LA MAISON TELLIER et autres contes

Commentaire sur le recueil de
GUY DE MAUPASSANT

 

<Une émotion étrange me saisit. Qu’était-ce que cela ?
Quand ? Comment ? Pourquoi ces cheveux avaient-ils
été enfermés dans ce meuble ? Quelle aventure, quel
drame cachait ce souvenir ? >
Extrait : LA CHEVELURE, tiré du recueil LA MAISON TELLIER
et autres contes de Guy de Maupassant, Beauchemin éditeur,
2001, édition de papier, 260 pages

Maupassant est un fameux peintre de son temps. Peintre au regard aiguisé à qui aucun détail significatif ne semble échapper et qui saisit les paysages, les choses et les gens dans ce qu’ils ont à la fois d’unique et de typique. Peintre, surtout, au regard sarcastique qui débusque, à la pointe de son ironie, et montre au grand jour la médiocrité, la bêtise et la vanité de ses contemporains. Les titres Le Père Milon, l’Aventure de Walter Schnaffs, Aux champs, Le Vieux, Le petit fût, Le Papa de Simon, La chevelure, La Dot, Le Parapluie, Décoré, Une Partie de campagne, La Maison Tellier.

Les obsessions de Maupassant
L’homme furieux, la face rouge, tout débraillé, secouant en des efforts
violents les deux femmes cramponnées à lui, tirait de toutes ses forces
sur la jupe de Rosa en bredouillant : <Salope, tu ne veux pas ? > Mais
Madame, indignée, s’élança, saisit son frère par les épaules, et le jeta
dehors si violemment qu’il alla frapper contre le mur.
-Extrait : LA MAISON TELLIER-

Ça faisait longtemps que Guy de Maupassant figurait dans mes projets de lecture. Comme j’aime à revenir souvent dans l’univers de la littérature classique, je me suis dit qu’il était grand temps que je fasse connaissance avec ce célèbre écrivain français, auteur de romans, contes et nouvelles, introduit dans le monde de la littérature par le non moins célèbre Gustave Flaubert (1821-1880), un des piliers du mouvement littéraire réaliste, considéré comme le père spirituel de Guy de Maupassant.

J’ai d’ailleurs bien reconnu l’influence du Maître, de Maupassant étant demeuré résolument un auteur réaliste toute sa vie. En effet, Guy de Maupassant ne s’est jamais gêné pour pointer du doigt avec virulence la bêtise et la vanité de ses contemporains et ça transpire dans toute son œuvre, à travers plus de 300 contes et nouvelles.

L’éditeur Beauchemin a choisi dans cette œuvre colossale, douze récits représentatifs des mœurs de l’auteur, de ses obsessions, de ses pairs, des filles qu’il a beaucoup fréquenté dans les maisons closes, les gargotes. À ce titre, LA MAISON TELLIER demeure la nouvelle réaliste la plus célèbre de Maupassant abstraction faite de BOULE DE SUIF parue en 1880.

J’ai été surpris par la beauté et la précision de l’écriture quant aux sentiments qu’elle veut exprimer. Ses descriptions rappellent celle d’une toile. Maupassant fait appel à tous ses sens. Pourtant, LA MAISON TELLIER a reçu un accueil plutôt mitigé par les critiques de son temps…

Critiques qu’il a surmonté sous l’œil bienveillant d’Émile Zola qui considère l’œuvre comme supérieure et bien sûr sous le regard attentionné du Père Flaubert. Moi j’ai beaucoup aimé cette espèce de vision acide mais enrobée de sucre qu’avait Maupassant de ses contemporains. J’ai été charmé par une plume qui coule, par sa chaleur descriptive allant jusqu’au choix des patronymes qui m’a bien fait sourire : la famille Tuvache, Maître Chicot, Maître Lebrument, madame Sacrement, monsieur Caravan et j’en passe, le tout dépourvu d’artifice et bien mis en valeur par le chaleureux accent de la Normandie du XIXe siècle.

Indépendamment de leur véritable nature, Guy de Maupassant appelle tous ses récits des contes. Je ne suis pas spécialiste, mais rares sont les récits de Maupassant qui ont les attributs du conte. De ce nombre très réduit se trouve mon texte préféré qui se trouve au cœur du recueil de LA MAISON TELLIER : LE PAPA DE SIMON.

LE PAPA DE SIMON est une nouvelle qui semble faire bande à part dans l’œuvre de Maupassant. L’histoire d’un garçon de 8 ans, conspué par ses camarades à l’école parce qu’il n’a pas de papa. Un forgeron, Philippe Rémy, témoin de ces scènes propose à Simon de devenir son papa. Je n’ai pas senti dans cette nouvelle le cynisme habituel qu’on retrouve dans les romans de Maupassant. J’y ai vu au contraire du merveilleux, de la pureté. Ce conte me confirme que tous les auteurs ont dans leur œuvre globale, un texte qui se démarque ou qui sort des sentiers battus.

Quant à la nouvelle proprement dite : LA MAISON TELLIER, il se situe dans la continuité des récits de Maupassant sur la prostitution. L’histoire d’une maison close fermée pour cause de *première communion*…original, sarcastique, drôle…critique. Bref…je crois qu’avec LA MAISON TELLIER, vous allez vous régaler.

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia-Marquez

Guy de Maupassant est un écrivain français (1850-1893) Soutenu et conseillé par Flaubert, dont il est le disciple, Maupassant rencontre les principaux écrivains du XIXe siècle, dont Émile Zola. Il écrit des nouvelles, des romans, des récits de voyage, des contes fantastiques, etc. Il meurt à un peu moins de 43 ans des suites d’une crise de nerfs. Le vrai nom de naissance de Maupassant est Henry René Albert Guy de Maupassant. Il existe une tête sculptée de l’écrivain qui se situe à Paris au parc de Monceau.
Vikidia

 

Détentrice d’une maîtrise en littérature comparée de l’Université de Paris III, Josée Bonneville a enseigné au Cégep de Saint-Laurent durant plusieurs années. Elle a été chroniqueuse littéraire à Lettres québécoises, de 2005 à 2009, ainsi qu’à l’émission Arts et lettres, sur les ondes de Radio Ville-Marie, de 2007 à 2009. Elle est devenue directrice littéraire chez XYZ éditeur où elle dirige aussi les collections «Romanichels». Elle a publié plusieurs ouvrages, seule ou en collaboration, tels que des études de contes de Maupassant et le dossier d’accompagnement du premier tome de L’ombre de l’épervier (XYZ, 2004). 

L’ouvrage comprend, en deuxième partie, l’analyse de l’œuvre par Josée Bonneville

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 20 août 2023

 

DEUX NUANCES DE BROCOLI, de Marie Laurent

*Oui, que peut-il me trouver, cet homme riche, jeune
et beau comme un acteur de séries pour ados ? Un
coup d’œil à la glace au-dessus du buffet me renvoie
à mon insignifiance : front, yeux, nez et bouche
moyens, cheveux réfractaires au brushing; voilà pour
le haut. Le bas n’est pas plus inspirant : des seins
banalement en pore, une taille grassouillette et un
derrière qui a une fâcheuse tendance à frôler le
gazon.*

(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI, Marie Laurent,
éditions NL, 2017, édition numériques,  140 pages num.)

Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard  Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amalia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés. Mais à la longue, les positions inconciliables des deux héros risquent de rendre leur relation difficile. Il s’agit d’une parodie légumineuse de 50 NUANCES DE GREY. En plus d’être dominée par la couleur verte, la relation entre les deux protagonistes deviendra très singulière.

DEUX NUANCES DE BROCOLI est une parodie de CINQUANTE NUANCES DE GREY qui  est une romance érotique. L’histoire d’Anastasia Steel, étudiante en littérature qui accepte d’interviewer Christian Grey, un homme d’affaires de Seattle. Dès le premier regard, Anastasia est à la fois séduite et intimidée. Jugeant cette rencontre désastreuse, elle tente de l’oublier jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille pour lui proposer un rendez-vous. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, elle découvre son pouvoir érotique ainsi que le côté obscur qu’il tient à dissimuler.

Nouvelle tendance en littérature
LE SEXE LÉGUMIER
*Le cuni nature, je connaissais pour l’avoir expérimenté
une fois avec Gérard…le cuni avec Nutella, confiture
ou miel, je connaissais aussi, par ouïe dire. Par contre
je ne soupçonnais pas l’existence d’un cuni bio jusqu’à
ce moment.*
(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI)

Le seul intérêt de ce livre est qu’il est magnifiquement ajusté avec CINQUANTE NUANCES DE GREY qui est probablement le livre le plus insipide que j’ai lu…près de 550 pages de platitudes. Le livre n’a pour moi à peu près aucune valeur littéraire. Je suis très étonné que la trilogie se soit vendu à 125 millions d’exemplaire dans le monde.

Comme dans CINQUANTE NUANCES DE GREY, DEUX NUANCES DE BROCOLI raconte la petite aventure de deux personnages caricaturés : d’une part, un cruchon sexuellement tordu et végétarien jusque dans la couchette : Édouard Green, un nom très recherché puisque tout est vert dans sa vie d’autant qu’il a un faible pour…le brocoli.

D’autre part, une nounoune de première classe : *Le chemin d’Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard celui d’Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amélia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés .* (Extrait)

Et voilà, nous assistons à l’entrée triomphale du sexe brocolien en littérature. Le poireau a même été invité…ça doit être la deuxième nuance : *Je crains que vous n’ayez pas très bien compris, Amalia. Pour moi, le sexe est inséparable des légumes. Sans leur intervention, je le trouve d’un ennui mortel .* (Extrait)

 Évidemment, vous vous doutez sans doute qu’Amalia finit par déchanter : *Pointilleux me paraît faible pour qualifier Green. Tyrannique serait plus adapté, ou chiant, pour un vocabulaire moins soutenu .* (Extrait)

Et bien sûr, l’humour s’en mêle…*Je jette un regard de biais à son zizi, si impérial tout à l’heure et à présent, réduit à un macaroni Barilla…À défaut de faire l’amour, Green fait la moue, tel un enfant boudeur. Il est irrésistible ainsi : tout nu avec son brocoli dans la main et sa zigounette taille XXS.* (Extrait)

En entreprenant la lecture de ce livre, j’ai pris un risque craignant de tomber sur un désastre comme CINQUANTE NUANCES DE GREY. Mais non, DEUX NUANCES DE BROCOLI m’a fait rire, comblant d’une certaine façon le vide qui caractérise (selon moi) le livre de EL James.

Les ressemblances avec l’œuvre parodiée sont poussées à la limite de la caricature. J’ai trouvé les scènes sexuelles très drôles d’autant qu’elles sont commentées d’une façon légèrement vitrioliques par Amalia qui tient le rôle de narratrice.

Côté faiblesse, le live accuse des rebondissements sous-exploités et une finale expédiée. Dans le dernier quart du livre, subitement, je me retrouve avec un récit d’Amélia qui vient de laisser *Brocoli man* sans avertissement. C’est l’histoire du cheveu dans la soupe qui laisse à penser que l’auteure commençait à manquer d’inspiration ou en avait marre.

Quant à la finale, comme ça se produit souvent dans les parodies, elle est rapide, sous forme de lettres ou de réflexion écrite et se termine par une narration. Cette façon de faire contraste avec la trame de l’histoire et surtout les répliques parfois hilarantes d’Amalia. Malgré tout, ce livre m’a déridé. Il m’a fait rire et j’ai apprécié sa fraîcheur et sa spontanéité. J’ai aussi trouvé Amalia particulièrement attachante et drôle avec ses remarques et ses observations vigoureuses et truculentes.

Ce livre n’aura peut-être pas 125 millions de lecteur, mais je lui en souhaite un maximum. Ce n’est pas l’idée du siècle mais elle est originale, son développement est sarcastique. Il a des petits côtés coquins mais pas à outrance. L’histoire a le mérite d’être moins ridicule que CINQUANTE NUANCES DE GREY. Et surtout, le livre est drôle. À essayer avec ou sans légumes.

Suggestion de lecture : LES PETITES CULOTTES de Géraldine Collet

Marie Laurent est une auteure française qui se spécialise dans les romans historiques comme L’AVENTURIÈRE EN DENTELLES, une romance napoléonienne. Sa période préférée est le 19e siècle. Mais il lui arrive aussi d’écrire des nouvelles et des poèmes.  DEUX NUANCES DE BROCOLI ne fait pas bande à part dans l’œuvre de l’auteure. J’ai découvert que sa production est d’une très grande variété. Pour en savoir plus, l’idéal est encore de consulter sa pages FACEBOOK. Cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 octobre 21