LE WAGON, de Philippe Saimbert et Isabelle Muzart

*La lumière aveuglante, les sons terrifiants et
L’aspect des apparitions plaidaient pour une
rencontre du troisième type…Cette lumière,
poursuivit Hunt, comme dans tous ces films
de science-fiction…croyez-vous que…enfin…*
(Extrait : LE WAGON de Philippe Saimbert et
Isabelle Muzart, Éditions Asgard, 2011, num.
245 pages.)

Dans un voyage organisé, en pleine nuit, le wagon se détache du train, laissant les voyageurs seuls au milieu de nulle part entourés d’une inquiétante forêt recouverte d’un épais brouillard. S’ensuit une chaîne d’évènements qui plongent les voyageurs dans un effroyable cauchemar : bruits insolites, apparitions étranges dans un environnement devenu hostile et surnaturel et finalement, les morts brutales  qui s’enchaînent. Malgré cette atmosphère qui leur glace le sang, les voyageurs s’interrogent : s’agit-il d’une rencontre du troisième type ou peut-être quelque chose de pire encore? Et qui d’entre nous pourra survivre à cet horrible cauchemar?

EFFROI AU MILIEU DE NULLE PART
*Il vit avec horreur ses enfants précipités dans
le vide, jambes en avant. Il se propulsa vers
eux, bras tendus pour les attraper dans ses
bras, quand leur chute fut brutalement stoppée
à un mètre du sol. Une autre corde était passée
autour de leur cou. Elle venait de se tendre et de
briser leur nuque en un insoutenable craquement
de vertèbres…*
(Extrait : LE WAGON)

C’est une histoire très étrange, imprégnée d’un puissant caractère onirique. Elle n’est pas facile à suivre et à comprendre car il y a des ruptures dans le fil conducteur et la psychologie qui sous-tend l’ensemble suscite plus de questions que de réponses.

Toutefois, si on se donne la peine de porter attention et de se concentrer, on ne peut qu’admirer le talent de Saimbert et Muzart qui nous entraînent dans un monde fantastique, bizarre et mystérieux aux frontières du rêve et du surnaturel.

Quoique l’ensemble soit complexe, l’idée de départ est simple : un voyage organisé, en train, dans le but d’assister aux évènements surnaturels annoncés dans les journaux et qui se déroulent en pleine forêt traversée par le chemin de fer. Il faut dès le départ bien saisir le but du voyage et surtout, saisir la psychologie des personnages, disparates, tantôt sympathiques, tantôt méprisables. C’est indispensable pour bien apprécier leurs réactions aux évènements qui les attendent.

Je le rappelle, l’histoire est complexe. Mais pour le peu qu’on se livre à une lecture attentive, avec l’esprit ouvert, la plume des auteurs nous entraîne irrésistiblement à nous mettre à la place des personnages qui, une fois seuls, abandonnés au milieu de nulle part s’enlisent graduellement dans un cauchemar indescriptible dans lequel l’angoisse devient omniprésente mettant au grand jour les pires faiblesses humaines.

Tout au long de la lecture, je me suis questionné sur la nature des évènements décrits et le pourquoi d’une violence parfois aussi démesurée. Car c’est violent…très violent avec des passages à soulever le cœur.

Mais cette violence devait être exprimée pour tendre à la compréhension du récit et là-dessus, il faut être patient jusqu’à la finale qui est, soit dit en passant, totalement imprévisible et pas simple du tout…j’ai dû la relire plusieurs fois pour me rendre compte que ça valait vraiment la peine de se rendre jusqu’au bout.

Ce livre m’a imposé une réflexion sur l’incroyable complexité de l’esprit humain, le passé qui nous rattrape, le futur qui nous angoisse et les effets de l’introspection souvent imposée par l’horreur d’une situation complexe telle que celle qui est décrite dans l’histoire.

Je recommande ce roman fantastique aussi fluide que complexe mais bien bâti, un peu dérangeant, violent à en atteindre le malaise et qui devrait toucher de plein fouet le cœur et l’esprit de tous lecteurs attentifs.

Suggestion de lecture, du même auteur : 11 SERPENTS

Philippe Saimbert est un romancier, scénariste et spécialiste de la bande dessinée né en France en 1962. Il a à son actif plusieurs albums dans les tendances fantastique et science-fiction, mais il a touché aussi à l’humour avec entre autres OBJECTIF RENCONTRES publié chez Joker. Ses polars ont aussi contribué à sa notoriété comme sa série LES ÂMES D’HÉLIOS publiée chez Delcourt. Un de ses grands objectifs est de tenter l’adaptation de son roman LE WAGON au cinéma écrit avec la complicité d’Isabelle Muzart. 

J’espère bien que le projet d’adaptation du livre au cinéma se réalisera.

Isabelle Muzart est une écrivaine française née à Alençon en 1966. Très jeune, elle développe rapidement un goût pour la lecture et bien sûr, l’écriture va suivre, prélude à une très belle aventure littéraire. J’ai été impressionné en particulier par son livre L’INAVOUABLE SECRET, un excellent thriller policier. Je lisais récemment une citation de l’auteure publiée en 2009 sur ladepeche.fr : *Moi j’aime lire. La lecture ouvre l’esprit sur d’autres vies.*

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
12 JUIN 2016

 

LA CAGOULE, livre de François Gravel

*Les gardiens ont sans doute l’air de bandits, mais les psys ont vraiment l’air de psys. Sont-ils dangereux eux aussi? À qui puis-je me fier?* (Extrait : LA CAGOULE, François Gravel, Québec Amérique jeunesse, 2009, papier, 240 pages)

Maxime, un adolescent de 16 ans vient de terminer un séjour en centre d’accueil après avoir été reconnu coupable de trafic de drogue. Juste avant sa libération, la juge offre à Maxime  de participer à un programme expérimental de réhabilitation. Ce qui l’amène dans un centre mystérieux, perdu en forêt. Il s’apercevra bien vite que ce centre use de méthodes étranges et peu rassurantes. Caché sous une cagoule, et perturbé par le message de sa psy qui lui recommande d’aller  au bout de sa violence, Maxime sera confronté à un nouveau choix : s’extirper de la délinquance ou y plonger encore davantage. Qu’est-ce qui se cache dans ce camp?

LE CERCLE VICIEUX DE LA DÉLINQUANCE
*Dix mille questions se bousculent dans ma
tête, mais il y en a une qui revient sans
cesse et qui finit par éclipser toutes les
autres : Qu’est-ce que je fais ici? J’ai
l’impression d’être manipulé depuis le
début, mais je ne sais pas par qui, ni
pourquoi.*
(Extrait : LA CAGOULE)

C’est un livre intéressant qui donne la parole à Maxime, un adolescent de 16 ans qui raconte un épisode plutôt éprouvant de sa vie dans un mystérieux centre de réadaptation perdu dans les bois à quelques minutes de la frontière américaine. Tout y est étrange.

Les jeunes ont tous reçu une consigne stricte de silence et se voient imposer des activités qui ne riment à rien comme par exemple, transporter des sacs à dos fermés hermétiquement sur de longs parcours… très bizarre. Pire, on leur offre quotidiennement de la marijuana à fumer tranquillement autour du feu de camp.

Maxime, qui ne consomme pas malgré le fait qu’il avait été condamné pour trafic de drogue est poussé par un mystérieux personnage appelé le Mohawk à faire comme les autres et de laisser aller les choses. Alors, portant sa cagoule qui n’est rien d’autre qu’un manteau surmonté d’un capuchon, il observe, de plus en plus intrigué et irrité par une impression très forte d’être manipulé.

C’est une histoire touchante mettant en scène des personnages attachants. Elle a comme thème la délinquance juvénile et la drogue mais elle explore aussi des thèmes plus profonds comme l’estime de soi, la volonté et la fragilité de l’adolescence face à une société manipulatrice.

On trouve tout ce que les jeunes apprécient dans un livre : du suspense, de l’intrigue, du mystère, de l’imagination, une finale spectaculaire et j’ajoute que l’auteur a développé son histoire de façon à ce qu’elle ne soit pas moralisatrice même s’il est difficile d’éviter les allusions sur les grands dangers de déviation que présente le monde de la drogue. Mais l’histoire est davantage un message d’espoir qu’un jugement sur la jeunesse.

L’écriture est soignée, sensible et équilibrée. L’histoire est développée avec intelligence et amène le jeune lecteur tout doucement à une réflexion sur sa qualité de vie actuelle et future. C’est un beau défi que François Gravel a relevé je crois.

Les épisodes d’introspection de Maxime constituent selon moi les plus beaux passages de l’histoire et donnent à l’ensemble une évidente touche de réalisme. En effet Maxime sera confronté à un choix qui décidera finalement de sa vie future et le récit met en perspective cette capacité qu’ont les jeunes, règle générale, à raisonner, analyser, distinguer le bien du mal et les choix auxquels ils sont souvent confrontés : écouter le cœur ou la raison…

Un récit bien construit aux rebondissements surprenants…parfait pour les 12 ans et plus.

Suggestion de lecture : L’OEIL DE CAINE, de Patrick Bauwen

François Gravel est un écrivain québécois né en 1951. Il écrit pour les petits et les grands. Son œuvre littéraire est gratifiée par de nombreuses récompenses dont le prix TD de littérature canadienne pour l’enfance et la jeunesse en 2006. Ses romans décrivent avec justesse la réalité sociale de la jeunesse en particulier avec bien sûr une touche de fiction, de rêve et d’humour. Il a créé entre autres pour les jeunes la série KLONK et la série DAVID, toutes deux rehaussées des magnifiques illustrations de Pierre Pratt

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MARS 2016

LA BIBLE DU HIBOU, livre d’HENRI GOUGAUD

*Il vint à pas de loup surprendre les amants,
se tint un long moment courbé comme un
voleur contre la porte  close, pleura quand
Blanche soupira, puis il entra avec ses gardes,
il fit empoigner Nicolas et dans la tour ferrée
ordonna qu’on l’enferme.*
(Extrait : LE PRISONNIER DE LA TOUR du recueil
LA BIBLE DU HIBOU d’Henri Gougaud, Éditions du
Seuil, 1993, édition de papier,  340 pages)

LA BIBLE DU HIBOU est un recueil de fables, légendes et récits très courts qui ont été recueillis par Gougaud dans tous les coins de la France. Ces histoires ont traversé les siècles jusqu’à nous et demeurent pourtant sans âge, sans doute à cause de leur capacité à nous propulser aux limites de l’inconnu et de la connaissance, nous faisant explorer nos peurs ataviques : fantômes, êtres de légende, le diable. Ce livre rappelle la tradition orale aujourd’hui gâchée par la télévision et Internet. Écrit dans un style qui confine parfois à la poésie, Henri Gougaud, ce célèbre conteur s’est laissé aller à sa passion…

Légendes, peurs bleues, fables…
*Un bateau barbaresque aux voiles rouges
apparut dans la crique. Pierre voulut rejoindre
la rive. Il n’en eut pas le temps. Dix hommes
dans une chaloupe vinrent sur lui par le devant,
l’empoignèrent,  bâillonnèrent sa bouche,
ligotèrent ses pieds et le jetèrent enfin sur
leur vaisseau pirate qui aussitôt apparailla.*
(Extrait : MAGUELONNE, du recueil LA BIBLE DU HIBOU)

Dans l’univers du conte, il n’y a pas vraiment de juste milieu. Ou c’est vivant ou c’est mort. On aime ou on aime pas. Moi j’ai bien aimé la  bible du hibou parce que l’adaptation des contes se rapproche beaucoup de la tradition orale d’où ils sont issus. En effet, ces histoires venant des quatre coins du monde ont été racontées avant d’être écrites.

Pour saisir leurs auditeurs et les garder captifs, les conteurs devaient imprégner leurs histoires d’émotions, d’exaltation, de conviction. Ils s’exclamaient, déclamaient et maintenaient constamment leur signature vocale dans un registre élevé d’intonation, d’expression et d’émotion.

Vous vous imaginez alors le défi que ça représente de traduire toutes ces vertus en écriture. Ce n’est pas simple. Dans la préface du livre, Joseph Kessel exprime fort bien la nature de ce défi : *…mais de l’oral à l’écrit, si l’on gagne en pureté, en rigueur, en précision, on perd beaucoup me semble-t-il en liberté, en jubilation…*

L’écrivain est prisonnier des lois et des règles de la langue dans laquelle il écrit. Plusieurs subissent les contraintes d’un éditeur ou des correcteurs. *Le conteur, lui, est sans cesse entraîné par le désir de ses auditeurs. Il va aussi loin que l’on veut. Il abreuve, il nourrit, stimulé par la soif et la faim de ceux qui l’écoutent…*

Voilà ce que sont dans les faits les racines de la littérature : *…un terreau de paroles cultivé des millénaires durant…* Cette volonté de rendre les textes vivants fait toute la beauté de LA BIBLE DU HIBOU.

Tous les textes du recueil sont courts et respectent la même règle d’écriture vivante imposée par Henri Gougaud. Je me vois très bien en retenir plusieurs et en raconter à des amis autour d’un feu de camp. En me référant à l’esprit du texte et à sa qualité d’adaptation, la conviction et l’intonation feront le reste.

LA BIBLE DU HIBOU vient nous rappeler que le conte est une forme littéraire qui a toujours nourrit l’imaginaire. Dans quoi croyez-vous que la science-fiction et le cinéma fantastique ont puisé pour grandir?

LA BIBLE DU HIBOU est un ouvrage qui m’a permis d’apprécier toute la force d’attraction du conte avec des histoires de peur, de fantômes de docs et de ruelles obscures, de diables, d’ombres inquiétantes et j’en passe. Le recueil ne se limite pas à faire peur, il divertit et nourrit notre soif de savoir et de connaître. Un bon livre…plein de vie…

Suggestion de lecture : LA SÉRIE DE CONTES DE VALÉRIE BONENFANT

Henri Gougaud (1936- ) est un écrivain, poète et conteur français né à Carcassonne. Il a aussi été homme de radio et parolier pour des chansonniers comme Serge Reggiani, Juliette Greco et Jean Ferrat. Homme-orchestre, il réactualise un style littéraire en déclin : le conte. Il dirige d’ailleurs les Collections MÉMOIRES DES SOURCES ET CONTES DES SAGES aux Éditions du Seuil. Son œuvre comprend aussi de nombreux romans, récits et essais avec un goût prononcé pour l’humour noir.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
FÉVRIER 2016

LA CHORALE DU DIABLE, de MARTIN MICHAUD

*Le tueur est là, en bas des marches. Il s’apprête à franchir les portes menant
à la station de métro Bonaventure. Le tueur retire sa cagoule…surtout, ne pas
créer de mouvement de panique…*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE de Martin Michaud, éditions Goélette, Qc, 2011, éd. Num. 421 pages)

Avant de se suicider, un homme tue une femme et trois enfants…un carnage d’une horreur indescriptible.  Le meurtrier présumé serait le mari. Deux jours plus tard, une alerte Amber (alerte-enlèvement à grande échelle) est déclenchée : une jeune fille faisant de la porno sur internet est kidnappée. Comme les deux drames semblent sans lien au début, chaque affaire est confiée à un policier. Les deux enquêtes vont finir par converger et elles seront d’autant compliquées que les deux policiers se détestent cordialement.

Ils s’engageront néanmoins dans une démarche dangereuse les conduisant dans plusieurs villes du Québec et même jusqu’au Vatican. Évoluant dans un monde obscur de fanatisme religieux et de perversité dans une enquête parsemée de morts, Victor Lessard et Jacinthe Taillon se rapprochent de la découverte d’un secret terrifiant : celui de la chorale du diable.

Un secret effrayant
*…Est-ce que ça -fitterait- avec des satanistes
de mettre en scène des meurtres, en essayant
de reproduire une invasion de mouches
inspirée du quatrième fléau?*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE)

Avec sa plume puissante et fort bien structurée, Martin Michaud nous livre un récit intense qui évoque les travers les plus tordus de la nature humaine : cruauté, sadisme, violence, pédophilie, satanisme et j’en passe. Je pense que le lecteur doit bien évaluer la sensibilité de son âme avant d’entreprendre la lecture de ce livre et savoir aussi qu’il ne donne pas une image très flatteuse de l’Église Catholique. Une fois commencée la lecture de l’histoire, je me suis senti comme une mouche dans une toile d’araignée…difficile d’en sortir.

L’auteur a imaginé une enquête extrêmement complexe et tentaculaire, car elle amène autant l’enquêteur de l’histoire que le lecteur dans de multiples directions avec de multiples rebondissements pour chaque direction.

Une phrase captée en cours de lecture et qui concerne l’enquêteur Victor Lessard résume très bien la complexité de l’histoire : *…Il ne peut s’empêcher de frissonner : il se heurte à quelque chose de beaucoup plus grand que lui, une bête à multiples tentacules qui le dépasse et qui lui flanque une peur irraisonnée.* (Extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Je parle souvent dans mes commentaires de l’importance du fil conducteur d’une histoire…cette espèce de lien qui garde le lecteur dans le coup. Ce fil conducteur prend une importance capitale dans un récit aussi multidirectionnel que LA CHORALE DU DIABLE. Dans ce récit, il y en a deux…et deux solides : d’abord la chorale.

L’auteur dévoile très graduellement le lien entre la chorale et les meurtres. Et puis, il y a les mouches…alors ça c’est une trouvaille : l’omniprésence des mouches dans le récit…des essaims de millions de mouches…

En plus d’établir un lien entre les mouches et l’apocalypse, l’auteur nous livre sa petite explication judiciaire et médico-légale : *…Lessard sait que l’entomologie judiciaire s’intéresse généralement aux mouches et autres insectes qui, les uns après les autres, viennent se nourrir des cadavres en décomposition, parce que ce comportement permet de fixer avec précision le moment de la mort.* (extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Mais voilà, dans le récit, il y a beaucoup trop de mouches pour que ce soit naturel. Quoique l’auteur mette le lecteur sur la piste (avec retenue), il ne livre l’explication du mystère qu’à la fin.

Autre lien intéressant dans le récit, la présence constante d’hommes d’église et vous pouvez me croire, ce ne sont pas tous des enfants de chœur et leur rôle dans l’histoire est issu d’une motivation très particulière qui m’a laissé pantois.

LA CHORALE DU DIABLE est un polar bien ficelé, puissant qui rappelle un peu Dan Brown dans le dévoilement progressif de l’intrigue et la multiplicité des indices. Les personnages principaux : les enquêteurs Victor Lessard et Jacinthe Taillon sont deux mufles, mais étrangement, deux mufles attachants.

À vous amis lecteurs de découvrir pourquoi. La violence y est très descriptive…trop à mon goût, mais si vous avez le cœur solide, je vous recommande LA CHORALE DU DIABLE déjà bardé de reconnaissances littéraires : PRIX SAINT-PACÔME du meilleur roman policier en 2011, et PRIX ARTHUR- ELLIS remis au meilleur roman policier francophone publié au Canada en 2012.

Suggestion de lecture, du même auteur : SOUS LA SURFACE

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité. Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard. 

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez son site internet michaudmartin.com

BONNE LECTURE

JAILU

AOÛT 2015

LE CLUB DES VEUFS NOIRS, livre d’ISAAC ASIMOV

*Vous avez trop lu Agatha Christie, dit Rubin.
En fait, il s’avère que pour presque tous les
crimes, on s’aperçoit que la personne la plus
équivoque est celle qui est coupable…*
(extrait de RIEN QUE LA VÉRITÉ, du recueil LE CLUB
DES VEUFS NOIRS, Isaac Asimov, 10/18, 1974, éd.
num.)

Le CLUB DES VEUFS NOIRS est une incursion d’un maître de la science-fiction, Isaac Asimov dans le domaine policier. Ce recueil regroupe 12 récits évoquant les rencontres mensuelles de 6 hommes : LE CLUB DES VEUFS NOIRS. En effet, une fois par mois, ces 6 hommes, pas nécessairement veufs mais particulièrement érudits se réunissent pour diner. À chaque rencontre, un des six hommes invite une connaissance qui a une énigme complexe à résoudre ou une affaire étrange à soumettre, toujours de nature policière ou judiciaire.

Aidés par leur maître d’hôtel, Henri, particulièrement brillant, les six hommes s’emploient à résoudre l’énigme et chaque rencontre devient rapidement un marathon de déductions, de raisonnement et de concentration. Chaque nouvelle a le même cadre mais avec une situation et des acteurs différents.

Sept fois Hercule Poirot…
*J’en suis arrivé à un point où je dois en appeler
au grand principe de Sherlock Homes :
«Quand l’impossible a été éliminé, ce qui
reste, même si ça paraît improbable,
est la vérité »*
(extrait LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

D’Isaac Asimov, je connais surtout l’œuvre de science-fiction. C’est un maître dans ce type de littérature. Par exemple, ses livres mettant en scène les robots et les *positroniques* sont remarquables. J’étais curieux d’en savoir un peu plus sur la contribution d’Asimov dans l’univers du roman policier. Je me suis donc mis en quête d’un titre et un ami lecteur m’a suggéré LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

C’est un livre intéressant mais j’ai l’impression que le véritable pouvoir de la plume d’Asimov, c’est encore dans la science-fiction qu’on le trouve. Avec LE CLUB DES VEUFS NOIRS, j’avais l’impression de me retrouver en terrain connu, dans du déjà-vu. En effet le cadre me rappelle beaucoup LE CLUB DU MARDI d’Agatha Christie.

Le style et la profondeur des raisonnements n’est pas sans rappeler le grand Hercule Poirot, célèbre détective créé également par madame Christie. Il y a toutefois plus de palabres dans LE CLUB DES VEUFS NOIRS. Après tout, les limiers sont au nombre de 6, ou plutôt 7 devrais-je dire car il faut tenir compte du fameux Henri, le brillant maître d’hôtel qui, à lui seul, m’a tenu dans le coup.

Même si le livre n’est pas sans intérêt, je ne suis pas tellement amateur de ce style littéraire. Le contexte est statique. Il n’y a pas d’enquête, pas de déplacement, pas d’action. Sur les 7 principaux personnages, il y en a 6, ultra-rationnalistes, bavards et un peu machistes qui s’invectivent et s’écoutent parler.

Le septième personnage est celui qui m’a gardé captif du livre : Henri, le serviteur, estimé Maître d’hôtel des veufs noirs. C’est Henri qui, invariablement, à chaque récit, apporte les solutions, résout les énigmes et ce, avec une humilité désarmante :

*Ce n’était pas difficile dit Henry. Il se trouve que vous avez examiné toutes les possibilités qui ne pouvaient pas marcher. J’ai simplement suggéré celle qui restait.*
*…Vous êtes un détective remarquable. –Ce sont les Veufs Noirs qui le sont. Ils explorent le problème dans tous les sens. Je me contente ensuite de proposer la seule solution qui reste, dit Henry.*
(extrait de LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

Donc il faut prendre le livre pour son principal aspect positif. Chaque nouvelle du recueil est un exercice de logique, de raisonnement. Asimov imagine une intrigue, lui donne au départ un aspect banal, insignifiant qui se complexifie pendant le développement. Sa plume pousse inévitablement le lecteur à raisonner, à déduire. Pour aider le lecteur, Asimov parsème ses récits d’indices. C’est intelligent, efficace.

Et toujours, le dernier mot va à celui qui sait écouter et prendre les choses avec suffisamment de recul pour y voir clair. Ce cher Henri…il gagne à être connu.

En fin de compte, j’ai trouvé le livre agréable à lire. Je craignais de sombrer dans la monotonie parce que le cadre et l’environnement ne changent à peu près pas dans les nouvelles, mais l’auteur a apporté une variété intéressante dans la nature des intrigues.

Quoique j’aie encore une forte préférence pour l’œuvre de science-fiction d’Isaac Asimov, je vous invite à noter ce titre : LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE CYCLE DE FONDATION

Isaac Asimov (1920-1992) était chimiste, écrivain et vulgarisateur scientifique, natif de Russie et naturalisé américain en 1928. En littérature, Asimov a été extrêmement prolifique avec plus de 500 ouvrages publiés. Il a touché tous les genres, surtout la science-fiction. Dans une moindre mesure, Isaac Asimov a manifesté son intérêt pour la fiction policière. Il n’a jamais caché son intérêt pour Hercule Poirot qui est pour lui l’image parfaite du détective idéal. C’est donc en s’inspirant du célèbre limier qu’Isaac Asimov a imaginé le CLUB DES VEUFS NOIRS, véritable bijou d’ingéniosité, d’imagination et d’humour.

La carrière d’Isaac Asimov a connu un parcours tout à fait remarquable rehaussée d’une extraordinaire récolte de récompenses et de prix littéraires dont plusieurs prix LOCUS, NEBULA ET HUGO. Je signale enfin que trois films célèbres ont été réalisés d’après l’œuvre d’Asimov. LA MORT DES TROIS SOLEILS de Paul Mayersberg en 1988, L’HOMME BICENTENAIRE de Chris Columbus en 1999 et I, ROBOT d’Alex Proyas en 2004.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
août 2015

NOIRE RÉVÉLATION, le livre de BRENDA NOVAK

trilogie de Stillwater tome 3

*Intéressant qu’elle tombe sur un magazine de
cul dans le bureau de son père, vous ne trouvez
pas? Demanda Hunter. Pour quelqu’un qui


promet l’enfer dimanche après dimanche à
ceux qui commettent le péché de chair, ça fait
un peu désordre non?*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION, le tome 3 de la
trilogie STILLWATER de Brenda Novak. Éditions
Harlequin, coll. Mira, 2010, édition. Numérique)

Vingt ans après la mystérieuse disparition de son père dans la petite ville de Stillwater, Madeline voit son existence à nouveau ébranlée par ce drame : la voiture de son père est retrouvée dans un recoin d’une carrière abandonnée. Madeline engage Hunter Solozano, un détective privé pour enquêter et remonter la piste. Ce dernier découvre de sérieux indices dans la voiture. Madeline veut pousser l’enquête et éclaircir le mystère, ce qui rend sa famille mal à l’aise. Ses proches tentent en effet de détourner Madeline de son investigation et garde un silence plutôt culpabilisant sur les mystérieux évènements d’il y a 20 ans. Il y en a semble-t-il, qui ont beaucoup à cacher.

Après NOIR SECRET et NOIRS SOUPÇONS,
NOIRE RÉVÉLATION…
Tout ce qu’il y a de plus noir…
*Norman jeta un coup d’œil vers le
cadavre ballonné et de nouvelles
gouttes de sueur se formèrent sur
son front plus pâle que jamais.*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION)

Premier point important, même si NOIRE RÉVÉLATION est le troisième volet d’une trilogie, il peut se lire indépendamment des deux autres. C’est ce que j’ai fait. Les retours dosés sur le passé sont suffisants pour nous plonger et nous maintenir dans l’atmosphère pesante du récit.

Dans ce récit, Madeline, jeune journaliste de Stillwater se morfond parce que la disparition de son père 20 ans plus tôt n’a jamais été élucidée. Son père était pasteur, un homme apprécié, aimé, respecté. Au début du récit, une voiture est retirée d’une rivière…la voiture du pasteur…l’enquête est relancée mais Madeline, ne faisant pas confiance à la police locale engage un détective privé : Hunter Solozano. Et voilà que tout le monde devient nerveux et mal à l’aise.

C’est un récit dur qui dévoile à la petite cuillère la personnalité d’un véritable monstre. C’est un roman efficace en particulier parce que dans le récit, tout le monde dans la famille de Madeline a quelque chose à cacher, et ce quelque chose a toutes les apparences d’une collusion visant à empêcher l’éclatement de la vérité. Ça complique terriblement l’enquête de Solozano. Le fil conducteur est assez serré et fige l’attention du lecteur.

Un point m’a singulièrement agacé dans le récit : c’est un cliché répandu…la belle jeune femme, à cheval sur sa pudeur et mêlée dans ses sentiments engage un détective de type adonis, récemment divorcé et…surprise…une amourette couve dès la première rencontre et se développe avec l’enquête. Les deux éléments finissent par s’imbriquer et évoluer ensemble et il est très facile de deviner comment ça va finir…c’est ordinaire et agaçant.

Heureusement, Novak garde son lecteur dans le coup et l’attire inexorablement dans l’horreur car ce qui sera révélé s’inspire de la cruauté et de la folie insoutenable.

Je vous dirai en terminant que Brenda Novak ne fait pas dans la dentelle avec NOIRE RÉVÉLATION. Plusieurs passages sont de nature à soulever le cœur. Ne lisez pas ce livre si vous avez l’âme très sensible car la brutalité, la perversité et la cruauté y sont révélées souvent de façon crue et directe.

Puisqu’il est question de pédophilie, le livre suscite une réflexion sérieuse sur une corde extrêmement sensible de la société et semble vouloir nous livrer le message classique et trop souvent oublié : ne jamais se fier aux apparences.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY de Robert Goddart

Brenda Novak est une auteure américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers. Elle publie son premier livre chez Harper Collins en 1999 : OF NOBLE BIRTH traduit en français sous le titre DE NOBLE NAISSANCE et depuis, sa notoriété est grandissante avec plus d’une trentaine de titres et de nombreuses nominations à de prestigieux prix littéraires.

Elle a affiné son art en imprégnant ses ouvrages d’une forte intensité psychologique. Brenda Novak qui a déjà vendu plus de 4 millions de livres dans le monde est mère de 5 enfants et vit à Sacramento en Californie. Elle œuvre comme bénévole dans le financement de la lutte contre le diabète.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2015

LES CONTES DU WHISKY, recueil de JEAN RAY

*…deux mains énormes, froides, dures comme
l’acier. Dans un silence immense, sans cri, sans
haine, avec une méthode et une sûreté de
machine, elles serraient mon cou.*
(extrait de LES CONTES DU WHISKY, LA NUIT DE
CAMBERWELL, Jean Ray, Nouvelles Éditions Oswald,
1ère édition : 1925, 134 pages, éd. Num.)

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray paru en 1925 et rééditée plusieurs fois par la suite. C’est un recueil d’histoires noires,  diaboliques, contes d’horreur, de crimes crapuleux. Ces brèves nouvelles sont inspirées du quotidien inquiétant des coins obscurs de Londres : les ports, les docks brumeux, tavernes malfamées, ruelles sombres, le tout dans une atmosphère de malfaisance, de crimes et de déchéance sociale aux limites du surnaturel. Le narrateur est plus souvent qu’autrement ivre, le whisky étant omniprésent dans les récits. 

Vapeurs éthyliques et mort
*Non mon maître. Il était au milieu des siens,
quand il s’est levé subitement en criant :
C’EST L’HEURE! Puis il partit d’un grand
éclat de rire et il est tombé mort…il était
minuit 20.
(MINUIT 20, extrait de LES CONTES DU WHISKY)

Je dois dire que j’ai passé un bon moment avec ce livre qui est présenté en deux parties : LES CONTES DU WHISKY et QUELQUES HISTOIRES DANS LE BROUILLARD. Les nouvelles sont très courtes et se déroulent dans les coins les plus sombres et les plus mystérieux de Londres ou dans le légendaire brouillard ouaté qui recouvre si souvent cette ville.

Bien sûr, les récits sont empreints de mystère, de fantastique. Le tout semble vouloir atteindre presque le surnaturel un peu à la manière d’Edgar Allen Poe. Toutefois, ce qui m’a le plus fasciné dans ce recueil, c’est l’humour particulier qu’on y retrouve…un humour édulcoré, tamisé, un peu noir et sans aucun doute rehaussé par une impressionnante adulation du divin whisky… :

*Il y a des morts galants; souvent même leurs amours portent fruit…Ce sont des mort-nés, cela va sans dire. Jusqu’ici, on s’est fort peu occupé de leur éducation. (extrait LES CONTES DU WHISKY,  MON AMI LE MORT)…C’est bon…fameux…Parmi les choses que je regretterai, il y aura le whisky…je suis trempé…Quelle horreur…un peu de whisky pour me donner du cœur…(extrait LES CONTES DU WHISKY, LA DERNIÈRE GORGÉE)

Ce qui est très spécial aussi dans ces récits, c’est que pour plusieurs d’entre eux, le narrateur est ivre, solidement imbibé de whisky, ce qui favorise le vagabondage de l’esprit du lecteur. On peut de cette façon, relire autant de fois qu’on veut un récit et lui trouver autant d’interprétations.

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray. Sa façon directe et ironique de décrire un univers mystérieux et féroce, un peu onirique, voire surnaturel lui a valu un départ fulgurant dans sa carrière littéraire. Je recommande la lecture de ce livre. Les récits sont très brefs et décrivent un monde de déchéance avec un style particulier où l’horreur, le fantastique et un humour imagé se chevauchent. Je crois que vous passerez un bon moment.

…juste en parler m’a donné une de ces soifs…

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Raymond Jean-Marie de Kremer (1887-1964) est un écrivain belge. Jean Ray est le pseudonyme qu’il s’est choisi pour écrire en français. LES CONTES DU WHISKY furent le point de départ d’une carrière fascinante : plus d’une centaine d’aventures d’ Harry Dickson, très populaire dans les années 30 et MALPERTUIS, son premier roman fantastique publié en 1943, œuvre majeure adaptée à l’écran par Ham Kümel. Je cite aussi LES CONTES NOIRS DU GOLF,  et LA GRANDE FROUSSE adapté à l’écran par Jean-Pierre Mocky. Ray a aussi écrit plusieurs livres en néerlandais sous le pseudonyme John Flanders.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

FANTÔME EN HÉRITAGE, livre d’ANNIE JAY

*J’étais si terrifié que j’ai essayé en vain de crier,
j’étais comme paralysé. Et elle, elle me regardait
d’un air calme. Moi aussi je la regardais, et même
que je voyais au travers de son corps.*
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE, Annie Jay,
Hachette Livre, 1997, 2003 et 2006, éd. Num.
70 pages, Hachette jeunesse)

Ce récit est l’histoire de Brice, un jeune garçon de 12 ans qui s’installe avec sa mère dans une très ancienne maison, héritage de l’arrière- grand –oncle Joseph. En héritant de la maison, Brice se rend compte très vite qu’il a aussi hérité d’un fantôme qui l’habite : elle s’appelle Constance, tuée par Joseph pour son héritage et enterrée en secret. Ce fantôme frustré, capricieux, malin et têtu est bien décidé à mener la vie dure à Brice jusqu’à ce qu’elle obtienne justice ainsi qu’un enterrement digne du titre.

Brice accepte (a-t-il le choix?) d’aller au fond de cette affaire ne serait-ce que pour se débarrasser de cette peste. Il sera aidée par sa grand-mère, Blanche, appelée à juste titre Mamie Bazooka, une drôle de femme, farfelue et extravagante. Premier objectif pour Brice : surmonter sa peur. Ensuite, trouver le corps de Constance…rien de facile…

LA PESTE TRANSPARENTE
*-Je les ai hantés du soir au matin et
du matin au soir, fit en riant
l’intéressée. L’avantage pour les
fantômes, c’est qu’il n’existe ni
jour, ni nuit!
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE)

Comme tous les humains sont confrontés tôt ou tard à des histoires de fantômes, dans les livres, à la télé, au cinéma ou dans la tradition orale, et même paraît-il dans la vraie vie, autant commencer de bonne heure avec délicatesse, sensibilité et même, pourquoi pas, de l’humour. C’est ce que propose Annie Jay aux jeunes à partir de 8 ans.

Les parents peuvent se rassurer, c’est tout à fait sans danger. Le seul risque est celui de vous faire poser beaucoup de questions. À vous de satisfaire l’insatiable curiosité des jeunes avec discernement et faites comme madame Jay…ajoutez-y de l’humour.

Dans ce petit livre de moins de 75 pages, aisé à lire, tous les ingrédients sont réunis pour faire passer de bons moments aux enfants : des jeunes personnages attachants, une mamie extravertie et extravagante avec des cheveux rouges et des vêtements aux agencements de couleurs plutôt loufoques (et c’est pas pour rien qu’elle se fait appeler MAMIE BAZOOKA…imaginez…une grand-mère d’âge très respectable…en mini-jupe) et surtout, le fantôme d’une jeune fille d’une quinzaine d’années…

Le fantôme dont il est question dans cette petite histoire n’est pas vraiment méchant, mais c’est une peste, capricieuse, entêtée et collante. Il faudra un bel esprit d’équipe de Brice, le jeune personnage principal de l’histoire, et de ses amis, y compris l’excentrique Mamie Bazooka pour se débarrasser de cette peste.

Annie Jay est surtout spécialisée dans les romans historiques pour la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est un essai dans le vaste domaine littéraire du fantastique pour les jeunes lecteurs et lectrices. Mon avis est que c’est bien essayé. Elle a bien saisi tout l’état d’esprit d’un enfant, son goût en éveil pour le mystérieux, les petites intrigues, l’aventure.

FANTÔME en héritage est une belle petite histoire écrite avec sensibilité,  pleine de rebondissements et de rythme et développant des thèmes précieux pour les jeunes : l’esprit d’équipe, l’amitié et le courage qui consiste d’abord à surmonter sa peur.

Un bon ptit livre.

Suggestion de lecture : GHOST STORY, de Peter Straub

Annie Jay (1957-) est une auteure française spécialisée dans les romans historiques destinés à la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est une petite déviation dans la carrière de l’auteure qui tente un essai dans le mystère et le fantastique. Annie Jay est le passionnée d’histoire et motivée par l’objectif de transmettre aux jeunes le goût de la lecture. À ce jour, elle a publié 14 romans LA FIANCÉE DE POMPÉI, publié en 2013. Pour en savoir plus sur Annie Jay, consultez son site officiel : http://anniejay.com

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015

MEURTRES EN SOUTANE, Phyllis Dorothy James

*…Pendant deux secondes, la tête restait
en place avant de basculer lentement, et
la grande fontaine rouge jaillissait, ultime
célébration de la vie. Telle était l’image
que dev
ait endurer le Père Martin nuit
après nuit.*
(extrait de MEURTRES EN SOUTANE de P.D. James
Le livre de poche,  t.f. Arthème  Fayard, 2001, 341
pages, éd. Num.)

L’intrigue se déroule à St-Anselm, un modeste séminaire qui forme de futurs candidats à la prêtrise anglicane et situé sur une falaise isolée de la côte Anglaise. Cette étrange institution dont l’avenir est déjà très incertain est ébranlée par une série de meurtres : un séminariste, une employée, un invité et la sœur d’un prêtre trouvent la mort dans des circonstances troublantes. L’enquête est confiée au commandant Adam Dalgliesh de Scotland Yard déjà familier des lieux pour y avoir séjourné quelques temps dans le passé. Cette enquête s’annonce rude et beaucoup plus complexe que Dalgliesh le croyait au départ.

MORTS MYSTÉRIEUSES DANS LA
SOLITUDE DE ST-ANSELM
*Travaillant tous deux en silence,
nous avons dégagé le haut du corps…*

Sans être à proprement parler un chef d’œuvre, MEURTRES EN SOUTANE est un livre très intéressant, un polar solide dont j’ai trouvé la lecture agréable et captivante. L’intrigue est serrée et évolue dans un angoissant crescendo de violence et d’étrangeté. Je suis demeuré captif de ce livre jusqu’à la dernière page.

Dès le début, j’ai été enveloppé par le contexte, l’atmosphère et surtout par l’environnement de l’intrigue : une institution religieuse située sur une falaise isolée et venteuse face à la mer du nord, un manoir solitaire, un peu sinistre mais chargé d’histoire et dont l’église anglicane tirerait profit de la fermeture, peut-être à cause des inestimables œuvres d’art qui s’y trouvent ou peut-être à cause du peu d’importance de l’institution dans la hiérarchie de la Haute Église.

Les premiers meurtres donnent l’apparence d’accidents mais le caractère sordide de l’intrigue ne tarde pas à se dévoiler. Là-dessus, le lecteur n’a d’autres choix que d’évoluer au même rythme que le commandant Dalgliesh, tellement attachant qu’on aurait envie de l’assister. C’est une force de PD James : un fil conducteur solide et évolutif mais peu prévisible.

Le petit côté un peu lassant de l’œuvre tient du fait que nous avons là un suspense à l’anglaise…les bonnes manières avant tout et le thé bien sûr. Si les œuvres de PD James sont empreintes d’analyse sociale, on ne peut sans doute lui reprocher d’être profondément anglaise et ça transpire dans l’écriture. Heureusement, l’intensité de l’écriture et de l’intrigue donnent le ton et forcent l’attention.

L’évolution de l’intrigue, le dénouement et surtout, le style très british de l’ensemble ne sont pas sans rappeler la grande Agatha Christie à la différence près que dans MEURTRES EN SOUTANE il y a plus de questionnements que de déductions avec en plus, un petit quelque chose d’ésotérique.

Saint-Anselm est un monde secret et l’auteure en dévoile très graduellement les mystères dans cet excellent polar avec son personnage fétiche, Galgliesh, confronté à une des affaires les plus lugubres de sa carrière. Beaucoup de rebondissements au programme.

Passionnant…tout simplement.

Phyllis Dorothy James est née à Oxford en 1920. Ses diverses fonctions à la section criminelle du ministère anglais de l’intérieur ont sans doute influencé cette auteure prolifique dans son goût d’une écriture amalgamant sadisme, analyse sociale, mystère et intrigue. Ses romans lui ont valu des prix fort prestigieux dont le prix français de la littérature policière.

Elle  crée en 1962 son personnage préféré : Adam Galgliesh, policier de Scotland Yard, hanté par le décès de sa femme, morte en couche en même temps que son bébé, évènement dramatique qui ne sera pas sans influence sur l’évolution du personnage et ses motivations psychologiques. Anoblie par la reine en 1990, PD James a écrit plus d’une quarantaine de romans.

Suggestion de lecture : MEURTRES POUR RÉDEMPTION de Karine Giébel

BONNE LECTURE
Claude Lambert
NOVEMBRE 2014

 

À L’HÔTEL BERTRAM, livre d’AGATHA CHRISTIE

*…Le chanoine Pennyfather…une énigme.
Il parlait d’abord de se rendre en Suisse,
embrouillait tout, si bien qu’il ne s’y rendait
pas, revenait à son hôtel sans se faire
remarquer et en ressortait au petit jour…
pour aller où? L’étourderie pouvait-elle être
poussée si loin? Sinon que manigançait le
chanoine? Où était-il?*
(extrait de À L’HÔTEL BERTRAM, Agatha Christie,
Librairie des Champs-Élysées 1965)

L’intrigue se déroule au Bertram, un vieil hôtel de Londres qui a résisté aux bombardements de la 2e guerre mondiale et qui a conservé son cachet victorien et feutré. Le Bertram, prisé par les personnes d’un certain âge pour son confort et sa tranquillité accueille Miss Jane Marple, notre héroïne, de passage pour une petite semaine de détente.

Elle ne se doute pas que l’hôtel est sous surveillance par Scotland Yard et observe une chaîne d’évènements impliquant des employés et des clients de l’hôtel  jusqu’à ce qu’un portier de l’établissement soit assassiné. Un inspecteur de Scotland Yard mène l’enquête, mais l’expertise de Miss Marple pourrait bien devenir décisive…

La pause *Agatha*

*J’ai appris, après bien des années, à ne pas croire à l’enchaînement d’événements, trop simples. Les événements, apparemment simples, ne le sont presque jamais*
(Jane Marple, extrait de À l’HÔTEL BERTRAM, Agatha Christie)

AVANT-PROPOS :

Dans mes lectures, il m’arrive à l’occasion de délaisser pour un temps les nouveautés, canons littéraires ou curiosités diverses pour revenir à des valeurs qui sont sûres pour moi : des classiques ou des ouvrages de mes auteurs préférés. Cette fois, j’ai dévoré un livre d’Agatha Christie.

Je connais très bien son personnage le plus célèbre : Hercule Poirot , apparaissant dans 33 romans et 51 nouvelles. Mais pour cette pause *Agatha*, je voulais faire plus ample connaissance avec une vieille dame sympathique et très brillante : MISS MARPLE. J’ai choisi de lire À L’HÔTEL BERTRAM.

Je dois dire d’abord que À L’HÔTEL BERTRAM n’est pas le livre idéal pour faire connaissance avec Miss Marple comme je le souhaitais parce qu’elle ne mène pas l’enquête personnellement.

Elle y prête son concours de façon plus ou moins passive. Je voulais savoir s’il y avait une différence fondamentale entre Hercule Poirot et Jane Marple. J’ai compris qu’il n’y en a pas vraiment. Les deux célèbres détectives appliquent les grands principes du roman policier qu’Agatha Christie a collés à la réalité de l’ensemble de son œuvre, à savoir :

-Le crime peut-être expliqué par la personnalité de la victime comme celle de l’assassin.
-La recherche de mobiles est plus importante que celle d’indices dans la recherche de solution d’un crime.
– le coupable ne peut être démasqué qu’au terme d’une investigation, souvent psychologique, des antécédents de la victime.
-Très souvent la solution de l’énigme ne se trouve qu’après une recherche purement intellectuelle.

Donc Poirot et Marple sont le reflet fidèle de la mentalité littéraire de leur créatrice qui fait passer la solution des énigmes par une profonde compréhension de la psychologie des personnages. <voir les secrets de son  succès> Je mentionnerai simplement en terminant cet avant-propos que Miss Marple est un personnage un peu plus attachant que Poirot, qu’elle a plus de vécu et qu’elle met à contribution une très forte intuition féminine. Cela dit, voyons ce qu’a donné ma lecture du livre À L’HÔTEL BERTRAM.

Mystère dans un nid feutré

C’est un livre un peu spécial qui présente une variation du style habituel d’Agatha Christie. L’intrigue est très longue à s’installer, et le meurtre n’intervient que vers la fin de l’histoire et encore, il est accessoire, comme secondaire dans le récit.

La raison en est très simple et c’est ce qui fait l’originalité de cette histoire : l’énigme de ce roman est principalement l’hôtel Bertram lui-même, visé comme un personnage principal et dans lequel on trouve des personnages qui semblent mystifier les lieux.

Donc l’auteure s’attarde à décrire ce vestige du passé qu’est le Bertram, introduit très graduellement mais efficacement ses acteurs et donne à l’ensemble une saveur très *british* qui va un peu plus loin que le thé et les muffins.

Dans cette histoire, c’est Scotland Yard qui mène l’enquête, et avec brio encore, ce qui sort un peu du cadre habituel de l’œuvre d’Agatha Christie. Mais elle s’est arrangée pour donner à Miss Marple un rôle d’observatrice, presque passive et qui pourtant est essentiel à la résolution de l’énigme. Mais c’est bien la miss Marple telle que madame Christie l’a créée : extraordinairement intuitive et mettant à profit une remarquable connaissance de la nature humaine.

À l’HÔTEL BERTRAM n’est pas ce que j’appellerais un grand livre et sûrement pas le meilleur d’Agatha Christie, mais l’histoire est originale, les lieux et les personnages attachants et il y a des rebondissements intéressants. Malheureusement, Miss Marple étant un peu trop effacée dans le récit, je n’ai pu vraiment me faire une idée précise et satisfaisante du personnage. Pour cela, je devrai me rabattre sur un autre titre.

Suggestion de lecture : 17 NOUVELLES ENQUÊTES DE SHERLOCK HOLMES ET DU DOCTEUR WATSON de Sherlock Holmes

J’attire aussi votre attention sur l’adaptation à la télé de À L’HÔTEL BERTRAM, produite par la BBC en 1987 dans la série MISS MARPLE, 7e épisode, en deux parties, avec Joan Hickson dans le rôle de Miss Marple.

Agatha Mary Clarissa Miller devenue Agatha Christie est une des romancières les plus appréciées de l’histoire de la littérature. Elle a vécu de 1891 à 1976. Auteure de 84 romans, une vingtaine de pièces de théâtre et de plusieurs recueils de nouvelles, elle a présidé à l’élaboration de règles de base pour un bon roman policier avec ses fameux détectives Hercule Poirot et Jane Marple  qui ont une  approche originale et hautement intuitive de la résolution d’énigmes.

BONNE LECTURE
JAILU
SEPTEMBRE 2014