LE SYNDROME «E», livre de FRANCK THILLIEZ

*-Je vais te cramer un peu, jouer avec mes couteaux,
puis j’irai te larguer dans le désert, vivant. Les
hyènes et les vautours te boufferont en quelques
heures. On ne retrouvera jamais ton corps. Il
cogna Sharko en pleine face avec le bidon. Un
craquement, une giclée de sang.*

(Extrait : LE SYNDROME [E], Franck Thilliez, Fleuve Noir,
2010, édition numérique, 420 pages)

Deux évènements dramatiques viennent compliquer la vie de deux policiers, Lucie Hennebelle et Frank Sharko. D’abord, une équipe technique de la voirie découvre par hasard cinq cadavres ensevelis sous deux mètres de terre à Notre-Dame-De-Gravenchon. Fait tout à fait horrible : leur crâne a été scié, ouvert, le cerveau et les yeux prélevés. Parallèlement, un passionné de films anciens devient inexplicablement aveugle après avoir visionné un film qu’il vient d’acquérir…deux affaires différentes mais qui sont pourtant liées. Un nouveau mal fait son apparition : LE SYNDROME [E]. 

Très haute teneur en adrénaline

*Ces lignes de brancards représentent l’attente pour la salle des électrochocs. Les patients les subirent trois fois par jour, durant des programmes de sept à huit semaines. Trois fois par jour, mademoiselle. Des milliers de volts dans l’organisme. Imaginez-vous seulement les dégâts que cela pouvait occasionner aux nerfs, au cœur et au cerveau?* (Extrait : LE SYNDROME [E])

J’ai beaucoup à dire sur ce livre qui joue dur. Pour ma part, c’est une première incursion dans l’univers de Franck Thilliez et d’entrée de jeu, je peux vous dire que ça m’a ébranlé tellement le récit est noir et teinté d’un implacable réalisme.

J’aurais peut-être dû commencer par un des premiers ouvrages de Thilliez comme LA CHAMBRE DES MORTS ou à la rigueur LA FORÊT DES OMBRES, mais quand j’ai découvert le titre SYNDROME E, j’étais trop intrigué pour passer outre.

Mais commençons par le commencement. LE SYNDROME E est le premier volet d’un diptyque qui décortique le phénomène de la violence. Le récit porte sur deux enquêtes policières séparées au départ, devenant graduellement convergentes pour finalement ne faire qu’une.

Au début d’une part, l’ex-ami de l’enquêteuse Lucie Hennebel, un passionné de cinéma et collectionneur de films rares est frappé de cécité après avoir visionné un film rare et non répertorié. Lucie enquête et commence par faire analyser la pellicule.

D’autre part, un enquêteur devenu schizophrène suite au décès soudain de sa femme et de sa fille, Franck Sharko enquête sur la découverte de cinq corps atrocement mutilés.

Au fur et à mesure que l’analyse de la pellicule progresse, les deux enquêtes fusionnent. En fait, tout démarre et tourne autour de ce mystérieux film d’un réalisateur non moins mystérieux, Jacques Lacombe :

*Mais la question qui la turlupinait le plus était de savoir quel lien invisible il pouvait y avoir entre le film anonyme et les cadavres déterrés en Haute Normandie. Cette bobine maléfique était peut-être l’arbre qui cachait la forêt.*(Extrait)

Je vous ai déjà parlé de l’énorme pouvoir du septième art, c’est-à-dire, de cette capacité qu’a le cinéma de façonner les esprits, de créer des tendances, d’influencer les modes de pensées et d’apprentissages. Imaginez tout ce qu’on peut sortir sur le potentiel cinématographique du cinéma. (Voir mon commentaire sur LA CONSPIRATION DES TÉNÈBRES)

Dans LE SYNDROME E, Thilliez va encore plus loin car par des procédés de surimpression, d’insertions subliminales, de découpages obscurs et autres diableries, la pellicule sert ici à cacher un incroyable secret qui dévoile un potentiel extraordinaire et apparemment exploitable du cerveau humain.

Cela va plus loin car cette mystérieuse pellicule camouffle un complot imaginé par des esprits tordus, des scientifiques malades, auteurs d’expériences sur des sujets vivants dont plusieurs comptaient parmi les Orphelins de Duplessis :

*Ce que Lucie Découvrait dépassait l’entendement. Une aliénation de masse, à grand renfort de bulletins médicaux faussés et d’occultes financements* (Extrait)

La dernière citation fait référence au financement par la CIA de certaines expériences sur des cerveaux d’êtres humains vivants. L’enquête amène à l’identification du syndrome E et je vous laisse découvrir par vous-même qu’est-ce que c’est que cette saloperie.

Évidemment, ce roman est une fiction mais quand on y pense, on sait peu de choses sur le cerveau et ça peut laisser un doute dans l’esprit du lecteur. Appelons ça un facteur de stress car l’auteur dévoile les horreurs du film au compte-gouttes et ça n’arrête jamais jusqu’à la dernière page qui là encore dévoile un punch tout à fait imprévisible.

Donc pour résumer, LE SYNDROME E est un thriller d’une fantastique efficacité, fait de corps mutilés, de tortures, de cadavres, de crasse, de fourberie et d’une science qui évoque des bêtes conduites à l’abattoir.

C’est un livre audacieux qui m’a sorti des sentiers battus et qui m’a écorché au passage. Rythme rapide malgré certaines longueurs, lecture aisée, fil conducteur solide.

Dans l’ensemble, le récit est gore et décapant et il est porteur je crois d’une petite réflexion sur la science et l’éthique car je ne suis pas certain que les savants fous et les scientifiques tarés n’appartiennent qu’à la légende et la littérature.

Si vous avez survécu au SYNDROME E, vous êtes mûrs pour la lecture de GATACA, le deuxième volet du dyptique.

Par définition du diptyque, il faut avoir lu LE SYNDROME E pour comprendre GATACA. Je vous le dis tout de suite, l’un est aussi effrayant que l’autre. Un an après l’identification du syndrome E et l’explosion de la vérité, et toujours en vertu d’une quête de la compréhension globale de la violence, l’auteur Franck Thilliez nous entraîne cette fois dans les arcanes obscurs du génome humain.

À nouveaux réunis et prêts à explorer un autre cercle de l’enfer, les policiers Lucie Hennebelle et Franck Sharko remontent cette fois aux origines de la violence, là où le génome humain détermine son avenir : rien de moins que l’extinction. 

Franck Thilliez est un écrivain et ingénieur français né en 1973. En plus d’avoir développé un goût irrésistible pour la lecture, Thilliez a une passion pour le cinéma et pour les Nouvelles technologies. C’est d’ailleurs dans ce dernier domaine qu’il exerce l’ingénierie. Sa carrière d’écrivain a été lancée en pompe dès 2003 avec TRAIN D’ENFER POUR ANGE ROUGE en 2003, nominé au prix SNCF du polar français.

Le succès des livres suivants lui a permis d’abandonner son travail d’informaticien et de s’adonner à l’écriture à temps plein. Ses passions se reflètent dans son écriture. Il aime enduire ses récits d’une atmosphère glauque et comme son imagination est débordante, sa plume produit des romans qui retiennent les lecteurs dans un filet qui évoque la toile d’araignée. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 25 février 2018

LE HUIT, livre de CATHERINE NEVILLE

*-Sire, ce jeu maure me fait peur. Je crois qu’il est possédé par une force démoniaque qui vous a poussé à engager ma vie. Charlemagne retomba lourdement sur son siège, passa une main égarée sur son front, mais ne parla pas.* (Extrait : LE HUIT, Katherine Neville, 1988, Ballantine, t.f. : Le Cherche Midi, 2002. Éditions de papier, 960 pages.)

Alors qu’elle s’apprête à se rendre au Maghreb, Catherine Velis apprend d’un mystérieux antiquaire qu’elle court un grand danger. Un fabuleux jeu d’échecs d’origine mauresque l’attendrait dans le désert du Sahara. En 782, ce jeu aurait, dit-on envoûté dangereusement Charlemagne avant d’exciter pendant de nombreux siècles des personnages historiques tels Richelieu, Robespierre, Catherine de Russie et Napoléon. Tous ont voulu mettre ce jeu au service de leurs funestes desseins car selon la légende, ce jeu ferait de son détenteur rien de moins que l’égal de Dieu. La jeune femme plonge dans une quête où l’avenir même de l’humanité se joue et elle n’est pas la seule à vouloir percer le secret du jeu maudit…

On ne connait pas vraiment l’origine du jeu d’échecs. Certains textes anciens laissent à penser que le jeu aurait été inventé par on ne sait qui vers 600 après Jésus-Christ en Inde. On s’est qu’il s’est actualisé lors de son introduction en Europe par les Arabes au Xe siècle. On dit que les règles actuelles se sont fixées vers la fin du XVe siècle.

Le jeu d’échecs est devenu le jeu de concentration tactique et stratégique le plus joué dans le monde. L’objectif du jeu d’échecs est de mettre le roi adverse en échec, c’est-à-dire de l’attaquer de manière à ce que l’adversaire n’ait pas de coup légal qui puisse empêcher la prise du roi au coup suivant. On dit alors que le joueur a maté le roi de l’adversaire, d’où l’expression ÉCHEC ET MAT.

Le spectre des échecs
*Empoignant à deux mains mon sac de marin, je le soulevai
au-dessus de ma tête dans un arc de cercle parfait, avant
de l’abattre de toutes mes forces et de tout son poids sur
son crâne. Ses yeux se révulsèrent et il s’effondra sur le
côté tandis que je pirouettais pour vérifier ce qui se
passait derrière moi.
(Extrait : LE HUIT)

LE HUIT est un livre intéressant mais qui souffre d’un pénible handicap : son incroyable lourdeur. Nous avons ici une brique de 1000 pages dont l’intrigue est noyée dans des descriptions interminables, de nombreux détails peu signifiants et des artifices qui n’apportent rien. Autre détail important : il n’est pas vraiment indispensable de jouer aux échecs pour plonger dans cette histoire, mais comprendre le jeu et le pratiquer aide beaucoup à la compréhension de l’intrigue.

Toutefois, il y a des éléments intéressants dans l’ouvrage. Le fait par exemple que deux récits alternent à deux époques différentes…deux récits en semi-convergence. Pour moi c’est une trouvaille qui a sa place dans l’œuvre.

Dans le récit historique, j’ai beaucoup apprécié faire la rencontre de grands personnages qui ont marqué l’histoire; Jean-Sébastien Bach, Isaac Newton, Voltaire, Danton, Robespierre, la grande Catherine de Russie et plusieurs autres. C’est dans le passage où l’évêque d’Autun rencontre le célèbre François-Marie Arouet dit Voltaire (1694-1778) que j’ai trouvé finalement un fil conducteur sur lequel m’accroché.

La quête de ce roman est celle du jeu Montglane, un jeu d’échec possédé jadis par le puissant Charlemagne et dont les pièces ont été disséminées de par la monde, et ce dans les 2 récits en alternance. Or ce jeu donne à son détenteur un pouvoir infini, à ne pas mettre entre n’importe quelles mains. Voilà le fil conducteur, un thème qui n’a rien de neuf : la recherche effrénée du pouvoir et les incroyables bassesses qu’elle peut engendrer.

L’intrigue comme telle est intéressante, mais elle aurait pu être passionnante n’eut été des chaînes qu’elle traîne. La lourdeur du récit par exemple : 300 pages de moins n’auraient pas nui au récit, au contraire, ça l’aurait mis en valeur. Je pense aussi à des hasards trop *tape-à-l’œil* pour être crédibles. (Imaginez qu’une nuit vous rêvez que vous gagnez à la loterie et le matin en vous réveillant, vous constatez que vous avez effectivement gagné).

Je pense aussi à l’omniprésence du chiffre 8. Logique me direz-vous si on tient compte du titre. Mais il faut savoir ici que les explications relatives au chiffre 8 sont un mélange de sciences alchimiques, physiques, mystiques et astronomiques et que l’auteur n’a pas vraiment fait d’efforts pour présenter le tout de façon simple et claire…vulgarisée quoi…

Je me suis tout de même accroché à certains passages pour avancer dans le récit et pour le finir…*Ce qui peut être un bienfait pour l’humanité peut aussi devenir une horrible malédiction, l’histoire l’a prouvé.* (Extrait)

Dans une lecture aussi longue et complexe parsemée de passages ennuyants, je me suis senti un peu perdu malheureusement. Peut-être avez-vous trouvé dans mon commentaire des éléments intéressants. Je vais être honnête avec vous…ce commentaire n’engage que moi parce que je ne joue pas aux échecs…j’aurais peut-être vu certaines choses autrement…

Katherine Neville est  une romancière américaine né le 4 avril 1945 à Saint-Louis. Elle fut d’abord mannequin, puis consultante internationale en informatique. Puis, grâce à une expertise développée dans le domaine énergétique, Katherine Neville participera à la recherche sur l’énergie nucléaire et développera des méthodes pour identifier et contrôler les matériaux toxiques et dangereux.

Par la suite, dès 1980, elle sera vice-présidente de la Bank of America, et ce pendant 10 ans. Sa vaste expérience développée dans divers métiers lui ont fourni la matière de son premier roman : LE HUIT qui a connu sa suite 20 ans plus tard avec LE FEU SACRÉ.

PETIT À-CÔTÉ…

Une des plus impressionnantes scènes de la saga HARY POTTER est la scène du jeu d’échec décrite dans le premier opus de la série, livre et film: HARRY POTTER À L’ÉCOLE DES SORCIERS. Voir la reconstitution.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche 18 février 2018

LE BONHOMME DE NEIGE, livre de JO NESBO

*Au moment de se coucher, elle voulut se
blottir contre lui. Mais elle ne put pas. Ne
put se résoudre à le faire. Elle était impure.
-Nous allons mourir- avait lâché la voix au
téléphone. Nous allons mourir, catin*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE, Jo Nesbo,
Gallimard, série noire, 2007, éd. Numérique,
430 pages.)

Un jour de novembre 2004, un bonhomme de neige sorti de nulle part se retrouve dans le jardin des Becker, le regard tourné vers les fenêtres de la maison. La nuit suivante, madame Becker disparaît. Un maigre indice, son écharpe rose se retrouve au cou du bonhomme de neige. Parallèlement, l’inspecteur Harry Hole reçoit une lettre annonçant d’autres victimes. Une lettre signée…*le bonhomme de neige*…un tueur en série sévit en Norvège. Le seul indice récurrent mais bien maigre : un bonhomme de neige…un spectre de la folie…

UN BON CRU(el) NORVÉGIEN
*…le congélateur…laissait voir quelque chose pressé
à l’intérieur…les genoux pliés et la tête appuyée
vers le haut contre l’intérieur du congélateur. Le
corps était couvert de cristaux de glace, comme
une couche de moisissures blanches qui s’en serait
repue, et la position torturée du corps était à
l’unisson du cri de Katerine…*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE)

C’est une histoire complexe développée avec une lenteur parfois exaspérante, très caractéristique de la littérature Norvégienne. La faiblesse du récit réside dans le fil conducteur qui prend souvent toutes sortes de directions. Ajoutons à cela que l’intrigue est bourrée de fausses pistes, de démarches qui n’aboutissent pas, de retours à la case départ.

Ça ne m’a pas beaucoup gêné car j’ai compris dès les premières pages que l’auteur me lançait le défi de sortir d’un labyrinthe bourré d’indices, souvent trompeurs, et me laissant le choix de trouver le coupable parmi une foule de candidats potentiels. Mais quand la lumière commence à jaillir dans le dernier quart du livre, ça devient génial.

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est la psychologie des personnages, Harry Hole en tête, héro récurrent dans l’œuvre de Nesbo : un personnage précédé par sa réputation d’esprit tordu et d’alcoolique qui évolue laborieusement dans une enquête difficile d’une remarquable minutie où il y a tellement de détails que le lecteur a parfois l’impression de déraper. Mais dans la finale qui est remarquable, on voit l’importance de chaque détail, rassuré à l’idée que l’auteur n’a rien laissé au hasard.

L’histoire est originale. L’idée de précéder les meurtres par l’édification d’un bonhomme de neige est une trouvaille car les bonhommes de neige parlent d’une certaine façon, dévoilent des indices, reflètent la psychologie du tueur et bien sûr obnubilent les policiers. Hole en tête.

UNE PLUME FORTE MAIS NOIRE

Tout le livre comporte beaucoup de petites forces qui retiennent le lecteur dans sa toile. Outre la toponymie chantante de la Norvège, la plume est forte, la structure narrative happe le lecteur qui se sent attiré par les nombreux rebondissements. On sent que l’auteur maîtrise son art.

C’est un roman noir. Son atmosphère se fige parfois en une sensation lugubre car les bonhommes de neige conduisent implacablement à des chefs d’œuvre de cruauté de la part d’un tueur aussi froid et dépourvu de moralité que ses œuvres de neige. La découverte très lente et très graduelle de la psychologie de ce monstre m’a tenu en haleine.

Je veux rappeler en terminant que si je recommande ce livre, je le fais sous la réserve suivante : C’est tout le récit dans son ensemble qui fait appel à la patience du lecteur parce qu’il comporte de nombreux changements de direction, de fausses pistes, de virages imprévus.

Aussi, bien que l’histoire soit très longue à démarrer, je vous suggère de bien vous concentrer sur les premières pages car elles contiennent des éléments importants qui vous feront apprécier grandement l’ensemble du récit.

Vous êtes maintenant prêts à entrer dans une histoire à donner froid dans le dos et à savourer ainsi toute l’intensité de la plume scandinave.

Jo Nesbo est norvégien. Il est né à Oslo  le 29 mars 1960. C’est un talentueux touche-à-tout : auteur-interprète, musicien, journaliste spécialisé en économie et écrivain très renommé. De 1993 à 1998, il a écrit et interprété les grands succès d’un des groupes musicaux les plus populaires de Norvège : DI DERRE. Un an avant de quitter le groupe, il se lance dans l’écriture littéraire. Le succès est instantané avec L’HOMME CHAUVE-SOURIS, prix du meilleur roman policier nordique en 1998. Plusieurs autres romans suivront dont ROUGE-GORGE, consacré meilleur polar norvégien de tous les temps par les lecteurs.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 16 décembre 2017

LA THÉORIE DES DOMINOS, ALEX SCARROW

*En arrivant au bout de leur rue, elle scruta Uxbridge Road. De chaque côté, les vitrines avaient disparu. Les articles étaient éparpillés sur la chaussée : machines à laver, télés, vêtements…Uxbridge Road aurait dû être embouteillée…mais elle ressemblait à une ville fantôme de western.* (Extrait : LA THÉORIE DES DOMINOS, éditeur original : Orion 2007, t.f. : Le Cherche-midi, 2010, num. 470 pages)

Un expert en stratégie pétrolière est en mission en Irak au moment où la tension internationale est très élevée. Pendant son séjour, les pires craintes de David se concrétisent. L’ensemble du Moyen-Orient se déstabilise complètement et s’embrase. Alors que des terroristes détruisent les oléoducs, raffineries et les installations pétrolières les plus stratégiques, la panique s’installe à l’échelle mondiale. En effet c’est tout le globe qui risque d’être privé d’énergie, de nourriture, de chauffage, d’essence et j’en passe, cédant ainsi le quotidien aux émeutes, à la violence…David comprend vite que cette situation explosive est issue d’un complot machiavélique.

La fragilité de l’équilibre…
*Tout s’enchaînera rapidement…
une chose après l’autre,
comme des dominos.
Personne ne s’y attendra…*
(Extrait : LA THÉORIE DES DOMINOS)

Imaginez un instant que, pour toute sortes de raisons et du jour au lendemain, notre approvisionnement en pétrole soit coupé. Quelles seraient selon vous les conséquences à court terme sur notre vie? La nourriture, l’eau, les transports, les communications, l’électricité, les soins de santé, le chauffage et j’en passe?

Dans la THÉORIE DES DOMINOS, Alex Scarrow tombe rapidement dans le vif du sujet et annonce des couleurs plutôt apocalyptiques : J’ai le sentiment qu’il se passe bien plus de choses que l’on sait…tout a commencé par une série d’explosions en Arabie Saoudite, programmée par quelqu’un qui voulait provoquer une colère à grande échelle…(Extrait : LA THÉORIE DES DOMINOS)

Les évènements en Arabie Saoudite constituent la chute du premier domino, issue d’un complot machiavélique et, avec un argumentaire redoutable, Scarrow raconte la suite des évènements : anarchie, chaos… Arrêter le flot continu de pétrole, même l’espace d’un court instant, ressemblait à une embolie ou un infarctus dans le corps humain. Cet étranglement ressemblait exactement à cela : une crise cardiaque économique mondiale* (Extrait : LA THÉORIE DES DOMINOS).

Avec une plume impitoyable décrivant les côtés sombres de la nature humaine, LA THÉORIE DES DOMINOS raconte le destin d’une famille éparpillée entre l’Angleterre et l’Irak et qui tente de se réunir à travers l’incroyable chaos provoqué par une crise pétrolière planifiée qui se transforme rapidement en panique mondiale.

Cette description anticipée de la chute d’un monde moderne tellement dépendant du pétrole est d’un réalisme à faire frémir et Scarrow n’a pas peur des mots. Il a bâti d’une façon marquante, un thriller anxiogène qui n’est pas sans nous faire réfléchir d’une part sur notre mode de vie actuel et notre dépendance à l’or noir et d’autre part sur l’extrême violence dont l’homme est capable pour survivre.

Ce livre est, et demeurera selon moi, d’une grande actualité puisqu’il évoque les tensions religieuses, politiques, frontalières et pétrolières au Moyen Orient, une partie extrêmement instable du monde que j’appelle la poudrière planétaire.

Scarrow ne fait pas dans la dentelle en décrivant un monde de désorganisation brutale et de violence car les premières conséquences d’une coupure subite d’approvisionnement en pétrole touchent inévitablement la nourriture, l’eau, l’électricité. Scarrow démontre avec une logique désarmante que les hommes peuvent être pires que des bêtes.

C’est un livre qui rend captif. La trame est solide, le fil conducteur accrochant, un thriller efficace qui porte à réflexion. Il me rappelle un peu le livre de Barjavel, RAVAGES dans lequel l’électricité cesse d’exister, excellent livre dont j’ai déjà parlé sur ce site.

Je vous recommande LA THÉORIE DES DOMINOS de Alex Scarrow…réaliste à faire peur…*le monde est un vieil homme au cœur fragile et le pétrole est le sang qui coule dans ses veines…* (extrait : LA THÉORIE DES DOMINOS)

Suggestion de lecture : LA CONSTELLATION DU LYNX, de Louis Hamelin

Alex Scarrow est né à Nigéria en 1966. Après le collège, il a travaillé pendant 10 ans dans le domaine de la musique, et par la suite une douzaine d’années comme graphiste et concepteur de jeux. Après le collège, il développe le goût de l’écriture et se spécialise dans la science-fiction. On lui doit entres autres l’octalogie TIME RIDERS. Il a écrit entre temps LA THÉORIE DES DOMINOS et L’EFFET DOMINO qui développe un thème cher à l’auteur : La déroute et l’effondrement de la civilisation. 

BONNE LECTURE
JAILU/ CLAUDE LAMBERT
27 novembre 2016

SHUTTER ISLAND, livre de Dennis Lehane

*-…Il a assassiné sa belle-sœur et ses deux nièces
pendant que son frangin se battait en Corée.
Il a conservé les cadavres à la cave pour se faire
plaisir de temps en temps, si vous voyez ce que
je veux dire…*
(Extrait : SHUTTER ISLAND, Dennis Lehane, 2006,
Éditions Payot & Rivages, pour l’édition de poche.
295 pages)

Un matin de septembre 1954, deux marshals débarquent sur Shutter Island, une île située au large de Boston et abritant un hôpital psychiatrique pour des personnes atteintes de graves troubles mentaux et des criminels psychotiques irrécupérables. Mission: enquêter sur l’évasion d’une patiente internée après avoir noyé ses trois enfants. Dès lors, les policiers sont saisis par l’atmosphère oppressante des lieux. Les responsables ont, semble-t-il beaucoup à cacher. Les agents doivent éclaircir le mystère, déjà épaissi par un message codé laissé par une pensionnaire en cavale.

UN THRILLER ÉPROUVANT
*Espèce de sale putain de violeur! Quand mon mari
reviendra, il te tranchera la gorge! T’as compris?
Il te coupera ta tête de tordu et on boira ton sang!
On se baignera dedans pauvre malade!
(Extrait : SHUTTER ISLAND)

 SHUTTER ISLAND est un thriller psychologique très puissant. Deux marshals américains débarquent sur un petit îlot où se trouve un étrange établissement psycho-carcéral abritant des criminels violents et dangereux. Teddy et Chuck sont là pour enquêter sur la disparition d’une des pensionnaires : Rachel Solando. En fouillant la cellule de la patiente, les marshals découvrent une lettre adressée aux docteurs et dans laquelle se trouve une énigme.

..LA LOI DES 4
..JE SUIS 47
..ILS ÉTAIENT 80
..+VOUS ÊTES 3
..NOUS SOMMES 4
..MAIS
-QUI EST 67?

Toute l’histoire tourne autour de cette énigme complexe qui accaparera le lecteur et lui demandera un maximum de concentration pour comprendre l’action des marshals qui se livrent eux-mêmes à une profonde investigation psychologique.

Cette lecture a été tout un défi pour moi, pénétrer au maximum dans la psychologie des personnages étant le seul moyen de comprendre la formulation de l’énigme. Dès que les marshals ont mis le pied sur l’île, je me suis senti englouti dans le récit. Ce n’est pas simple et ça demande beaucoup de concentration et j’ai même dû relire plusieurs passages pour bien comprendre dans quoi l’auteur m’embarquait.

Dès le départ, Lehane ne s’est pas privé de donner à l’atmosphère de l’île un caractère opaque : des bâtiments lugubres, des docteurs étranges qui semblent avoir plein de choses à cacher, un phare mystérieux et bien sûr, un cliché exploité des milliers de fois en littérature psychologique : une bonne tempête.

Bien que SHUTTER ISLAND soit un thriller très fort, j’ai trouvé sa lecture un peu éprouvante. Il m’a semblé que plusieurs passages étaient incohérents, confus. Les passages du contexte onirique à la réalité sont particulièrement complexes.

J’ai eu l’impression d’être impliqué dans un malicieux jeu de rôle. Mais quand je finissais par comprendre la solution d’une énigme dans la progression de l’histoire, je criais victoire et un lecteur qui ressent la victoire dans la lecture d’un livre est généralement satisfait.

C’est finalement un thriller écrit avec beaucoup d’intelligence, très captivant et intéressant. Mais je le rappelle, il est complexe. Vous ne devez rien perdre si vous voulez tout comprendre. Enfin, je vous suggère fortement de lire le livre AVANT de regarder le film.

Suggestion de lecture : THÉRAPIE, de Sebastian Fitzek

Dennis Lehane est un écrivain américain né à Boston en 1965. Avant de se mettre à l’écriture, Lehanne a exercé plusieurs métiers dont celui de libraire. Il est devenu rapidement un des auteurs de polars les plus populaires en Amérique avec plus d’une cinquantaine de titres dont plusieurs best-sellers. Je cite Gone baby gone, adapté au cinéma, MYSTIC RIVER, prix mystère de la critique en 2003, puis gratifié de 6 autres prix, adapté au cinéma par Clint Estwood qui décrochera le César du meilleur film étranger en 2003. Bien sûr il y a Shutter Island, adapté au cinéma (voir plus bas).

SHUTTER ISLAND AU CINÉMA

SHUTTER ISLAND a été adapté au cinéma par le réalisateur Martin Scorsese d’après un scénario de l’auteur du livre Dennis Lehane. Le film psycho-dramatique est sorti en 2010. L’éclatante distribution réunit Leonardo Di Caprio, Max Von Sydow, Ben Kingley, Mark Ruffalo, Emily Mortimer et Michelle Williams. Le film a été accueilli par la critique pour l’excellence de l’adaptation, la beauté de la photographie et la force de l’interprétation. Le film a été nominé à plusieurs reprises par le Saturn Award et le National board of review entre autres pour l’excellence de sa réalisation.

BONNE LECTURE
JAILU
16 OCTOBRE 2016

 

SANS UN MOT, livre de HARLAN COBEN

*Un bon coup dans le foie, ça vous neutralise pendant
un moment…il ouvrit la bouche mais aucun son n’en
sortit. Il s’affaissa sur un genou. Un deuxième coup,
oblique, l’atteignit à l’oreille…il tenta de réagir…mais
un coup de pied dans les côtes le fit tomber à la
renverse.*
(Extrait : SANS UN MOT, Harlan Coben, Pocket, pubié à
l’origine chez Belfont, collection NOIR, 2008. Num. 350 pages)

Voici trois histoires convergentes: -On découvre un e mail plutôt troublant et un ado, perturbé par le suicide de son ami disparaît. –un professeur commet un écart de langage psychologiquement blessant à l’endroit d’une adolescente : Yasmin. Le père de celle-ci n’admet pas que sa fille soit la risée de l’école et harcèle le professeur. –La voisine de Mike et Tia,  Suzan Loriman cherche un donneur d’organe pour son fils. Mike et Tia qui sont tous deux médecins découvrent des éléments troublants sur le passé de la mère. Ajoutons à cela la mystérieuse quête d’un tueur en série. Des récits sans lien au début mais qui convergent vers un dénouement surprenant dans ce livre 

UN PUZZLE MACHIAVÉLIQUE
*Salle pauvre conne.
Sa tête retomba en arrière.
Ce beau visage réduit en
bouillie.
Jamais il n’oublierait cette
image.*
(Extrait : SANS UN MOT)

Amener plusieurs histoires en convergence vers une seule et unique finale est un défi en littérature. Avec SANS UN MOT, Harlan Coben a assez bien relevé ce défi. C’est loin toutefois d’être le meilleur thriller que j’ai lu même si l’intrigue est bien ficelée. Je dois avouer toutefois que la finale est excellente mais voilà…il faut s’y rendre…

les liens entre les histoires n’apparaissant que très graduellement et vu l’impressionnante quantité de personnages dont les rôles s’imbriquent dans les récits, le lecteur doit faire preuve de patience et de persévérance. Plusieurs pourraient être tentés d’abandonner la lecture avant même d’atteindre la moitié du récit. Je crois tout de même que ça vaut la peine de persévérer.

La principale faiblesse de ce livre réside dans ses personnages qui sont un peu caricaturaux, idéalisés…parfois trop parfaits. C’est le genre de détail qui me pousse à croire que l’auteur a choisi la facilité dans ce rayon. Le fil conducteur est un peu alambiqué. Mais si le lecteur réussit à persévérer dans le style tentaculaire propre à Harlen Coben, il sera sûrement entraîné dans un rythme allant en crescendo vers une finale où tout s’explique…un dénouement brillant quoiqu’un peu *rose bonbon*.

Je crois que la véritable force de ce livre tient dans son actualité. Il pourrait intéresser les adolescents dans une certaine mesure (le style d’écriture étant un peu coriace). Il pourrait intéresser davantage les parents de jeunes ados et même les pousser à l’introspection étant donnés les thèmes qui y sont abordés.

On parle ici de contrôle parental des activités en ligne des enfants, le respect de la vie privée des ados par leurs parents, le danger global que représente internet sur la fragilité de l’adolescence et les thèmes sous-jacents comme les activités illégales et les téléchargements, la sécurité à la maison, en particulier l’accès libre à la pharmacie familiale.

En fait, que ce soit voulu ou pas, Coben nous pousse à nous interroger sur la délicate frontière qui sépare le contrôle parental de l’ingérence souvent considérée tyrannique par les ados qui sont dans une période de leur vie où la dérive est souvent facile.

Pour ces raisons, le livre vaut la peine d’être lu. Globalement le récit ne m’a causé aucun choc ni frisson. L’ensemble est un peu tiédasse. Le quatrième de couverture parle d’un thriller électrisant… je dirai que j’ai apprécié ce livre…il m’a diverti…mais disons qu’il ne m’a pas *électrisé*…

Suggestion de lecture, du même auteur : INTIMIDATION

Harlan Coben est un auteur américain né en 1962 à Newark, New Jersey. Ses romans, traduits dans une quarantaine de langues, occupent des positions plus qu’avantageuses dans la liste des best-sellers à l’échelle mondiale. Il fût un des premiers auteurs à recevoir les trois prix majeurs de la littérature américaine de type *thriller*, à savoir le SHAMUS AWARD, le prestigieux prix Edgar-Allan-Poe  et le Anthony Award. Il cumule d’importantes distinctions littéraires. Coben a aussi participé à des œuvres collectives. 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
2 octobre 2016

 

OPÉRATION HADÈS, Robert Ludlum, Gayle Lynds

*Jon tenta de réprimer la vague de terreur qui
le submergeait au souvenir de la description
que lui avait faite Jerzy Domalewski du complexe
souterrain de six étages où on pratiquait la torture
et les exécutions. Il échangea un regard avec Randi…
elle aussi savait. On ne survivait pas à cet enfer.*
(Extrait : OPÉRATION HADÈS, Robert Ludlum, Gayle Linds,
t.f. Éditions Grasset et Fasquelle, 2001, 325 pages)

Aux États-Unis, trois morts, provoqués par un virus inconnu se produisent en trois lieux différents. On confie à une biologiste une analyse en laboratoire mais elle meurt à son tour, victime du mystérieux virus. Son fiancé, médecin militaire et chercheur assiste impuissant à l’agonie et la mort de Sophia. Malgré les conclusions médicales, Jon est persuadé que Sophia a été assassinée et décide d’entreprendre avec d’anciens amis une enquête clandestine. Le commando a développé la conviction qu’un homme possède le virus et compte s’en servir pour déclencher une pandémie. 

LE FRUIT DE LA MÉGALOMANIE
*Pourquoi se soucier de ces millions de gens sans
visage? Ils mourraient de toute façon…en outre,
la terre était surpeuplée…en conséquence, la
nature se vengerait, comme toujours à coups de
famines, fléaux…quel inconvénient à ce que lui,
Victor et la société s’enrichissent sur la mort de
millions de gens?
(Extrait : Opération Hadès)

Le livre est intéressant, l’intrigue est bien menée. Toutefois, à plusieurs reprises au cours de ma lecture, j’avais une impression de déjà vu avec des passages clichés et un thème un peu éculé, c’est-à-dire la lutte de l’agent secret intègre, lui-même médecin empathique et humaniste contre un homme à la puissance et à l’ambition démesurées, prêt à sacrifier des millions de vies pour satisfaire son intarissable soif de profits. L’instrument de sa convoitise : un virus mortel menaçant la terre entière.

Il y a cependant des variantes intéressantes. Le développement de l’intrigue relève du style plus personnel de Robert Ludlum : beaucoup de rebondissements, une touche d’imprévu et la façon dont le héros de l’histoire Jon Smith traque les bandits pendant qu’il est lui-même traqué donnent à l’ensemble un rythme élevé et comme le fil conducteur du récit est assez solide, mon attention a été assez soutenue.

J’ajoute que dans le récit, le risque de perdre le contrôle du virus mortel est omniprésent et concerne autant les héros que les criminels. Tout le monde a un désir commun : survivre. Ce fait, bien ancré dans le développement est une force du livre.

Du côté des faiblesses, disons que certains éléments m’ont agacé : des passages rocambolesques parfois surréalistes, des personnages un peu archétypiques à l’exception peut-être du génie de l’informatique, Marty que j’ai trouvé drôle et attachant. Certains passages m’ont semblé aussi bâclés.

Enfin, j’aurais souhaité que les auteurs ajoutent une touche de réalisme au récit. La propagation à dessein d’un virus mortel dans le monde est techniquement possible mais il y a trop d’invraisemblances dans l’histoire pour s’y projeter totalement.

Peut-être bien que OPÉRATION HADÈS a un petit caractère expérimental. Robert Ludlum est mort en 2001 mais je suis à peu près certain qu’il aurait fait de Jonathan Smith un personnage récurrent dans son oeuvre, comme spécialiste de la lutte contre les attaques épidémiologiques d’origine humaine, à la tête du Réseau Bouclier. Je ne doute pas que Ludlum aurait fait des ajustements pour rendre l’œuvre encore plus attractive.

Il est très rare que je chiffre mon appréciation pour un livre, mais dans ce cas-ci, je donnerais 70% à cause surtout du style marqué de Ludlum et du rythme de son écriture. OPÉRATION HADÈS reste un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LA 5e VAGUE, de Rick Yancey

Robert Ludlum (1927-2001) est un écrivain, metteur en scène et comédien américain. Il s’est tourné vers l’écriture à l’âge de 40 ans. Son premier roman L’HÉRITAGE SCARLATTI publié en 1971 obtient un succès immédiat et l’imposera comme un des grands maîtres du suspense d’espionnage. Vingt-cinq autres romans suivront qui sont autant de chefs d’œuvre dans le genre. Il a vendu plus de 200 millions de livres dans le monde, traduits en plus d’une trentaine de langues.

Ancienne journaliste, éditrice et conseillère militaire, Gayle Lynds a elle aussi versé dans l’écriture de romans d’espionnage. Son nom figure dans le prestigieux NEW-YORK TIMES BEST-SELLING AUTHORS.  Elle s’est vue attribuée plusieurs prix prestigieux et fait partie du TOP 10 des romans d’espionnage de tous les temps du PUBLISHER’WEEKLY. Avec Robert Ludlum, elle a coécrit trois romans qui ont obtenu un succès fulgurant : OBJECTIF PARIS, LE CODE ALTMAN et bien sûr OPÉRATION HADÈS.

En complément, je signale qu’OPÉRATION HADÈS a été adapté à la télé sous forme de mini-série.
La série réalisée en 2006 par Mick Jackson met en vedette Stephen Dorf, Mira Sorvino, Sophia Myles et Blair Underwood

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le 11 septembre 2016

L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS, Bernard Boudeau

*Il chercha dans le modeste appartement un objet qui puisse convenir. Une bouteille? Non! Son choix se porta sur une bombe de laque. Plus appropriée. Il se pencha sur Jane Waltam, l’allongea. Il souleva la jupe, fit glisser la culotte. Il lui écarta les jambes
franchement…*
(Extrait : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS, Bernard Boudeau, In Octavo Éditions, 2010, num. 390 pages)

Un tueur très habile sévit sans préméditation. Seul le hasard détermine qui sera sa victime, mais dans ce cas, l’instrument du hasard, ce sont des dés et plus précisément des dés de *donjon et dragon*. De plus, pour commettre ses meurtres, le tueur prend comme modèle les plus célèbres criminels américains. Ce sont les seules pistes sérieuses que possède au départ le jeune commissaire Sylvain Macarie pour traquer le tueur. Macarie, n’a pas le choix de faire aboutir cette enquête pour retrouver son équilibre. Ce qui pourrait l’aider est l’intervention d’un spécialiste du profilage. C’est ainsi que Sheldon fera équipe d’une certaine façon avec l’instable commissaire en utilisant sa connaissance de la psychologie des criminels.

JE NE SERAI PAS UN CRIMINEL,
JE LES SERAI TOUS
*…j’ai essayé d’être lui, celui que je traque,
de le comprendre de l’intérieur. Je, je
m’y détruis, j’y découvre du plaisir à
torturer, humilier. C’est horrible. C’est
plus que ça, je ne sais pas si je vais en
sortir.*
(Extrait : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS)

Je n’étais pas certain de mon intérêt pour ce livre avant de l’aborder. J’avais l’impression de me lancer dans une lecture abritant un thème usé à la corde, celui des tueurs en série. Je me suis alors fié au titre : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS en supposant qu’il cachait une certaine originalité : un homme qui aime les tueurs, spécialement les plus célèbres, au point d’imiter leur façon de penser…et de tuer…je n’ai pas été déçu. C’est effectivement un récit original, un polar qui oscille entre le thriller policier et le drame psychologique.

Donc nous avons un tueur démoniaque qui choisit ses victimes selon un système de hasard élaboré et les exécute à la façon des grands criminels de l’histoire. Ce tueur est traqué par un policier psychologiquement instable, Sylvain Macarie, jadis détruit par une enquête non résolue sur le meurtre d’une petite fille et dont il se sent toujours profondément responsable.

Dans cette histoire, Macarie consacre son temps à deux activités : rencontrer souvent et régulièrement son psy et fouiller inlassablement les archives afin de trouver un fil conducteur dans l’enquête sur les meurtres en série. Tous les collègues de Macarie le croient fou et fini et certains, comme le policier Nerac, croient même qu’il fait un excellent suspect dans cette affaire.

Donc d’une part nous avons ici un très bon thriller, haletant, avec un suspense bien ficelé qui évolue en crescendo, un fil conducteur solide et crédible. Et d’autre part, nous avons un drame psychologique qui nous fait plonger dans l’introspection du héros de l’histoire car il m’est apparu évident que Macarie se lançait dans une quête difficile : combattre et vaincre ces démons. C’est un aspect de l’histoire qui m’a beaucoup plu.

L’intrigue est bien menée. Il m’a été impossible de découvrir qui était le tueur. J’ai eu beaucoup de soupçons, mais avec une grande maîtrise narrative et un style spontané, l’auteur me les a fait rejetés un après l’autre.

Principale force du livre : la psychologie des personnages en particulier Sylvain Macarie dans sa recherche constante afin de se pardonner lui-même et évidemment, le tueur en série dont l’esprit est aussi détraqué que génial. Principale faiblesse du livre : une finale un peu bâclée, expédiée je dirais et certaines longueurs dans le développement.

Je précise que la plume demeure fluide mais les passages de Macarie chez son psy accusent une certaine lourdeur. Cette faiblesse est très insuffisante pour empêcher le lecteur d’apprécier le talent de l’auteur.

Je n’irais pas jusqu’à dire que ce livre est le chef d’œuvre d’un auteur passé maître dans le polar noir comme le laisse supposer le quatrième de couverture, mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

Bernard Boudeau est parti du thème complètement éculé du meurtrier en série pour pondre une histoire originale avec tout ce qui est nécessaire pour garder le lecteur captif. Un excellent moment de lecture.

Suggestion de lecture : UNE FORÊT OBSCURE, de Fabio M. Mitchelli

Bernard Boudeau est un écrivain né à Tunis en 1949. Sa plume est multidisciplinaire : polars, études, essais, ouvrages pédagogiques, contes. Plusieurs de ses livres ont été sélectionnés pour des prix prestigieux dont L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS (sélection officielle au prix Polar à Cognac et à Reims en 2011 entre autres.) Il a obtenu le prix du roman policier en 2013 avec LES MÂCHOIRES DU PASSÉ.  Boudeau est aussi passionné de musique et de photo et l’ensemble de son œuvre laisse supposer qu’il adore l’Amérique, mettant en relief les différences culturelles entre les nations.

À visiter : http://www.romanpolicier.net/ 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
7 AOÛT 2016

L’EXÉCUTEUR, le livre de CATHERINE DORÉ

*Tu pensais avoir tout compris hein salope?…
J’ai des petites nouvelles pour toi ma beauté.
C’est moi qui dirige! Moi! Michel L’exécuteur!
Je suis le bras armé de Dieu!…J’exécute sa
volonté, et, aujourd’hui, sa volonté réside
dans ton exécution!*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR, Catherine Doré, Éditions de
Mortagne, 2005, édition de papier, 500 pages)

Désirant fuir l’agitation des grandes villes, Marie-Paule et Pierre se portent acquéreurs d’une maison de campagne pour y couler des week-ends paisibles. Malheureusement, la paix ne sera pas au rendez-vous car en plus d’avoir des voisins pour le moins étranges et son énigmatique ancien propriétaire qui est souvent sur son chemin, une chaîne d’évènements amène Marie-Paule à se pencher sur le mystérieux passé de la région.

Il y a des disparitions, morts suspectes et même des exorcismes en plus du troublant suicide de la mère d’un enfant jadis rejeté par la communauté. La curiosité et les recherches de Marie-Paule l’amènent à rencontrer Simon Bernard, un détective rebelle à l’autorité qui suit la piste d’un tueur en série. Un genre de collaboration s’installe entre Simon et Marie-Paule mais cette collaboration pourrait bien précipiter la jeune femme vers un destin dramatique.

PASSÉ TROUBLE
*Oh Michel! Michel! Qu’as-tu fait? Ton obsession déraisonnable
pour cette femme! Tes colères incontrôlées…Cette funeste
rencontre avec cette incroyable femme. Les cloisons ne sont
plus étanches…! La terre sacrée a été profanée! Michel est
hors de contrôle. L’enfant se cache, terrorisé par les
évènements. Le porteur commence à se douter de quelque
chose. Nous devons agir…*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR)

 L’exécuteur est le premier roman de Catherine Doré et je crois que c’est un bon départ. C’est un thriller intéressant qui amalgame efficacement l’intrigue, les énigmes et l’action. Le rapport de forces et de faiblesses est positif, la principale faiblesse étant que l’histoire est un peu prévisible. C’est dans l’originalité que réside la principale force. L’auteure n’a pas choisi la facilité car elle a attribué à son tueur psychopathe le syndrome dissociatif de la personnalité.

Ce syndrome, appelé aussi *trouble de la personnalité multiple* a toujours été pour la psychiatrie un défi de taille et pas facile du tout à soigner. À une certaine époque où le syndrome n’était pas formellement identifié, on parlait de possession démoniaque. Rien de moins. Le défi pour le lecteur, et c’est là que je me suis régalé, est de démêler toutes les personnalités de l’assassin qui ont chacune leur caractère propre.

Pour que le tout se tienne et amène le lecteur à la compréhension des motivations du psychopathe, l’auteure a du faire une sérieuse recherche, non seulement sur le trouble identifié comme tel mais aussi sur la psychopathologie, la psychiatrie, la parapsychologie et même sur l’exorcisme car cet art est évoqué dans l’histoire.

Le défi était autant intéressant qu’une des personnalités du tueur n’était rien d’autre que le bras vengeur de Dieu. L’Église et des prêtres sont donc impliqués dans cette fiction ce qui n’est pas sans nous inciter à nous questionner sur tout ce que l’église a à cacher. C’est une fiction bien sûr, mais elle a un petit quelque chose de très actuel sur les plans scientifique, psychologique, social et judiciaire.

Donc ça fait beaucoup d’éléments à démêler mais le fil conducteur est solide et la tension dramatique est palpable, spécialement dans le dernier quart du livre ou je réussissais à me mettre à la place du détective Simon Bernard qui naviguait d’énigme en énigme alors que les secondes était comptées. L’ensemble est bien dosé et l’action monte en crescendo.

L’histoire est d’autant intéressante qu’elle m’a fait réfléchir un peu sur les interactions existantes entre le domaine judiciaire et la psychiatrie. Ce n’est pas simple. Disons que dans L’EXÉCUTEUR, un meurtrier reste un meurtrier et rien ne l’excuse. C’est à la cour de trancher et je vous laisse découvrir si on se rendra là.

Bref, j’ai savouré un scénario développé avec intelligence dans lequel on trouve des personnages dotés de caractère fort et où on est appelé à essayer de comprendre ce qui se passe dans un corps qui semble abriter plusieurs âmes…

Divertissant…ça se lit vite et bien.

Suggestion de lecture : AFTER PARTY, de Daryl Gregory

NOTE BIOGRAPHIQUE SUR CATHERINE DORÉ

Malheureusement, au moment de rédiger cet article, je n’ai pu trouver aucune photo acceptable de l’auteure.

Catherine Doré est une écrivaine québécoise. Elle a évolué comme professionnelle de la recherche au département de psychologie de l’UQAM. Son intérêt pour la lecture s’est manifesté dès la préadolescence. Dans la jeune quarantaine, elle se met à l’écriture et produit un recueil expérimental de nouvelles mais le produit fini se transforme en fin de compte par un roman de 450 pages : L’EXÉCUTEUR.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
10 JUILLET 2016

 

LE WAGON, de Philippe Saimbert et Isabelle Muzart

*La lumière aveuglante, les sons terrifiants et
L’aspect des apparitions plaidaient pour une
rencontre du troisième type…Cette lumière,
poursuivit Hunt, comme dans tous ces films
de science-fiction…croyez-vous que…enfin…*
(Extrait : LE WAGON de Philippe Saimbert et
Isabelle Muzart, Éditions Asgard, 2011, num.
245 pages.)

Dans un voyage organisé, en pleine nuit, le wagon se détache du train, laissant les voyageurs seuls au milieu de nulle part entourés d’une inquiétante forêt recouverte d’un épais brouillard. S’ensuit une chaîne d’évènements qui plongent les voyageurs dans un effroyable cauchemar : bruits insolites, apparitions étranges dans un environnement devenu hostile et surnaturel et finalement, les morts brutales  qui s’enchaînent. Malgré cette atmosphère qui leur glace le sang, les voyageurs s’interrogent : s’agit-il d’une rencontre du troisième type ou peut-être quelque chose de pire encore? Et qui d’entre nous pourra survivre à cet horrible cauchemar?

EFFROI AU MILIEU DE NULLE PART
*Il vit avec horreur ses enfants précipités dans
le vide, jambes en avant. Il se propulsa vers
eux, bras tendus pour les attraper dans ses
bras, quand leur chute fut brutalement stoppée
à un mètre du sol. Une autre corde était passée
autour de leur cou. Elle venait de se tendre et de
briser leur nuque en un insoutenable craquement
de vertèbres…*
(Extrait : LE WAGON)

C’est une histoire très étrange, imprégnée d’un puissant caractère onirique. Elle n’est pas facile à suivre et à comprendre car il y a des ruptures dans le fil conducteur et la psychologie qui sous-tend l’ensemble suscite plus de questions que de réponses.

Toutefois, si on se donne la peine de porter attention et de se concentrer, on ne peut qu’admirer le talent de Saimbert et Muzart qui nous entraînent dans un monde fantastique, bizarre et mystérieux aux frontières du rêve et du surnaturel.

Quoique l’ensemble soit complexe, l’idée de départ est simple : un voyage organisé, en train, dans le but d’assister aux évènements surnaturels annoncés dans les journaux et qui se déroulent en pleine forêt traversée par le chemin de fer. Il faut dès le départ bien saisir le but du voyage et surtout, saisir la psychologie des personnages, disparates, tantôt sympathiques, tantôt méprisables. C’est indispensable pour bien apprécier leurs réactions aux évènements qui les attendent.

Je le rappelle, l’histoire est complexe. Mais pour le peu qu’on se livre à une lecture attentive, avec l’esprit ouvert, la plume des auteurs nous entraîne irrésistiblement à nous mettre à la place des personnages qui, une fois seuls, abandonnés au milieu de nulle part s’enlisent graduellement dans un cauchemar indescriptible dans lequel l’angoisse devient omniprésente mettant au grand jour les pires faiblesses humaines.

Tout au long de la lecture, je me suis questionné sur la nature des évènements décrits et le pourquoi d’une violence parfois aussi démesurée. Car c’est violent…très violent avec des passages à soulever le cœur.

Mais cette violence devait être exprimée pour tendre à la compréhension du récit et là-dessus, il faut être patient jusqu’à la finale qui est, soit dit en passant, totalement imprévisible et pas simple du tout…j’ai dû la relire plusieurs fois pour me rendre compte que ça valait vraiment la peine de se rendre jusqu’au bout.

Ce livre m’a imposé une réflexion sur l’incroyable complexité de l’esprit humain, le passé qui nous rattrape, le futur qui nous angoisse et les effets de l’introspection souvent imposée par l’horreur d’une situation complexe telle que celle qui est décrite dans l’histoire.

Je recommande ce roman fantastique aussi fluide que complexe mais bien bâti, un peu dérangeant, violent à en atteindre le malaise et qui devrait toucher de plein fouet le cœur et l’esprit de tous lecteurs attentifs.

Suggestion de lecture, du même auteur : 11 SERPENTS

Philippe Saimbert est un romancier, scénariste et spécialiste de la bande dessinée né en France en 1962. Il a à son actif plusieurs albums dans les tendances fantastique et science-fiction, mais il a touché aussi à l’humour avec entre autres OBJECTIF RENCONTRES publié chez Joker. Ses polars ont aussi contribué à sa notoriété comme sa série LES ÂMES D’HÉLIOS publiée chez Delcourt. Un de ses grands objectifs est de tenter l’adaptation de son roman LE WAGON au cinéma écrit avec la complicité d’Isabelle Muzart. 

J’espère bien que le projet d’adaptation du livre au cinéma se réalisera.

Isabelle Muzart est une écrivaine française née à Alençon en 1966. Très jeune, elle développe rapidement un goût pour la lecture et bien sûr, l’écriture va suivre, prélude à une très belle aventure littéraire. J’ai été impressionné en particulier par son livre L’INAVOUABLE SECRET, un excellent thriller policier. Je lisais récemment une citation de l’auteure publiée en 2009 sur ladepeche.fr : *Moi j’aime lire. La lecture ouvre l’esprit sur d’autres vies.*

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
12 JUIN 2016