CAUCHEMAR GÉNÉTIQUE

Commentaire sur le livre de
PRESTON & CHILD

*Tout s’enchaîna très vite alors… Burt se mordait les poignets,
secouait la tête comme un chien déchiquetant un lapin, au
point qu’un jet de sang alla s’écraser sur les lunettes de l’aide-
soignant… et les cris qui n’en finissaient pas…*
(Extrait : CAUCHEMAR GÉNÉTIQUE, Preston & Child, L’Archipel
éditeur, 2011, édition de papier 500 pages. Or. Laffont éd. 1997)

Biologiste, Guy Carson est promu dans un laboratoire de pointe, au Nouveau-Mexique, qui expérimente la recombinaison du virus de la grippe après intégration au génome humain. L’intérêt de la recherche comme le danger qui l’entoure n’échappent pas à Guy, qui se lance avec passion dans l’aventure. Pourtant, le jeune savant comprend rapidement que ses travaux attisent bien des convoitises, et la pression monte lorsque d’étranges symptômes apparaissent chez certains scientifiques, mettant en danger l’équipe, le laboratoire… l’humanité !

Tout est possible
*Mode du décès ? Augmentation massive des facteurs de
stimulation de colonie provoquant œdème et hémorragie
cérébrale. Pour un virus Apocalypse, c’est est un ! Quel
est son nom ? -Cela suffit Levine. Plus de questions.
Tirez-vous… *
(Extrait)

C’est une histoire à faire frémir. Elle suit deux personnages qui étaient au départ deux amis inséparables puis devenus ennemis jurés : Brent Scopes, président d’une puissance société multimilliardaire, GeneDyne, spécialisée dans la manipulation génétique, faisant peu de cas de l’éthique et de la morale, et Guy Carson, biologiste de haut niveau, qui accepte une mission au Mont Dragon abritant un laboratoire, niveau de sécurité 5, propriété de Gene.

Sa mission, isoler le virus de la grippe afin de l’éliminer complètement. Mais comme c’est arrivé pour le docteur Frankenstein dans un autre temps, l’expérience a mal tourné, le virus étant devenu dix fois plus virulent, encore plus que le EBOLA, le pire de tous.

Craignant une mort imminente pour l’ensemble de l’humanité, Carson déclenche une chaîne d’évènement visant à provoquer une explosion stérilisante d’une violence inimaginable, détruisant ainsi tout le complexe du Mont Dragon. Mais Brent Scope a gardé un échantillon du virus dans son bureau octogonal à Boston et planifie de le vendre à l’armée.

Parallèlement à ces évènements, un scientifique du Mont Dragon a mis au point le sang artificiel que GeneDyne se prépare à commercialiser. Or les cobayes, qui sont les scientifiques eux-mêmes ainsi qu’un responsable de la sécurité, commence à montrer des signes de démence, ce qui est loin d’être compatible avec la manipulation génétique.

Je sais que ce thème est réchauffé et surexploité en littérature et au cinéma. Mais ici, il faut tenir compte de deux facteurs : d’abord, j’écris cet article alors qu’on est en pleine crise mondiale du COVID 19. J’ai donc abordé le sujet avec une vision plus ajustée à l’actualité. Ensuite, Preston et Child ont monté leur scénario de fin du monde en maintenant une tension constante. L’écriture est puissante et d’une parfaite cohérence.

Le livre est comme divisé en deux parties : GeneDyne, la recherche et les évènements dramatiques du Mont Dragon d’une part et une longue traque dans le désert de Jordana, Carson et sa collègue poursuivi par Nye, le chef de la sécurité devenu fou sous l’effet du sang artificiel corrompu qu’il s’est fait transfuser. La notion de survie est ici brillamment développée, quoique non sans violence.

Autre trouvaille qui m’a émerveillée et beaucoup touchée : c’est la confrontation finale entre Carson et Scopes dans le *cyferespace* L’espace de réalité virtuelle personnelle de Scopes, une trouvaille décrite en beauté et qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur les zones obscures ou méconnues du cyberespace.

Bref, le livre m’a accroché et m’a immergé. Il comporte toutefois des longueurs mais le fil conducteur nous remet vite sur les rails. C’est pointu sur le plan scientifique, un peu lourd sur le plan technique, stressant sur le plan pandémique, ajusté à l’actualité.

Ça ne réinvente pas la roue, mais c’est bien écrit, l’histoire est éprouvante et soulève beaucoup de questionnement sur le contrôle de la recherche, les dérives scientifiques, l’éthique et l’inimaginable puissance des grandes pharmaceutiques. Parfait pour un mordu des thrillers.

Suggestion de lecture : TENSION EXTRÊME, de Sylvain Forge

Douglas Preston (À gauche) est né en 1957, Il est l’auteur de plusieurs romans dans les genres de l’horreur et du techno-thriller. Il a travaillé plusieurs années au « Museum d’Histoire Naturelle » américain avant de se consacrer à l’écriture en équipe avec son meilleur ami, Lincoln Child, déjà auteur de plusieurs anthologies d’horreur.

Lincoln Child est né le13 octobre 1957 à Westport, dans le Connecticut. En 1984, il est promu au poste d’éditeur. En 1987, il devient analyste chez MetLife. C’est là qu’il fera une rencontre décisive avec Douglas Preston, commençant peu après une fructueuse collaboration dans l’écriture de techno-thrillers. Ensemble, ils créeront la série Pendergast dont le premier volume intitulé Relic est paru en 1995. Ils créeront aussi bien sûr la série Gideon Crew.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 17 août 2024

PHOBIE, drame psychologique de SARAH COHEN-SCALI

*La porte du placard. Elle bouge. Tout doucement. Centimètre
par centimètre. Me boucher les oreilles pour ne pas entendre
le crissement des gonds. Ça fait comme un grincement de
dents. Après, il y aura des gloussements, des ricanements,
un cri… J’ai envie de vomir. Ça fait mal.*

(Extrait : PHOBIE, Sarah Cohen-Scali, Gulf stream éditeur,
collection Electrogene, 2017. Papier et numérique, 408 pages,
littérature-jeunesse.)

Une odeur de moisi. Une cave. L’obscurité totale. Et la peur. Cauchemar… ou réalité ? Anna ouvre les yeux et prend peu à peu conscience qu’elle n’est pas en train de faire le cauchemar récurrent qui la tourmente depuis son enfance, mais qu’elle est bel et bien séquestrée. Qui l’a enlevée ? Chargé d’enquêter sur l’enlèvement de la jeune fille, le commandant Ferreira doit collaborer avec un psychiatre. Son enquête est vite reliée à une autre, celle de la disparition du père d’Anna, onze ans auparavant. Onze années de silence et d’oubli à parcourir. 

 

L’ombre du croque-mitaine
*D’après le psychiatre qui la suit, Anna fait un cauchemar
récurrent dans lequel le croque-mitaine, qui, pense-t-elle,
a dévoré son père, revient la chercher pour la tuer à son
tour. Elle souffre de cette peur phobique depuis la
disparition de son père. D’où la mise en scène du ravisseur*
(Extrait)

PHOBIE est un drame psychologique puissant et intense. Nous suivons Anna Lefaure une adolescente qui, même à 16 ans, a encore peur du croque-mitaine, ce personnage maléfique qu’on utilisait jadis pour faire peur aux enfants, croyant les rendre plus sages. Onze ans plus tôt, le père d’Anna disparaissait dans des circonstances non élucidées.

Anna a développé la conviction que son père a été dévoré par le croque-mitaine. Un jour, elle se réveille, séquestrée dans une cave, vêtue d’une robe de soirée. La peur et les questionnements s’entremêlent. Est-ce que ce serait un coup du croque-mitaine?

*Le croque-mitaine n’aurait pas eu besoin de me droguer et de me ligoter. Le croque-mitaine m’aurait dévoré sur place.  Je n’ai pas affaire au monstre de mon imaginaire, non… Mais à une autre sorte de monstre. Un psychopathe, un détraqué, un fou. *  (Extrait)

L’enquête sur la disparition d’Anna est confiée au commandant Matteo Ferreira. Ce dernier aura besoin de la collaboration de la mère d’Anna, Audrey, et du psychiatre d’Anna, le docteur Fournier qui, apparemment, utilise une technique très audacieuse pour traiter la jeune fille. Il semble que tout ce beau monde a des choses à cacher. 

Il devra comprendre et suivre les méandres d’un esprit torturé et utiliser des méthodes pas très orthodoxes pour trouver des réponses. Par exemple, le père d’Anna, Mathias est-il mort? Officiellement, il n’est que disparu. Pourquoi la mère d’Anna semble si peu inquiète du sort de sa fille enlevée? Et puis face aux talents particuliers du docteur Fournier, comment établir la frontière entre le fantasme et la réalité?

INTERACTION DE GENRES

J’ai été rapidement accroché par la technique narrative développée dans PHOBIE, attractive, cohérente et convaincante. J’ai été aussi séduit par l’originalité du sujet. En effet, PHOBIE est un mélange de genres qui interagissent : policier, psychologique, science, réalité virtuelle, et des références aux contes de fée qu’on nous racontait quand on était petit et qui semble avoir un lien direct avec l’état psychologique d’Anna .

*Anna…avait apporté les livres que lui avait offert son père et qu’elle avait l’habitude de lire avec lui. Des contes. Cendrillon, Barbe bleue, la Belle au bois dormant, la Belle et la Bête. C’était eux, les coupables. Leurs pages enfermaient les monstres de ses cauchemars. * (Extrait)

Le lecteur découvrira comme moi qu’Anna est beaucoup plus solide qu’il n’y parait. J’ai été agréablement surpris d’une métamorphose à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Dans ce roman bien pensé et travaillé avec une logique qui rend crédible son caractère psycho-scientifique, le caractère psychologique cède le pas à l’intrigue policière qui s’imbrique dans les manipulations du docteur Fournier. C’est dans cette partie qu’on appréciera davantage la qualité des personnages entre autres.

Il faut toutefois faire attention car le thème de la réalité virtuelle est omniprésent dans le récit. Il faut donc faire la part des choses. Il ne sera pas toujours facile de séparer le virtuel de la réalité. C’est une des beautés intrigantes de l’œuvre. L’auteure n’était pas pour laisser le lecteur, la lectrice sans un petit défi à relever.

Rebondissements, personnages forts, en particulier Anna et Ferreira, une technique d’enquête qui ouvre la voie à des possibilités fort intéressantes. PHOBIE est un huis-clos efficace. Une trouvaille.

Suggestion de lecture : LA COUPURE de Fiona Barton

Sarah Cohen-Scali est née en 1958 et vit à Paris. Elle a suivi des études de lettres, d’art dramatique et de philosophie. De son apprentissage de comédienne, il lui reste un appétit insatiable pour le cinéma, essentiel pour nourrir l’écriture à laquelle elle se consacre à plein temps depuis 1989.

Elle a écrit une quarantaine de romans et nouvelles, pour tous les âges, depuis l’album illustré destiné aux tout jeunes lecteurs, jusqu’au roman policier pour adultes. Son dernier roman, Max, publié aux éditions Gallimard, a remporté le prix Sorcières 2013. Quant à PHOBIE, il a décroché le prix du meilleur polar jeunesse, Cognac, 2017.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 23 avril 2021

LE JEU DU MAÎTRE, livre de JAMES DASHNER

tome 2
La révolution

-J’ai préparé trois cercueils à votre intention,
déclara l’agent Weber…-
-Et maintenant, il est temps de vous connecter.
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE, tome 2, La Révolution,
James Dashner, éditions Pocket jeunesse, 2016,
édition de papier, 300 pages)

Voici le tome 2 de la série LE JEU DU MAÎTRE. Il raconte l’histoire de Michaël. Pour ceux et celles qui n’ont pas lu le premier tome, je résumerai en disant que Michaël est un jeune homme qui se passionne pour le VIRTNET : une plateforme de réalité virtuelle à cheval entre le jeu vidéo et le réseau social.

Une seule condition pour avoir accès au VIRTNET : plonger dans le sommeil, relié au serveur par des fils sensoriels. De cette façon, le cerveau de Michaël rejoint cet univers parallèle où il peut rencontrer entre autres ses amis hackers. Mais une série de suicides vient troubler le jeu et ses participants. Un saboteur met en danger l’univers virtuel. Il se pourrait que le danger soit bien réel.

Ainsi, Michaël et ses amis doivent affronter Kaine, un cyber-terroriste, une tangente, un programme informatique doué de sens et son caractère est belliqueux… Dans le tome 1 Michaël a survécu de justesse aux pièges de Kaine. Dans le tome 2, LA RÉVOLUTION , Kaine confirme son projet diabolique : coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. La prise de contrôle a commencé. À défaut d’éliminer Kaine, Michaël doit à tout prix ralentir cette machination infernale.

LES PIÈGES DE L’UNIVERS VIRTUEL
*-Arrête ça tout de suite! Tu m’entends ?
Michaël l’ignora et continua d’entrer
les chiffres… -Encore un seul geste et
je tire! Michaël tapa le dernier chiffre
du code quand il entendit un déclic.*
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE la révolution)

Cette fois-ci, James Dashner nous entraîne dans un monde futuriste, ultra-technologique et dans lequel la réalité chevauche le virtuel. Le monde virtuel est un énorme réseau appelé VIRTNET, accessible par le sommeil. Les habitants permanents du VIRTNET sont des tangentes, c’est-à-dire de simples logiciels. Le héros de l’histoire s’appelle Michael.

Michael était une tangente mais un jour, il a été téléchargé dans le cerveau d’un humain : Jackson Porter dont on est sans nouvelles depuis. Dans le récit, il y a une hypothèse selon laquelle Porter serait *sauvegardé* quelque part. Quant à Michaël, il est devenu un humain, son intelligence virtuelle a pris le corps de Jackson.

C’est l’œuvre de Kaine qui compte coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. Michaël et ses deux fidèles amis, Sarah et Bryson se sont donnés comme objectif de stopper Kaine et de le mettre hors d’état de nuire.

J’ai trouvé l’histoire originale. À certains égards, elle m’a rappelé TRON : le film de science-fiction des studios Disney réalisé en 1982 par Steven Lisberger et qui a eu une suite en 2010. Le roman du film a d’ailleurs été publié chez Hachette jeunesse en 2011. Ceux et celles qui ont vu le film se rappelleront que Flynn a été téléporté dans le jeu vidéo. Aujourd’hui on dirait plutôt *téléversé*.

L’histoire de Dashner va beaucoup plus loin, le récit est poussé au point que Michael et ses amis et, par la bande, le lecteur, ne sont pas toujours certains de savoir où ils sont : dans le réel ou le virtuel? *Il y a tellement de mondes…Le VirtNet est devenu une extension de la vie. Ce qui est ironique, quand on considère mon projet de donner un corps de chair et de sang au plus grand nombre de tangentes possibles…* (Extrait)

En lisant ce livre, j’ai reconnu la plume de Dashner qui m’a fait frémir il y a quelques temps avec L’ÉPREUVE. Plume nerveuse, fil conducteur fluide, rythme élevé voire haletant par moment. Pas de longueurs, pas de temps morts mais la concentration est requise : *Quand l’humanité devient capable de créer un monde si parfaitement semblable au nôtre, comment faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas?*

Le talent descriptif de Dashner est remarquable. Je parle de cette capacité d’écrire pour créer l’image des mondes dans l’esprit du lecteur. On s’entend, LE JEU DU MAÎTRE est une fiction, le VirtNet dépasse toutes raisons mais la plume de Dashner pousse le lecteur et la lectrice à y croire.

Personnellement, je n’ai pas vu le temps passer et les pages défilaient vite. J’ajoute à cela que Dashner a créé des personnages très attachants à qui on a attribué un caractère trempé mais réaliste avec des défauts, des qualités. La façon dont ils évoluent dans leur aventure en dit long sur l’amitié, l’esprit d’équipe, l’entraide et l’abnégation. Des qualités auxquelles Dashner nous a habitué dans la série L’ÉPREUVE.

En terminant, LE JEU DU MAÎTRE n’est pas sans nous fournir une sérieuse matière à réflexion. La socialisation dans un monde virtuel implanté tel que décrit dans l’histoire dépasse l’entendement pour l’instant. À notre époque, la technologie évolue à une vitesse grand V. La réalité virtuelle peut-elle s’étendre jusqu’à confondre la réalité ?

Nos futurs enfants trouveront ils le virtuel plus attirant, plus excitant. Ça pourrait donner lieu à un intéressant débat sur l’éthique. Ça donne aussi à réfléchir sur une tare de la Société avec laquelle on compose plutôt mal pour le moment : Le cyber terrorisme.

Toujours est-il qu’en attendant, la finale de LA RÉVOLUTION ouvre la voie évidente à une suite. J’ai très hâte de voir. Entre-temps, je vous invite à lire les deux premiers tomes de cette grande aventure.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, de Martin Michaud

James Dashner est un auteur américain né en 1972. Après avoir écrit des histoires inspirées du SEIGNEUR DES ANNEAUX, il a suivi des études de finances, mais très vite, il est revenu à sa passion de l’écriture. Aujourd’hui, il continue d’inventer des histoires inspirées de ses livres et films préférés. Sa dernière trilogie L’ÉPREUVE connait un immense succès aux États-Unis …tellement qu’après la trilogie Dashner a écrit un nouveau tome pour éclaircir les derniers mystères du labyrinthe.

DU MÊME AUTEUR, ÉGALEMENT COMMENTÉ SUR CE SITE :

Bonne lecture

Claude Lambert

le samedi 23 novembre 2019