. On sait qu’elle est D’origine franco-irlandaise et qu’elle a été élevée en Angleterre avant de s’installer en France. DERRIÈRE LES PORTES est son premier roman, il sera traduit dans 33 pays. Behind Closed Doors est dans la liste des finalistes du Prix Thriller Goodreads 2016. On peu en savoir plus sur la chronologie de ses publications en visitant sa page Facebook.

Bonne écoute
le samedi 22 février 2020
Claude Lambert

LÉDO, un roman sombre de PIERRE CUSSON

<Tu vas voir, salaud, lequel des deux est le plus fou…Le triangle enflammé n’est plus qu’à vingt mètres. Le moment est arrivé…> (Extrait : LÉDO, Pierre Cusson, Éditions Pratiko/ Polar presse, édition numérique, 375 pages)

La petite ville de Ste-Jasmine et l’inspecteur Réginald Simard sont aux prises avec une série de meurtres tous aussi horribles que mystérieux. Un dangereux criminel court les rues et semble insaisissable. Il s’acharne à narguer Simard en le ridiculisant par des notes laissées sur les lieux de ses méfaits. La clé de l’énigme est confinée dans les dossiers de l’éminent policier.

De nombreux rebondissements viennent compliquer l’enquête et au moment où le mystère Lédo semble résolu, surgit alors l’impensable…*Un être aussi abject, d’une perversité aussi extrême, ne peut continuer à faire partie intégrante d’une société* Extrait

PSYCHOPATHE ET PIRE…
*Recouvert d’une mince couche de frimas, le corps
de Rita Donovan gît tout au fond, sur un lit de
petits paquets de viande et de boîtes de produits
de toutes sortes.. À ses pieds l’accompagne son
caniche…*
(Extrait : LÉDO)

Comme la plupart des livres de Pierre Cusson, Lédo est un roman policier très sombre. Pour vous placer le mieux possible dans le contexte, je pourrais comparer le style de Cusson à celui de Martin Michaud (voir la chorale du diable) ou encore à celui de Chrystine Brouillet. Ces auteurs ont une capacité de montrer jusqu’où peut descendre la bêtise humaine.

Dans LÉDO, la petite ville de Sainte-Jasmine est le théâtre de meurtres aussi horribles que mystérieux. Des meurtres qui laissent supposer que les victimes ont subi une innommable torture. Un criminel dégénéré court les rues, insaisissable et pousse la provocation jusqu’à laisser des messages à l’inspecteur Réginald Simard qui enquête sur ces meurtres :

*«Que fais-tu Simard? Tu arrives trop tard. Il ne te reste plus qu’à ramasser les ordures. Comme d’habitude. Tu es un incompétent et jamais tu ne pourras m’attraper. Mais comme je suis généreux, tu auras encore ta chance. Ce petit salaud n’est pas le dernier. Alors à bientôt, Réginald. xxx.»* (Extrait)

J’ai plongé dans cette lecture et je n’ai jamais vu le temps passer. Intrigue, mystère, énigmes et beaucoup de questionnements. Il semble que plusieurs victimes étaient loin d’être des enfants de chœur. Mon attention était déjà soutenue jusqu’au milieu du récit où j’ai eu droit à un véritable coup de théâtre, l’histoire a fait un extraordinaire virage sans nuire en quoi que ce soit au fil conducteur.

N’ayant aucune idée du nombre de pages restantes, je croyais que l’histoire était terminée. Mais non. J’étais au milieu. La deuxième partie m’a catapulté dans une forte addiction qui m’amenait de surprise en surprise.

Pierre Cusson a fort bien soigné la psychologie de ses personnages et a orchestré une histoire noire dont certains passages sont à soulever le cœur et poussent le lecteur et la lectrice à se demander s’il est possible que l’homme puisse descendre aussi bas. Je vous fais grâce des détails mais en dehors des exactions humaines heureusement décrites avec une certaine retenue, nous avons ici un excellent roman policier, très bien écrit.

Le style de Cusson est très direct et le caractère haletant de l’histoire ne ménage pas le lecteur. Bavures, errance policière, traîtrise… La plume est forte. Il n’y a pas de longueurs, pas de temps morts. Le coup de théâtre au milieu du récit m’a pris par surprise et j’ai trouvé la finale fort imaginative et qui n’est pas sans laisser le lecteur avec de la matière à réflexion.

En fait, le principal questionnement ici est le fait de se faire justice soi-même. *«Se faire justice soi-même est un grave délit. Laisser errer un meurtrier parmi les innocents, c’est de la folie pure et simple», Ce sont ces phrases que Réginald Simard avait criées à Marcel Vincelette alors que ce dernier quittait sa chambre à l’hôpital de Sainte-Jasmine.* (Extrait)

Est-ce qu’on est en droit de dire que quelqu’un ne mérite pas de vivre? Que la seule façon d’empêcher une récidive de la part d’un meurtrier est de l’abattre ? Est-ce qu’on peut se substituer à la justice ?

Qui n’a pas été tenté de le faire ? La loi est claire. Il y a la justice qui est là pour ça. Elle est lente. À beaucoup, elle donne l’impression d’être détraquée. La justice est aveugle comme le dit l’expression consacrée, mais c’est la justice. Le livre pose ou peut-être devrais-je dire *expose* une question : Est-il possible qu’il se présente des circonstances qui ne donnent pas le choix ?

Plusieurs personnages ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être. C’est un beau défi de lecture car on va de rebondissement en rebondissement et l’énigme s’épaissit au fur et à mesure de la progression de l’histoire et la première conclusion tirée au milieu de l’ouvrage est surprenante. Pour ceux et celles qui aiment les lectures *hard* et *gore* pour utiliser un langage exceptionnellement familier, LÉDO est pour vous.

Suggestion de lecture : DANS L’OMBRE DE CLARISSE, de Madeleine Robitaille

Au moment d’écrire ces lignes, les notes biographiques sur Pierre Cusson étaient à peu près inexistantes. Je sais que Pierre Cusson est né en 1951 en Montérégie au Québec et que toute son enfance a été imprégnée des histoires d’Hergé, de Jules Verne et d’Henri Verne et plusieurs autres auteurs et qui ont contribué au développement de l’imagination déjà fertile de Pierre Cusson. Pour suivre cet auteur, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 novembre 2019

AGATHA RAISIN ENQUÊTE : LA QUICHE FATALE

Commentaire sur le livre de
M.C. Beaton

*Quoiqu’il en soit, j’espère que vous ne vous
êtes pas mis en tête de devenir la Miss Marple
de Carsely, et que vous n’essayez plus de
montrer que cet accident était un assassinat.*

(Extrait: LA QUICHE FATALE de la série
AGATHA RAISIN ENQUÊTE, M.C. Beaton,
t.f. Éditions Albin Michel, 2016, Numérique,
250 pages)

Voici le premier tome de la série Agatha Raisin : une miss Marple moderne qui n’a pas froid aux yeux, fume comme un pompier et boit sec. Dans LA QUICHE FATALE : Agatha Raisin coule une retraite anticipée dans un paisible village des Costwolds, où elle ne tarde pas à s’ennuyer ferme. Elle participe au concours de cuisine de la paroisse croyant que ça la rendrait populaire. Mais à la première bouchée de sa quiche, l’arbitre de la compétition s’effondre et Agatha doit révéler l’amère vérité : elle a acheté la quiche fatale chez un traiteur. Pour se disculper, une seule solution : mettre la main à la pâte et démasquer elle-même l’assassin.

AVANT-PROPOS :
En 2016, Marion Chesnay initie, sous son nom de plume M.C. Beaton, une nouvelle série intitulée AGATHA RAISIN ENQUÊTE. Bien sûr, Agatha Raisin est un petit clin d’œil à Agatha Christie qui elle-même a créé un personnage ayant plusieurs points en commun avec Agatha Raisin. Je parle bien sûr de Miss Marple.

Madame Raisin est une spécialiste de la communication et des relations publiques. Après plusieurs années à la direction de sa propre entreprise, elle décide de prendre une retraite anticipée, vendre sa compagnie et s’installer dans la campagne anglaise.

Quant à la personnalité de madame Raisin, disons que c’est une femme difficile d’approche, plutôt froide, égocentrique. Elle n’a pas la langue dans sa poche mais elle franche et loyale. Elle n’a pas beaucoup d’amis à part un ancien de sa boîte, Roy, un homosexuel extraverti.

L’auteure met tout en place dans ce premier opuscule pour *humaniser* Agatha Raisin et lui donner des ailes car faut-il le mentionner, son installation dans le *cottage raisin* va lui apporter des maux de tête mais va surtout lui apprendre à se connaître elle-même. Elle se découvre entre autre une capacité de déduction qui fait la barbe aux policiers.

UN PLAT QUI SE MANGE CHAUD !
*John Cartwright est  le mari d’Ella Cartwright, qui avait
une liaison avec Cummings-Browne. Qui aurait pu penser
qu’il savait cuisiner ? C’est une sorte de gros gorille
dégoûtant. Tu vois. C’est tout à fait possible. Quelqu’un
a très bien pu remplacer ma quiche par la sienne.*
(Extrait)

Donc, dans ce premier volet de la série, Agatha Raisin s’installe à Carsely, petit village au cœur des Cotswolds. Elle ne l’aura pas facile car ces petits hameaux sont souvent comparables à des cercles fermés. C’est long avant d’y être accepté…

*Dans un roman d’Agatha Christie, elle aurait non seulement reçu la visite du pasteur mais aussi celle de quelque colonel à la retraite et de son épouse. Tandis que là, toute conversation se limitait «’jour», «’soir» et quelques mots sur la météo* (Extrait) Elle décide donc de faire quelque chose pour s’intégrer à la communauté.

Elle a eu l’idée de participer à un concours culinaire avec toutefois une petite tricherie que je vous laisse découvrir et qui fera toute la différence dans le récit et plus précisément l’enquête. Le plat proposé est une quiche aux épinards…elle ne manquera pas de faire de l’effet car le juge qui en fait la dégustation en meure.

On a trouvé dans la quiche de la cigüe aquatique, une plante mortelle. Agatha devra travailler très fort pour se sortir de cette situation dramatique. Comme on dit souvent que la meilleure défense est l’attaque, Agatha décide d’enquêter étant donné que les policiers obtiennent peu de résultats.

Je trouve l’idée de cette série intéressante. Le lien avec Miss Marple m’a frappé malgré sa discrétion. Je dois toutefois dire que nous sommes très loin ici de la rigueur des romans policiers d’Agatha Christie. Malgré une certaine capacité de Beaton à entretenir l’intrigue, le récit manque de fini et ce qui pourrait passer pour des rebondissements n’est en fait qu’un enchaînement de fausses pistes qui mettent en perspective l’opiniâtreté d’Agatha Raisin.

L’acharnement de celle-ci vise à prouver qu’il y a eu  meurtre et donc qu’il ne s’agit pas d’un simple accident. C’est une faiblesse dans le récit car la cigüe ne s’est pas trouvée là par hasard. Il m’a semblé évident dès le départ que ça ne pouvait pas être un accident. La police ne pouvait pas être bête au point de ne pas tirer cette première conclusion.

Donc, sur le plan policier, ce premier opuscule manque de rigueur. Je ne m’en fais pas outre mesure. Je n’ai pas lu les autres tomes de la série, mais je suis sûr que M.C. Beaton ne faisait que préparer le terrain avec la QUICHE FATALE. Elle a commencé par creuser les personnages dont Roy que j’ai trouvé extrêmement sympathique et bien sûr Agatha Raisin à qui elle attribue finalement une direction arrêtée.

Donc dans ce premier volet, je dirais que l’auteure est en mode *installation*, *mise en contexte*, début d’une nouvelle vie pour madame Raisin : la retraite…faut bien s’occuper. L’auteure nous fait aussi faire la connaissance du village et de ses habitants. On y trouve quelques corniauds et surtout beaucoup de chipies, dont la voisine d’Agatha…voisine qui sera remplacée à la fin par quelqu’un de beaucoup plus intéressant.

Qu’il me suffise de dire en conclusion qu’on est très loin du chef d’œuvre. Je ne m’attendais pas à un chef d’œuvre de toute façon et ce n’est pas ce que je cherchais, sachant très bien que LA QUICHE FATALE n’est que le premier volet d’une longue série appelée à se peaufiner et à s’améliorer.

Le simple non d’Agatha Raisin ne démontre-t-il pas qu’il ne faut pas prendre ses aventures trop au sérieux. C’est une lecture légère et divertissante et j’espère avoir bientôt l’occasion d’y revenir.

Suggestion de lecture : LE BILLETS GAGNANT, recueil de nouvelles de Mary Higgins Clark

QUELQUES *AGATHA RAISIN*

        

LISTE COMPLÈTE

AGATHA RAISIN À LA TÉLÉ

Ashley Jensen joue le rôle d’Agatha Raisin dans la série Britannique créée en 2016

Née en 1936 à Glasgow, Marion Chesney alias M.C. Beaton a été libraire et journaliste avant de devenir un des auteurs de best-sellers les plus lus de Grande-Bretagne avec ses deux séries de romans policiers : Hamish MacBeth et surtout Agatha Raisin (plus de 15 millions d’exemplaires vendus dans le monde). Elle a aussi à son actif plusieurs romans d’amour et historiques. Livreonline.com publie entre autre sur cette auteure prolifique une très intéressante revue de presse. Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 28 juillet 2019

AFFAIRES PRIVÉES, livre de MARIE LABERGE

*-Le suicide, Rémy, ça se sème pas de même.
C’est pas le genre d’affaires qui s’attrape
comme un rhume. Faut souffrir pour se tuer.
À quinze ans comme à soixante. Comment
elle a fait ça? *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES, Marie Laberge,
Productions Marie Laberge 2017 pour l’édition de
papier, Éditions Martha pour l’édition numérique.
442 pages numériques.)

Quand Rémy Brisson, le directeur de l’escouade des crimes non résolus, affecte Vicky Barbeau à une enquête sur une mort fort peu suspecte, il le fait pour des raisons personnelles. Il est incapable de refuser quelque chose à la mère de cette jeune fille de quinze ans trouvée morte dans un boisé après avoir pris une dose mortelle de somnifères. Et quand Vicky s’aperçoit qu’en s’approchant des témoins de la vie de cette magnifique Ariel, elle s’expose à revoir des gens qu’elle a relégués au passé, l’enquête prend des allures de cauchemar.

CÔTÉ NOIR
*Qu’un adulte se laisse traiter comme du bétail à faire
jouir, ça le regarde. Mais qu’on contraigne un enfant,
qu’on profite de l’ascendant qu’on a sur lui pour
L’entraîner dans une violence et une subordination
inimaginables, tout cela pourquoi? Pour permettre à
Des impuissants de rêver qu’ils dominent enfin, alors
Qu’ils sont dominés par leurs peurs et leur abjection. *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES)

Il y a longtemps que je ne m’étais laissé aller à une lecture aussi addictive. Troisième essai dans le roman policier pour Marie Laberge. Elle a signé une histoire complexe et brillante. Un succès.

Voyons d’abord la trame : le directeur de l’escouade des crimes non résolus Rémy Brisson demande à Vicky Barbeau d’enquêter sur le suicide apparent d’une jeune fille nommée Ariel, retrouvée morte dans un boisé, intoxiquée par une dose massive de somnifère.

Vicky enquête effectivement, mais rien ne laisse supposer autre chose qu’un suicide. Elle apprend qu’une autre fille de l’école d’Ariel, s’est suicidée il y a deux ans Après l’étude des conclusions de l’enquête et du rapport du coroner, tout tendait à confirmer les suicides. Ce n’est qu’à l’arraché que Vicky, aidée de son collègue français Patrice trouvera quelques indices qui laisse supposer que tout ça n’est pas net.

Et s’il y avait un lien entre les deux suicides? Ça ne coûtait rien de fouiller de ce côté-là. C’est à partir de là que l’enquête prendra des allures de cauchemar et Vicky trouvera sur son chemin certaines personnes qui auraient beaucoup à se reprocher. Jamais on n’aura poussé l’opiniâtreté si loin.

Ce qui était au départ un cas simple de suicide est devenue une histoire d’horreur dont l’auteur tire une à une les ficelles avec une lenteur calculée et un incroyable don de déduction. Elle utilise le meilleur de sa connaissance de la nature humaine pour extraire des vérités dérangeantes qui n’étaient jusque-là qu’affaires privées.

Laberge signe un roman complexe développé avec une intelligence remarquable alliée à une connaissance précise de l’âme humaine. Avec une lenteur calculée, un sens précis de la déduction, des éléments d’enquête ajoutés à la petite culière, l’auteure lève le voile sur l’horreur, sur cette capacité qu’ont les êtres humains de tomber si bas. Le livre vient nous faire réfléchir sur la nature même du suicide.

Certains suicides s’annoncent, d’autres non, mais ils ne se font jamais sans raison. Il faut chercher à comprendre. J’ai beaucoup apprécié la subtilité des dialogues et de la grande sensibilité avec laquelle les enquêteurs approchent les jeunes dont le silence recouvre des secrets innommables. Par exemple, pourquoi Ariel se mutilait? Pourquoi deux suicides en deux ans et y a-t-il un rapport avec le théâtre que les deux jeunes filles adoraient?

Graduellement, l’auteur aborde avec tact la détresse des adolescentes, la souffrance de leurs parents et l’incompréhension puis, alors que les informations se recoupent,  l’auteure introduit les pointes acérées de la vérité qui n’est rien de moins qu’une descente aux enfers pour Ariel, et avant elle, Andréanne. L’auteure évoque la fragilité de l’adolescence et la subtilité des messages qu’elle peut lancer à ses pairs.

Je me doutais bien toutefois qu’un livre aussi intense allait avoir ses petites faiblesses. En fait, ce sont des personnages qui se caricaturent eux-mêmes : le metteur en scène Gilles Caron, con comme un balai, la directrice de l’école, pincée et aseptisée. Assam qui incarne le bon Roméo, le genre dernier amant romantique.

Il y a certains passages où l’auteure semble sombrer dans la facilité. Disons simplement que la psychologie de plusieurs de ses personnages est insuffisamment développée. J’ai cessé de compter le nombre de fois ou Caron passe pour bête à manger du foin. Ajoutons à tout cela la longueur de certains interrogatoires.

AFFAIRES PRIVÉES reste une excellente histoire. Marie Laberge y a mis toute sa sensibilité vu le sujet traité et y sonde avec précision la nature humaine. Le livre fait réfléchir sur la démarche du suicide ou ne serait-ce que la seule pensée effleurée.

Deux suicides qui au départ étaient sans liens. Conclusions de l’enquête : suicide simplement. La ténacité d’un enquêteur plongera le lecteur dans les abîmes immondes de la pédophilie et du masochisme. Ne vous attendez pas à des descriptions à soulever le cœur. Parfois, le non-dit est pire.

Un grand cru.

Suggestion de lecture: AFFAIRES ÉTRANGES. de Joslan F. Keller

Marie Laberge est une écrivaine, dramaturge, romancière, comédienne et metteur en scène québécoise née le 29 novembre 1950 à Québec.  Elle a à son actif une vingtaine de pièces de théâtre traduites et jouées dans de nombreux pays.

Toute sa carrière est parsemée d’honneurs, de prix et d’attributions. Par exemple, sa nomination au titre de Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1998 par le ministère de la culture de la France pour son apport à la francophonie. 

En mai et juin 1995, à la demande du premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, elle a rédigé le préambule de la Déclaration d’indépendance du Québec en collaboration avec, entre autres, Gilles Vigneault, Fernand Dumont et Jean-François Lisée.

Pour en savoir plus sur Marie Laberge, consultez son site officiel.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 22 juin 2019