LA CITÉ DE FEU, de Kate Mosse

*Les pattes de mouche à l’encre jaunie, la langue surannée
viennent à sa rencontre, traversant les siècles ; Elle en
connait chaque syllabe, comme une leçon de catéchisme.
La première entrée. -Ceci est le jour de ma mort-. *
(Extrait : LA CITÉ DE FEU, Kate Mosse, Mantle éditeur 2018.
Pour la traduction française, Sonatine Éditions, 2020, édition de
papier, 610 pages.)

France, 1562. Les tensions entre catholiques et protestants s’exacerbent, le royaume se déchire. Le prince de Condé et le duc de Guise se livrent un combat sans merci. Les huguenots sont persécutés, les massacres se succèdent. À Carcassonne, Marguerite Joubert, la fille d’un libraire catholique, fait la connaissance de Piet, un protestant converti dont la vie est en danger. Alors que la violence commence à se déchaîner dans la région, le couple se retrouve bientôt au centre d’un vaste complot lié à une sainte relique. Leur quête va les mener vers une ancienne forteresse, où sommeille un secret enterré depuis des décennies.

Ce que l’histoire a de pire
*L’histoire des injustices commises au nom de la religion
 – envers ses ancêtres – est sûrement la preuve que Dieu
n’existe pas. Car quel Dieu accepterait que tant meurent
 en son nom dans la souffrance et la terreur ? *
(Extrait)

Le récit a pour toile de fond les troubles, violences et tensions qui opposent les Catholiques et protestants de France. On sait que le protestantisme est issu du calvinisme britannique mais aux fins du récit, les protestants français et navarrais sont appelés HUGUENOTS. J’ai fait une recherche sur l’étymologie du mot HUGUENOT et je me suis aperçu que c’est une très longue histoire. Je vous fais grâce de cette saga, mais pour mieux comprendre, je vous suggère le dossier préparé sur les HUGUENOTS par Wikipédia. Cliquez ici.

Nous sommes donc en France en 1562, au cœur des guerres de religions. Les Huguenots du Prince Condé et les catholiques du Duc de Guise s’entre-déchirent sans pitié. Les Huguenots en particulier sont malmenés. Beaucoup sont massacrés. Au milieu de cet enfer, à Carcassonne, fleuron de l’Occitan, la fille d’un catholique, Marguerite Joubert, appelé Minou tout au long du récit, fait la connaissance de Piet, un protestant converti mais en danger.

Une chaîne d’évènements pousse le couple dans un vaste complot lié à une sainte relique, plus précisément à un suaire. L’aventure amènera Minou et Piet là où sommeille un grand secret.

J’ai adoré ce roman historique. En fait, c’est une fiction enclavée dans des faits historiques avérés. J’ai dévoré ce volume avec beaucoup d’intérêt pour tellement de raisons que je ne peux pas en faire le tour ici. Je dirais que les raisons les plus importantes sont les suivantes :  d’abord, c’est une belle histoire, qui en dit long sur le Moyen-âge à travers des évènements dramatiques mais exempts de tout sensationnalisme, à travers des personnages courageux et attachants qui pourraient être nos amis, nos frères nos sœurs.

Je pense au jeune frère de Minou, Aimeric un adolescent qui nous rappelle ceux d’aujourd’hui : veut participer, s’affirmer, assumer ses droits, exige la justice. Je pense aussi à Alys petite sœur de Minou qui s’affirme par sa sagesse et son courage, ce qui m’a mené à dévoiler la deuxième raison pour laquelle j’ai aimé ce roman : la place qu’il laisse aux femmes, phénomène rare dans un livre dont l’histoire se situe au Moyen âge, abstraction faite des histoires d’amour. Des femmes qui, dans ce contexte, passe à travers les mailles patriarcales et machistes, ça ne manque pas d’originalité. Ça me plait.

Enfin, ce livre de Kate Mosse pousse inévitablement à la réflexion sur la tolérance religieuse et me conforte dans mon opinion (qui peut être discutable, je vous l’accorde) à l’effet que la religion pourrait n’être qu’une étiquette justifiant la folie, la violence des hommes soi-disant soucieux de servir le vrai Dieu alors que les vrais Dieux, on en compte douze à la dizaine. Massacres, tortures de l’inquisition, pouvoir clérical, trahison, manipulation… *La menace d’une dénonciation terrifiait tout le monde. Un homme pouvait être pendu pour avoir récité la mauvaise prière, s’être agenouillé devant le mauvais autel. * (Extrait)

Kate Mosse a rassemblé avec une parfaite habileté tous les ingrédients pour faire de LA CITÉ DE FEU une magnifique fresque littéraire bien documentée et tout à fait captivante. Il y a bien quelques longueurs mais il n’y a pas d’errance. Ça se lit très bien. Il est difficile de fermer le livre. Je me suis laissé aller dans les mains d’une conteuse hors-pair. Un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : UNE COLONNE DE FEU, de Ken Follet

Kate Moss OBE , est une romancière britannique née le 20 octobre 1961 dans le Sussex en Angleterre. Elle fait ses classes au Chichester High School et au New College, d’Oxford. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, Greg Mosse. Après avoir obtenu son diplôme, elle travaille pendant sept ans dans l’édition.

En 1996, elle publie son premier roman, Eskimo Kissing, suivi en 1998 par Crucifix Lane. De 1998 à 2001, elle occupe le poste de directrice exécutive du Chichester Festival Theatre. Parallèlement à ses activités, elle est toujours en recherche pour un nouveau roman. Kate Mosse est devenue officière de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2013 pour services rendus à la littérature.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 18 mars 2023

Le fils du diable est un ange, de KATE OLIVER

*«Cet enfant nous était destiné, mon cher
époux. Quant à savoir d’où il vient, c’est
assurément un cadeau des Dieux, un fils
que nous offre le ciel. Si nous l’appelions
Kaouk?»*
(Extrait : LE FILS DU DIABLE EST UN ANGE,
Kate Oliver, IS édition, 2014, édition
numérique, 275 pages)

À une époque du Moyen-âge où se mêlent magie et sortilèges, Kaouk, enfant de la honte et du déshonneur, s’est juré de déjouer les plans machiavéliques de Mortador, un redoutable sorcier. Le chemin de Kaouk sera jalonné d’embûches, de batailles épiques et de rencontres inattendues dont une magicienne qui pourrait l’aider à rendre aux villageois opprimés leur liberté perdue. Kaouk aura aussi d’autres aides précieuses: Nand, un farfadet malicieux, et Opaline, son amie d’enfance, qui l’aideront sans doute à trouver la force nécessaire pour mettre fin aux exactions du tyran. 

UN VENT FRAIS DANS LE REGISTRE
DE LA FANTASY
*Une mousse grouillante de mouches bleuâtres
s’agglutina sur la plaie. Sous les yeux
stupéfaits de Kaouk, qui avait entre-temps
repris ses esprits, les insectes secrétèrent une
mousse baveuse qui, en se solidifiant, se
transforma en chair.*
(Extrait : LE FILS DU DIABLE EST UN ANGE)

Ç’est le tout premier livre de Kate Oliver. C’est du *fantasy*. Alors il y a des sorcières, des magiciens, des créatures infernales, il y a un héros qui combat un monstrueux guerrier sorcier, on attaque à grands coups de sortilèges. Bref, la lutte du bien contre le mal avec des armes tranchantes ou perçantes et ce pouvoir fantastique qui caractérise ce genre littéraire tellement populaire : le pouvoir de commander aux forces de l’univers.

Nous sommes à une époque très lointaine dans le futur. Kaouk, un enfant de la honte, s’est juré de déjouer les plans machiavéliques de Mortador, un puissant et malfaisant guerrier qui commande une créature sanguinaire, Volcos, et une armée de renégats. Kaouk a lui aussi des alliés qui l’aideront à libérer son peuple du joug cruel et despotique de Mortador mais il devra faire des choix qui pourraient sceller définitivement son destin.

La première chose qui m’a frappé dans ce roman est la qualité des personnages. Ils ont été travaillés, approfondis sur le plan humain et psychologique. On les a dotés d’une aura qui repousse, ou qui attire mais qui assurément attise l’émotion du lecteur et de la lectrice. Ces personnages sont attachants et ombrageux. Mortador est le vilain de l’histoire. C’est un personnage très intense et doté d’un caractère très bien trempé.

Le deuxième point fort réside dans la densité de la plume et le pouvoir de l’intrigue. Je pense à un long passage ou le guerrier du bien s’oppose à celui du mal avec des sortilèges et des contre-sortilèges qui sont issus avant tout de l’extraordinaire imagination de l’auteur.

Plusieurs trouvailles consacrent l’originalité de l’ouvrage dont l’introduction de Nand, un Farfadet tout petit mais à l’incroyable pouvoir de métamorphose. Son amitié avec Kaouk constituera un tournant dans l’histoire.

Le dernier point, et c’est peut-être celui qui m’a le plus agréablement surpris : c’est un passage qui lie l’histoire à nos temps modernes où les humains des années 2000 auraient un urgent besoin d’intensifier leur conscience environnementale :

*…oui, un monde qui s’est éteint un jour de l’an deux mille cinquante-deux. Les hommes étaient comme des bêtes enragées et leur convoitise a fini par transformer leurs terres nourricières en vastes champs de ruines stériles. Ils n’ont jamais tenu compte des avertissements de Dame Nature et les humains se sont multipliés dans le plus grand désordre…* (Extrait)

Le début de l’histoire. Mais persévérez. Le meilleur est à venir.

Finalement, nous avons ici un ouvrage qui tranche par son originalité et que j’ai trouvé rafraîchissant parce que d’une certaine façon, il sort des sentiers battus. Son rythme est constant malgré plusieurs passages qui évoquent le passé des personnages.

L’intrigue est développée avec un brin de malice et beaucoup d’intelligence. Enfin, toute l’histoire se déroule dans un seul tome mais la finale met la suite en place. À découvrir donc : LE FILS DU DIABLE EST UN ANGE de Kate Oliver.

Suggestion de lecture : I.R.L., d’Agnès Marot

Kate OLIVER est mère de deux garçons, tous deux enseignants. L’un d’eux est également écrivain. Dotée d’une imagination incroyable, son goût pour la littérature historique, les voyages et les contes fantastiques l’ont conduite à écrire son premier roman, «Le fils du Diable est un Ange». Publié en 2014 dans la collection SF & FANTASY de IS édition, suivi deux ans plus tard du tome 2: LE DIABLE EST ÉTERNEL. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 30 mai 2020

L’HEURE DE L’ANGE, livre d’ANNE RICE

*De douces mélodies se mêlaient, mais une sombre urgence pulsait au-dessous. De nouveau, la musique enfla. Les cuivres s’élevèrent, dessinant une forme effrayante.
Soudain, toute la composition sembla remplie de menace, figurant le prélude et l’expression de la vie qu’il avait menée.*
(Extrait : L’HEURE DE L’ANGE, Anne Rice, t.f. Éditions Michel Lafon, 2010, édition de papier, 275 pages)

Après un contrat particulièrement éprouvant, Lucky, un tueur professionnel, est abordé par un mystérieux inconnu appelé Malchia qui prétend être l’Ange gardien de Lucky. C’est d’autant plus étrange que Malchia dit tout savoir de Lucky et il dispose de toute évidence d’un stupéfiant pouvoir. Or Malchia fait à Lucky une offre étonnante : il lui propose de racheter ses crimes en sauvant des vies plutôt que de les prendre. Poussé par la curiosité, Lucky accepte et se retrouve au Moyen-Âge où il doit aider une famille juive accusée de meurtres rituels. est-ce une chance de rédemption pour lui ou un innommable cauchemar ??

Le messager de Dieu et le tueur
*Une voix en moi me soufflait qu’un sain désir
de surmonter l’épreuve qui nous attendait
l’aurait mieux servi que la candeur avec
laquelle il se précipitait vers le sort que le
destin nous réservait.*
(Extrait)

J’ai trouvé ce livre intéressant à certains égards mais il ne m’a pas particulièrement emballé. C’est ma première incursion dans l’univers d’Anne Rice et le fait que je n’aie pas commencé par son best-seller ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE était voulu. Je voulais lire un *Anne Rice* qui n’était pas submergé par la critique et la publicité.

Ici, le fil conducteur est simple : un tueur à gage se voit offrir par un ange de racheter ses crimes en acceptant d’être plongé au Moyen-Âge afin d’aider une famille juive accusée de meurtres rituels et de les sauver d’une mort certaine et injuste.

Bien que le livre n’est pas divisé en parties, j’en ai tout de même distingué quatre : 1) après son dernier meurtre, Lucky est approché par Malchiah, un ange qui lui propose un étrange marché.

Cet ange est ce que l’on appelle un Séraphin, classé par la tradition chrétienne dans la première hiérarchie des anges. 2) Malchiah fait revivre à Lucky le fil de sa vie. 3) Lucky remonte le temps jusqu’au Moyen-Âge pour remplir une mission qu’il accepte. 4) Après sa mission, Lucky revient dans le temps présent avec un avenir bien défini.

C’est une histoire un peu étrange à forte connotation religieuse et développée autour du thème de l’existence des anges. C’est une histoire de rédemption bâtie à la va-vite. Par exemple, j’ai trouvé plutôt simple la façon avec laquelle un tueur froid, dépourvu d’empathie et de sentiments décide de suivre comme ça un ange, dans l’espérance d’une rédemption.

J’ai eu de la difficulté à m’accrocher au récit, l’introduction étant longue et le nœud de l’histoire tardif. Dans ce livre, peu stimulant sur le plan littéraire, il n’y a pas vraiment d’action, pas d’intrigue.

Toutefois, je dirais que l’ensemble est sauvé par le passage de Lucky, devenu Frère Toby au Moyen Âge, plus précisément en l’an 1257 pour aider et sauver une famille juive accusée injustement du meurtre d’une petite fille qui en réalité est morte d’une maladie fulgurante.

Dans ce passage de 125 pages, plus dense et dramatique, l’auteure fait évoluer son personnage principal dans le contexte de relations extrêmement difficiles entre les Chrétiens et les Juifs. La haine dont les Juifs font les frais y est très bien décrite mais l’auteure a eu la sagesse de ne prendre aucun parti, décrivant aussi bien les travers de la juiverie que ceux de la chrétienté.

Ce passage m’a fait passer par une certaine gamme d’émotions, même si j’ai eu un peu de difficulté avec la crédibilité du personnage principal. Une fois la mission accomplie, suit le retour de Toby à son époque. Je dois dire que la finale est plutôt prévisible et très ordinaire.

À savoir maintenant si vous allez aimer ce livre. C’est bien possible que oui, si vous n’avez pas d’attentes particulières d’Anne Rice. On sait que cette auteure aime mêler les époques et conserve un style résolument baroque. Ici, elle nous entraîne dans l’Univers des anges gardiens, de leurs pouvoirs et des relations étranges et particulières qu’ils entretiennent avec les humains.

Le sujet est assez original parce que peu développé en littérature, du moins sous la forme de roman et actuel si on tient compte du fait que beaucoup de personnes croient à l’existence des anges et plus spécifiquement de l’ange gardien.

Il est intéressant de suivre la transformation de Toby et le rôle que joue Malchiah. L’ensemble manque de profondeur mais la plume est fluide et le tout se lit assez bien.

Anne Rice est une auteure américaine née en Louisiane le 4 octobre 1941, spécialisée dans la littérature fantastique. Plongée dans un profond désespoir suite à la mort de sa fille qui n’avait alors que 6 ans, Anne Rice s’est mise à l’écriture. Son tout premier livre ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE est considéré par plusieurs critiques comme un des plus grands succès de la littérature américaine contemporaine. Forte de son succès, elle s’est installée dans la maison de ses rêves en Nouvelle-Orléans, qu’elle décrit parfaitement dans le premier tome de chroniques de sorcières LA MAISON DES MAYFAIR.  

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 28 juillet 2018