LE JEU DU MAÎTRE, livre de JAMES DASHNER

tome 2
La révolution

-J’ai préparé trois cercueils à votre intention,
déclara l’agent Weber…-
-Et maintenant, il est temps de vous connecter.
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE, tome 2, La Révolution,
James Dashner, éditions Pocket jeunesse, 2016,
édition de papier, 300 pages)

Voici le tome 2 de la série LE JEU DU MAÎTRE. Il raconte l’histoire de Michaël. Pour ceux et celles qui n’ont pas lu le premier tome, je résumerai en disant que Michaël est un jeune homme qui se passionne pour le VIRTNET : une plateforme de réalité virtuelle à cheval entre le jeu vidéo et le réseau social.

Une seule condition pour avoir accès au VIRTNET : plonger dans le sommeil, relié au serveur par des fils sensoriels. De cette façon, le cerveau de Michaël rejoint cet univers parallèle où il peut rencontrer entre autres ses amis hackers. Mais une série de suicides vient troubler le jeu et ses participants. Un saboteur met en danger l’univers virtuel. Il se pourrait que le danger soit bien réel.

Ainsi, Michaël et ses amis doivent affronter Kaine, un cyber-terroriste, une tangente, un programme informatique doué de sens et son caractère est belliqueux… Dans le tome 1 Michaël a survécu de justesse aux pièges de Kaine. Dans le tome 2, LA RÉVOLUTION , Kaine confirme son projet diabolique : coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. La prise de contrôle a commencé. À défaut d’éliminer Kaine, Michaël doit à tout prix ralentir cette machination infernale.

LES PIÈGES DE L’UNIVERS VIRTUEL
*-Arrête ça tout de suite! Tu m’entends ?
Michaël l’ignora et continua d’entrer
les chiffres… -Encore un seul geste et
je tire! Michaël tapa le dernier chiffre
du code quand il entendit un déclic.*
(Extrait : LE JEU DU MAÎTRE la révolution)

Cette fois-ci, James Dashner nous entraîne dans un monde futuriste, ultra-technologique et dans lequel la réalité chevauche le virtuel. Le monde virtuel est un énorme réseau appelé VIRTNET, accessible par le sommeil. Les habitants permanents du VIRTNET sont des tangentes, c’est-à-dire de simples logiciels. Le héros de l’histoire s’appelle Michael.

Michael était une tangente mais un jour, il a été téléchargé dans le cerveau d’un humain : Jackson Porter dont on est sans nouvelles depuis. Dans le récit, il y a une hypothèse selon laquelle Porter serait *sauvegardé* quelque part. Quant à Michaël, il est devenu un humain, son intelligence virtuelle a pris le corps de Jackson.

C’est l’œuvre de Kaine qui compte coloniser tous les hommes en remplaçant leur esprit humain par un esprit virtuel. Michaël et ses deux fidèles amis, Sarah et Bryson se sont donnés comme objectif de stopper Kaine et de le mettre hors d’état de nuire.

J’ai trouvé l’histoire originale. À certains égards, elle m’a rappelé TRON : le film de science-fiction des studios Disney réalisé en 1982 par Steven Lisberger et qui a eu une suite en 2010. Le roman du film a d’ailleurs été publié chez Hachette jeunesse en 2011. Ceux et celles qui ont vu le film se rappelleront que Flynn a été téléporté dans le jeu vidéo. Aujourd’hui on dirait plutôt *téléversé*.

L’histoire de Dashner va beaucoup plus loin, le récit est poussé au point que Michael et ses amis et, par la bande, le lecteur, ne sont pas toujours certains de savoir où ils sont : dans le réel ou le virtuel? *Il y a tellement de mondes…Le VirtNet est devenu une extension de la vie. Ce qui est ironique, quand on considère mon projet de donner un corps de chair et de sang au plus grand nombre de tangentes possibles…* (Extrait)

En lisant ce livre, j’ai reconnu la plume de Dashner qui m’a fait frémir il y a quelques temps avec L’ÉPREUVE. Plume nerveuse, fil conducteur fluide, rythme élevé voire haletant par moment. Pas de longueurs, pas de temps morts mais la concentration est requise : *Quand l’humanité devient capable de créer un monde si parfaitement semblable au nôtre, comment faire la différence entre ce qui est réel et ce qui ne l’est pas?*

Le talent descriptif de Dashner est remarquable. Je parle de cette capacité d’écrire pour créer l’image des mondes dans l’esprit du lecteur. On s’entend, LE JEU DU MAÎTRE est une fiction, le VirtNet dépasse toutes raisons mais la plume de Dashner pousse le lecteur et la lectrice à y croire.

Personnellement, je n’ai pas vu le temps passer et les pages défilaient vite. J’ajoute à cela que Dashner a créé des personnages très attachants à qui on a attribué un caractère trempé mais réaliste avec des défauts, des qualités. La façon dont ils évoluent dans leur aventure en dit long sur l’amitié, l’esprit d’équipe, l’entraide et l’abnégation. Des qualités auxquelles Dashner nous a habitué dans la série L’ÉPREUVE.

En terminant, LE JEU DU MAÎTRE n’est pas sans nous fournir une sérieuse matière à réflexion. La socialisation dans un monde virtuel implanté tel que décrit dans l’histoire dépasse l’entendement pour l’instant. À notre époque, la technologie évolue à une vitesse grand V. La réalité virtuelle peut-elle s’étendre jusqu’à confondre la réalité ?

Nos futurs enfants trouveront ils le virtuel plus attirant, plus excitant. Ça pourrait donner lieu à un intéressant débat sur l’éthique. Ça donne aussi à réfléchir sur une tare de la Société avec laquelle on compose plutôt mal pour le moment : Le cyber terrorisme.

Toujours est-il qu’en attendant, la finale de LA RÉVOLUTION ouvre la voie évidente à une suite. J’ai très hâte de voir. Entre-temps, je vous invite à lire les deux premiers tomes de cette grande aventure.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, de Martin Michaud

James Dashner est un auteur américain né en 1972. Après avoir écrit des histoires inspirées du SEIGNEUR DES ANNEAUX, il a suivi des études de finances, mais très vite, il est revenu à sa passion de l’écriture. Aujourd’hui, il continue d’inventer des histoires inspirées de ses livres et films préférés. Sa dernière trilogie L’ÉPREUVE connait un immense succès aux États-Unis …tellement qu’après la trilogie Dashner a écrit un nouveau tome pour éclaircir les derniers mystères du labyrinthe.

DU MÊME AUTEUR, ÉGALEMENT COMMENTÉ SUR CE SITE :

Bonne lecture

Claude Lambert

le samedi 23 novembre 2019

VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de JULES VERNE

*Le véritable voyage commençait. Jusqu’alors, les fatigues l’avaient emporté sur les difficultés. Maintenant, celles-ci allaient véritablement naître sous nos pas. Je n’avais point encore plongé mon regard dans ce puits insondable où j’allais m’engouffrer. Le moment état venu…* (Extrait, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, Jules Verne, livre audio édité en 2013 par LE LIVRE QUI PARLE et lu en version intégrale par Bernard Petit. J’ai aussi écouté une version audio courte publiée en 2005 par les éditions Naïve et lue par Jean-Claude Dreyfus et Michel Aumont.)

Image: publication 2013
Axel Lidenbrock est le neveu d’un éminent géologue et naturaliste allemand, le professeur Otto Lidenbrock. L’histoire commence à Hambourg, dans la maison du Pr. Lidenbrock. Le professeur, amateur de vieux livres, a acheté le manuscrit original d’une saga islandaise, Heimskringla, écrite au XIIe siècle, et dans lequel il découvre un parchemin rédigé en caractères runiques. Axel et son oncle parviennent à déchiffrer ce cryptogramme.

Il s’agit du message d’un certain Arne Saknussemm, un alchimiste du XVIe siècle. Celui-ci affirme avoir découvert un passage vers le centre de la Terre, en passant par le Sneffels, volcan inactif situé en Islande. Le professeur Lidenbrock décide de partir dès le lendemain pour l’Islande, emmenant avec lui son neveu Axel. A Reykjavík, ils engagent un chasseur d’eider nommé Hans, qui sera leur guide.

Les trois hommes voyagent jusqu’au pied du volcan Sneffels, et en font l’ascension. Le cratère éteint renferme trois cheminées. L’une d’elles doit être effleurée par l’ombre d’un haut pic, le Scartaris, à midi, «avant les calendes de juillet», c’est-à-dire dans les derniers jours de juin. D’après la note de Saknussemm, là se trouve le passage vers le centre de la Terre…

LE CLASSIQUE DES CLASSIQUES
*Enchanté mon garçon, je suis enchanté.
Nous sommes arrivés. <au…au terme de
notre expédition?> ? Mais non…au bout
de cette mer qui n’en finissait plus…nous
allons maintenant reprendre la voie de terre
et nous enfoncer enfin dans les entrailles du
globe !
>(Extrait : édition année 2005)

Image : publication 2005

Ça faisait longtemps que VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de Jules Verne était dans mes projets de lecture. Plusieurs années même. Difficile de dire pourquoi je repoussais tout le temps. On ne peut pas repousser Jules Verne indéfiniment. Puis j’ai eu la chance de mettre la main sur deux versions audios de ce grand classique. La version narrée par Bernard Petit est plus complète.

Première observation et ça m’a sauté aux yeux…plutôt aux oreilles… j’ai compris à quel point les scénaristes et réalisateurs avaient pris des libertés dans l’adaptation du livre. Le livre est définitivement plus sobre et plus intéressant même s’il est sensiblement moins spectaculaire.

L’histoire est simple. C’est celle d’un scientifique : Otto Lindenbrock, un géologue, brillant mais têtu et légèrement caractériel et Axell, son neveu, un orphelin que le professeur a pris sous son aile. Un jour, Axell découvre un mystérieux parchemin. Le manuscrit, signé Arne Saknusemme, contient des indications précises pour atteindre le centre de la terre en passant par le cratère du Sneffel, un volcan islandais éteint et en utilisant une des cavités éclairées par le soleil un jour précis de juin.

Lindenbrock décide de tenter l’aventure avec Axell et s’adjoindre un guide islandais appelé Hans et voici nos amis partis dans une aventure qui va les marquer pour la vie, frôlant la mort plusieurs fois et composant avec les caprices de la planète qui est fort vivante.

Le livre et la première version audio que j’ai écoutée raconte donc l’odyssée de l’expédition Linderbrock. On s’aperçoit très vite que la science est un objet de littérature pour Verne et c’est la source d’une de mes principales difficultés quand je lis Verne : l’étalement de connaissances et d’explications scientifiques, certaines n’étant pas nécessaires au contenu, d’autres compliquées parce qu’insuffisamment vulgarisées. C’est un élément qui complique la lecture ou l’écoute.

Évidemment quand je lis un livre de science-fiction, je m’attends à un livre d’aventure et non à un cours de science. Verne n’est pas le seul à s’étendre, ce fut le cas de beaucoup d’auteurs. Au moment d’écrire ces lignes je pense surtout à Edgar Allan Poe. Mais il y a quand même un élément très important qui vient contrebalancer la parade scientifique : c’est la beauté de l’écriture qui pousse à l’émerveillement de par ses qualités descriptives.

Il est difficile de ne pas aimer Jules Verne, d’autant que la première version audio que j’ai écoutée était narrée par Bernard Petit avec ses remarquables capacités vocales de passer d’un registre à l’autre et de matérialiser par son harmonique vocale une extraordinaire gamme d’émotions.

Il lui arrive parfois d’en faire trop, de verser sensiblement dans la déclamation mais pas suffisamment pour irriter les oreilles si je me réfère à l’ensemble de la narration. Donc en général, l’écoute fut pour moi très agréable.

Si je reviens à l’histoire, j’ai été un peu surpris du peu de consistance attribuée au guide HANS, à qui Verne semble avoir attribué le rôle d’ange gardien. Ne réfléchis pas, parle très peu mais jamais loin pour sauver tout le monde.

J’aurais souhaité qu’il ait un rôle plus actif. Autre faiblesse à mon avis, mais elle pourrait être discutable, j’ai trouvé la finale expédiée et un peu facile. Au moins, j’ai pu savourer une description extraordinaire des paysages, et ce à tous les niveaux de la descente. C’est un récit très actif et généreux dans ses descriptions

Quant à la deuxième version que j’ai écoutée, je serai bref. Elle est plus courte, plus concentrée, elle est présentée par deux narrateurs avec figurants et musique. C’est une version plus ancienne, pas techniquement au point. Toutefois, j’ai trouvé sa présentation sympathique et très agréable.

Lire Verne, c’est un dépaysement garanti. Bien sûr il y a des invraisemblances, mais l’auteur fut un des plus grands visionnaires de la littérature. N’a-t-il pas anticipé l’idée du sous-marin avec 20 000 lieues sous les mers, et le voyage dans l’espace avec DE LA TERRE À LA LUNE et la théorie de la terre creuse de Pauwells avec VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE.

Il faut lire Verne au moins une fois…dépaysant bien sûr, mais aussi rafraîchissant, relaxant…bon pour le moral. La qualité de l’écriture m’a entraîné au centre de la terre…un moment intense et extraordinaire.

Suggestion de lecture, du même auteur : VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS

Affiche du boitier contenant le DVD du film VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE sorti en juillet 2008 et réalisé par Eric Brevig avec, au cœur de la distribution, Brendan Fraser et Josh Hutcherson. D’après l’œuvre de Jules Verne, scénarisé par Jennifer Flackett, Mark Levin et Michael D. Weiss.

Jules-Gabriel Verne (1828-1905) est un écrivain français dont l’œuvre est surtout constitué de romans d’aventures basés sur les progrès scientifiques de son temps. Rompu d’abord au théâtre, sa rencontre avec Alexandre Dumas va sérieusement influencer la suite.

La rencontre avec l’éditeur Pierre Jules Hetzel, en 1862, et la publication par ce dernier de Cinq semaines en ballon, change le cours de sa vie. Le succès est immédiat et international, si bien que Verne signe un contrat de vingt ans pour produire ses Voyages Extraordinaires, nom attribué à sa série de plus de 70 romans.

 Les plus célèbres (Le tour du monde en quatre-vingts jours, Vingt mille lieues sous les mers, l’Île mystérieuse, Michel Strogoff, Les enfants du Capitaine Grant, Voyage au centre de la Terre, De la Terre à la Lune) sont gravés dans les mémoires et font partie du patrimoine culturel mondial.

L’intérêt particulier de son œuvre, c’est d’y retrouver un amour profond de la science, mêlé avec autant d’art que de sérieux à des idées novatrices et proches de la science-fiction. Beaucoup de ses livres ont été adaptés au cinéma, 20000 lieues sous les mers, produit par Disney, réalisé par Richard Fleischer, et bien sûr, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. (À consulter)

Pour terminer, AUDIBLE.CA offre deux suggestions supplémentaires des versions audios du célèbre classique de Verne :

      

Le cinéma et la littérature nous propose une quantité impressionnante de versions du grand classique de Verne. Les livres audio n’échappent pas à cette tendance. Audible en propose deux autres ci-haut. À gauche, la première version sonore réalisée en 1955 et publiée en 2015, narrée par Jean Desailly. À droite, une version abrégée publiée en 2010 avec le narrateur Éric Legrand.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 15 septembre 2019

ESPERANZA 64, de JULIEN CENTAURE, version audio

Tout frais émoulus de l’École de l’Espace, Nil, Mila, Élisabeth et bien d’autres, sont en train de rejoindre l’Esperanza 64 en orbite. Le vaisseau, à l’instar de ses prédécesseurs, il va, sous deux mois, être lancé vers une étoile proche dans le cadre du programme Exodus. Manœuvré par un équipage de 4 000 hommes et femmes, il mettra des milliers d’années pour atteindre sa destination.

Il emporte dans sa soute 20 000 000 de caissons, communément appelés cercueils, où sont conservés, congelés, les futurs colons de l’hypothétique exo planète viable sur laquelle il faudra s’arrêter et s’implanter. Le programme Exodus est un impose un secret absolu sur ce qui se passe à bord des Esperanza. Il est censé permettre, à terme, d’évacuer la moitié de la population d’une Terre exsangue, rétablissant ainsi l’équilibre des besoins et des ressources.

Mais les Esperanza ont-ils réellement une chance de réussir ? Très vite, l’équipage de l’Esperanza 64 va être confronté à la terrible réalité de l’espace.

*Restait le nombre d’exo-planètes à visiter,
qu’on estimait à 150 milliards. Le projet
Exodus n’envisageait pas à terme l’envoi
de plus de 300 vaisseaux, c’est-à-dire que
chaque vaisseau devrait explorer à lui
seul, 500 millions de planètes. *
(Extrait du livre audio ESPERANZA 64 de
Julien Centaure, lu par Renaud Dehesdin.
Réalisation : studios Audible, mai 2018
origine : 2017, papier, édition indépendante)

QUAND LES YEUX NE SUFFISENT PLUS
*On estima en effet le diamètre de la voie lactée à
100 000 années lumières. C’est-à-dire qu’en
voyageant à la vitesse de la lumière, il faudrait
100 000 ans pour atteindre l’extrémité de notre
galaxie et on aurait alors exploré qu’une ligne
droite…l’exploration de la Voie Lactée était tout
simplement hors de portée de l’être humain qui
n’en verrait jamais le milliardième.*
(Extrait)

C’est un long pavé. Une histoire qui exprime le gigantisme d’une titanesque œuvre humaine. Ce sujet est courant en littérature, et ancien même : Notre bonne terre-mère Gaïa dont les ressources sont épuisées et qui force les hommes à organiser un exode Massif vers d’autres mondes à l’autre bout de notre galaxie.

Le programme Exodus envoie vers l’inconnu des vaisseaux aux dimensions démesurées pouvant contenir plus de 20 millions d’êtres humains en cryoconservation en plus d’un équipage de 4 000 personnes.

Le vaisseau qu’on suit ici est le 64e lancé par Exodus. Le calcul est simple. Ça fait plus d’un milliard 300 milles personnes envoyées dans l’inconnu pour un voyage qui durera environ 15,000 ans. Y’a-t-il un espoir sérieux de survie ou est-ce une forme déguisée de génocide. Et puis qui se souviendra d’Esperanza après 15,000 ans. Voilà…je n’ai fait que donner quelques informations sur le gigantisme du projet Exodus. Mais ça va beaucoup plus loin.

Il y a deux éléments qui m’ont impressionnés dans ce long récit : la démesure. Quand je titre plus haut que les yeux ne suffisent pas, vous comprenez. Tout est énorme dans ce récit…à l’échelle de l’univers. Même les règles tombent dans la démesure :

*Dans les vaisseaux de type Esperanza, vous découvrirez vite que les règles sont très strictes. Un membre d’équipage qui craque est, après un jugement sommaire, expulsé dans l’espace. * (Extrait) Et enfin, il y a l’usure du temps. C’est un phénomène dont l’auteur tient compte tout le long du récit ce qui ajoute à son originalité car en littérature et au cinéma, l’usure du temps est un élément plutôt boudé ou simplement ignoré.

Il n’y a rien de fabriqué par l’homme qui peut durer 15 000 ans. Cet élément apporte un stress qui est comme une excitation, un besoin pour le lecteur de savoir dans quel état sera le vaisseau après 15 000 ans.

Demandons-nous plutôt dans quel degré de délabrement. Je parle non seulement d’usure normale mais aussi des effets des rayonnements et surtout des météorites qui ont frappé le vaisseau de tous côtés. Même s’il est question de science-fiction, l’auteur a marqué son récit par le réalisme.

L’œuvre de Centaure comporte un certain irritant. Environ le tiers du récit est constitué d’explications scientifiques. Je crois bien qu’elles sont essentielles, mais plusieurs de ces explications ne seront comprises que des initiés :

*…mais le pic de température enregistré par le bouclier thermique fut de 16 000 degrés Celsius et la sonde encaissa aussi 228 g de décélération au cours de ce freinage atmosphérique qui dura 2 minutes 30 environ. L’Esperanza 64 n’était pas une sonde équipée d’un bouclier thermique et il irait quatre fois plus vite à 200 km/h. Il fallait donc impérativement trouver un astre pour le freiner. * (Extrait)

Malgré tout, je comprends l’auteur qui a sûrement voulu ajouter au réalisme la crédibilité. Maintenant, vous vous demandez peut-être si l’œuvre a prévu des êtres extra-terrestres. Je dis oui, mais l’auteur a choisi de développé cet aspect avec beaucoup de retenue et a insisté surtout sur l’importance et la qualité de la communication. Bref, l’auteur a dû faire d’importantes recherches scientifiques et technologiques pour rendre son récit le plus cohérent possible.

Je terminerai par quelques commentaires brefs : la présentation audio est intéressante malgré le ton un peu monocorde du narrateur. Heureusement, Renaud Dehesdin a une harmonique vocale très agréable et donc, l’écoute est d’autant agréable. Les personnages sont extrêmement bien travaillés et Centaure leur a ajouté une sensibilité presque palpable. C’est un plus.

En dehors de la complexité scientifique, le texte est fluide, le fil conducteur, solide. C’est bien écrit et ça décrit bien toutes les facettes de l’être humain, ce que j’appelle parfois l’hommerie. Enfin, la suite d’ESPÉRANZA 64, TERRA nous confirme finalement la conclusion du présent tome.

La nouvelle terre sera atteinte. Mais selon vous, il y aura combien de survivants et dans quel état, qu’adviendra-t-il du vaisseau ? Comment seront les premiers jours sur Terra ? Pas le choix, il faut voir ou écouter.

ESPERANZA 64 a été pour moi une très agréable expérience d’écoute.

Suggestion de lecture, du même auteur : LES NETTOYEURS

ESPERANZA 64…LA SUITE

Deux ans après son arrivée en orbite de Terra, l’Esperanza 64 peut enfin débarquer les premiers colons. Ces derniers, contrairement à l’équipage, n’ont pas vécu l’interminable voyage et la mise en place laborieuse des premières installations au sol.

Ils ont dormi 15 000 ans et, à leurs yeux, le contraste est immense entre la Terre, qu’ils ont l’impression de n’avoir quittée que la veille, et cette planète d’accueil où tout reste à faire. Élisabeth, dont le souci initial était de maintenir dans la colonie un niveau technologique suffisant, va être rapidement dépassée par les événements et contrainte à revoir ses ambitions. Survivre se révélera en effet un objectif beaucoup plus réaliste.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le vendredi 24 mai 2019

 

GRAVÉ SUR CHROME, de WILLIAM GIBSON

*Le Drome puait le trafic : arrière-goût métallique de tension nerveuse. Des malabars éparpillés dans la foule jouaient des biceps en échangeant de minces sourires glacés et certains étaient noyés sous de telles masses de muscles greffés, qu’ils n’avaient presque plus figure humaine.* (Extrait : GRAVÉ SUR CHROME, recueil de nouvelles
de William Gibson, T.F. : Éditions La Découverte, 1987. Édition numérique, 190 pages)

GRAVÉ SUR CHROME est un recueil de nouvelles au style cyberpunk évoquant un monde sur encadré par l’hyper technologie, en particulier les technologies de l’information. Le recueil comprend 9 nouvelles dont JOHNNY MNEMONIC (adapté au cinéma), Coécrit avec Michael Swanwick. En tout, neuf nouvelles plongent le lecteur dans l’hyper-technologie, un monde qui peut sembler surréaliste mais qui dépeint une société qui évolue rapidement en développant différents thèmes sociologiques.

Les nouvelles :

1)    Johnny Mnemonic, William Gibson
2)    Fragments de rose en hologramme, William Gibson
3)    Le genre intégré, William Gibson et John Shirley
4)    Hinterlands, William Gibson
5)    Étoile rouge, blanche orbite, William Gibson et Bruce Sterling
6)    Hôtel New Rose, William Gibson
7)    Le marché d’hiver, William Gibson
8)    Duel aérien, William Gibson et Michael Swanwick
9)    Gravé sur chrome, William Gibson

Traduction : Jean Bonnefoy

VERTIGE HYPERTECHNOLOGIQUE
*Chrome : son joli visage enfantin aussi lisse que
l’acier, avec des yeux…gris et froids qui vivaient
sous une terrible pression. On disait qu’elle
mitonnait ses cancers maison pour les gens qui
la croisaient, variation rococo sur mesure qui
prenaient des années à vous tuer.
(Extrait : GRAVÉ SUR CHROME du recueil GRAVÉ SUR CHROME)

En lisant ce recueil de nouvelles vous pénétrez au cœur d’un style littéraire un peu dégingandé pour mon goût quoique très visionnaire, sombre, bariolé, saturé de synthétique, de rebuts et de gadgets ultra-technologiques.

Ce style crépitant fut ourdi par Gibson lui-même avec la publication de son livre NEUROMANCIEN en 1984 qu’on trouve maintenant dans toutes les bibliothèques de SF et dans le top 20 à vie des meilleurs livres de science-fiction.

La plus connue de ces nouvelles est sans doute JOHNNY MNEMONIC adaptée au cinéma et incarné par Keanu Reeves qui transporte dans son cerveau des informations auxquelles il n’a même pas accès lui-même…un disque dur vivant qu’on cherche à éliminer et ce ne sera pas simple…l’archétype du genre : très punk, très cyber, froid.

J’ai eu de la difficulté à lire ce livre au complet. La plume de William Gibson est confuse. Ses nouvelles n’ont à peu près pas de fils conducteurs et prennent toutes sortes de directions. Il m’a fallu souvent revenir en arrière pour comprendre certains développements, certains passages.

Aussi, contrairement à la science-fiction classique, Gibson accorde une importance à mon avis démesurée à la psychologie de ses personnages. Ça crée des longueurs et des temps morts dans un environnement qui explore dans la plupart des nouvelles un monde spasmodique noyé dans une ultra-technologie froide et sans âme.

Après JOHNNY MNEMONIC, je suis tombé sur FRAGMENTS DE ROSE EN HOLOGRAMME, une histoire banale, linéaire. Imaginez un homme qui ne peut pas accepter de vivre sans son ex…qui tente de revivre un passé révolu.

Je me disais au départ que j’aurais quelque chose d’un peu moins techno et plus humain. Très humain en effet mais triste et déprimant à mourir. C’est un récit lent, dépourvu d’action et étouffant par son absence d’espoir.

Il y a quand même une nouvelle qui s’est démarquée des autres et qui est venue me chercher, pas toujours facile à suivre mais offrant au moins une matière accrochante. Comme ça se produit souvent dans les recueils, Gibson a gardé le meilleur pour la fin. Il s’agit de la nouvelle en titre : GRAVÉ SUR CHROME.

Notez que, comme c’est le cas de quelques autres nouvelles, GRAVÉ SUR CHROME va et vient dans le temps et raconte l’histoire de deux hackers très doués qui décident de s’attaquer à la forteresse de Chrome, la barrière informatique hyper sophistiquée d’une entreprise qui gère des milliards dans le cyberespace.

Pour parvenir à briser Chrome, nos magouilleurs récupèrent un programme destructeur russe extrêmement virulent qu’ils utiliseront au péril de leur vie, pour détourner à leur profit, le gigantesque flux financier qui transite au-delà de Chrome. Donc, une seule condition pour réussir : GRAVER SUR CHROME.

Au moins dans cette nouvelle, j’ai senti un but, un objectif, un peu d’action et des indices qui permettent aux lecteurs de sous-peser les chances de Bobby et Automatic Jack, les deux hackers, de réussir ou de se planter.

Là aussi, il y a des digressions, des longueurs, de longs passages sur les états d’âme des principaux acteurs mais au moins j’ai pu m’accrocher à une intrigue, bénéficier d’une plume plus structurée, plus disciplinée et même un peu plus chaude. J’ai beaucoup apprécié la finale. Dans l’ensemble, GRAVÉ SUR CHROME est un beau texte.

Voilà, tout est une question de goût finalement, je vous ai donné quand même une bonne idée du monde dans lequel nous fait plonger Gibson : un monde glacial, échevelé, étouffé par une puissante circulation de l’information, un monde saturé de drogues synthétiques qui flirt dangereusement avec la criminalité.

C’est ce qu’on appelle le CYBERPUNK. En faire l’essai pourrait en convaincre plusieurs que, finalement, rien ne pourra jamais occulter la science-fiction classique.

Personne ne pourra mettre dans l’ombre George Orwell qui nous a donné 1984, Frank Herbert, le créateur du cycle de DUNE, Isaac Asimov, à qui on doit le cycle de FONDATION, Ray Bradbury avec les chroniques martiennes, Dan Simmons avec son cycle d’Hypérion, René Barjavel qui nous a donné LA NUIT DES TEMPS et j’en passe vous vous en doutez bien.

Toutefois, je me permets d’ajouter à cette liste un ouvrage dont le style pourrait se rapprocher sensiblement de celui de William Gibson : LE GUIDE DE VOYAGEUR GALACTIQUE, la saga H2G2 de Douglas Adams publiée en 1979.

Vous savez…la fameuse trilogie publiée en cinq volumes. J’ai déjà commenté sur ce site le 2e opus :  LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE.

Voilà amis lecteurs, amies lectrices, vous voici aux portes de deux mondes : la science-fiction classique qui recèle d’extraordinaires trésors et une science-fiction émergente appelée CYBER-PUNK. Si comme moi, vous voulez essayer des nouvelles tendances sans garantie d’aimer, alors je vous invite à lire GRAVÉ SUR CHROME.

William Gibson est un écrivain américain né en 1948 en Caroline du Sud. En 1968, pour éviter d’être envoyé au Vietnam, il fuie vers le Canada, et reprend ses études. Vers la fin des années 70, Gibson commence à écrire des nouvelles.

Il développe des sujets d’anticipation sur la réalité virtuelle alors émergente, la cybernétique et sur un portrait de la race humaine dans un futur pas si lointain.

Gibson se spécialise donc en science-fiction mais dans un style plutôt gothique qui adopte la tendance punk également émergente à l’époque. Le CYBERPUNK est né officiellement en 1984 avec NEUROMANCIEN, détenteur de plusieurs prix.

Deux de ses nouvelles seront portées à l’écran (voir plus bas). Enfin, Gibson collaborera avec Tom Maddox à l’écriture de deux épisodes de la célèbre série X-FILES. 

Même titre pour le film et la nouvelle : JOHNNY MNEMONIC, scénarisé par l’auteur de la nouvelle : William Gibson. Production Canado-américaine réalisé en 1995 par Robert Longo avec Keannu Reeves, Dolph Lundgren et Dina Meyer.

   

Là aussi, même titre pour le film et la nouvelle : HOTEL NEW ROSE FILM AMÉRICAIN SCÉNARISÉ PAR William Gibson et réalisé par Abel Ferrara en 1998 avec Asia Argento, Christopher Walken et Willem Dafoe.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 25 mars 2018

LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ, de Catherine Dufour

*Tous les refuges … tous les employés de la suburb…sont biométriquement fichés. Et piégés. Une puce explosive près de la colonne vertébrale, une pointe de toxines dans le cervelet, et toutes les matrices d’activation de ces microsaletés sont aux mains de Path.* (Extrait : LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ, Catherine Dufour, Les Éditions Mnémos, 2005, num. 215 pages)

Ce livre est le récit d’une vieille dame. L’histoire se déroule en 2013 en Mandchourie. Après son effondrement, l’occident n’a pratiquement plus d’influence et la dystopie règne sur la planète devenue moribonde, à l’écologie mourante et assise sur un système politique pourri.

Une puissante transnationale délègue un agent pour enquêter sur l’apparition de nouveaux cas d’une maladie qu’on croyait éradiquée depuis fort longtemps. Les recherches de l’agent l’amènent à Ha Rebin, une ville aux tours énormes et polluées à l’extrême.

L’agent Cmatic y fait la rencontre d’une étrange adolescente avec laquelle il va s’allier pour mener à bien sa mission et découvrir une vérité à laquelle il n’était pas préparé et un questionnement : serions-nous prêts à affronter l’immortalité?

FUTUR NOIR
*Je les ai vues jaillir du sol, ces saloperies passaient entre
les planches par milliers. On aurait dit des fumerolles de
volcan, et elles se sont ruées sur moi!…elles m’ont grouillé
dessus comme des vers sur un cadavre, je ne voyais plus
rien, et ça remuait, ça bougeait, avec ce ronflement de
cargo…*
(Extrait : LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ)

LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ est d’abord le récit d’une vieille dame qui évoque les évènements qui ont marqué sa jeunesse dans les années 2200. Elle y explique son parcours et les personnages qu’elle a rencontrés en particulier Cmatic, l’entomologiste-enquêteur, Cheng, une jeune fille en perdition et Iasmitine qui est selon moi le personnage le plus énigmatique de cette histoire.

C’est un récit étrange, profond, très noir et qui nécessite beaucoup de concentration car le style pourrait vous sembler monotone, la longue narration ne comportant que peu de dialogues, pas beaucoup d’action.

Ajoutons à cela beaucoup d’espace consacré à la psychologie des personnages, un vocabulaire riche et souvent complexe et la culture asiatique dans laquelle évoluent les personnages qui m’est peu familière d’autant que l’histoire se déroule au 23e siècle. Donc l’auteure se laisse aller ici à l’anticipation du futur de l’humanité…un futur qui m’est apparu extrêmement glauque.

L’histoire est développé autour de deux thèmes qui sont loin d’être nouveaux sur le plan littéraire : premièrement les différences de statuts sociaux qui se résument clairement dans le récit : les riches et les pauvres, les forts et les faibles d’une façon plus précise eu égard à la vision de l’auteure.

Il faut préciser ici que l’histoire se déroule surtout dans une mégalopole où les gratte-ciels sont d’une hauteur vertigineuse. Les biens nantis sont dans les étages supérieurs, les paumés en bas du 10e étage où la vie devient opaque, gluante et où la lumière du jour pénètre à peine.

Deuxième thème, l’immortalité. Ce n’est pas un thème original en soi mais il faut voir de quelle façon l’auteure déploie ses personnages autour de ce rêve universel. C’est à ce niveau que j’ai accroché, en particulier sur le personnage de Iasmitine, dispensatrice du philtre de la vie éternelle mais à quel prix? Ou devrais-je dire au prix de combien de vies et de souffrance.

C’est un roman très sombre, dérangeant où la mort et la vie s’entremêlent et dans lequel Catherine Dufour développe une vision tout à fait cauchemardesque du futur avec une touche de réalisme à faire frémir. Ce roman n’est pas facile à lire. Les chapitres sont très longs et la façon dont ils se suivent ne m’a pas semblé toujours logique. Mieux vaut le lire d’un coup ou tout au moins ne pas fermer le volume trop souvent.

Malgré tout, je recommande ce livre car il est d’une magnifique profondeur et est porteur de questionnements et de réflexion sur l’immortalité comme but à poursuivre. On ne peut faire autrement que de se questionner.

Par exemple, avec l’avenir que l’humanité actuelle prépare à ses enfants, comment la terre pourrait-elle supporter une humanité immortelle? Jusqu’où irions-nous pour vivre éternellement? Est-ce que le jeu en vaut la chandelle? Quel serait le coût de l’immortalité en argent, en souffrances, en qualité de vie?

Ce livre est d’une grande force qui fait vibrer et pousse à la réflexion.

*La vie est une drogue terrible*

Suggestion de lecture : MENVATTS, IMMORTEL de Dominic Bellavance

Catherine Dufour est une écrivaine française née en 1966. Elle commence à écrire à l’âge de sept ans et, forte d’une plume habile,  publie à 30 ans son premier roman : NESTIVEQNEN. Elle atteint la notoriété en 2005 avec LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ, roman de science-fiction et d’anticipation.

Elle se signale aussi dans le recueil L’ACCROISSEMENT MATHÉMATIQUE DU PLAISIR dans lequel elle signe une nouvelle d’une exceptionnelle beauté : L’IMMACULÉE CONCEPTION, lauréate du grand prix de l’imaginaire 2007. Son expérience personnelle guide intimement sa plume sur des thèmes évocateurs et délicats comme la mort et la souffrance entre autres comme en témoigne LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ.

Suggestion de lecture : LE LIVREUR de Marie-Sophie Kesteman

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2016

LA GUERRE DES MONDES, le livre de H.G. Wells

*Cette nuit-là, sous les étoiles, près de quarante personnes gisaient autour du trou, carbonisées, défigurées, méconnaissables, et jusqu’au matin, la lande, de Horsell à Maybury, resta déserte et en feu.* (Extrait : LA GUERRE DES MONDES, H.G. Wells, publié en 1898, réédité par ebooksLib.com en novembre 2011 en version numérique. 410 pages)

Un soir de juin 1900, un météore s’abat près de Londres, bientôt suivi de nombreux autres. Le phénomène devient mondial. Des cratères calcinés qu’ils ont creusés dans le sol émergent alors d’énormes tripodes, terrifiants engins de guerre venus de Mars pour envahir la Terre et dont la puissance n’a d’égale que la cruauté! les armes terrestres s’avèrent inefficaces et l’annihilation de l’espèce humaine qui semble inéluctable.  Partout sur la terre c’est la panique et la désorganisation totale. Tous les efforts des armées et des scientifiques pour contrer l’envahisseur sont vains jusqu’à ce qu’un allié imprévu donne un vibrant espoir à l’humanité.

UN GRAND CLASSIQUE DE LA SF

*La façon dont les Marsiens (1) peuvent si
rapidement et silencieusement donner
la mort est encore un sujet
d’étonnement.
(1) écrit comme tel dans le texte
(extrait : LA GUERRE DES MONDES)

LA GUERRE DES MONDES est sûrement l’histoire qui m’a le plus fasciné pendant mon adolescence. Je parle ici de l’adaptation cinématographique produite en 1955. Un *remake* et 45 ans plus tard, Je me suis décidé à lire le livre, toujours aussi passionné et intrigué par le sujet. Disons que j’en ai apprécié la lecture sans en être trop emballé. En fait, le récit est en équilibre entre une force importante et une faiblesse majeure.

Commençons par la force. Wells a été le premier à raisonner sur l’existence possible des extra-terrestres en leur donnant une identité, un objectif, des forces et des faiblesses. Même si on sait aujourd’hui qu’il ne se passe rien sur la planète Mars, les aspects scientifiques dont le récit est imprégné sont plausibles.

Les extra-terrestres auraient pu venir de n’importe où comme l’a exprimé Rolland Emmerich dans INDEPENDANCE DAY.

Ensuite j’ai eu l’impression que Wells laissait un message à l’humanité qui se croit le nombril de l’univers, laissant à penser que nous ne sommes que les locataires de ce monde comme l’a si bien exprimé Peter Hyams dans le message final du film *2010*, la suite du célèbre 2001, L’ODYSSÉE DE L’ESPACE.

L’humanité n’est pas à l’abri. Donc le récit est issu d’un schéma de pensée fort bien organisé, sérieux et quelque peu visionnaire, et qui accuse un caractère politique et scientifique extrêmement intéressant et crédible. Je passerai enfin rapidement sur la finale en disant qu’elle est géniale et là encore tout à fait plausible, les plus petits organismes de la terre ayant leur mot à dire dans l’équilibre de la nature.

Quant aux faiblesses, je dirai que le récit comporte des irritants, le principal étant l’absence d’émotions. L’histoire est racontée par un témoin des évènements avec une froide précision de journaliste. Le récit accuse des longueurs, de la lourdeur. Il y a très peu de dialogues. J’avais l’impression, par moment, de lire un documentaire.

Le livre a aussi un côté très *vieille plume* typique du XIXe siècle, héritage d’un temps révolu qui fait de LA GUERRE DES MONDES une histoire qui a mal vieilli.

Dans l’histoire, il y a beaucoup de destruction, mais pas vraiment de confrontations spectaculaires. Ce n’est pas autant une guerre qu’un carnage et puis le récit se limite à l’Angleterre. Ça peut paraître curieux mais c’est le cinéma qui a réactualisé ce livre qui continue d’être lu et réédité.

Pour les forces que contient ce livre, et si j’y ajoute un petit côté spéculatif intéressant, j’en recommande la lecture.

Suggestion de lecture : ARMADA, d’Ernest Cline

À droite, image d’un tripode extraite d’une ancienne édition de la GUERRE DES MONDES.

En bas, version moderne du tripode, vue dans l’adaptation cinématographique de la guerre des Mondes réalisée en 2005 par Steven Spielberg, avec Tom Cruise.

Herbert George Wells (1866-1946) est un écrivain britannique, considéré comme le père de la Science-Fiction. Plusieurs  de ses romans ont marqué la littérature à partir de son tout premier publié en 1895 : LA MACHINE À REMONTER LE TEMPS.  journaliste, professeur et libre-penseur, Wells a été le premier auteur a donné un caractère éthique à la littérature de science-fiction en dénonçant les abus d’une technologie omniprésente et d’une course effrénée vers le progrès. Il aura été une inspiration pour plusieurs auteurs de renom qui ont suivi dont Isaac Asimov, Orson Welles, René Barjavel et plusieurs autres. Il a écrit plus de 80 romans.

LA GUERRE DES MONDES AU CINÉMA
Le classique de HG Wells a été adapté au cinéma deux fois, en 1953 et 2005 et il a bien sûr inspiré de nombreuses autres productions comme INDEPENDANCE DAY pour ne nommer que celle-là. Quant à savoir quel film se rapproche le plus de la réalité du livre, j’opte sans hésitation pour le remake de 2005, LA GUERRE DES MONDES réalisé en 2005 par Steven Spielberg avec Tom Cruise.

Je dois dire toutefois que j’ai trouvé la version originale de 1953 LA GUERRE DES MONDES réalisée par Byron Haskin avec Gene Barry tout à fait fascinante. Les deux versions sont très différentes, chaque réalisateur développant des aspects du livre ignorés par l’autre.

Les martiens et leurs engins versions 1953 et version 2005

Anecdote:
En 1938, Orson Welles présentait son adaptation radiophonique de LA GUERRE DES MONDES sur CBS. Le réalisme de l’adaptation était tel que plusieurs crurent à une véritable invasion martienne. Il y a eu dit-on plusieurs scènes de panique. À ce sujet, je vous suggère la lecture d’un dossier très intéressant publié par  www.cafardcosmique.com

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2016

LA FIN DU MONDE, de CAMILLE FLAMMARION

*Presque aussitôt tous les cadavres seraient
carbonisés, incinérés et, dans l’immense
incendie céleste, seul l’ange incombustible
de l’apocalypse pourrait faire entendre, dans
le son déchirant de la trompette l’antique
chant mortuaire tombant lentement du ciel
comme un glas funèbre…*
(extrait : LA FIN DU MONDE, Camille Flammarion,
édition originale : 1894 chez Flammarion, réédité
numériquement en 2011 chez FVE. 458 pages.)

Au XXVe siècle, l’humanité est confrontée au pire danger de son histoire. Les savants ont annoncé qu’une comète neuf fois plus grande que la terre doit entrer en collision avec celle-ci. La fin de l’humanité semble inévitable. Cette nouvelle dramatique entraîne un long débat sur une des craintes fondamentales de l’être humain à l’origine de tant de prophéties et prédictions : LA FIN DU MONDE. Panique et maladies nerveuses sont au nombre des réactions humaines jusqu’au choc final où l’humanité sera tourmentée par la chaleur incendiaire, et l’empoisonnement de l’atmosphère. L’humanité survivra-t-elle. 

UNE IDÉE DE LA FIN
*Quel supplice attendait les hommes?…
La peur qui fige le sang dans les artères
et qui anéantit les âmes, la peur, spectre
invisible, hantait toutes les pensées,
frissonnante et chancelante…*
(Extrait : LA FIN DU MONDE de
Camille Flammarion.)

L’édition originale de LA FIN DU MONDE remonte à 1894 et a été rééditée plusieurs fois par la suite. L’ouvrage fait partie d’une collection de livres réimprimés à la demande par l’éditeur Hachette. La dernière édition, toute récente est de 2012. Je signale aussi que l’éditeur FVE a publié une version numérisée en 2011. Ce livre, considéré comme un classique est donc toujours accessible.

LA FIN DU MONDE est issu d’une littérature d’un autre âge. Avec un recul de 120 ans, Flammarion expose sa vision du futur. On aurait pu croire au départ qu’il exposait son œuvre à la désuétude au fil des ans, mais je dirais que, même en 2016, ce livre contient quantité d’éléments extrêmement actuels.

C’est un livre en deux parties : dans la première moitié, l’auteur donne la parole à toutes sortes de spécialistes qui viennent exposer leurs visions de la fin du monde. Cette partie est hautement scientifique, bourrée de calculs complexes.

C’est long, c’est compliqué, mais les scénarios exposés sont scientifiquement plausibles et restent même de nos jours sujets à débat. Ça demande une attention soutenue mais j’ai trouvé ça très intéressant.

La deuxième partie est beaucoup plus passionnante car elle développe ce qui attend la planète après le choc cométaire. Cette partie verse donc dans la philosophie, la psychologie, les prédictions déductives et dresse un portrait plutôt idéaliste de l’avenir de l’humanité.

L’ouvrage ne peut être totalement actuel car l’auteur n’a pas tenu compte de deux éléments importants qui caractérisent l’homme d’aujourd’hui : son caractère autodestructeur et la pollution. Ici, je peux comprendre Flammarion.

Le livre a été écrit à une époque où la destruction de masse était peu envisageable, l’arme nucléaire n’étant inventé que beaucoup plus tard. Quant à la pollution, aucune société n’avait vraiment développé de conscience environnementale au 19e siècle..

Tous les autres éléments du volume demeurent actuels. Je suis demeuré sceptique quant au portrait du futur que propose l’auteur…trop beau pour être vrai allant même jusqu’à prédire le désarmement total, une parfaite égalité entre l’homme et la femme et l’atteinte d’une inimaginable sagesse pour l’humanité.

En fin de compte, c’est un livre intéressant mais atypique…peu romancé, pas beaucoup de dialogues, pas de héros, beaucoup de théories scientifiques plausibles mais complexes, quelques-unes sont devenues caduques avec le temps, mais l’ensemble est bien documenté et dépeint surtout avec une remarquable précision la nature humaine.

C’est ce qui rend ce classique passionnant à lire encore de nos jours car il propose une  sérieuse réflexion sur la vie qui est un éternel recommencement. Surprenant, visionnaire, intéressant…

Suggestion de lecture : LES COUREURS DE LA FIN DU MONDE, d’Adrien J. Walker

Camille Flammarion (1842-1925) était un écrivain et scientifique français, passionné d’astronomie. Il a beaucoup contribué à vulgariser cette science en fondant la Société Astronomique de France et en écrivant de nombreux ouvrages. Il a publié plus d’une cinquantaine de livres dont ASTRONOMIE POPULAIRE qui l’a rendu célèbre (1880) et LA PLURALITÉ DES MONDES HABITÉS (1862).

Flammarion est particulièrement passionné par la planète Mars qu’il observe avec obstination. Il est aussi versé dans le spiritisme qu’il considère comme une science. Il a même rédigé des ouvrages sur la communication avec les morts et sur les maisons hantées. ASTRONOMIE POPULAIRE reste son œuvre majeure.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2016

LE BERCEAU DU CHAT, livre de KURT VONNEGUT Jr

*Soit dit en passant, Bokonon nous apprend que
lorsqu’un des membres d’un duprass meurt,
l’autre le suit dans la semaine. Quand vint pour
les Minton le temps de mourir, ils le firent tous
deux à la même seconde.*
(extrait de LE BERCEAU DU CHAT de Kurt Vonnegut Jr,
Éditions J’ai lu, t.f. Éditions du Seuil, 1972, num. 160 pages)

Un journaliste appelé Jonas projette l’écriture d’un livre sur Hiroshima et un des inventeurs de la bombe qui a détruit la célèbre ville, le docteur Hoeniker qui a aussi inventé la *glace 9*, un redoutable produit qui solidifie tout ce qui est liquide. Ses recherches l’amènent à San Lorenzo,  une île des caraïbes dirigée par un dictateur aidé d’un prophète appelé Bokonon qui annonce une imminente apocalypse. Jonas découvre que la famille a conservé le secret de cette terrifiante invention qu’est la *GLACE 9*. Jonas se rend compte que sur une toute petite île, une invention de fin du monde et la présence d’une secte agressive, ne font pas ce qu’on appellerait  un ménage idéal…

En hommage à la stupidité humaine

*Faite par une femme, une telle musique
ne pouvait s’expliquer que par un cas de
schizophrénie ou de possession
démoniaque…
(extrait de LE BERCEAU DU CHAT)

LE BERCEAU DU CHAT est un récit à l’évolution lente et constante qui met en perspective la stupidité humaine et l’absurdité de la démarche de l’homme et de son caractère destructeur qui le pousse à l’intrigue, à l’indifférence et au cynisme.

Par bonheur, j’ai bien toléré les nombreuses longueurs du récit dans les trois premiers quarts du livre en essayant de comprendre la démarche de l’auteur, où il voulait en venir. Ma patience a été récompensée. Le dernier quart du récit plonge le lecteur, la lectrice dans une finale spectaculaire et dramatique dans laquelle l’auteur semble vouloir préciser toute sa pensée sur l’incroyable puissance de la bêtise humaine.

Dans LE BERCEAU DU CHAT, la bêtise humaine est décriée par Vonnegut par sa plume dense et incisive qui apparente son récit à un réquisitoire. Il pointe sévèrement du doigt la connerie humaine.

Il faut être patient je le rappelle, pour lire ce récit qui accuse un crescendo lent. Toutefois, il y a un élément dans le récit qui a gardé mon intérêt constant : l’omniprésence de la *glace9*, cette invention monstrueuse de fin du monde, heureusement fictive, enfin pour l’instant je suppose, et qui, dans la finale du récit montre tout ce qu’elle peut faire, ou, devrais-je dire, défaire. Pour faire un petit jeu de mot un peu ampoulé, je dirais que la glace 9 m’a gardé chaud.

Je précise aussi que Vonnegut n’a pas fait d’efforts particuliers pour rendre ses personnages attachants. Dans un contexte de mise en lumière de la stupidité, c’était probablement secondaire.

Je recommande la lecture de ce livre. Il est un peu picaresque et a un petit côté humoristique, mais surtout, il est porteur d’une réflexion profonde sur la stupidité humaine, au danger que représente l’homme pour lui-même, à son caractère ravageur, même si j’aime à penser que l’humanité a de belles qualités qu’elle devrait mettre davantage en valeur. Malheureusement, le récit ne développe qu’un seul côté de la médaille.

Suggestion de lecture : CARBONE MODIFIÉ, de Richard Morgan

Kurt Vonnegut (1922-2007) est un écrivain et journaliste américain. Sa vie est une suite de drames en commençant par le suicide de sa mère, et surtout le fait qu’il a été fait prisonnier par les allemands pendant la bataille des Ardennes, qu’il a goûté aux camps de travail et qu’il a échappé de justesse au plus grand carnage de la seconde guerre : le bombardement de Dresde.

Il s’en inspirera  pour écrire en 1969 ABATTOIR 5 qui deviendra le livre phare de son œuvre. Vonnegut trouvera sa voie en 1959 avec LES SIRÈNES DE TITAN, en adoptant un style incisif, acide, parodique et très engagé.

BONNE LECTURE
JAILU
FÉVRIER 2015

LE PRISONNIER, livre de Thomas DISCH

*-Vous êtes prisonnier numéro 6, C’est aussi simple que cela. -Je doute que, même dans ce village, rien ne soit aussi simple que cela. Je ne suis pas numéro 6, je ne suis pas un prisonnier, je suis un homme libre. (extrait de LE PRISONNIER, Thomas Disch, 1969. Presses de la Renaissance 1979 pour la traduction française. Édition numérique, 295 pages.)

Après avoir démissionné avec fracas, un agent des services secrets britanniques est kidnappé et envoyé dans un joli petit hameau isolé et bien organisé qu’on appelle le Village. Les citoyens du Village ne sont identifiés que par un numéro. Le nouvel arrivant porte le numéro 6. Le village est dirigé par le numéro 2  Son objectif : arracher des renseignements au numéro 6 et comprendre pourquoi il a démissionné et quels sont les secrets d’état qu’il aurait pu vendre éventuellement à l’étranger. Tous les moyens sont bons : drogues, lavage de cerveau, contraintes psychologiques…bons moyens,  mais peu efficaces… son esprit semble impénétrable.

Bonjour chez vous…

*-Où suis-je?
-Au Village.
-Qu’est-ce que vous voulez?
-Des renseignements.

-Vous n’en aurez pas.
-De gré ou de force, vous parlerez.
-Qui êtes-vous?
-Je suis le nouveau numéro 2.
-Qui est le numéro 1?
-Vous êtes le numéro 6…*
-Je ne suis pas un numéro
Je suis un homme libre.
(extrait : Télésérie  LE PRISONNIER)

Le livre de Thomas Disch évoque une des séries les plus énigmatiques de l’histoire de la télévision : LE PRISONNIER, une série de 17 épisodes que j’ai vue et revue et qui m’en apprend encore. Je ne peux faire autrement que de lier les deux intimement aux fins de mon commentaire. Il y a tout de même des différences importantes.

Dans le livre, les villageois ne se saluent pas par un joyeux  BONJOUR CHEZ VOUS.  Cette expression est une trouvaille de Jacques Thébo, la voix française du numéro 6. Autre différence : dans le livre, le numéro 2 ne change pas et on ne le voit pratiquement pas. Le livre est  beaucoup moins enlevé que la série, Disch concentrant davantage l’intrigue sur la pression psychologique exercée sur le numéro 6.

Pour le reste, tout y est : le rôdeur, la sphère gardienne du village, on ne sait pas qui est le numéro 1, le numéro 6 s’échappe une fois et se retrouve à Londres avant d’être repris et ne communiquera jamais les renseignements demandés, etc.

Les lecteurs et lectrices qui ont vu la télésérie feront obligatoirement des liens. Sinon ils découvriront simplement une dystopie un peu étouffante qui n’est pas sans faire réfléchir sur les fondements et les limites de la liberté. Et c’est ici que je veux m’attarder un peu sur le livre de Thomas Disch.

C’est un livre étrange à caractère fortement onirique. En fait, il m’a forcé à jongler avec le rêve et la réalité et dans cette histoire la frontière est fragile. Une phrase captée en cours de lecture illustre bien ma pensée : *Moi je n’ai jamais su avec certitude à quel moment on m’avait sorti de ce foutu aquarium. Les rêves étaient absolument aussi réels que vous l’aviez annoncé. Beaucoup plus réels que tout ça…-Qui peut dire que c’est réel? Cela ne porte aucune des écorniflures de la réalité. Je suis sûre que tant que vous demeurerez au village, vous serez dans le doute…*

Donc c’est parfois difficile de s’y retrouver. Si Disch force le lecteur à se concentrer, il force aussi son admiration car il l’installe dans un labyrinthe psychologique sans entrée ni sortie et dans lequel interviennent des personnages profonds et énigmatiques…gardiens ou geôliers, réels ou oniriques, sympathiques ou belliqueux? C’est un défi pour le lecteur qui pourrait lire le livre 10 fois et en tirer autant d’interprétations.

Ce livre est truffé de double-sens et d’énigmes et met continuellement à l’avant-plan le sens de la réalité du lecteur : *Allez donc donner un coup de pied dans un rocher pour permettre au rocher de prouver à votre pied qu’ils sont aussi réels l’un que l’autre.*

Comme la plupart des dystopies, la trame de cette histoire est complexe et étouffante et ce, même si la cage est dorée. Le numéro 6 est un sujet d’expérience et c’est au lecteur d’en tirer les conclusions car dans le livre, le jeu n’aboutit pas vraiment… une intéressante réflexion sur notre place dans la société et sur la définition de la liberté.

J’ai apprécié la lecture de ce livre mais je sais que je devrai y retourner tôt ou tard. Il est étrange, mais l’idée est originale. Quant à savoir s’il a exercé sur moi la même fascination que la télésérie…alors là, pas du tout mais je pressens toutefois qu’il ferait une excellente base pour le scénario d’un film…

Suggestion de lecture : AU-DELÀ DU RÉEL, livre sur la série culte de Didier Liardet

Thomas M. Disch (1940-2008) est un écrivain américain de science-fiction. Ses premières nouvelles sont publiées en 1960. Il atteint la notoriété avec deux romans à saveur politique : GÉNOCIDE en 1965 et CAMP DE CONCENTRATION EN 1970. En 1969, il publie LE PRISONNIER qui préfigure la série télévisée du même nom. En 1983, pour récompenser l’excellence en littérature de science-fiction, il crée le prix PHILIP K. DICK en hommage au célèbre auteur. Après la mort de son compagnon en 2005 et souffrant de dépression, Thomas Disch se suicide le 5 juillet 2008.

Patrick McGoohan (1928-2009) était un acteur américain. Il connaîtra la consécration de vedette internationale grâce à l’espion britannique JOHN DRAKE qu’il incarne dans la série DESTINATION DANGER au début des années 60. Puis, comme s’il s’agissait d’une suite logique, il conçoit, produit, scénarise et réalise la série LE PRISONNIER. Il a joué dans plus d’une vingtaine de films sans compter les épisodes de Colombo aux cotés de Peter Falk. Il a également prêté sa voix dans un épisode des SIMPSON où il incarnait son propre personnage de la série LE PRISONNIER.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2015

LE TROUPEAU AVEUGLE, de JOHN BRUNNER

*Il faudrait que vous puissiez voir ce qui défile
sous mes yeux chaque jour dans ce cabinet!
Des enfants de bonne famille, déficients à cause
d’un empoisonnement par le plomb! Aveugles
à cause d’une syphilis congénitale, également!
bourrés d’asthme, de cancer des os, de leucémie,
et Dieu sait quoi!*
(extrait de LE TROUPEAU AVEUGLE, John Brunner,
éditions Robert Laffont, 1975, 220 et 199 pages, num.)

LE TROUPEAU AVEUGLE est le portrait romancé d’une humanité du futur étouffée par la pollution, où le soleil est caché en permanence par un smog acide. Des populations entières souffrent d’allergies et d’intolérance à une nourriture de plus en plus corrompue. Pluies acides, pénurie d’eau potable, infections, grossesses à risque, maladies et autres tares assaillent l’humanité. Dans ce chaos écologique, un homme sort de l’ombre pour secouer les êtres humains, les conscientiser et mettre au pas les principaux responsables de ces dramatiques dérèglements de la nature.

Cet homme, c’est Austin Train, philosophe écologiste, contestataire et rebelle dont le nombre de partisans appelés *trainites* augmente considérablement chaque jour au grand déplaisir des États-Unis, artisans  de ce désastre mondial, étant jugés *plus grand exportateur de gaz toxiques* à l’échelle de la planète.

Un parfum de lente agonie
*Veuillez contribuer
à maintenir la jetée propre
jetez vos détritus dans l’eau*
(ex. LE TROUPEAU AVEUGLE)

C’est un livre intéressant de par le thème qui y est développé : la pollution. Le livre a été publié en 1975 et conserve toute son actualité. Toutefois, il y a plusieurs irritants. La lecture de ce livre nécessite une bonne concentration car le fil conducteur de l’histoire est fragile, prenant des directions souvent aléatoires. Les lecteurs/lectrices devront aussi composer avec une grande quantité de personnages. Il pourrait être facile de s’y perdre.

Ce qui m’a le plus frappé dans ce livre est l’incroyable pessimisme dont l’auteur fait preuve : en effet, Brunner décrit une humanité qui s’installe progressivement et inexorablement dans un mal-être généralisé : un monde où les distributeurs d’oxygène sont plus répandus que les distributeurs de boissons gazeuses.

Le soleil est perpétuellement caché par le smog, il pleut de l’acide, des cours d’eau et des mers meurent, nourriture et eau empoisonnées, des populations entières prises de folie ou attaquées par la maladie, les bactéries, allergies généralisées, décroissance rapide de l’espérance de vie…

Ajoutons à cela l’apathie, l’absence de volonté politique et l’impuissance des gouvernements…dans cette histoire, il n’y a pas d’espoir. Il y a bien une petite lueur à la fin du tome 2, mais infime.

Et puis il y a Austin Train, l’homme qui ose dénoncer, dire la vérité, agir… mais il est traqué comme l’ennemi public numéro un. C’est une histoire extrêmement sombre qui, à toute fin pratique, se limite à décrire le chaos. Il n’y a pas vraiment de recherche d’équilibre.

Même si l’ensemble est dramatique, voire terrifiant, il y a tout de même des points forts qui rendent l’œuvre incontournable : le récit est bien documenté. Bien que très alarmiste, la description des effets à long terme de la pollution est crédible. J’ai ressenti l’urgence et de l’émotion.

Le TROUPEAU AVEUGLE est un roman dur, impitoyable et dérangeant. Son message est simple au fond : la terre-mère souffre…message évoqué dans une phrase très révélatrice que j’ai notée en cours de lecture : *Loués soient, si quelqu’un est là pour entendre, ceux qui luttent pour nous préserver des conséquences de notre propre folie constructrice*.

Suggestion de lecture, du même auteur : TOUS À ZANZIBAR

John Kilian Houston Brunner (1934-1995) écrivain britannique de science-fiction a connu vraiment la consécration en 1969 alors qu’il recevait le prix Hugo et le British SF award pour son livre TOUS À ZANZIBAR devenu un grand classique de la science-fiction. Il a aussi connu un grand succès en 1970 avec L’ORBITE DÉCHIQUETÉE, récipiendaire du British SF award. Il  a écrit plus d’une quarantaine d’ouvrages. Une de ses grandes préoccupations était de dépeindre l’humanité au 21e siècle. 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
DÉCEMBRE 2014