CHEVAL INDIEN, de Richard Wagamese

*On raconte que nous avons les yeux brun foncé à cause
du chuintement de la terre féconde qui entoure les lacs et
les marécages. Les anciens affirment que nos longs cheveux
droits dérivent des herbes ondulantes qui bordent les baies. *
(Extrait CHEVAL INDIEN, Richard Wagamese, publié à l’origine
chez XYZ en 2017. Version audio par Audible studios éditeur en
2019. Durée d’écoute : 6 heures 15 minutes. Narrateur : Pierre-
Étienne Rouillard.)

Tout ce que je savais de façon certaine, c’est que je n’apprendrais à vivre le présent qu’en revenant sur mes pas, en revisitant les lieux marquants de ma vie antérieure.
À une autre époque, Saul Cheval Indien, fils DE LA nation ojibwée, était un joueur étoile, un phénomène sur les patinoires de hockey. Mais, au moment où il amorce l’écriture de ce récit, enfermé dans un centre de désintoxication, il touche le fond.

Expliquer dans le cercle de partage les détours qu’a pris sa vie est trop dur, trop compliqué. C’est donc sur papier qu’il se raconte: son enfance dans les forêts du Nord, puis les horreurs des pensionnats autochtones, mais aussi l’exaltation vécue sur la glace des arénas. Déraciné, isolé, Saul veut en finir avec cette violence qui couve en lui, cherche à percer le mur de l’oubli. L’heure est venue de faire la paix.

De la glace au pensionnat
*La lune s’est levée. Incapable de garder les yeux ouverts,
je me suis appuyé sur ma grand-mère à l’extérieur de la
tente où mon frère toussait dans le noir et je me suis
endormi. Au matin, il était mort*
(Extrait

C’est une belle histoire qui porte en elle une infinie tristesse parce que basée sur des faits historiques avérés au sein d’une société avilie par l’intolérance, la méchanceté et une église encrassée par l’obscurantisme si on peut appeler ça une église alors que la grande dame fait preuve d’une absence totale d’amour, de charité et d’empathie. C’est une histoire qui m’a fait vibrer, qui m’a ébranlé et choqué. Voyons brièvement le contenu.

Voici l’histoire d’un jeune Ojibwe appelé Saul CHEVAL INDIEN. Je résumerai son histoire en trois grands épisodes : Son arrivée forcée dans un pensionnat où les religieux pratiquaient largement le viol sexuel et psychologique, la torture ou les châtiments corporels démesurés, bref un enfer où la mort paraissait douce.

La naissance de sa passion pour le patinage et le hockey ainsi que sa rencontre avec le Père LeBouthillier qui a poussé Saul vers le sport libérateur a permis au jeune Cheval Indien de survivre. Deuxième épisode de vie, Saul devient une star du hockey et sera même remarqué par les dépisteurs de la ligue nationale,

Toutefois, ayant goûté cruellement aux affres de la haine raciale et de l’intolérance, Saul deviendra aigri, violent et accro à l’alcool. Troisième grand épisode : le retour aux sources, le Lac de Dieu, vers les siens qui lui vouaient respect et amour.

J’ai été littéralement subjugué par la poésie qui ceint l’écriture de Wagamese, la beauté bucolique des patronymes autochtones. Il n’en a pas mis trop. Pas de sensationnel, Il n’a exercé aucun jugement mais il donne à l’auditeur et à l’auditrice suffisamment de matière pour s’en forger un.

*Ce sentiment d’être sans valeur, c’est l’enfer sur terre, tel est le traitement qu’ils nous ont infligés. Les coups faisaient mal…les menaces nous rabaissaient… mais ce qui nous terrorisait le plus peut-être, c’était les invasions nocturnes…* (Extrait) Autant la beauté de l’écriture m’a enveloppé, autant j’ai été choqué par les barrières qu’elle décrit. La Société ne comprendra donc jamais. On ne peut pas *désindiennisé* un indien. C’est impossible et parfaitement inutile. La diversité fait la beauté du monde. Pourquoi cette violence? Cette intolérance ?

Enfin, Wagamese a créé des personnages profonds, travaillés, authentiques, attachants. Je me serais fait un tas d’amis dans cette histoire qui sera pour moi, inoubliable parce qu’elle décrit une réalité qui est, qui a toujours été en désaccord avec mes principes. Une belle histoire qui sensibilise et qui est magnifiquement racontée par Pierre-Étienne Rouillard, en version audio.

Seule petite faiblesse : et encore, j’admets que ça peut être discutable : le sport est un peu trop magnifié avec de longs palabres sur les techniques de hockey et des descriptions dignes de la soirée du hockey…rien de bien méchant. Ce récit est un petit bijou.

*Les blancs se sont approprié le hockey…
non…le hockey appartient à Dieu*
(Extrait)

Suggestion de lecture : L’INDIEN MALCOMMODE, de Thomas King

Extrait de l’adaptation cinématographique de INDIAN HORSE de Richard Wagamese sorti en salle en 2018, réalisé par Stephem Campanelli, scénarisé par Dennis Foon. L’histoire est surtout centrée sur un jeune canadien des premières nations : SAUL CHEVAL INDIEN un Ojibwe du nord ontarien. Le destin amène Saul à survivre au pensionnat indien et devenir un joueur de hockey étoile. Le film a principalement tourné à Sudbury et à Peterborough et a remporté le premier prix au Festival Du Film de Vancouver. Sur la photo à gauche, Forest Goodluck incarne Saul Cheval Indien à l’âge de 15 ans.

 

Richard Wagamese, né en 1955 en Ontario, est l’un des principaux écrivains indigènes canadiens. Il a exercé comme journaliste et producteur pour la radio et la télévision, et est l’auteur de treize livres publiés en anglais par les principaux éditeurs du Canada anglophone. Wagamese appartient à la nation amérindienne ojibwé, originaire du nord-ouest de l’Ontario, et est devenu en 1991 le premier indigène canadien à gagner un prix de journalisme national.

Son livre INDIAN HORSE est sorti en février 2012 et a été récompensé par le prix du public lors de la Compétition nationale de lecture du Canada. 
Richard a reçu le titre de docteur ès lettres honoris causa à la Thompson Rivers University de Kamloops en juin 2010 et à la Lakehead University de Thunder Bay en mai 2014. Il  s’est éteint en mars 2017, à l’âge de 61 ans. (Éd. Zoé)

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 17 septembre 2023

 

 

CRIME ET CHÂTIMENT, de Fedor Dostoïevsky

*En regardant par une fente dans une remise voisine
de l’étable, elle aperçoit le pauvre diable en train de se
pendre : il avait fait un nœud coulant à sa ceinture,
avait attaché celle-ci à une solive du plafond et, monté
sur un bloc de bois, essayait de passer son cou dans
le nœud coulant…*
(Extrait : CRIME ET CHÂTIMENT, Féodor Dostoievsky,
paru à l’origine en 1884, rééd. : Éditions Caractère 2013,
papier.  Poche, 770 pages)

Raskolnikov, un jeune homme désargenté, a dû abandonner ses études et survit dans un galetas de Saint-Petersbourg. Sans un sou en poche, le voilà réduit à confier la montre de son père à une odieuse prêteuse sur gages. Convaincu de sa supériorité morale, un fol orgueil le pousse à préméditer l’assassinat de la vieille. Il en débarrasserait ainsi les misérables, quitte à racheter son crime avec l’argent volé. Mais le diable s’en mêle, et le révolté se retrouve l’auteur d’un double meurtre… Ses rêves de grandeur s’effondrent, Le voici poursuivi par un juge et hanté par la culpabilité… La rédemption lui viendra-t-elle de la prostituée Sonia, dévouée jusqu’au sacrifice, ou de l’aveu de son crime ?

UN INTENSE COMBAT INTÉRIEUR
*Le corridor était sombre ; ils se trouvaient près d’une lampe.
Pendant une minute, tous deux se regardèrent en silence.
Razoumikhine se rappela toute sa vie cette minute. Le regard
fixe et enflammé de Raskolnikoff semblait vouloir pénétrer
jusqu’au fond de son âme. Tout à coup, Razoumikhine
frissonna et devin pâle comme un cadavre : L’horrible vérité
venait de lui apparaître.*
(Extrait)

C’est un roman très fort et très riche d’une profonde connaissance de la nature humaine. La psychologie complexe du personnage principal m’aura fasciné jusqu’à la fin. Voici l’histoire de Rodion Romanovitch Raskolnikov, un étudiant rongé par la pauvreté, forcé d’abandonner ses études universitaires, reçoit un peu d’argent de sa mère, Pulchérie Alexandrovna avec laquelle il entretient une relation difficile. Malgré tout, Rodion a une très haute opinion de lui-même, se croyant au-dessus de la condition humaine, d’un point de vue russe en tout cas.

Pour survivre, Rodion vend quelques babioles à une usurière, Aliona Ivanovna qu’il décide d’assassiner et de s’emparer de sa fortune afin de se refaire une vie. Aliona est tuée à coup de hache. Quelques minutes après le meurtre, Élizabeth, la sœur de l’usurière arrive. Tuée aussi. Très peu de temps après ce double-meurtre, le remord s’empare de Rodion. Débute alors pour l’ancien étudiant un terrible combat intérieur qui aura de graves conséquences psychosomatiques d’abord puis psychologiques.

Ce combat intérieur s’étalera sur l’ensemble du récit et sera exacerbé par plusieurs facteurs : Porphyre Petrovitch, le juge d’instruction qui talonnera Rodion à la manière de Colombo, peut-être encore plus agaçante et énigmatique. Il aura aussi l’influence de son meilleur ami, Razoumikhine et de Sonia Semionovna, une prostituée dont Rodion est tombé amoureux.

Un élément très important brassera aussi les idées contradictoires de Raskolnikov, le fait que l’usurière assassinée était une femme cruelle et sans cœur, détestée par tout le monde. Cela poussait Rodion à des conclusions moralement satisfaisantes :

*-Sans doute, elle est indigne de vivre…-Qu’on la tue et qu’on fasse ensuite servir sa fortune au bien de l’humanité, crois-tu que le crime, si crime il y a, ne sera pas largement compensé par des milliers de bonnes actions ? * (Extrait) Le fait de prendre graduellement conscience de son crime rendra Rodion presque fou. Il n’y a pour lui qu’une possibilité de rédemption.

De cette œuvre remarquable transpire toute la tragédie de la Société Russe torturée par le socialisme, la pauvreté, l’alcoolisme. CRIME ET CHATIMENT est empreint de l’aspect social de la Russie du XIXe siècle et témoigne aussi de l’esprit agité de l’auteur qui a d’ailleurs jeté les premières bases de ce roman qui le rendra célèbre, alors qu’il était en prison. La démarche progressiste de l’auteur imprègne le personnage principal du roman, Rodion Roskalnikov, profondément travaillé et modelé avec un sensible stigmate autobiographique.

J’ai été fasciné par la force de l’écriture, la puissance de la plume, un développement lent, détaillé avec plusieurs passages particulièrement prenants et une errance dans la folie qui pousse à la réflexion entre autres sur les fondements de la Société et les contradictions de la morale. CRIME ET CHATIMENT est un appel de Dostoievski à l’exploration de l’âme humaine.

Le récit met habilement l’emphase sur les fondements mêmes de la psychologie : *Dostoïevsky est la seule personne qui m’ait appris quelque chose en psychologie. * (Nietzsche, célèbre philosophe et poète, 1844-1900). La finale, superbement imaginée est prenante et chargée d’émotion. Le parcours de Rodion promet de forts battements de cœur au lecteur.

Il est pratiquement impossible de critiquer un livre depuis longtemps classé chef-d’œuvre littéraire historique. C’est le genre de livre qu’il faut lire au moins une fois dans sa vie. Il était depuis longtemps dans mes projets de lecture. La seule question qui se pose : pourquoi m’en être privé si longtemps…?

Suggestion de lecture : CRIME ACADEMY, de Christian Jacq

Fédor Mikhaïlovitch Dostoievsky, fis de médecin, naît à Moscou en 1821. C’est un adolescent abreuvé de littérature qui entre en 1938 à l’école militaire de Saint-Pétersbourg. Son premier roman LES PAUVRES GENS (1844), son aspect bohême, son caractère taciturne lui taille la renommée d’un nouveau Gogol. Lié aux milieux progressistes, il est déporté en Sibérie en 1849, séjour relaté dans SOUVENIR DE LA MAISON DES MORTS (1860). Retiré de l’armée, il se consacre alors à son œuvre.

Couvert de dettes, il mène d’abord une vie d’errance en Europe (LE JOUEUR), où s’affermissent ses convictions nationalistes. CRIME ET CHÂTIMENT (1866) lui apportent la célébrité. Suivront L’IDIOT (1868) LES DÉMONS (1871) et LES FRÈRES KARAMAZOF (1879), dont le retentissement est immense. Torturés par leurs passions et leurs aspirations, écrasés par le matérialisme et l’égoïsme, ses héros posent crûment la question de Dieu et du libre arbitre. Ses obsèques, en 1881, seront suivies par trente mille personnes.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 12 mars 2023

L’ASSASSIN QUI RÊVAIT D’UNE PLACE AU PARADIS

Commentaire sur le livre de
JONAS JONASSON

*Un bras cassé de temps en temps, ce
n’était pas si dramatique, surtout si son
propriétaire l’avait cherché et que cela
enrichissait aussi bien l’exécutant que
l’équipe de direction.*
(Extrait :
L’ASSASSIN QU RÊVAIT D’UNE PLACE
AU PARADIS, Jonas Jonasson, Presses
de la cité/Pocket éditeurs, 2015. Édition de
papier, 350 pages.)

Après trente ans de prison, Johan Andersson, alias Dédé le Meurtrier, est enfin libre. Mais ses vieux démons le rattrapent vite : il s’associe à Per Persson, réceptionniste sans le sou, et à Johanna Kjellander, pasteure défroquée, pour monter une agence de châtiments corporels. Des criminels ont besoin d’un homme de main ? Dédé accourt ! Per et Johanna, eux, amassent les billets. Alors le jour où Dédé découvre la Bible et renonce à la violence, ses deux acolytes décident de prendre les choses en main et de le détourner du droit chemin…Après son *vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire*, c’est à un malfrat repenti que Jonas Jonasson donne une seconde chance.

Que sa volonté soit faite !
*-Eh bien voilà ma douce…, se lança-t-il. On s’est
plutôt bien débrouillés dans l’ensemble, tu ne
trouves pas ? –Tu dis ça parce que les gens qui
se dressaient sur notre chemin sont à présent
soit mort, soit en prison, tandis que nous trinquons
au champagne ? *
(Extrait)

Voici un livre que j’ai terminé pour une raison simple : je termine toujours les livres que je commente, question de respect pour les lecteurs et l’auteur. Et même dans les cas où je ne commente pas, je vous dirai que je n’ai pas trouvé souvent un livre pénible à ce point. Mais d’abord, voyons la trame.

Sorti de prison Dédé le meurtrier, qui porte bien son nom, s’associe à un réceptionniste appelé Per Persson, un personnage insignifiant, comme son nom d’ailleurs, et à Johanna Kjellender, une pasteure défroquée qui interprète la bible de façon à ce que ça l’arrange. Ensemble, ils vont créer une petite entreprise appelée à devenir rentable, le principal service fourni étant de casser bras, doigts et jambes, bref, passer des gens à tabac sur demande.

Un jour, un peu comme Saint-Paul, Dédé le meurtrier trouve la lumière et entreprend une nouvelle quête…trouver la rédemption et espérer une place au ciel grâce à la générosité…une générosité qui garnira avantageusement bien sûr les poches du trio : *L’église d’André deviendrait un haut lieu de la générosité avec Jésus en otage, et Dieu dans le rôle du Père Fouettard pour les plus avares de la paroisse. * (Extrait)

Le livre n’est pas foncièrement mauvais. Il a des forces. Entre autres, une forme d’humour très spontané. Personne ne va éclater de rire mais ça devrait arracher des sourires ce qui confère au livre le titre de divertissement moyen. Si vous pouvez vous arracher à la première partie du volume qui me rappelle un peu la longue traînée d’une robe de mariée de la cour royale, vous trouverez dans la seconde partie un certain effort de raffinement dans les dialogues et quelques idées intéressantes.

Par exemple, le passage ou notre trio de filous mercantiles transforme leur entreprise en tournée du Père Noël est le plus beau, je pense du volume. Il confirme d’ailleurs le vieil adage : donnez et vous recevrez au centuple. Croyez bien que c’est pris au pied de la lettre par notre trio de fripouilles.

Attendez-vous à nager dans l’absurde du début à la fin… * Il devait donc l’éloigner de Dieu, du Christ et de la Bible, ce trio qui avait une si mauvaise influence sur lui, pour le ramener à sa trinité habituelle : la bibine, le bistrot et la bringue. * (extrait)

J’ai eu beaucoup de difficulté à embarquer dans l’histoire…l’intérêt n’y était pas entre autres parce que la violence y est banalisée et ensuite parce que les personnages sont très peu sympathiques dont Per Personn qui n’est pas loin d’être nul.  Ces personnages sont sans profondeur, peu développés sur le plan psychologique et il été impossible pour moi de s’y attacher sauf peut-être, petite exception, le sacristain de l’église dont dédé veut prendre les destinées Börje Ekman.

Ekman est un personnage routinier et droit qui aurait pu être la conscience du trio mais qui, malheureusement arrive trop tard dans le récit et son passage pourrait être bref. En général, on dit que le ridicule ne tue pas, mais je suis plus aussi sûr. Allez simplement voire plus haut la page couverture avec un homme pourvu d’ailes d’ange et muni d’une batte de baseball. Parfaite illustration d’un ensemble déjanté et peu crédible.

Parce que j’avais aimé *LE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS FÊTER SON ANNIVERSAIRE du même auteur, je m’attendais ici au moins à de l’aussi bon. Non, vraiment, ce n’est pas un livre qui va passer à l’histoire.

Suggestion de lecture : MEURTRES POUR RÉDEMPTION, de Karine Giébel

Jonas Jonasson est né en Suède en 1961. Son premier roman, LE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS FÊTER SON ANNIVERSAIRE, paru en France en 2011 aux Presses de la Cité est un best-seller international. Il a été acheté par 35 pays et a été adapté au cinéma par Félix Herngren. Après l’analphabète qui savait compter, (Presses de la Cité, 2013) Jonas Jonasson a publié en 2016 L’ASSASSIN QUI RÊVAIT D’UNE PLACE AU PARADIS, chez le même éditeur.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 19 février 2023

ROBINSON CRUSOÉ, livre de DANIEL DEFOE

*Enfin après un dernier effort, je parvins
à la terre ferme où à ma grande
satisfaction, je gravis les rochers
escarpés du rivage et m’assis sur l’herbe,
délivré de tout péril et à l’abri de toute
atteinte de l’océan…*
(Extrait : Robinson Crusoé, Daniel Defoe, ed.
originale : 1719, support audio, version abrégé,
juin 2013, Le livre qui parle éditeur., captation :
Audible. Narration : Yves Adler)

En 1651, Robinson Crusoé quitte York, en Angleterre pour naviguer, contre la volonté de ses parents. Le navire est arraisonné par des pirates de Salé et Crusoé devient l’esclave d’un Maure. Il parvient à s’échapper sur un bateau et ne doit son salut qu’à un navire portugais qui passe au large de la côte ouest de l’Afrique. En 1659, à vingt-huit ans, il se joint à une expédition partie à la recherche d’esclaves africains, mais suite à une tempête il est naufragé sur une île à l’embouchure de l’Orénoque en Amérique du Sud. Il y restera 28 ans avec le non moins célèbre vendredi, un indigène rescapé d’un massacre.

ROBINSON CRUSOÉ
version édulcorée
*Sitôt que j’eus posé le pied hors de ma
palissade, j’ai reconnu qu’il y avait un
épouvantable tremblement de terre. Le
sol sur lequel j’étais s’ébranla trois fois.
et ces trois secousses furent si violentes
qu’elles auraient pu renverser l’édifice le
plus solide qui ait jamais été.* Extrait

J’avais le goût de renouer avec ROBINSON CRUSOÉ mais le livre que j’ai lu dans mon adolescence était long et m’avait laissé ambivalent. Crusoé n’était pas un enfant de chœur. Il trempait dans le commerce des esclaves et aimait dominer. Defoe a consacré une large partie de son livre à ces caractéristiques de la personnalité de son héros.

Une série d’infortunes a amené Crusoé à s’échouer sur une île où il a dû attendre 28 ans avant d’avoir du secours. Or c’est sa vie d’insulaire forcé et la façon dont il a quitté l’île qui m’ont surtout intéressé et même fasciné. Finalement, j’ai découvert une version audio abrégée fort satisfaisante de la vie du célèbre personnage même si son non moins célèbre compagnon, vendredi n’apparaît que dans le dernier quart de la présente version.

Deux aspects de ce récit m’ont particulièrement intéressé : premièrement, l’aventure comme telle. Une fois sauvé des eaux, Robinson devra apprendre à survivre : s’abriter, se protéger des éléments, apprendre à chasser, à conserver les aliments, à composer avec la solitude, et surtout, se protéger des sauvages qui visitent ponctuellement l’île, ce qui l’amènera à sauver et adopter Vendredi tantôt considéré comme esclave, serviteur, ami, frère, fils.

C’est avec habileté et intelligence que l’auteur a fait évoluer Crusoé dans sa condition d’insulaire pendant 28 ans, un peu plus de trois avec Vendredi. Je me suis particulièrement attaché à Vendredi et je sais que je ne suis pas le seul. C’est un personnage bon enfant, un peu naïf, un tantinet paresseux mais fort et surtout reconnaissant.

L’autre aspect très intéressant de l’aventure de Crusoé est son caractère rédempteur. Bien sûr, on peut être irrité des tendances esclavagistes et colonialistes du personnage mais il faut quand même tenir compte du fait que le livre a été publié en 1729.

L’auteur, Daniel Defoe était lui-même un peu aventurier et ses écrits témoignent du développement culturel et social de son époque. Si je fais abstraction du manichéisme qui caractérise l’époque, Defoe a su mettre son personnage en mode introspectif, Crusoé considérant que son interminable solitude est en fait une bénédiction de Dieu, c’est ce mode de pensée qui lui fera tenir le coup et qui déterminera la suite des évènements.

C’est bien écrit et c’est toute la beauté de la langue française qui est bien exploitée mais la version originale comporte beaucoup de longueurs et de redondances. Le livre n’a pas vieilli. Il s’est même réactualisé si on tient compte du fait qu’il prône un retour vers la nature. Il propose aussi une certaine réflexion sur le droit des humains à dominer d’autres humains.

Je veux rappeler toutefois que j’ai écouté la version abrégée. Celle qui se concentre sur le *Robinson Crusoé insulaire*. C’est cette partie que je voulais surtout revivre. Vous ne serez pas plus instruit sur celle-ci si vous lisez la version originale car elle ne consacre qu’un peu plus d’une centaine de pages sur la solitude de Crusoé dans son île.

Enfin un petit mot sur la narration d’Ives Adler. Elle est bien mais le débit est trop élevé et l’intonation est monocorde. Par contre, l’harmonique vocale est un régal et la prononciation impeccable. J’ai passé dans l’ensemble un très bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture : LE DERNIER DES MOHICANS, de Fenimore Cooper

Daniel Defoe (1660-1731) était un écrivain britannique Très tôt, il s’intéresse à l’écriture et à la politique. En intégrant le parti des Whigs, il combat le gouvernement de Jacques II d’Angleterre puis l’Église anglicane. Il sera condamné au pilori, avant de devenir agent secret en Écosse.

Après ses essais et pamphlets provocateurs, Daniel Defoe s’adonne à l’écriture de romans dès 1715 dont «Robinson Crusoé», inspiré de l’aventure d’Alexandre Selkirk, un marin naufragé pendant cinq ans, qui a dû se débrouiller seul pour survivre. Plusieurs des œuvres de Daniel Defoe s’inspirent de la vie politique et économique de l’Angleterre de son époque et ont connu le succès. 

ADAPTATIONS

Robinson Crusoé a été adapté plusieurs fois à la télévision et au cinéma. À gauche, l’affiche de la production de l’année 2003 avec Pierre Richard et à droite l’affiche d’une production des années 1960.

bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 8 mars 2020

LES CLOCHES DE L’ENFER, de JOHN CONNOLLY

*Longtemps Mme Abernathy avait partagé
le désir de son maître de voir la terre
transformée en une autre version de
l’enfer, mais quelque chose avait changé.*
(Extrait : LES CLOCHES DE L’ENFER, John Connoly,
T.F. Éditions l’archipel, 2012, papier, 340 pages)

À 11 ans, Samuel Johnson déjoue les plans machiavéliques de l’horrible Ba’al, un démon qui prépare l’invasion de la terre et l’avènement de son maître : le mal Suprême. Deux ans plus tard, Ba’al n’a toujours pas digéré son échec quand arrive enfin l’heure de la revanche. Et c’est ainsi que Samuel et son chien Boswell se retrouvent propulsés en enfer… Ba’al n’en fera qu’une bouchée ! Promis, juré.

Mais il oublie un peu vite les ressources insoupçonnées de Samuel et de ses compagnons d’infortune : quatre nains énervés, deux agents de police tatillons et un marchand de glaces. Et puis Samuel pourra aussi compter sur le soutien d’une vieille connaissance : Nouilh, petit démon aussi gaffeur que poltron. Qui donc, à la fin, se fera sonner les cloches ?

ENFER HORS-SENTIER
*Dans le chaos et le fracas qui avaient suivi l’échec de
l’invasion, personne n’avait remarqué que deux
phacochères nommés Shan et Gath avaient disparu,
et qu’il y avait donc deux paires de bras en moins
pour jeter des pelletées de charbon dans les grands
brasiers de l’enfer.*
(Extrait : LES CLOCHES DE L’ENFER)

LES CLOCHES DE L’ENFER est un livre aussi étrange que fascinant. Le titre ne prend sa véritable signification que vers la fin du récit. Ce livre est la deuxième partie de la saga de Samuel Johnson. N’ayant pas trouvé la première partie (LES PORTES), je me suis rabattu sur la deuxième qui peut se lire indépendamment. Je précise aussi que l’auteur fait un retour sur le premier volet donc le confort avec l’histoire s’installe rapidement.

Voyons rapidement l’histoire. Deux ans après avoir déjoué les plans diaboliques de Ba’al, incarné dans le récit par l’horrible madame Abernathy, Samuel et son chien Boswell sont subitement propulsés en enfer par Abernathy, fort désireuse de finaliser son plan de vengeance afin de se réconcilier avec le Mal Suprême.

Mais Samuel a des ressources et des amis aussi : quatre nains énervés, deux agents de police, un marchand de glace et Nouilh, un petit démon maladroit mais très sympathique. Il est évident que tôt ou tard, quelqu’un quelque part va se faire sonner les cloches.

C’est un livre très original et comme je le précise au début, il est un peu étrange, mettant en scène des personnages disparates dans un univers peuplé de créatures bizarres et où règne le mal évidemment avec le grande Maître du Mal et ses lieutenants dont Abigor et Abernathy.

Ce sont des noms qui évoquent la trahison, la soif de pouvoir et un ardent désir d’envahir la terre pour en faire une prolongation de l’enfer. Cet univers a été bien imaginé. Il y a un petit quelque chose de folklorique dans le récit. L’auteur étant Irlandais, il ne faut peut-être pas trop s’en surprendre,

Ce n’est pas un livre qui va vous donner des cauchemars bien au contraire. Le sens de l’humour de Connolly est particulièrement aiguisé partout : le titrage, le texte et les renvois en bas de pages qui à eux seuls consacrent le caractère rafraîchissant de l’ouvrage :

*Pas même le travail des démons les plus nuls comme Dhïnhg-Dhônhg, le démon des gens qui sonnent à la porte quand on est sur le point de passer à table; Woüa, le démon des choses mortes qui flottent dans la soupe (et du proverbial cheveu dans la soupe)…Plouf, le démon des choses qui coulent quand il vaudrait mieux qu’elles remontent à la surface et grrrin’s’Äbl, le démon qui bloque les engrenages.* (Extrait)

Donc l’humour est omniprésent. À cela s’ajoute une plume fluide et très descriptive, beaucoup d’imagination, un fil conducteur efficace et le concept de l’enfer imaginé par l’auteur m’a agréablement surpris. L’enfer est au cœur de l’aventure mais Connolly y a laissé un petit message à l’effet qu’il y a toujours de l’espoir et même lorsqu’elle devient des plus improbable, la rédemption est toujours possible :

*…Il arrive même que le Bien naisse du Mal…Et le Mal, comme l’épisode du forgeron l’a démontré, contient toujours en lui-même la possibilité de sa propre rédemption.* (Extrait)

Côté faiblesse : le récit est bien structuré mais l’émotion manque à l’appel. La finale m’a semblé expédiée. Le récit accuse aussi quelques longueurs et le début est un peu lent. À part, peut-être Samuel, j’ai eu de la difficulté à m’attacher aux personnages. Mais en général l’originalité a le dernier mot avec l’humour omniprésent et souvent subtil de l’auteur.

Quant aux Cloches de l’enfer, je vous laisse découvrir ce qu’elles annoncent. Ce n’est vraiment pas un livre méchant bien au contraire. LES CLOCHES DE L’ENFER est un livre jeunesse mais les adultes y trouveront aussi de quoi se divertir.

Suggestion de lecture : LES NEUF CERCLES, de R.J. Ellory

John Connolly est un écrivain irlandais. Il est surtout connu pour sa série de romans mettant en vedette le détective privé Charlie Parker. Avant de devenir un romancier à temps plein, John Connolly travaille comme journaliste, barman, fonctionnaire du gouvernement local, serveur et coursier au grand magasin Harrods à Londres.

Il devient rapidement frustré par la profession, et commence à écrire «Every Dead Thing» (Tout ce qui meurt) pendant son temps libre qui obtient un Shamus Award. Le site officiel de John Connelly est en anglais mais j’ai beaucoup apprécié ma visite, en particulier l’imposante bibliographie du créateur de Charlie Parker. Allez voir.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 2 février 2020

ANAVÉLIA, le livre de KIM FOURNELLE

Les neuf médaillons

*Lentement, elle se laissa emporter, sentant son cœur
ralentir et sa vue s’embrouiller. Les heures s’écoulèrent
sans qu’elle réagisse, puis soudain un ruban noir
couvrit son regard. Un froid humide l’engloutit, et un
bourdonnement incessant se mit à résonner autour
d’elle. Pensant que c’était la mort qui venait la chercher,
elle se mit à divaguer doucement. -Enfin…*
(Extrait: ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS, Kim Fournelle,
Éditions AdA, 2013, édition de papier, 675 pages)

Tyffanie semblait avoir la vie rêvée jusqu’à ce qu’elle trébuche dans un monde hostile…une plongée en enfer. Lentement, afin de se procurer sa drogue pour revoir ses couleurs, elle renonce à sa survie jusqu’à être acculée au pied du mur et ne voir aucune autre option que la mort. Elle pense que celle-ci est venue la délivrer quand un homme vient la surprendre. Qui est ce capitaine Inès qui lui parle d’une légende dont elle semble faire partie. Elle ne le sait pas, mais elle va embarquer dans une aventure plus grande qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. La Légende des neuf médaillons sera-t-elle sa délivrance?

Une *fantasy* sympathique
*…«Au moins je pourrai venger les miens si je les
tue et les renvoie en petites tranches au château.»
Tyffanie se mit à se secouer violemment sur le sol.
Elle voulait se défendre, elle voulait parler. «Très
bien Jordan. Attachez-les sur l’exécutoire dehors,
et nous les pendrons au coucher du jour.»

(Extrait : ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS)

 C’est un livre très volumineux dans le genre Fantasy qui développe une grande quête et qui nous fait passer d’une sous-quête à l’autre. Il y a beaucoup de personnages, des longueurs, quelques redondances mais c’est un récit riche d’aventures et de leçons.

Je résume d’abord ce que ça raconte : Alors qu’elle nage dans l’enfer de la drogue et victime d’une vie dissolue, Tyffanie est interrompue dans son attente de la mort, par un mystérieux personnage : Le capitaine Oswald Inès qui lui fait une offre étrange :

*-J’ai passé devant votre rideau et vous sembliez en pleine douleur, alors je suis entré et je vous ai vue. Et c’est là que j’ai vu votre marque et que j’ai su… – Vous avez su ? – Oui, j’ai su que vous étiez ce qui me manquait pour chercher le trésor de ces îles. J’ai su que j’étais votre guide pour empêcher une horreur.* (Extrait)

Cernée par la souffrance et la douleur, Tyffanie ne pouvait vraiment refuser. C’est ainsi qu’elle s’est lancée dans une aventure extraordinaire : la légende des 9 médaillons qui pourrait garantir à Tyffanie la rédemption. Ce n’est pas pour rien qu’Oswald l’a choisie. Elle a la marque…elle est l’élue.

C’est donc une grande aventure qui attend les lecteurs. Une aventure qui se passe en mer et aussi sur les îles qui représentent autant de sous-quêtes et sur ces îles, l’équipage s’enrichira de nouvelles alliances et tout ce beau monde affrontera l’ennemi final : Shelk.

C’est un récit typique de la fantasy : des magiciens, des sorcières, des Elfes, des monstres, il y a même un vampire, et italien encore, personnage sympathique, drôle et pas méchant pour deux sous : Émilio, le cuistot de bord. Il y a du mystère et une héroïne, Tyffanie, qui a en elle des pouvoirs qu’elle ignore mais qui sera aidée par des alliés inespérés pour les mettre en évidence et les rendre redoutables.

Ça ne réinvente pas le genre, mais l’auteur a développé avec beaucoup de savoir-faire, la transformation de son héroïne et ses interactions avec l’équipage. De plus Kim Fournelle a beaucoup travaillé sur ses personnages, imposant à chaque espèce ses qualités propres et sa psychologie, ses forces et ses faiblesses

Tyffanie est un personnage particulièrement attachant et l’auteure s’est bien gardée d’en faire une héroïne sans peur et sans reproche comme on en voit souvent en littérature. Comme vous voyez, le livre a des belles qualités. Toutefois, c’est un long pavé. Et encore, il y a une suite. Il y a des longueurs, c’est inévitable et les scénarios se ressemblent d’une île à l’autre. Il y a des redondances et bien sûr, un petit caractère prévisible.

Le récit véhicule toutefois une belle leçon de vie. D’une part, il faut savoir que nous avons en nous une force insoupçonnée qui contribue à atteindre ou maintenir l’équilibre dans notre vie, et d’autre part, retenir qu’il y a toujours de l’espoir, et voir comme une nécessité… *Le bonheur de la bonne compagnie et des moments simples de la vie qui vous remplit d’une béatitude incroyable .* (Extrait)

Pour ce qui me concerne, j’ai trouvé ce livre agréable, bien documenté, avec des bonnes idées, des personnages sympathiques. Le fil conducteur de l’histoire est parfois mince, il faut s’y accrocher mais c’est un détail parce que la plume est assez fluide. La pire faiblesse est au niveau de la structure : des chapitres qui n’en finissent pas de finir…trop long, un peu lourd. J’aurais préféré une meilleure ventilation. Mai qu’à cela ne tienne, je vous recommande ce livre et sa suite : LA QUÊTE DES DIEUX

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

KIM FOURNELLE

À LIRE AUSSI :

ANAVÉLIA, TOME 2, LA QUÊTE DES DIEUX

Maintenant en parfait contrôle de ses pouvoirs après avoir reçu l’éducation de Karmina, Tyffanie prend la mission des Dieux entre ses mains. Elle se lance dans la quête qu’ils lui ont octroyée sans se poser plus de questions, mais la vie reste une surprise…

Prisonnière de son destin, elle fait face aux épreuves qui se dressent sur son chemin sans se douter de ce qui l’attend vraiment. Sera-t-elle prête à faire ce qu’elle doit faire pour accomplir la dure et lourde tâche qui s’impose à elle ?

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 3 août 2019

 

 

L’HEURE DE L’ANGE, livre d’ANNE RICE

*De douces mélodies se mêlaient, mais une sombre urgence pulsait au-dessous. De nouveau, la musique enfla. Les cuivres s’élevèrent, dessinant une forme effrayante.
Soudain, toute la composition sembla remplie de menace, figurant le prélude et l’expression de la vie qu’il avait menée.*
(Extrait : L’HEURE DE L’ANGE, Anne Rice, t.f. Éditions Michel Lafon, 2010, édition de papier, 275 pages)

Après un contrat particulièrement éprouvant, Lucky, un tueur professionnel, est abordé par un mystérieux inconnu appelé Malchia qui prétend être l’Ange gardien de Lucky. C’est d’autant plus étrange que Malchia dit tout savoir de Lucky et il dispose de toute évidence d’un stupéfiant pouvoir. Or Malchia fait à Lucky une offre étonnante : il lui propose de racheter ses crimes en sauvant des vies plutôt que de les prendre. Poussé par la curiosité, Lucky accepte et se retrouve au Moyen-Âge où il doit aider une famille juive accusée de meurtres rituels. est-ce une chance de rédemption pour lui ou un innommable cauchemar ??

Le messager de Dieu et le tueur
*Une voix en moi me soufflait qu’un sain désir
de surmonter l’épreuve qui nous attendait
l’aurait mieux servi que la candeur avec
laquelle il se précipitait vers le sort que le
destin nous réservait.*
(Extrait)

J’ai trouvé ce livre intéressant à certains égards mais il ne m’a pas particulièrement emballé. C’est ma première incursion dans l’univers d’Anne Rice et le fait que je n’aie pas commencé par son best-seller ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE était voulu. Je voulais lire un *Anne Rice* qui n’était pas submergé par la critique et la publicité.

Ici, le fil conducteur est simple : un tueur à gage se voit offrir par un ange de racheter ses crimes en acceptant d’être plongé au Moyen-Âge afin d’aider une famille juive accusée de meurtres rituels et de les sauver d’une mort certaine et injuste.

Bien que le livre n’est pas divisé en parties, j’en ai tout de même distingué quatre : 1) après son dernier meurtre, Lucky est approché par Malchiah, un ange qui lui propose un étrange marché.

Cet ange est ce que l’on appelle un Séraphin, classé par la tradition chrétienne dans la première hiérarchie des anges. 2) Malchiah fait revivre à Lucky le fil de sa vie. 3) Lucky remonte le temps jusqu’au Moyen-Âge pour remplir une mission qu’il accepte. 4) Après sa mission, Lucky revient dans le temps présent avec un avenir bien défini.

C’est une histoire un peu étrange à forte connotation religieuse et développée autour du thème de l’existence des anges. C’est une histoire de rédemption bâtie à la va-vite. Par exemple, j’ai trouvé plutôt simple la façon avec laquelle un tueur froid, dépourvu d’empathie et de sentiments décide de suivre comme ça un ange, dans l’espérance d’une rédemption.

J’ai eu de la difficulté à m’accrocher au récit, l’introduction étant longue et le nœud de l’histoire tardif. Dans ce livre, peu stimulant sur le plan littéraire, il n’y a pas vraiment d’action, pas d’intrigue.

Toutefois, je dirais que l’ensemble est sauvé par le passage de Lucky, devenu Frère Toby au Moyen Âge, plus précisément en l’an 1257 pour aider et sauver une famille juive accusée injustement du meurtre d’une petite fille qui en réalité est morte d’une maladie fulgurante.

Dans ce passage de 125 pages, plus dense et dramatique, l’auteure fait évoluer son personnage principal dans le contexte de relations extrêmement difficiles entre les Chrétiens et les Juifs. La haine dont les Juifs font les frais y est très bien décrite mais l’auteure a eu la sagesse de ne prendre aucun parti, décrivant aussi bien les travers de la juiverie que ceux de la chrétienté.

Ce passage m’a fait passer par une certaine gamme d’émotions, même si j’ai eu un peu de difficulté avec la crédibilité du personnage principal. Une fois la mission accomplie, suit le retour de Toby à son époque. Je dois dire que la finale est plutôt prévisible et très ordinaire.

À savoir maintenant si vous allez aimer ce livre. C’est bien possible que oui, si vous n’avez pas d’attentes particulières d’Anne Rice. On sait que cette auteure aime mêler les époques et conserve un style résolument baroque. Ici, elle nous entraîne dans l’Univers des anges gardiens, de leurs pouvoirs et des relations étranges et particulières qu’ils entretiennent avec les humains.

Le sujet est assez original parce que peu développé en littérature, du moins sous la forme de roman et actuel si on tient compte du fait que beaucoup de personnes croient à l’existence des anges et plus spécifiquement de l’ange gardien.

Il est intéressant de suivre la transformation de Toby et le rôle que joue Malchiah. L’ensemble manque de profondeur mais la plume est fluide et le tout se lit assez bien.

Anne Rice est une auteure américaine née en Louisiane le 4 octobre 1941, spécialisée dans la littérature fantastique. Plongée dans un profond désespoir suite à la mort de sa fille qui n’avait alors que 6 ans, Anne Rice s’est mise à l’écriture. Son tout premier livre ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE est considéré par plusieurs critiques comme un des plus grands succès de la littérature américaine contemporaine. Forte de son succès, elle s’est installée dans la maison de ses rêves en Nouvelle-Orléans, qu’elle décrit parfaitement dans le premier tome de chroniques de sorcières LA MAISON DES MAYFAIR.  

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 28 juillet 2018