FENÊTRE SUR CRIME

Commentaire sur le livre de
LINWOOD BARCLAY

*- Tu dois partir, a répété Howard sur un ton suppliant.
 C’est ça que je fais pour toi, Morris. Je te laisse en dehors
de certaines choses que je fais. Je fabrique des saucisses.
 Personne n’a envie de savoir ce qu’il y a dedans. Je fais ça
pour toi…*
(Extrait : FENÊTRE SUR CRIME, Linwood Barclay. À l’origine : Belfond
éditeur, 2014, papier, 472 pages. Version audio : Thélème éditeur, 2016,
durée d’écoute : 14 heures 3 minutes, narrateur : Bertrand Suarez-Pazos)

À la suite du décès de son père, Ray doit abandonner ses activités pour retourner dans la maison familiale. Il y retrouve Thomas, son cadet atteint de schizophrénie, qui passe ses journées devant un programme de cartes interactives sur son ordinateur. Convaincu de l’imminence d’une attaque terroriste, celui-ci mémorise les plans des grandes villes jusqu’au jour où il pense avoir surpris une scène de meurtre. Il ne cesse de harceler son frère pour qu’il aille vérifier sur place. De guerre lasse, Ray se rend à Manhattan, déclenchant malgré lui une spirale tragique…

La peur et la traque
*Personne n’avait vu le garçon quand il était à la fenêtre.
Personne n’avait levé les yeux.
Personne ne l’avait aidé. *
(extrait)

Vous avez lu sûrement le synopsis. Je veux juste aller à l’essentiel, Thomas Kilebried est un homme dans la trentaine, atteint de schizophrénie mais très intelligent et doté d’une mémoire colossale. En explorant un logiciel de cartes interactives appelé *world 360*, branché à des milliers de caméras dans les grandes villes du monde, Thomas est témoin d’un meurtre perpétré dans un appartement de New-York et capté par une caméra qui transmet le tout sur internet.

Thomas harcèle son frère Ray, illustrateur professionnel venu régler la succession de son père, mort des suites d’un accident avec sa tondeuse à gazon. À partir du moment où Ray se rend à New-York pour enquêter, le récit se corse et l’auditeur/auditrice est attiré irrésistiblement dans l’enchevêtrement de plusieurs intrigues qui finiront par converger dans une finale tout à fait captivante.

Si l’auditeur-auditrice peut passer à travers les deux premières heures qui sont passablement monotones et introduisent beaucoup de personnages, il n’en aura aucun regret car l’auteur met habilement ses pions en place.  Quand j’ai réalisé le caractère suspect de la mort du père de Ray et Thomas et que ce dernier gardait enfoui en lui un secret de famille pas forcément très propre, le récit m’a pris comme une mouche se fait prendre dans une toile d’araignée.

Même s’il y a plusieurs intrigues qui s’entrelacent dans cette histoire, elle est facile et agréable à suivre grâce à un fil conducteur solide. Le roman, bien que noir, est empreint d’une grande sensibilité et évite l’étiquetage de la schizophrénie mais suggère plutôt le respect des différences.

La première moitié comprend des longueurs, un peu de redondance, quelques dialogues creux. Le rythme prend un peu de place à s’installer. Mais à partir du milieu, l’imagination de l’auteur explose, ça devient haletant et fortement intrigant. C’est bien bâti et le texte a un petit caractère angoissant qui n’est pas sans rappeler FENÊTRE SUR COUR du célèbre Alfred Hitchcok. Évidemment, dans FENÊTRE SUR CRIME, Linwood Barclay mise beaucoup sur les technologies et ça lui réussit.

Sans être au pied de la lettre, c’est tout le récit qui repose sur un logiciel manipulé d’ailleurs par un schizophrène d’une remarquable intelligence. Thomas est le personnage le plus réussi et le plus fini de la distribution…à en être attachant. Le reste est un amalgame de chantage, de meurtres, de règlement de compte, de dérèglement sexuel et de poursuites. C’est cohérent, c’est fort. Un bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture du même auteur : CETTE NUIT-LÀ

Linwood Barclay est un auteur et ancien éditorialiste.  En 1959, il émigre à Toronto au Canada avec sa famille alors qu’il est tout juste âgé de quatre ans. Il commence à écrire des livres en 1995 et publie quatre ouvrages humoristiques de 1996 à 2000 ainsi que quatre thrillers de la série Zack Walker de 2004 à 2007. Auteur de polars incontournable, Linwood Barclay a déjà publié seize romans chez Belfond, dont Cette nuit-là (2009) et sa trilogie consacrée à la ville fictive de Promise Falls – Fausses promesses (2018), Faux amis (2018) et Vraie folie (2019). Tous sont repris chez J’ai lu.

du même auteur

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 19 janvier 2025

LE CRI, Nicolas Beuglet

<Comme on le pensait, cette affaire nous emmène bien plus loin que prévu.>

<Sarah croisa le regard de Christopher. L’un comme l’autre mesurait leurs très faibles chances de réussite. Mais leurs mains ne se séparèrent pas.>

Extraits : LE CRI, Nicolas Beuglet, Poscket éditeur, papier, 2018. Version audio : Audiolib éditeur, 2017. Durée d’écoute : 13 heures 52 minutes, narrateur : Olivier Prémel

Hôpital psychiatrique de Gaustad, Oslo. À l’aube d’une nuit glaciale, le corps d’un patient est retrouvé étranglé dans sa cellule, la bouche ouverte dans un hurlement muet. Dépêchée sur place, la troublante inspectrice Sarah Geringën le sent aussitôt : cette affaire ne ressemble à aucune autre… Et les énigmes se succèdent : pourquoi la victime a-t-elle une cicatrice formant le nombre 488 sur le front ? Que signifient ces dessins indéchiffrables sur le mur de sa cellule ?

Pourquoi le personnel de l’hôpital semble si peu à l’aise avec l’identité de cet homme interné à Gaustad depuis plus de trente ans ? Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va lier son destin à celui d’un journaliste d’investigation français, Christopher, et découvrir, en exhumant des dossiers de la CIA, une vérité vertigineuse…

Les dérives de la science

LE CRI est un thriller psychologique et techno-médical sur fond de religion, d’une forte intensité. L’auteur a tout mis en place pour me saisir et me garder sous son influence tout le long du récit. Tout va vite. Même très vite. Ça commence par la mort d’un patient interné dans un hôpital psychiatrique depuis 30 ans. Le directeur dit que c’est un suicide, l’inspectrice pense tout le contraire et se demande d’abord pourquoi l’homme est marqué au front du chiffre 488.

Le directeur sait des choses. Démasqué, il se sauve et met le feu à l’institution, tuant des dizaines de personnes. Il en réchappe, mais il est gravement blessé. Il est interrogé. L’inspectrice apprend des choses surprenantes et elle n’est pas au bout de ses peines car elle a mis le doigt dans un engrenage malsain et terrifiant, allant de découverte en découverte pour plonger finalement dans un cauchemar.

Tout y est et attendez-vous à avoir le vertige : des énigmes complexes à résoudre, un enfant en danger de mort, des révélations fracassantes, des poursuites effrénées, des expériences barbares et cruelles, des menaces, des morts et j’en passe…tout cela pour aboutir à la révélation d’un inimaginable secret que les êtres humains ne doivent absolument pas connaître. Ce fameux secret fait suite à une obscure recherche faite sur l’île de l’Ascension ou la CIA a déjà commandité d’obscures recherches.

L’idée centrale de ce polar est la vie après la mort qui obnubile un milliardaire tordu. C’est un thriller fortement anxiogène, développé sur des chapeaux de roues et qui ne laisse aucun répit au lecteur/auditeur. Cette fébrilité se manifeste au détriment de la profondeur malheureusement. Trop rapide, trop chronométré et par moment, abracadabrant.

On a mis de côté la psychologie des personnages, les questions d’éthique scientifique, pas beaucoup d’émotions, sauf dans le dernier quart du récit. Le fil conducteur est solide mais l’ouvrage manque définitivement de ventilation.

Je suis d’accord avec les critiques sur plusieurs points, plus particulièrement sur le fait que le thème de la vie après la mort est en surchauffe sur le plan littéraire. Mais on ne doit pas s’arrêter là. C’ici que je deviens un peu plus à contre-courant de la critique car l’auteur a déployé une imagination incroyable appuyée par une recherche sérieuse et crédible sur le plan scientifique ce qui lui a permis d’être efficace sur le plan de la fiction.

C’est ainsi que Beuglet a redéfini la nature des neutrinos et de la matière noire au bénéfice de l’intrigue. Il y a dans l’histoire de remarquables trouvailles.

Un autre fait très intéressant fortement imbriqué dans l’intrigue concerne la religion. Il ne s’agit pas ici de guerres de religion mais de LA religion peu importe l’étiquette. L’auteur propose une conclusion aussi osée que troublante sur le sort de l’âme après la mort physique et le rôle de Dieu dans le cycle. C’est à glacer le sang. Vous comprendrez alors pourquoi l’auteur a choisi LE CRI comme titre.

Donc c’est un roman très fort, addictif, très rapide, recherché et angoissant. Variation sur un thème très répandu en littérature. Impressionnant déploiement d’imagination. Récit puissant sur le plan évènementiel mais plus pauvre sur le plan psychologique. Les personnages sont peu approfondis et la question du sort de Simon, l’enfant pris en otage est plutôt sous-développé. Il n’y a pas de longueur mais quelques passages sont…disons tirés par les cheveux.

C’est un livre qui agrippe et qui ne laisse pas indifférent. J’ai beaucoup aimé. En passant, la version audio est excellente. Superbe performance du narrateur Olivier Prémel

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE, de Hans Küng



L’auteur Nicolas Beuglet

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Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 19 mai 2024