BIENVENUE À GOMORRHE

COMMENTAIRE SUR LE LIVRE DE TOM SHATFIELD

<Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien, mais les biscuits en forme d’os que vous avez semés jusqu’à votre porte permettent de tirer des conclusions logiques. > BIENVENUE À GOMORRHE, Tom Shatfield, format numérique, Hugo thriller éditeur, 2020, 430 pages, 1 531 kb.

 » Gomorrhe. Un nom murmuré dans les recoins les plus sombres des forums les plus tordus. Un endroit que la lie du Darknet rêve de visiter. Tout le monde sait comment on se divertissait à Sodome, mais de quelle nature étaient les moeurs de Gomorrhe pour mériter, elle aussi, d’être détruite par « une pluie de souffre et de feu » ?  Infiltrer des néo-nazis occupés à faire de notre planète un endroit infréquentable suffisait largement à remplir la vie d’Azi Bello, et à lui permettre de faire la démonstration de ses talents d’hacker.

Mais lorsque la mystérieuse Anna s’invite dans l’abri de jardin qui lui sert de bureau, la vie d’Azi prend une toute autre tournure. Car Anna et l’organisation secrète pour laquelle elle travaille en savent suffisamment sur Azi pour qu’il n’ait pas d’autre choix que de leur obéir. Et ceux qu’on lui ordonne de mettre hors d’état de nuire sont considérablement plus dangereux que la meute de suprémacistes qu’il combattait derrière ses écrans.

Azi va découvrir que le monde réel est infiniment plus dangereux que le virtuel. Et que d’un monde à l’autre, Gomorrhe se nourrit avec la même avidité de l’argent des uns et de l’idéologie des autres pour étendre son règne de terreur.

LA FOSSE D’INTERNET


C’est un livre au contenu technique plutôt lourd mais je l’ai tout de même trouvé très intrigant. C’est un thriller fort qui développe un thème qui a quelque chose de dérangeant puisqu’il développe le sujet du Darknet : le sous-sol d’internet, le <côté obscur> de la technologie dans lequel on trouve des services et des produits qui échappent au contrôle des lois et de la morale.

Et dans son livre, Tom Shatfield va encore plus loin en imaginant GOMORRHE, la basse fosse du darknet, sécurisé au-delà de tout entendement et qui facilite les trafics de toutes sortes, meurtres, complots, armements et par-dessus tout, facilite le terrorisme et va jusqu’à encourager le néonazisme. Gomorrhe masque l’identité de l’utilisateur et ceux avec qui il partage <toute cette désinformation pornographico-islamo-complotisto-nazie> (Extrait)


Afin de mettre hors d’état de nuire le site maudit, on fait appel à Azzi Belo, peut-être le hackeur le plus brillant au monde, <un fantôme dans la machine> (Extrait)

Quoique difficile à suivre tellement son esprit est bouillonnant, Azzi n’a pas fini de vous remuer. Ce thriller m’a captivé et m’a laissé jusqu’à la fin sur mon questionnement : comment venir à bout d’une poudrière aussi intouchable.

Le dernier quart du récit m’a laissé sur un revirement de situation que je n’ai jamais pu prévoir. Gomorrhe cache autre chose…une inimaginable machination, et c’est pas joli.

C’est une histoire solide, haletante, bien écrite et son personnage central est bien travaillé. L’auteur l’a rendu attachant ce qui fait du bien dans un techno-thriller. Azzi est humain, connait des défaites, des déceptions, frôle la mort devant la plus colossale et meurtrière machine issue du darknet.

Il faut prendre ce livre pour ce qu’il est aux dires de l’auteur : <Une œuvre de fiction qui joue délibérément avec la réalité – mélange de plausible et de fantastique, de faits historiques > Extrait. Pour moi, c’est une œuvre d’une grande crédibilité qui n’est pas sans faire réfléchir sur l’incroyable pouvoir que peut procurer internet à des êtres malveillants et sur la nécessité d’en contrôler l’éthique. Un livre dense, rythmé, addictif, un auteur à surveiller.

Suggestion de lecture : PANDEMIA, de Frank Thilliez

l’auteur Tom Shatfield. Son livre a remporté le prix
Douglas Kennedy 2020 du meilleur thriller étranger.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 juin 2024

ARMADA, le deuxième livre d’ERNEST CLINE

*…-Et le cinquième ange sonna de la trompette…et je vis une étoile qui était tombée du ciel sur la terre, et on lui donna la clé du puits de l’abîme, et il s’éleva du puits une fumée comme celle d’une grande fournaise, et le soleil et l’air furent obscurcis par la fumée du puits…* 

(Extrait : ARMADA, Ernest Cline, Hugo éditions, collection Nouveaux Mondes, 2018 pour la version française. Édition de papier, 425 pages)

Beaverton, Oregon, États-Unis. Zack Lightman rêve d’un autre monde. Son père a disparu tragiquement, sa mère rentre tard chaque soir, et au collège, il défend le souffre-douleur de sa classe. Il ne se sent chez lui qu’au Starbase Ace, la salle de jeux vidéo où ses réflexes, son intuition, son sens de la stratégie lui valent déjà une belle réputation. De là à ce qu’un ATS-31 sorti tout droit de l’univers virtuel d’Armada se pose sous ses yeux dans un rugissement de tuyères…Il semble que Zack et tous les joueurs invétérés du monde ont une chance unique de sauver la planète d’une menace extra-terrestre…

AVANT-PROPOS : GEEK

Après recherche, je me suis aperçu qu’il n’y a pas de définition arrêtée du terme GEEK. Toutefois, il y a une définition qui revient très souvent: il s’agit d’une personne passionnée par un ou plusieurs domaines précis plus souvent liés aux cultures de l’imaginaire. Je pourrais dire en fait que c’est une catégorie générique qui inclut les jeux vidéo, les jeux de rôle et bien sûr la technologie informatique.

Le geek est généralement perçu comme cérébral, technophile féru de high-tech. Il y a souvent confusion entre les geeks et les *nolife*, c’est-à-dire les personne qui passent presque la totalité de leur vie à la pratique d’une passion, catégorie dans laquelle se trouve les cyberdépendants. Issu de cette vaste définition, il y a un mot pour qualifier Ernest Cline: PASSIONNÉ et encore très érudit dans un domaine particulier: les technologies du jeu…

GEEK À TEMPS PLEIN

-Si ce soir ce n’est pas la fin du monde, et
si demain nous sommes encore en vie tous
les deux, je suggère une sortie en amoureux
a-t-elle conclu. Tu es d’accord ? -Marché
conclu.-
COMPTE À REBOURS:
QUATORZE MINUTES QUARANTE-NEUF SECONDES
(Extrait: ARMADA)

C’est le plus extraordinaire mélange de styles, de genres et de tendances que j’ai lu à ce jour car le livre fait mention ou évoque les plus grands titres de la science-fiction en littérature et au cinéma, Star-Wars, Galactica, E.T., Alliens, predators, independance day, la guerre des mondes, Armageddon et le plus important sans doute : CONTACT.

Ceux et celles qui ont vu ce film se rappelleront de cette fameuse image retournée à la terre après avoir été captée il y a des dizaines d’année, le Svastika, la croix gammée, triste symbole adopté par les Nazis pendant la deuxième guerre mondiale. Autre film évoqué peut-être encore plus important : 2010, la suite de 2001 Odyssée de l’espace, film qui évoque une présence extra-terrestre sur EUROPE, un des satellites naturels de Jupiter.

Un moment fort du livre ARMADA est cette réunion pendant laquelle des jeunes recrues de l’ADT, l’Association de Défense terrestre, comptant parmi les meilleurs *gamers* du monde, assistent à une présentation multimédia qui confirme l’imminence d’un assaut extra-terrestre massif sur la terre. L’intensité monte en flèche au moment de la découverte d’un énorme Svastika à la surface d’Europe.

L’objectif de l’ADT est d’utiliser les talents de tous les jeunes spécialistes des jeux vidéo en les mettant aux commandes d’engins réels dont plusieurs sont issus d’une technologie extra-terrestre et dont la construction a épuisé les finances mondiales. Ce n’est plus un jeu, mais la crise sera gérée comme si c’était le cas. Le héros de ce thriller haletant est Zack Lightman dont le père mort n’est peut-être pas si mort que ça.

Ne soyez pas surpris de développer une forte impression de déjà vu à la lecture de ce livre. C’est parfaitement voulu par l’auteur qui a fait une espèce de soupe avec des éléments d’œuvres de science-fiction majeures et qui a bousculé gentiment les conventions d’une des plus importantes tendances en littérature et en cinéma.

Il faut connaître l’auteur pour mieux comprendre, Ernest Cline, joueur invétéré, geek à plein temps. Si vous avez lu READY PLAYER ONE de Cline, vous saisirez vite sa démarche, basée sur l’idée que tous les films d’extra-terrestre et les téléséries comme STAR TREK sont réalisées dans le but de préparer l’humanité à être envahie par des aliens.

Malgré quelques irritants, j’ai trouvé ce roman fort, brillamment écrit, un peu emprunté évidemment, mais j’y ai trouvé de brillantes idées, celle par exemple de prêter un petit rôle à des scientifiques brillants qui ont réellement contribué à l’avancement de la science comme par exemple Stephen Hawking, célèbre physicien cosmologiste britannique.

Je pense aussi à l’astronome américain Carl Sagan (1934-1996), un des fondateurs de l’exobiologie. Une autre idée intéressante est la théorie Lightman qui veut que la terre soit simplement mise à l’épreuve.

Un des principaux irritants de ce livre, c’est la redondance. Il y en a beaucoup. Des répétitions, des longueurs. J’ai noté aussi que dans plusieurs passages et épisodes, la simplicité confine à la facilité.

Ce n’est pas un roman qui tranche par son originalité mais il m’a quand même réservé une finale surprenante. J’en étais heureux car je trouvais l’ensemble un peu prévisible. En général, c’est un excellent roman, très techno, rythme élevé. Développement intéressant quoique parfois tiré par les cheveux.

Une petite remarque en terminant. Le livre soulève une question intéressante : puisque la plupart des jeux sont en ligne, les *gamers*de toute la planète seraient-ils surveillés et notés en vue de défendre éventuellement la terre contre une invasion extra-terrestre ?

Suggestion de lecture : LE FACTEUR 119, de Lydie Baizot

Ernest Cline est né aux États-Unis en 1972. Geek jusqu’au bout des ongles, il a commencé par travailler dans un fast-food et dans un vidéoclub, avant de retourner à ses premières amours et d’écrire le scénario du film Fan boys.

Player One, son premier roman, est devenu une œuvre culte dès sa parution et a été adapté au cinéma sous le titre Ready Player One, par Steven Spielberg (mars 2018). Son deuxième roman, Armada, a paru chez le même éditeur en 2018.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 14 août 2021