HANNIBAL, le livre de Thomas Harris

*-Evalda ! Pas de résistance. Venez vers moi !…Evalda l’ignore. Elle se dirige droit sur Brigham. La couverture du bébé flotte dans le vent. Le MAC10 aboie dessous, Brigham s’écroule, sa visière rouge de sang.*
(Extrait : HANNIBAL, Thomas Harris, Pocket numérique, 2000, 980 pages)

Sept ans ont passé depuis Le Silence des agneaux. Depuis, Hannibal Lecter vit sous nom d’emprunt à Florence, en Italie, où le faux docteur, vrai serial killer, mène la grande vie. Sur ses traces, Clarice Sterling, agent modèle du FBI. Mais elle n’est pas la seule à le pister : Mason Verger, une des premières victimes d’Hannibal Lecter, attend sa vengeance. La lutte peut-elle être égale entre cet homme cloué à son lit d’hôpital, accroché à son respirateur artificiel, qui tente de tirer parti de toutes les potentialités d’Internet pour mener sa traque, et le redoutable Lecter ?

Démence à long terme
*Une seule arme autre que le fusil à air comprimé
était autorisée dans la mission, celle de Johnny
Mogli. Un Shérif adjoint de l’Illinois…C’était
quelqu’un qui approuvait tout ce que disait sa
victime avant de l’abattre.*
(Extrait)

 

Dans cette histoire, on retrouve un des personnages les plus odieux et les plus monstrueux de la littérature et du cinéma : Le docteur Hannibal Lecter que j’appelle le <cannibale en série> de la littérature moderne.

HANNIBAL est le troisième volume d’une série de quatre. Le célèbre docteur a d’abord fait son apparition dans DRAGON ROUGE publié en 1981 mais il a vraiment connu le sommet de la gloire dans LE SILENCE DES AGNEAUX publié en 1988. L’originalité de cette série n’a jamais vraiment été battue selon moi.

Dans ce troisième opus, on se retrouve donc sept ans après les horreurs relatées dans LE SILENCE DES AGNEAUX. Une des rares victimes de Lecter à avoir survécu, Mason Verger, défiguré et presqu’à l’état de légume, peaufine une cruelle vengeance avec des raffinements de cruauté< je veux que Lecter soit dévoré en deux services. Le premier soir, les porcs lui rongeront les pieds … Ensuite, il patientera jusqu’au lendemain, sans ses pieds, pour que les cochons le liquident. > extrait

Toutefois, pour accomplir son œuvre, Verger a besoin de la seule personne pour laquelle Hannibal Lecter entretient un certain sentiment : l’agente du FBI Clarice Sterling qui a, elle, aussi, un compte à régler avec le tueur en série. Starling sert donc d’appât dans cette cruelle machination.

Ici, le personnage de Lecter est à l’image du roman : fort et d’une crudité parfois désarmante. Il est calme, calculateur et peut-être aussi subtil que froidement direct : <Pour en venir à un sujet connexe, signore Pazzi, j’envisage sérieusement de manger votre femme.> extrait

Le pouvoir descriptif du récit qui entre jusque dans les détails les plus crus est la première force du volume. Le docteur Lecter a une espèce d’aura qui mystifie le lecteur. Il est énigmatique, mystérieux, froid et indifférent, en plus d’être extrêmement intelligent, attribut essentiel si on veut être le criminel le plus recherché de la police américaine.

Le personnage a été longuement imaginé, travaillé et mûri de façon à donner froid dans le dos au lecteur et à la lectrice. De plus, l’agente Starling dresse, au cours du récit un profil psychologique du docteur Lecter d’une remarquable précision, même s’il ne dit pas tout. <Sa seule appartenance au genre humain a toujours été un sujet de controverse et de spéculation dans les milieux psychiatriques.> Extrait

La vengeance de Mason Verger, cruellement imaginée, donne au récit un caractère immersif. Il n’y a pas d’erreur, si vous êtes comme moi, vous risquez d’être happé par ce roman attractif, quitte à atteindre les limites du dégoût.

C’est un roman qui, bien qu’il soit très fort et intelligemment développé, est dérangeant, noir. Le cannibalisme y est traité avec une légèreté irritante. <la gastronomie classique veut que la cervelle soit rincée, essorée et mise au frais une nuit entière pour lui donner toute sa fermeté>. Extrait

Je le répète c’est un roman très fort et son caractère attractif confirme son succès. Moi j’ai été un peu déçu, en particulier de la voie choisie par l’auteur pour Clarisse Starling.  L’ouvrage sera sûrement perçu différemment d’un lecteur à l’autre. Il faut simplement avoir le cœur solide et se rappeler que ce n’est qu’un roman. Pour ma part, ma quête des pérégrinations du docteur Lecter s’arrête là.   

Suggestion de lecture : ALLIANCE OBSCURE, de Jean-François Thiery               

LA SÉRIE

L’écrivain américain Thomas Harris est né en 1940 à Jackson dans le Tennessee. Dans les années soixante, il envoie ses premiers textes à des magazines, des nouvelles macabres qui se distinguent par un sens aigu du détail. Après le succès de Black Sunday, son premier roman publié en 1975, Thomas Harris se consacre entièrement à l’écriture. Il met six ans à écrire son deuxième roman, Dragon rouge, publié en 1981, qui introduit le serial killer le plus populaire de la littérature : Hannibal Lecter, dit « Le Cannibale ».

La suite de ce livre, Le Silence des agneaux, est un immense succès, et son adaptation cinématographique entre dans la légende hollywoodienne avec cinq oscars. Hannibal, le troisième volet de la série, a été adapté au cinéma par Ridley Scott. Hannibal Lecter : les origines du mal, adapté au cinéma avec Gaspard Ulliel dans le rôle-titre en 2007, revient sur l’enfance du célèbre serial killer.

Hannibal au cinéma

L’adaptation cinématographique de HANNIBAL a été réalisée par Ridley Scott en 2001. D’après l’œuvre originale de Thomas Harris, le scénario a été signé par David Mamet et Steven Zaillian. Sont réunis à l’écran : Anthony Hopkins dans le rôle d’Hannibal Lecter, Julianne Moore dans le rôle de Clarisse Sterling, Gary Oldman dans le rôle de Mason Verger et Ray Liotta dans le rôle de Paul Krendler. HANNIBAL est le troisième volet de la série et suit le plus célèbre : LE SILENCE DES AGNEAUX réalisé par Jonathan Demme en 1991, Oscar du meilleur film et du meilleur acteur.

 

Bonne lecture
le dimanche 20 novembre 2022
Claude Lambert

JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard

*Lorsque Caroline Rioux reprit ses esprits, deux
heures venaient de s’écouler. Elle était assise
sur une chaise, les pieds et les mains entravés
par des colliers de serrage en plastique au mi-
lieu de sa salle de Bain.*
(Extrait : JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard,
l’auteur et Livresque édition pour la présente. 2019.
Numérique. Aussi en version papier, 202 pages.

Lorsqu’un jogger découvre deux yeux dans un bocal sur un banc au lac Kir, avec une énigme à l’intérieur, Arthur Vaillant, commandant de police à Dijon, sent pertinemment au fond de ses tripes que cette découverte n’est pas un canular. Y aurait-il un tueur en série prêt à terroriser la ville et à jouer avec la police? Arthur et ses collègues vont être une nouvelle fois sur les dents, avec une deuxième découverte énigmatique. Pour les aider à résoudre cette enquête au plus vite, le procureur de la République demande de l’aide. Ainsi, Mathilde DANJOU, une ravissante psychologue comportementaliste franco-américaine, va se joindre à Arthur et son équipe. L’enquête s’annonce éprouvante.

Un don pour chaque organe
*L’horreur atteignit son paroxysme lorsque deux
enfants… tomèrent sur un récipient identique à
celui de la veille contenant une langue humaine à
Talant, dans le parc de la Fontaine aux Fées.
(extrait)

JEU DE MORT est un thriller captivant bien développé avec de bonnes idées et des trouvailles issues d’une imagination fébrile. Plusieurs personnages sont attachants dont le commandant Arthur Vaillant de la direction interrégionale de la police judiciaire.

Le théâtre des évènements est Dijon et ses environs, au cœur de la Bourgogne-Franche-Comté. Un jour, près de la plage du lac Kir, un jogger découvre par hasard un bocal contenant deux yeux humains. L’enquête conclut que les yeux appartenaient à une jeune fille de 22 ans, Amélie Brillant, hôtesse dans un club. Son corps sera finalement découvert à son domicile le lendemain.

Suivra une montée vertigineuse de l’horreur alors que deux enfants de 13 et 10 ans découvrent un bocal identique à celui de la veille. Il contient une langue humaine. Pour chaque bocal, une énigme. Avant d’être qualifié de tueur en série, l’assassin sera surnommé par la presse, entre autres : LE CHIRURGIEN.

Le tueur ne s’arrête pas là, mais moi oui…je vous laisse absorber son modus operandi…aussi original qu’horrible. Mais ne comptez pas trop avoir de détails sur ses motivations. J’y reviens plus loin. L’assassin est un tordu…vous en conviendrez très vite.

Il y a beaucoup de points positifs pour ce livre. Bien que son rythme soit très élevé, l’histoire est facile à suivre. La plume est limpide. Il n’y a pas de longueurs. L’auteur développe ici un impressionnant jeu du chat et de la souris. Car il est évident que le tueur se moque des policiers et se joue d’eux.

Une psychologue comportementaliste se joint à l’équipe du commandant Vaillant. C’est une bonne idée qui va alimenter l’enquête et mystifier un peu plus le lecteur. Le tout sera allégé par une petite amourette prévisible entre la psy, Mathilde et le commandant Vaillant…une amourette péniblement installée dans l’histoire et qui prend difficilement sa place.

J’ai beaucoup apprécié la participation très brève mais capitale du fils d’Arthur Vaillant, Ludovic, 14 ans. Il fera une observation qui pourrait changer beaucoup de chose. Je ne peux en révéler davantage, mais j’ai trouvé l’idée géniale. Dans l’ensemble, l’intrigue est bien menée et garde le lecteur captif.

Je parlais plus haut des motivations du tueur. Elles sont livrées mais à la fin seulement. L’auteur ne laisse rien filtrer. Donc les lecteurs et les lectrices peuvent difficilement s’adonner au jeu des déductions. C’est un peu frustrant. Je comprends que l’auteur n’ait pas voulu s’encombrer de détails inutiles mais peut-être en a-t-il fait une obsession. J’ai trouvé la description des scènes de crime et de certains personnages trop sommaires.

Le tueur tue mais on ne saura pourquoi qu’à la fin seulement, sans indices préalables. Ça fait une finale un peu surprenante car il n’y a absolument rien qui en annonce le contenu. Comme si l’auteur lui-même n’en aurait décidé la trame qu’en cours d’écriture. J’ai été un peu frustré, étant dans une totale impossibilité de deviner de qui il s’agit.

Un mot sur cette finale avant de terminer. Elle dévoile tout, tout d’un coup dans une abondance de détails qui occulte le travail des policiers et donne l’impression d’un travail bâclé. Je le précise encore ici, c’est un très bon thriller mais il manque un peu d’équilibre. La suite et la fin des évènements concernent surtout les sentiments entre Arthur et Mathilde.

Ça fait l’objet d’un épilogue que j’ai trouvé plutôt insipide. Pour beaucoup de lecteurs et lectrices. Ce sont détails plus ou moins significatifs. Au final JEU DE MORT est un très bon roman à l’intrigue prenante avec des personnages pour lesquels on est porté à s’inquiéter. Je pense que l’auteur Jean-Sébastien Pouchart, que je ne connaissais pas, est à surveiller.

Suggestion de lecture : MEURTRES EN SOUTANE, de Phyllis Dorothy James

Jean-Sébastien POUCHARD, marié et père de deux enfants, est devenu auteur en écrivant des poèmes sur son environnement et sur ce qu’il ressent face à l’actualité.

Après son recueil de poésie intitulé « Musique de l’âme » aux éditions du net, dont trois poésies ont été récompensées au concours littéraire des clubs de la Défense millésime 2015 et 2016, il publie son premier roman policier : JEU DE MORTS dont l’action se déroule à Dijon en Bourgogne. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 septembre 2022