LE CRI, Nicolas Beuglet

<Comme on le pensait, cette affaire nous emmène bien plus loin que prévu.>

<Sarah croisa le regard de Christopher. L’un comme l’autre mesurait leurs très faibles chances de réussite. Mais leurs mains ne se séparèrent pas.>

Extraits : LE CRI, Nicolas Beuglet, Poscket éditeur, papier, 2018. Version audio : Audiolib éditeur, 2017. Durée d’écoute : 13 heures 52 minutes, narrateur : Olivier Prémel

Hôpital psychiatrique de Gaustad, Oslo. À l’aube d’une nuit glaciale, le corps d’un patient est retrouvé étranglé dans sa cellule, la bouche ouverte dans un hurlement muet. Dépêchée sur place, la troublante inspectrice Sarah Geringën le sent aussitôt : cette affaire ne ressemble à aucune autre… Et les énigmes se succèdent : pourquoi la victime a-t-elle une cicatrice formant le nombre 488 sur le front ? Que signifient ces dessins indéchiffrables sur le mur de sa cellule ?

Pourquoi le personnel de l’hôpital semble si peu à l’aise avec l’identité de cet homme interné à Gaustad depuis plus de trente ans ? Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va lier son destin à celui d’un journaliste d’investigation français, Christopher, et découvrir, en exhumant des dossiers de la CIA, une vérité vertigineuse…

Les dérives de la science

LE CRI est un thriller psychologique et techno-médical sur fond de religion, d’une forte intensité. L’auteur a tout mis en place pour me saisir et me garder sous son influence tout le long du récit. Tout va vite. Même très vite. Ça commence par la mort d’un patient interné dans un hôpital psychiatrique depuis 30 ans. Le directeur dit que c’est un suicide, l’inspectrice pense tout le contraire et se demande d’abord pourquoi l’homme est marqué au front du chiffre 488.

Le directeur sait des choses. Démasqué, il se sauve et met le feu à l’institution, tuant des dizaines de personnes. Il en réchappe, mais il est gravement blessé. Il est interrogé. L’inspectrice apprend des choses surprenantes et elle n’est pas au bout de ses peines car elle a mis le doigt dans un engrenage malsain et terrifiant, allant de découverte en découverte pour plonger finalement dans un cauchemar.

Tout y est et attendez-vous à avoir le vertige : des énigmes complexes à résoudre, un enfant en danger de mort, des révélations fracassantes, des poursuites effrénées, des expériences barbares et cruelles, des menaces, des morts et j’en passe…tout cela pour aboutir à la révélation d’un inimaginable secret que les êtres humains ne doivent absolument pas connaître. Ce fameux secret fait suite à une obscure recherche faite sur l’île de l’Ascension ou la CIA a déjà commandité d’obscures recherches.

L’idée centrale de ce polar est la vie après la mort qui obnubile un milliardaire tordu. C’est un thriller fortement anxiogène, développé sur des chapeaux de roues et qui ne laisse aucun répit au lecteur/auditeur. Cette fébrilité se manifeste au détriment de la profondeur malheureusement. Trop rapide, trop chronométré et par moment, abracadabrant.

On a mis de côté la psychologie des personnages, les questions d’éthique scientifique, pas beaucoup d’émotions, sauf dans le dernier quart du récit. Le fil conducteur est solide mais l’ouvrage manque définitivement de ventilation.

Je suis d’accord avec les critiques sur plusieurs points, plus particulièrement sur le fait que le thème de la vie après la mort est en surchauffe sur le plan littéraire. Mais on ne doit pas s’arrêter là. C’ici que je deviens un peu plus à contre-courant de la critique car l’auteur a déployé une imagination incroyable appuyée par une recherche sérieuse et crédible sur le plan scientifique ce qui lui a permis d’être efficace sur le plan de la fiction.

C’est ainsi que Beuglet a redéfini la nature des neutrinos et de la matière noire au bénéfice de l’intrigue. Il y a dans l’histoire de remarquables trouvailles.

Un autre fait très intéressant fortement imbriqué dans l’intrigue concerne la religion. Il ne s’agit pas ici de guerres de religion mais de LA religion peu importe l’étiquette. L’auteur propose une conclusion aussi osée que troublante sur le sort de l’âme après la mort physique et le rôle de Dieu dans le cycle. C’est à glacer le sang. Vous comprendrez alors pourquoi l’auteur a choisi LE CRI comme titre.

Donc c’est un roman très fort, addictif, très rapide, recherché et angoissant. Variation sur un thème très répandu en littérature. Impressionnant déploiement d’imagination. Récit puissant sur le plan évènementiel mais plus pauvre sur le plan psychologique. Les personnages sont peu approfondis et la question du sort de Simon, l’enfant pris en otage est plutôt sous-développé. Il n’y a pas de longueur mais quelques passages sont…disons tirés par les cheveux.

C’est un livre qui agrippe et qui ne laisse pas indifférent. J’ai beaucoup aimé. En passant, la version audio est excellente. Superbe performance du narrateur Olivier Prémel

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE, de Hans Küng



L’auteur Nicolas Beuglet

Du même auteur

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 19 mai 2024

LE LIVRE NOIR DE LA CIA, Yvonnick Denoël

*Kennedy esquissa un de ses sourires cyniques.
peut-être était-il une des rares personnes à déjà
savoir que, dans le monde des renseignements,
vérité et CIA étaient bien trop souvent opposées
une de l’autre. *
(Extrait : LE LIVRE NOIR DE LA CIA, YVONNICK DENOËL,
avec la collaboration de Gordon Thomas, Nouveau MND
éditeur, 2017. J’ai lu 2009, 444 pages. Pour la présente,
Nouveau Monde, 2007 en format numérique, 400 pages)

En 1947, le président américain Harry S. Truman fait passer un décret appelé NATIONAL SECURITY ACT qui créée officiellement l’agence centrale de renseignement, appellation officielle américaine : CIA, une des agences de renseignements les plus connues dans le monde. Elle sera chargée de l’acquisition du renseignement, l’organisation et la réalisation des opérations clandestines hors du territoire américain. Elle a le statut juridique d’une agence indépendante du gouvernement.

Selon WIKIPÉDIA, D’après un document fourni par Edward Snowden, le budget alloué à la CIA pour l’année 2012 s’élève à 15,3 milliards de dollars. Son budget en 2010 avait été évalué à 10 milliards de dollars américains, sur un programme de renseignement national s’élevant à 53 milliards. En 2009, l’ensemble des seize agences – aujourd’hui dix-sept – de l’Intelligence Community avait un budget annuel de 75 milliards de dollars et employait quelque 200 000 personnes dans le monde, y compris des entrepreneurs privés.

Assassinats de dirigeants étrangers, coups d’État, trafic d’armes et de drogues, soutien à des groupes terroristes, détentions abusives et tortures, expérimentations d’armes. Depuis sa création, la CIA n’a cessé de multiplier les infractions à la loi. Elle déclassifie une partie de ses archives arguant que les dérapages de la guerre froide sont aujourd’hui révolus. Ce livre montre qu’il n’en est rien. Cet ouvrage dresse un bilan aussi exhaustif que possible des méthodes douteuses de l’Agence, des origines à nos jours. Il reproduit les archives permettant d’approcher la vérité. On trouve ici de nombreuses anecdotes inédites sur des épisodes que l’on croit connaître.

Une évidente dérive
Malgré les 23 000 espions et analyste qu’elle emploie,
la CIA apparait dans ces documents comme une agence
rongée par le doute, les récriminations internes et les
échecs. Cette vérité s’est cachée derrière un demi-
siècle de livres et de films romanesques présentant la
CIA comme le super-espion du monde libre.
(Extrait)

Il est difficile de commenter un tel livre et encore plus de le critiquer. Après tout, ce n’est qu’un recueil de faits avérés. Là où ça peut être intéressant pour les amateurs d’histoire, entre autres, c’est que ce livre réunit la collection complète des coups tordus d’une agence américaine qui dérive depuis sa création.

Il n’y a jamais eu d’enfants de chœur dans cette agence spécialisée dans l’accomplissement des basses œuvres du gouvernement américain et si j’en juge par les succès de l’agence, pas très flatteurs, il n’y a pas eu beaucoup de stratèges efficaces :

*Mais, tout comme il existe des flics véreux, la CIA a eu plus que sa part d’officiers corrompus. Contre toute attente, on a même découvert une taupe en son sein, en pleine ère Gorbatchev. Certains agents sont devenus alcooliques, d’autres sont sortis mentalement malades d’opération secrètes qui furent ensuite encensées pour ajouter à la légende de la CIA. * (Extrait)

Le volume comprend l’historique des opérations et les documents à l’appui… supposés secrets, qui prennent plus de 50% de la place dans le livre. Étonnant que l’agence SECRÈTE ait laissé sortir autant d’informations sensibles. Ceci dit, l’ensemble est très instructif.

Des centaines d’histoires incroyables circulent sur le compte de la CIA. Le livre de Denoël réunit les plus marquantes. Le livre évoque entre autres la protection des criminels de guerre nazis, l’expérimentation de drogues et de la torture sur des innocents, les nombreuses tentatives de meurtre sur la personne de Fidel Castro.

À cela s’ajoutent le *nettoyage* du Vietnam et du Laos, l’affaire Watergate, sans oublier la célèbre fable des armes de destruction massive en Irak…armes qu’on a toujours pas retrouvés. Le livre est divisé par suite de règnes présidentiels : Les années Truman-Eisenhower, Kennedy-Johnson, Nixon-Ford, Reagan-Bush sr et les années Clinton et Bush.

Plusieurs éléments découlant de l’historique des opérations et des témoignages m’ont simplement sidéré. Le fait par exemple qu’on planifie des assassinats avec autant de scrupules que si on planifiait une liste d’épicerie, les sommes colossales d’argent englouties par l’Agence pendant la guerre froide La chasse aux sorcières qui devait empêcher le communisme de gagner du terrain dans le monde a été le prétexte aux pires excès.

J’ai été aussi surpris du peu de contrôle exercé sur la CIA, allant même jusqu’à me demander qui gouverne aux États-Unis. J’ai compris qu’une agence de renseignements est indispensable dans une saine démocratie au moins pour voir venir les coups durs. Mais je m’explique mal une telle série de dérapages.

Les témoignages m’ont donné l’impression, sinon la conviction que la CIA échappait aux lois américaines ou les contournait joyeusement. Pas très reluisant comme palmarès.

Quant à la présentation du livre, à l’écriture et à l’originalité, je dirais que l’ensemble est plutôt indigeste car pour comprendre le positionnement de la CIA, il faut comprendre l’administration américaine et c’est un véritable panier de crabes.

Beaucoup d’instances politiques et administratives, beaucoup d’agences, une bureaucratie lourde et tentaculaire, le tout opacifié par le trafic d’influence, la recherche du pouvoir, l’ambition et j’en passe. Les non-initiés risquent d’y perdre leur latin.

Par contre, je le rappelle, l’ouvrage est instructif et s’annonce très intéressant pour les amateurs d’histoire, particulièrement ceux qui s’intéressent aux enjeux de la guerre froide. Personnellement, j’ai perdu mes illusions. Comme vu plus haut, le livre est très documenté, tellement qu’il devient opaque, difficile à lire.

À lire dans le calme, avec des pauses et de la patience. Livre intéressant spécialement sur le plan historique.

Suggestion de lecture : MOMENTUM, Patrick de Friberg

Spécialiste du renseignement, Gordon Thomas photo , est l’auteur de plus de quarante ouvrages traduits dans le monde entier, dont les best-sellers Histoire secrète du Mossad et Les armes secrètes de la CIA. Il est également journaliste d’investigation, collaborant avec le Sunday Express ou la BBC. Yvonnick Denoël est historien et éditeur.

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 15 octobre 2022

LE DOSSIER MÉTÉORE, de BENJAMIN FAUCON

*Il resta bouche bée durant de longues
minutes, alors que son téléphone
continuait de sonner. Cette fois, son
meilleur ami le harcelait, voulant vérifier
s’il était bel et bien mort comme les
journalistes se plaisaient à l’annoncer.
Des gouttes de sueurs dégoulinèrent de
son visage…*
(Extrait : LE DOSSIER MÉTÉORE, Benjamin
Faucon, AdA éditions, 2018, papier, 275 pages)

Matt Roy regarda la revue d’astronomie qui traînait sur le comptoir de son magasin. Ses yeux fixèrent la photographie de la nova observée le 19 mars 2012 et un large sourire apparut sur son visage. Cette étoile serait le sujet parfait pour son canular ! Au même moment à New York, un officier de la CIA, rangeait un dossier dans son bureau sans se douter qu’un plaisantin se préparait à en dévoiler le contenu. Du bureau présidentiel aux observatoires universitaires, les destins de plusieurs individus se trouvent  bouleversés par la découverte d’une vérité que l’être humain s’efforçait de cacher depuis plus de 50 ans.

L’OMBRE  DE ROSWELL
*Il ne s’agissait pas d’une nouvelle rumeur émanant
de son canular, mais de telles affirmations confirmaient
ses craintes. Sa blague pouvait en avoir dérangé plus
d’un. Et si le gouvernement comptait parmi eux, sa vie
prendrait un virage désastreux !

C’est un livre trépidant qui montre à quel point internet peut grossir et faire exploser une rumeur, qu’elle soit fondée ou pas : *Il jeta un dernier coup d’œil à son téléphone intelligent et éteignit la lumière. Son texte annonçait un changement dans la vie des hommes, mais en allant jusqu’au bout de sa mascarade, Matt venait de bouleverser les éléments de son propre univers.* (Extrait)

Désœuvré Matt Roy, inspiré par une revue d’astronomie annonçant l’observation d’une étoile très particulière de type nova, décide d’envoyer sur internet un canular annonçant l’arrivée prochaine d’extra-terrestres, Mat signe son texte d’un pseudonyme pompeux : Docteur Rosfield, ce qui n’est pas sans rappeler le célèbre dossier Roswell.

Ce que Matt ne sait pas c’est que la nova dont il est question et son lien possible avec des extra-terrestres fait l’objet d’un dossier très chaud à la CIA qui se fait forte d’éliminer tous ceux qui savent quelque chose sur cette fameuse nova appelée *Nova 19-3*. La CIA a vent rapidement de l’existence du texte signé dr. Rosfield.

Dès lors, Matt et tous ceux qui l’aideront sont condamnés à mort, traqués sans pitié par la CIA en particulier par Robert Owen, un monstre froid et sans conscience. Le président des USA s’énerve. Le message est clair : faites le ménage. Mais un policier de la ville de New-York décide de s’opposer aux meurtres et autres abus de l’agent Owen et de faire face courageusement à l’insaisissable CIA.

L’histoire est haletante et l’imagination de l’auteur m’a impressionné Cette impression s’est précisée  lors de ma rencontre avec l’auteur au Salon International du Livre de Québec en 2018.

L’histoire est centrée sur le canular bien sûr et plus précisément par la CIA qui traque sans relâche et en semant la mort le fameux docteur Rosfield identifié très rapidement comme étant Matt Roy. L’auteur n’est pas tendre pour la CIA qu’il fait passer pour une fabrique de monstres et de tueurs sans scrupules.

Là ou Benjamin Faucon a poussé très loin, c’est que la CIA considérait que ceux qui s’occupait du dossier Nova 19-3 dans leur propre agence en savaient trop et devaient être éliminés. C’est un peu fort. Quel est l’avantage d’être recruté à la CIA si on en sait trop dès le départ. J’ai trouvé ça un peu fantaisiste mais c’est bien le seul petit point négatif que je peux apporter sur ce livre à la trame captivante et parfois même essoufflante.

Ayant réalisé que l’édition que j’ai lue est en fait une réédition et plus que ça en fait. Il s’agit d’une réécriture du roman. J’en ai discuté avec l’auteur quand je l’ai rencontré. En réécrivant son texte, son idée était de changer la finale, ce qu’il a fait. Il a vraiment pondu quelque chose de différent mais aussi bon à peu de chose près.

Dans ce livre, AdA publie à la fin de l’histoire, la fin qui accompagnait le texte original. Je vous laisse bien sûr découvrir les deux finales et établir votre préférence. Mais très personnellement, et je ne veux pas vous décevoir Benjamin, mais la finale originale m’a fait davantage vibrer.

Je recommande ce livre sans hésiter. Il se lit vite et bien, l’intrigue est menée à la perfection. Les personnages sont très bien définis, assez pour détester royalement les méchants et c’est évidemment la CIA qui est pointée du doigt. Je serais curieux de voir ce que donnerait l’adaptation de ce livre au cinéma.

C’est un excellent divertissement qui vient nous rappeler qu’on est peut-être pas seul dans l’univers. Dans la dédicace que Benjamin Faucon a écrite dans mon exemplaire de son livre il précise : *Pour Claude, et si tout était vrai*

Suggestion de lecture : MOMENTUM, de Patrick de Friberg

Bernard Faucon est un romancier canadien d’origine française né en 1983. C’est à 20 ans qu’il écrira son premier ouvrage. Son style est alors surtout axé sur la poésie. C’est un genre qu’il délaissera assez rapidement au profit du roman, s’orientant vers la littérature fantastique avec la série ÉDEN ET LE MONDE VERT, puis le thriller NOVA 19-3 publié en 2012.  En 2014, publie LA THÉORIE DES GÉANTS. C’est le début d’une longue collaboration qui amènera entre autres LE DOSSIER MÉTÉORE, 15e roman publié chez AdA. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 13 décembre 2020

MOMENTUM, le livre de PATRICK DE FRIBERG

*À la moindre hésitation de sa part, sa vie, sa carrière, sa légitimité seraient considérées comme celles d’un criminel de droit commun au mieux, et au pire, il serait lâché entre les mains du grand frère américain et de ses débauchés paranoïaques de La CIA* (EXTRAIT : MOMENTUM, Patrick de Friberg, les Éditions
Goélette, 2011, édition de papier, 320 pages)

Beaupré, 1962. Un jeune Soviétique fanatisé est infiltré au Québec sous l’identité d’un immigrant anglais. Moscou, 1985. Le KGB met sur pied un complot qui lui permettrait de prendre le contrôle du gouvernement du Canada. Québec, 2012. Gilles Drouin est en tête des sondages. Il sera le prochain premier ministre sur fond de magouilles et de meurtres… Ajoutons à cela une mission secrète initiée trente ans plus tôt dans un troisième pays, une magouille autour du KGB, des services secrets et une galerie de personnages aux motivations singulières. Question… la fiction pourrait devenir réalité ?


LE CÔTÉ OBSCUR DES SERVICES SECRETS

*Il l’avait laisser débiter son baratin au sujet
de retrouvailles et avait déployé de grands
efforts à la trouver suffisamment belle pour
l’emmener dans la chambre. Jusqu’à lui
faire l’amour. Dans la brume, le soleil se
cachait. Il sortit son pistolet…*
(Extrait : MOMENTUM)

C’est un livre m’a captivé pour plusieurs raisons, d’abord son actualité. Revenons d’abord sur le synopsis : les services secrets russes qu’on appelait autrefois le KGB s’impliquent dans la campagne de Gilles Drouin, pressenti comme prochain Premier Ministre du Québec.

La Russie compte ainsi à long terme, prendre le contrôle du gouvernement canadien. Des espions et contre-espions œuvrent dans l’ombre pendant que Gilles Drouin est en tête des sondages et que s’accumulent meurtres et obscurs complots.

Le livre MOMENTUM a été publié en 2011. Je ne sais pas si la plume de Patrick de Friberg était prémonitoire mais son livre est encore aujourd’hui d’une terrifiante actualité, plusieurs observateurs de la politique américaine considèrant que la Russie de Vladimir Poutine s’est impliquée dans l’élection américaine de Donald Trump en 2017.

Le récit est aussi fort intéressant compte-tenu que le Québec est au cœur d’un obscur plan d’action impliquant les services secrets russes et français, la CIA américaine et le gouvernement du Québec. Pour ce qui est de mettre le Québec à l’avant-scène d’un complot d’espionnage, l’auteur a bien tiré son épingle du jeu, d’autant que le cinéma ne nous a pas encore habitué à ce genre d’intrigue, ce qui consacre l’originalité de l’histoire.

Comme je l’ai déjà exprimé en commentant sur ce site le livre de Robert Littel LA COMPAGNIE, le grand roman de la CIA, explore les souterrains des services secrets, c’est comme plonger dans un panier de crabes. C’est un territoire peu connu, mais on sait toutefois qu’il n’est pas très propre.

Plusieurs pensent que les services secrets ont joué un rôle majeur dans l’équilibre géopolitique actuel, mais à quel prix, meurtres complots, infiltration et même des guerres. Dans MOMENTUM, De Friberg vient nous rappeler que le système n’a jamais été repensé.

J’ai parlé de panier de crabes plus haut, c’est un peu ce qu’on trouve dans MOMENTUM et c’est là la faiblesse du récit : la trame est complexe parce que l’histoire implique une grande quantité de personnages, plusieurs pays et les motivations politiques de la Russie demeurent assez obscures.

Donc malgré un effort évident de ventilation et de simplification, l’histoire demeure compliquée : Résumons…On a une équipe de tueurs russes à nos trousses, mais qui a soudainement renoncé à l’évidente mission de récupération de l’ambassadeur. On a l’élection prochaine d’un premier ministre du Québec dont on sait qu’il était l’amant du mort et qu’il est vraisemblablement un agent du KGB (Extrait)

Donc, c’est pas évident de suivre l’histoire jusqu’au bout sans confondre les personnages dont plusieurs changent de nom. Toutefois, le fait que l’intrigue se déroule en grande partie au Québec et que l’actualité démontre clairement que l’implication d’un pays dans l’élection d’un autre pays est une réalité formant un tout qui motive le lecteur et la lectrice à se concentrer pour bien comprendre le rôle de chacun et où tout le monde s’en va.

Je crois que ça vaut la peine de bien saisir l’intrigue car elle nous mène à une finale surprenante…une finale qui m’a donné des frissons dans le dos. Donc ce livre m’a aspiré et a provoqué bien sûr quelques questionnements sur la vie privée entre autres et sur l’espionnage. Entendons-nous…je ne deviens pas paranoïaque mais on peut quand même se questionner. Un bon divertissement…à lire : MOMENTUM de Patrick de Friberg.

Suggestion de lecture : LE DOSSIER MÉTÉORE, de Benjamin Faucon

Patrick de Friberg est un écrivain français né en 1964. Il a vécu à Château-Richer près de Québec. Il se spécialise dans les romans d’espionnage et d’anticipation. Son œuvre, en pleine évolution, est déjà doté d’honneurs significatifs dont le grand prix 2011 du Cercle Littéraire Caron. Il a été élu Chevalier des arts et des lettres en 2015. Patrick de Friberg a traduit LA VÉRITABLE HISTOIRE DE L’AMÉRIQUE DES SIXTIES de John Barnet. Il a publié près d’une vingtaine de livres et ça continue.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 16 février 2020