LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST

Commentaire sur le livre de
CLAIRE NORTH

 *La mort…peut être obtenue de deux façons. Je ne parle pas de la mort fastidieuse que notre corps nous force à endurer à la fin de chacune de nos vies…je parle de la mort véritable…sa première forme, c’est l’oubli. On efface l’intégralité de votre mémoire…ce qui, pour nous, équivaut à une mort véritable. L’ardoise ainsi effacée, vous pouvez redevenir pur et innocent. * (Extrait : LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST, Claire North, Delpierre éditeur, 2014. Édition numérique, 320 pages.)  

Harry August se retrouve sur son lit de mort. Une fois de plus. Chaque fois qu’Harry décède, il naît de nouveau, au lieu et à la date exacte auxquels il est venu au monde la première fois, possédant tous les souvenirs de ses vies antérieures. Il sait seulement qu’il y en a d’autres comme lui. Alors qu’Harry arrive à la fin de sa onzième vie, une petite fille apparaît à son chevet et lui livre un message à transmettre d’enfant à adultes à travers des générations depuis mille ans dans le futur. Le message dit : « Le monde se meurt et nous ne pouvons rien y faire. À vous de jouer. » Reste à savoir comment Harry August essaiera de sauver un passé qu’il ne peut changer et un futur qu’il ne peut accepter. 

TANT ET TANT DE VIES
TANT ET TANT DE TEMPS
*C’est bizarre de savoir que tous ces gens
se connaissent depuis plusieurs siècles
alors qu’à mes yeux ils sont encore des
étrangers.*
(Extrait : LES QUINZE PREMIÈRES VIES
D’HARRY AUGUST)

L’histoire est un peu complexe mais le fil conducteur est riche et solide. Ça m’a permis de rester dans le coup et de découvrir avec plaisir les talents d’une auteure que je ne connaissais pas : Claire North. Il faut bien saisir le début de l’histoire et la situation d’Harry pour apprécier à sa juste valeur le reste du récit et en arriver à se poser la question qui porte un peu à réfléchir : Qu’est-ce que j’aurais fait à la place d’Harry.

Donc il faut savoir qu’Harry est né orphelin, qu’il a vécu, qu’il est mort, qu’il est né de nouveau au même endroit et dans les mêmes circonstances, avec les souvenirs demeurés intacts de sa vie antérieure. C’est un Kalachakras. Et en plus, il est mnémonique. Ceux qui n’ont pas ce don, le commun des mortels autrement dit, sont des linéaires…linéaire comme le temps.

Il est porteur d’un message transmis d’enfant à vieillard mourant : *J’ai besoin de faire remonter un message dans le temps…comme vous avez l’obligeance d’être en train de mourir, je vous demande de le transmettre aux Cercles de votre jeunesse, de la même façon qu’il m’a été transmis.* (Extrait)

Ce n’est pas un secret, ce message révèle que la fin du monde approche. Ça m’a semblé logique, car dans l’histoire, le futur est en train de changer dramatiquement.

Harry consomme ses vies en poursuivant ceux de son espèce qui sont susceptibles d’altérer l’histoire en introduisant à l’avance divers éléments et inventions pour lesquels la société n’est pas préparée.

Il poursuit en particulier Vincent Ramkis qui projette la création d’un miroir quantique qui permettrait aux hommes d’avoir réponse à toutes les questions existentielles et qui permettrait de percer les mystères de l’univers avec les yeux de Dieu et ce faisant, introduit des technologies très en avance sur le temps.

Cette histoire me rappelle à certains égards le livre de Ken Grimwood REPLAY (Éditions du Seuil, 1998). Si vous avez lu ce livre, vous vous rappellerez que Jeff Winston est mort dans son bureau d’une crise cardiaque en 1988. Il se retrouve en 1963 à 18 ans dans son ancienne chambre d’Université. L’histoire est quand même différente mais ça fait une lecture parallèle très intéressante.

J’ai trouvé cette histoire très originale même si les sauts dans le temps et les paradoxes temporels sont des thèmes chers à la littérature, il en est question entre autres dans deux livres que j’ai commentés sur ce site : LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson et LE TEMPS PARALYSÉ de Dean Koontz.

Dans le livre LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST, vous pourrez lire en particulier un intéressant dialogue sur les paradoxes temporels et leurs effets. Original aussi ce livre, parce que la vie d’Harry August étant une boucle temporelle, il a autant de vies que de regards critiques sur le XXe siècle et il y a beaucoup d’observations pertinentes.

Si ma vie était une boucle temporelle, je vivrais aisément sachant d’avance les numéros gagnants de loterie. Dans le livre de North cet aspect est exploité avec modération, August allant chercher juste ce qu’il lui faut. L’auteure n’est pas tombée dans le piège de la surexploitation qui est parfois si tentant. C’est un autre bon point.

Il y a quelques faiblesses : des longueurs, des bouts de dialogues nombreux qui n’apportent rien au récit. Et à peu près rien sur l’enfance d’Harry. Ça c’est dommage et ça fait que pour moi, le livre est incomplet. Il aurait en effet été très intéressant de savoir comment Harry vivait son enfance et son adolescence au fil de ses vies. Tout ce que j’ai cru comprendre est qu’il trouvait cette partie de ses vies ennuyantes à mourir et dépourvues d’intérêt. Enfin, il y a des sauts dans le temps.

Il faut être attentif malgré la solidité du fil conducteur. Ce livre est comme une longue lettre à saveur autobiographique ou un journal si vous préférez. Harry en est le narrateur et dans son récit, il peut passer d’une vie à l’autre pour illustrer ses comparatifs. Un peu mêlant par bouts…

Sans être un chef d’œuvre, c’est une histoire réussie et un bon roman. Il pousse à l’introspection et au questionnement. Comme je l’ai mentionné au début de ce texte, on peut se demander entre autres qu’est-ce qu’on ferait à la place d’Harry et puis comment gèrerait-on une vie éternelle surtout en sachant que le futur agonise.

Même si l’avenir était prometteur, seriez-vous volontaire pour une vie éternelle ? La plume consistante et un peu énigmatique de Claire North a de quoi alimenter votre réflexion.

Malgré les longueurs et l’aspect complexe de l’œuvre, j’ai apprécié ce roman et oui… ce n’est pas vraiment un coup de cœur, mais je crois que c’est une réussite.

 LECTURE PARALLÈLE SUGGÉRÉE : ANABIOSE, de Claudine Dumont

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Claire North, de son vrai nom Catherine Webb est une écrivaine anglaise né en 1986. Elle a aussi écrit sous le pseudonyme de Kate Griffin. Élevée entre une mère auteure et un père éditeur, on peut comprendre que Catherine Webb soit devenue très tôt une passionnée de lecture, puis de l’écriture.

Elle n’avait que 14 ans quand elle a complété l’écriture de son premier roman en 2000 LA GUERRE DES RÊVES publié en 2002. Elle s’est spécialisée très tôt dans la littérature de science-fiction et de fantasy. LES QUINZE PREMIÈRE VIE D’HARRY AUGUST et son treizième ouvrage, récipiendaire du prix John Wood Campbell memorial en 2015.

BONNE LECTURE
JAILU/CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 5 mai 2019