LE BERCEAU DU CHAT, livre de KURT VONNEGUT Jr

*Soit dit en passant, Bokonon nous apprend que
lorsqu’un des membres d’un duprass meurt,
l’autre le suit dans la semaine. Quand vint pour
les Minton le temps de mourir, ils le firent tous
deux à la même seconde.*
(extrait de LE BERCEAU DU CHAT de Kurt Vonnegut Jr,
Éditions J’ai lu, t.f. Éditions du Seuil, 1972, num. 160 pages)

Un journaliste appelé Jonas projette l’écriture d’un livre sur Hiroshima et un des inventeurs de la bombe qui a détruit la célèbre ville, le docteur Hoeniker qui a aussi inventé la *glace 9*, un redoutable produit qui solidifie tout ce qui est liquide. Ses recherches l’amènent à San Lorenzo,  une île des caraïbes dirigée par un dictateur aidé d’un prophète appelé Bokonon qui annonce une imminente apocalypse. Jonas découvre que la famille a conservé le secret de cette terrifiante invention qu’est la *GLACE 9*. Jonas se rend compte que sur une toute petite île, une invention de fin du monde et la présence d’une secte agressive, ne font pas ce qu’on appellerait  un ménage idéal…

En hommage à la stupidité humaine

*Faite par une femme, une telle musique
ne pouvait s’expliquer que par un cas de
schizophrénie ou de possession
démoniaque…
(extrait de LE BERCEAU DU CHAT)

LE BERCEAU DU CHAT est un récit à l’évolution lente et constante qui met en perspective la stupidité humaine et l’absurdité de la démarche de l’homme et de son caractère destructeur qui le pousse à l’intrigue, à l’indifférence et au cynisme.

Par bonheur, j’ai bien toléré les nombreuses longueurs du récit dans les trois premiers quarts du livre en essayant de comprendre la démarche de l’auteur, où il voulait en venir. Ma patience a été récompensée. Le dernier quart du récit plonge le lecteur, la lectrice dans une finale spectaculaire et dramatique dans laquelle l’auteur semble vouloir préciser toute sa pensée sur l’incroyable puissance de la bêtise humaine.

Dans LE BERCEAU DU CHAT, la bêtise humaine est décriée par Vonnegut par sa plume dense et incisive qui apparente son récit à un réquisitoire. Il pointe sévèrement du doigt la connerie humaine.

Il faut être patient je le rappelle, pour lire ce récit qui accuse un crescendo lent. Toutefois, il y a un élément dans le récit qui a gardé mon intérêt constant : l’omniprésence de la *glace9*, cette invention monstrueuse de fin du monde, heureusement fictive, enfin pour l’instant je suppose, et qui, dans la finale du récit montre tout ce qu’elle peut faire, ou, devrais-je dire, défaire. Pour faire un petit jeu de mot un peu ampoulé, je dirais que la glace 9 m’a gardé chaud.

Je précise aussi que Vonnegut n’a pas fait d’efforts particuliers pour rendre ses personnages attachants. Dans un contexte de mise en lumière de la stupidité, c’était probablement secondaire.

Je recommande la lecture de ce livre. Il est un peu picaresque et a un petit côté humoristique, mais surtout, il est porteur d’une réflexion profonde sur la stupidité humaine, au danger que représente l’homme pour lui-même, à son caractère ravageur, même si j’aime à penser que l’humanité a de belles qualités qu’elle devrait mettre davantage en valeur. Malheureusement, le récit ne développe qu’un seul côté de la médaille.

Suggestion de lecture : CARBONE MODIFIÉ, de Richard Morgan

Kurt Vonnegut (1922-2007) est un écrivain et journaliste américain. Sa vie est une suite de drames en commençant par le suicide de sa mère, et surtout le fait qu’il a été fait prisonnier par les allemands pendant la bataille des Ardennes, qu’il a goûté aux camps de travail et qu’il a échappé de justesse au plus grand carnage de la seconde guerre : le bombardement de Dresde.

Il s’en inspirera  pour écrire en 1969 ABATTOIR 5 qui deviendra le livre phare de son œuvre. Vonnegut trouvera sa voie en 1959 avec LES SIRÈNES DE TITAN, en adoptant un style incisif, acide, parodique et très engagé.

BONNE LECTURE
JAILU
FÉVRIER 2015

LE BILLETS GAGNANT, de Mary Higgins Clark

*Cynthia revit la nuit où elle était entrée
dans cette pièce pour trouver Stuart
étendu sur le tapis…elle sentit ses mains
devenir moites. Des gouttes de
transpiration perlaient sur son front.
Dehors, elle entendait le vent gémir en
forcissant…*
(extrait de MEURTRE À CAPE CODE, du recueil
LE BILLET GAGNANT de Mary Higgins Clark,
éd. Albin Michel, collection SPÉCIAL SUSPENSE
num. 1993, 250 pages)

Le recueil comprend trois nouvelles : LE BILLET GAGNANT : Ernie Gagne 2 millions de dollars à la loterie. Au lendemain d’une beuverie, il se rend compte que son billet a disparu…MEURTRE À CAPE COD : Willie et Alvira découvrent que leur voisine vient d’être libérée de prison après avoir purgé une peine pour le meurtre de son beau-père. Or la jeune femme a toujours clamé son innocence. Alvira décide de mener une enquête afin d’innocenter sa jeune voisine…LE CADAVRE DANS LE PLACARD : pendant leurs vacances à Londres, Willy et Alvira ont prêté leur appartement à Brian, un jeune écrivain.

À leur retour, Ils découvrent le cadavre de l’ex petite amie de Brian dans un placard. Brian est évidemment soupçonné de meurtre. Alvira n’en croit rien et décide d’aller au fond de cette affaire.

DES NOUVELLES DE MARY

*Anticipant le plaisir qu’il éprouverait bientôt
à faire des largesses, Ernie commanda son
quatrième whisky-soda. C’est alors que son
attention fût attirée par l’étrange manège
de Loretta…*
(extrait de LE BILLET GAGNANT)

Il y a longtemps que je voulais lire Mary Higgins Clark. Elle m’intriguait, elle qui semble sortir des livres à la chaîne. J’ai donc satisfait ma curiosité et j’ai choisi au hasard LE BILLET GAGNANT ET AUTRES NOUVELLES.

Dans ce recueil, Mary Higgins Clark fait revivre deux personnages qu’elle a créé dans  le roman NE PLEURE PAS MA BELLE : Alvirah et Willy Meehan, respectivement femme de ménage et plombier, les deux à la retraite après avoir gagné 40 millions de dollars à la loterie. Les évènements ont conduit Alvirah à faire du journalisme et à devenir détective amateur.

C’est le genre de personnage qui a à peu près toujours raison et qui se mêle d’un peu de tout. Notez que DANS NE PLEURE PAS MA BELLE, l’auteure avait fait mourir Alvirah. C’est la fille de Mary, Carol qui l’a persuadé de faire revivre ce personnage. Je me demande encore si c’était une bonne idée.

Il semble que je n’ai pas choisi le bon livre pour apprécier l’auteure. Alvirah est une femme très intelligente, extrêmement curieuse qui joue les détectives en faisant passer les inspecteurs professionnels pour des amateurs sans envergure…trop beau pour être vrai…mais les personnages qu’elle croise n’ont aucune dimension psychologique.

Il y a 3 nouvelles dans cet ouvrage et elles ont toutes un point en commun : le fil conducteur est fragile, les intrigues prennent toutes sortes de direction. Il n’y a pas de suspense et peu de rebondissements. On est très loin de Miss Marple là…

Plusieurs conclusions sont bâclées comme ça se produit souvent dans les nouvelles qui manquent de développement. Aucune de ces nouvelles n’a vraiment capté mon intérêt. Je dirais même que j’ai trouvé ces récits ennuyeux et très prévisibles, l’écriture sans profondeur et sans conviction.

Pour une première lecture de Mary Higgins Clark, j’ai été déçu. Je m’attendais à beaucoup mieux, connaissant la notoriété de l’auteure, son talent sans compter ses statistiques de vente…

Je veux croire que LE BILLET GAGNANT ET AUTRES NOUVELLES n’est pas le reflet fidèle de l’œuvre de Clark. Il faudra simplement que j’essaie autre chose.

Suggestion de lecture : AGATHA RAISIN, LA QUICHE FATALE, de M.C. Beaton

Mary Higgins Clark est une écrivaine  américaine, née à New-York le 24 décembre 1927. Elle a cinq enfants issus de son mariage avec Warren Clark décédé en 1964. Elle publie son premier livre en 1969, une biographie de George Washington : LE ROMAN DE GEORGE ET MARTHA. C’est un échec.

Elle changera alors de style et adoptera le suspense. Elle connaîtra alors  un succès sans faille avec de nombreux prix et distinctions. Mary Higgins Clark a écrit près de 60 romans et nouvelles. Plusieurs de ses histoires ont été adaptées à l’écran.

Pour connaître sa biographie complète de Mary Higgins-Clark, visitez son site officiel 

http://www.m-higgins-clark.com/

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2015

LE POURQUOI DU COMMENT, Daniel Lacotte

*…l’ambition de ce modeste ouvrage se résume
en une inextinguible foi dans les vertus du savoir
et de la raison. Les deux seules notions
élémentaires qui peuvent encore sauver
l’humanité.*
(extrait de LE POURQUOI DU COMMENT, Daniel
Lacotte, Albin Michel 2004, num. 228 et 235 pages)

LE POURQUOI DU COMMENT est un essai en 3 tomes. La série est présentée sous forme de questions/réponses et développe de façon originale et parfois humoristique différents aspects de la connaissance. La pertinence des questions varie selon les énoncés et le lectorat mais couvre les multiples facettes de la connaissance spécialement dans le domaine de la vie quotidienne, les sciences, l’espace et les animaux. Chaque tome est attractif : brève question qui attise la curiosité, réponse en quelques pages, chapitres courts, concis. Brève introduction et index thématique complet viennent compléter l’ensemble.

Juste pour savoir…

*Après le pain, l’éducation est le
premier besoin du peuple.*
(le 13 août 1793, Georges Danton (1759-1794)
réclame à la tribune de la convention une
instruction publique gratuite et obligatoire.
Cité dans LE POURQUOI DU COMMENT 1

Dans LE POURQUOI DU COMMENT, Daniel Lacotte répond à des questions qu’on s’est posées tôt ou tard sur plusieurs sujets qui peuvent sembler banals. Ces questions ont piqué notre curiosité à un moment quelconque de notre existence. Bien sûr l’absence de réponses ne nous a pas empêché de vivre. Mais j’ai trouvé extrêmement agréable d’avoir des réponses à une quantité de questions que je me suis posées dans ma vie…des questions qui peuvent paraître insignifiantes, mais pour l’auteur, il n’y a pas de questions insignifiantes ou naïves. Toutes questions méritent réponse.

Par exemple, je sais maintenant pourquoi l’Oncle Sam personnifie les États-Unis, d’où vient le signe du dollar,  pourquoi le ciel est bleu et pourquoi la mer est bleue? Pourquoi le bâillement est-il contagieux? D’où vient l’expression OK…je sais aussi maintenant pourquoi le sang est rouge, pourquoi on rêve, d’où vient le personnage de Dracula, pourquoi un chat noir apporte le malheur et j’en passe…

Voici donc un livre simple, bien ventilé, très bien documenté qui vient apporter un éclairage inusité sur de multiples facettes de la connaissance dans les domaines de la vie sociale, de l’univers, de la culture et des animaux. Ajoutez à cela une bonne touche d’humour qui vient alléger et rafraîchir l’ensemble de l’œuvre.

En fait, Daniel Lacotte vient nous dire qu’il n’y a pas de question *niaiseuses* ou naïves. En général, ceux qui utilisent ces qualificatifs n’ont aucune réponse à donner. LE POURQUOI DU COMMENT a été écrit pour le simple plaisir d’apprendre, apporter aux parents par exemple, mais aussi aux enseignants, un outil d’enrichissement des connaissances pour les enfants et les ados. Bref ces tomes ont été écrits pour le plaisir et j’ai eu plaisir à les lire. Je ne me suis pas ennuyé.

Suggestion de lecture : DARWIN ET L’ÉVOLUTION EXPLIQUÉS À NOS PETITS-ENFANTS de Pascal Pick

Daniel Lacotte est un écrivain français né à Cherbourg en 1951. Malgré sa formation d’ingénieur et de physicien, Lacotte est fortement attiré par le journalisme. En 1983, Il rejoint même le Centre de formation des journalistes de Paris dont il deviendra directeur pédagogique jusqu’en 1987. Par la suite, il sera rédacteur en chef dans différents journaux français, et s’adonnera à l’écriture.

Daniel Lacotte a écrit de nombreux poèmes. Plusieurs de ses recueils mettent en perspective la sensibilité de l’auteur et un évident sens de l’humour, entre autres, LES PLUS BEAUX POÈMES POUR ENFANTS (1982) et LES POÈTES ET LE RIRE (1998). Lacotte a publié une trentaine d’ouvrages dont des biographies et des romans historiques et bien sûr la série LE POURQUOI DU COMMENT qui a eu un succès plutôt flatteur…

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2015

LE PRISONNIER, livre de Thomas DISCH

*-Vous êtes prisonnier numéro 6, C’est aussi simple que cela. -Je doute que, même dans ce village, rien ne soit aussi simple que cela. Je ne suis pas numéro 6, je ne suis pas un prisonnier, je suis un homme libre. (extrait de LE PRISONNIER, Thomas Disch, 1969. Presses de la Renaissance 1979 pour la traduction française. Édition numérique, 295 pages.)

Après avoir démissionné avec fracas, un agent des services secrets britanniques est kidnappé et envoyé dans un joli petit hameau isolé et bien organisé qu’on appelle le Village. Les citoyens du Village ne sont identifiés que par un numéro. Le nouvel arrivant porte le numéro 6. Le village est dirigé par le numéro 2  Son objectif : arracher des renseignements au numéro 6 et comprendre pourquoi il a démissionné et quels sont les secrets d’état qu’il aurait pu vendre éventuellement à l’étranger. Tous les moyens sont bons : drogues, lavage de cerveau, contraintes psychologiques…bons moyens,  mais peu efficaces… son esprit semble impénétrable.

Bonjour chez vous…

*-Où suis-je?
-Au Village.
-Qu’est-ce que vous voulez?
-Des renseignements.

-Vous n’en aurez pas.
-De gré ou de force, vous parlerez.
-Qui êtes-vous?
-Je suis le nouveau numéro 2.
-Qui est le numéro 1?
-Vous êtes le numéro 6…*
-Je ne suis pas un numéro
Je suis un homme libre.
(extrait : Télésérie  LE PRISONNIER)

Le livre de Thomas Disch évoque une des séries les plus énigmatiques de l’histoire de la télévision : LE PRISONNIER, une série de 17 épisodes que j’ai vue et revue et qui m’en apprend encore. Je ne peux faire autrement que de lier les deux intimement aux fins de mon commentaire. Il y a tout de même des différences importantes.

Dans le livre, les villageois ne se saluent pas par un joyeux  BONJOUR CHEZ VOUS.  Cette expression est une trouvaille de Jacques Thébo, la voix française du numéro 6. Autre différence : dans le livre, le numéro 2 ne change pas et on ne le voit pratiquement pas. Le livre est  beaucoup moins enlevé que la série, Disch concentrant davantage l’intrigue sur la pression psychologique exercée sur le numéro 6.

Pour le reste, tout y est : le rôdeur, la sphère gardienne du village, on ne sait pas qui est le numéro 1, le numéro 6 s’échappe une fois et se retrouve à Londres avant d’être repris et ne communiquera jamais les renseignements demandés, etc.

Les lecteurs et lectrices qui ont vu la télésérie feront obligatoirement des liens. Sinon ils découvriront simplement une dystopie un peu étouffante qui n’est pas sans faire réfléchir sur les fondements et les limites de la liberté. Et c’est ici que je veux m’attarder un peu sur le livre de Thomas Disch.

C’est un livre étrange à caractère fortement onirique. En fait, il m’a forcé à jongler avec le rêve et la réalité et dans cette histoire la frontière est fragile. Une phrase captée en cours de lecture illustre bien ma pensée : *Moi je n’ai jamais su avec certitude à quel moment on m’avait sorti de ce foutu aquarium. Les rêves étaient absolument aussi réels que vous l’aviez annoncé. Beaucoup plus réels que tout ça…-Qui peut dire que c’est réel? Cela ne porte aucune des écorniflures de la réalité. Je suis sûre que tant que vous demeurerez au village, vous serez dans le doute…*

Donc c’est parfois difficile de s’y retrouver. Si Disch force le lecteur à se concentrer, il force aussi son admiration car il l’installe dans un labyrinthe psychologique sans entrée ni sortie et dans lequel interviennent des personnages profonds et énigmatiques…gardiens ou geôliers, réels ou oniriques, sympathiques ou belliqueux? C’est un défi pour le lecteur qui pourrait lire le livre 10 fois et en tirer autant d’interprétations.

Ce livre est truffé de double-sens et d’énigmes et met continuellement à l’avant-plan le sens de la réalité du lecteur : *Allez donc donner un coup de pied dans un rocher pour permettre au rocher de prouver à votre pied qu’ils sont aussi réels l’un que l’autre.*

Comme la plupart des dystopies, la trame de cette histoire est complexe et étouffante et ce, même si la cage est dorée. Le numéro 6 est un sujet d’expérience et c’est au lecteur d’en tirer les conclusions car dans le livre, le jeu n’aboutit pas vraiment… une intéressante réflexion sur notre place dans la société et sur la définition de la liberté.

J’ai apprécié la lecture de ce livre mais je sais que je devrai y retourner tôt ou tard. Il est étrange, mais l’idée est originale. Quant à savoir s’il a exercé sur moi la même fascination que la télésérie…alors là, pas du tout mais je pressens toutefois qu’il ferait une excellente base pour le scénario d’un film…

Suggestion de lecture : AU-DELÀ DU RÉEL, livre sur la série culte de Didier Liardet

Thomas M. Disch (1940-2008) est un écrivain américain de science-fiction. Ses premières nouvelles sont publiées en 1960. Il atteint la notoriété avec deux romans à saveur politique : GÉNOCIDE en 1965 et CAMP DE CONCENTRATION EN 1970. En 1969, il publie LE PRISONNIER qui préfigure la série télévisée du même nom. En 1983, pour récompenser l’excellence en littérature de science-fiction, il crée le prix PHILIP K. DICK en hommage au célèbre auteur. Après la mort de son compagnon en 2005 et souffrant de dépression, Thomas Disch se suicide le 5 juillet 2008.

Patrick McGoohan (1928-2009) était un acteur américain. Il connaîtra la consécration de vedette internationale grâce à l’espion britannique JOHN DRAKE qu’il incarne dans la série DESTINATION DANGER au début des années 60. Puis, comme s’il s’agissait d’une suite logique, il conçoit, produit, scénarise et réalise la série LE PRISONNIER. Il a joué dans plus d’une vingtaine de films sans compter les épisodes de Colombo aux cotés de Peter Falk. Il a également prêté sa voix dans un épisode des SIMPSON où il incarnait son propre personnage de la série LE PRISONNIER.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2015

LE TROUPEAU AVEUGLE, de JOHN BRUNNER

*Il faudrait que vous puissiez voir ce qui défile
sous mes yeux chaque jour dans ce cabinet!
Des enfants de bonne famille, déficients à cause
d’un empoisonnement par le plomb! Aveugles
à cause d’une syphilis congénitale, également!
bourrés d’asthme, de cancer des os, de leucémie,
et Dieu sait quoi!*
(extrait de LE TROUPEAU AVEUGLE, John Brunner,
éditions Robert Laffont, 1975, 220 et 199 pages, num.)

LE TROUPEAU AVEUGLE est le portrait romancé d’une humanité du futur étouffée par la pollution, où le soleil est caché en permanence par un smog acide. Des populations entières souffrent d’allergies et d’intolérance à une nourriture de plus en plus corrompue. Pluies acides, pénurie d’eau potable, infections, grossesses à risque, maladies et autres tares assaillent l’humanité. Dans ce chaos écologique, un homme sort de l’ombre pour secouer les êtres humains, les conscientiser et mettre au pas les principaux responsables de ces dramatiques dérèglements de la nature.

Cet homme, c’est Austin Train, philosophe écologiste, contestataire et rebelle dont le nombre de partisans appelés *trainites* augmente considérablement chaque jour au grand déplaisir des États-Unis, artisans  de ce désastre mondial, étant jugés *plus grand exportateur de gaz toxiques* à l’échelle de la planète.

Un parfum de lente agonie
*Veuillez contribuer
à maintenir la jetée propre
jetez vos détritus dans l’eau*
(ex. LE TROUPEAU AVEUGLE)

C’est un livre intéressant de par le thème qui y est développé : la pollution. Le livre a été publié en 1975 et conserve toute son actualité. Toutefois, il y a plusieurs irritants. La lecture de ce livre nécessite une bonne concentration car le fil conducteur de l’histoire est fragile, prenant des directions souvent aléatoires. Les lecteurs/lectrices devront aussi composer avec une grande quantité de personnages. Il pourrait être facile de s’y perdre.

Ce qui m’a le plus frappé dans ce livre est l’incroyable pessimisme dont l’auteur fait preuve : en effet, Brunner décrit une humanité qui s’installe progressivement et inexorablement dans un mal-être généralisé : un monde où les distributeurs d’oxygène sont plus répandus que les distributeurs de boissons gazeuses.

Le soleil est perpétuellement caché par le smog, il pleut de l’acide, des cours d’eau et des mers meurent, nourriture et eau empoisonnées, des populations entières prises de folie ou attaquées par la maladie, les bactéries, allergies généralisées, décroissance rapide de l’espérance de vie…

Ajoutons à cela l’apathie, l’absence de volonté politique et l’impuissance des gouvernements…dans cette histoire, il n’y a pas d’espoir. Il y a bien une petite lueur à la fin du tome 2, mais infime.

Et puis il y a Austin Train, l’homme qui ose dénoncer, dire la vérité, agir… mais il est traqué comme l’ennemi public numéro un. C’est une histoire extrêmement sombre qui, à toute fin pratique, se limite à décrire le chaos. Il n’y a pas vraiment de recherche d’équilibre.

Même si l’ensemble est dramatique, voire terrifiant, il y a tout de même des points forts qui rendent l’œuvre incontournable : le récit est bien documenté. Bien que très alarmiste, la description des effets à long terme de la pollution est crédible. J’ai ressenti l’urgence et de l’émotion.

Le TROUPEAU AVEUGLE est un roman dur, impitoyable et dérangeant. Son message est simple au fond : la terre-mère souffre…message évoqué dans une phrase très révélatrice que j’ai notée en cours de lecture : *Loués soient, si quelqu’un est là pour entendre, ceux qui luttent pour nous préserver des conséquences de notre propre folie constructrice*.

Suggestion de lecture, du même auteur : TOUS À ZANZIBAR

John Kilian Houston Brunner (1934-1995) écrivain britannique de science-fiction a connu vraiment la consécration en 1969 alors qu’il recevait le prix Hugo et le British SF award pour son livre TOUS À ZANZIBAR devenu un grand classique de la science-fiction. Il a aussi connu un grand succès en 1970 avec L’ORBITE DÉCHIQUETÉE, récipiendaire du British SF award. Il  a écrit plus d’une quarantaine d’ouvrages. Une de ses grandes préoccupations était de dépeindre l’humanité au 21e siècle. 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
DÉCEMBRE 2014

BARTLEBY LE SCRIBE, livre de HERMAN MELVILLE

*Ce que j’avais vu ce matin-là me persuada que
le scribe était victime d’un désordre inné, incurable.
Je pouvais faire l’aumône à son corps, mais son
corps ne le faisait point souffrir; c’était son âme qui
souffrait, et son âme, je ne pouvais l’atteindre.*
(extrait de BARTLEBY LE SCRIBE de Herman Melville,
1853, rééd. Gallimard 1996, 90 pages, éd. Num.)

Ayant besoin d’une aide supplémentaire dans ses activités professionnelles, un homme de loi de Wall street New York publie une annonce et finit par engager un nommé Bartleby comme scribe, c’est-à-dire employé aux écritures. Bartleby, homme solitaire et introverti est, au départ, travailleur et volontaire, mais graduellement, il refuse de travailler et répond simplement à tous les ordres que lui donne son employeur *je préfèrerais pas*. Il devient de plus en plus apathique, passif, indolent Le notaire décide donc de renvoyer Bartleby mais a énormément de difficultés à s’en défaire. Il déploie de grands moyens pour ne plus le voir mais rien à faire, Bartleby semble indécollable.

Je préfèrerais pas…
(expression fétiche de Bartleby,
ex. Bartleby le scribe)

BARTLEBY LE SCRIBE est un opuscule étonnant, un petit livre très bref mais qui en dit tellement long. Melville nous plonge dès le départ dans l’atmosphère surannée d’une étude légale de New York où évoluent des personnages étranges : le notaire et ses trois employés appelés uniquement par leur surnom : Dindon, Lagrinche et Gingembre.

Puis arrive Bartleby, étrange personnage solitaire et introverti, engagé par le notaire pour l’assister dans les écritures.  Mais bientôt, le scribe refuse de travailler et répond invariablement aux ordres qu’on lui donne :  *je préfèrerais pas*, toujours au conditionnel, mais le résultat est le même, il ne fait rien et se replie davantage sur lui chaque jour.

Le notaire tente de s’en défaire mais sans beaucoup de conviction et c’est là que se manifeste toute la beauté du texte car le notaire est allé au bout de ses ressources pour comprendre et aider l’infortuné Bartleby qui s’est pratiquement limité à son expression fétiche dans le texte.

On n’apprend à peu près rien sur le scribe sauf ce qu’il est maintenant : âme abandonnée, esprit impénétrable, corps statique, sans vie active qui semble ne se nourrir que de biscuits au gingembre. Le scribe refuse de travailler. Chez Bartleby, tout n’est que refus…il refuse de s’ouvrir, de parler, de se détendre, de s’amuser et même de quitter le bureau…ça va jusqu’au refus de vivre…et pendant ce temps, le notaire fait preuve d’une patience quasi surnaturelle.

Ce texte d’une incroyable profondeur m’a touché jusqu’à l’âme. C’est un petit livre marqué par le pessimisme et la mélancolie mais qui, avec beaucoup de subtilité, amène le lecteur à réfléchir sur la condition humaine et la détresse de l’âme, détresse qui ne s’exprime pas et qu’on ne peut ressentir que par empathie.

Cet opuscule, qui ne manque pas de grandeur est aussi porteur de réflexion sur les affres de la solitude, l’espoir et aussi sur une vertu qui a toujours fait défaut à l’humanité : la tolérance.

C’est un texte imprégné de détresse mais inoubliable qui évoque une recherche sur le sens de la vie et sur l’absurdité qui souvent, ne manque pas de la caractériser.

À lire absolument…

On retrouve aussi BARTLEBY LE SCRIBE dans le recueil LES CONTES DE LA VÉRANDA réédité en 1995 chez Gallimard. Ces nouvelles ont été écrites alors que la carrière littéraire de l’auteur était très difficile. Melville ne sera vraiment reconnu qu’après sa mort.

Herman Melville (1819-1891) est un romancier et poète américain. Il est considéré comme l’une des figures marquantes de la littérature américaine avec des chefs d’œuvres devenus incontournables dont Moby dick, Pierre ou les ambiguïtés et les célèbres CONTES DE LA VÉRANDA dans lesquels on retrouve BARTLEBY LE SCRIBE.

Influencé par la plume de Fenimore Cooper et Byron entre autres, il commence à écrire en 1845. La véritable consécration est venue bien après sa mort avec entre autres un engouement qui ne s’est jamais démenti pour MOBY-DICK à partir des années 1950 et pour son œuvre en général.

Suggestion de lecture : du même auteur, MOBY DICK

BONNE LECTURE
JAILU
DÉCEMBRE 2014

BAISSE LA PRESSION, TU ME LES GONFLES !

Commentaire sur le livre de
San Antonio

*À cause de son visage grêlé, Molly Heigerter devint réellement neurasthénique et se refusa définitivement à son mari. Mais comme il n’avait plus envie d’elle, tout fût pour le mieux dans le pire des mondes!* (extrait de BAISSE LA PRESSION, TU ME LES GONFLES, San Antonio, éd. Fleuve noir, 1958, 160 pages, éd. num.)

Félix mène une enquête sur une étrange résurgence de la variole dans le territoire américain. Après avoir communiqué son rapport aux services policiers concernés, Félix reçoit la visite d’agents secrets qui semblent décidés à l’éliminer. Apparemment, Félix en sait trop. Pour l’aider à comprendre ce qui lui arrive et dénouer cette intrigue pour le moins mystérieuse, Félix, désormais fugitif,  fait appel à son ami San-Antonio. Le célèbre détective se rend à Vienne où se cache Félix pour y mener une enquête pas très orthodoxe et qui ne plaît ni à la police de Vienne ni aux agents secrets. San-Antonio et Félix s’engagent ainsi dans une course contre la montre.

Deux comprimés. Deux cons primés.

-Et ce jeune garçon, qui est-il?
-mon fils adoptif.
-Bravo! Il est tellement mieux de
réparer les erreurs des autres que
d’en commettre soi-même.*
(ex. BAISSE LA PRESSION TU ME LES GONFLES)

Il y a déjà un bon moment que je suis intrigué par San Antonio. Je me disais qu’avec plus de 75 titres pour les seules aventures du détective, il devait y avoir un intérêt du lectorat, voir un engouement.  Je me suis dit *il faut que j’aille voir* et c’est ce que j’ai fait. J’ai pris un titre au hasard dans l’impressionnante production de San Antonio et je l’ai lu. Peut-être suis-je tombé sur le p’tit mouton noir de la série, mais j’ai trouvé ça un peu pénible.

Les personnages sont artificiels, dont Félix que l’auteur a affublé d’un pénis de 19 pouces de long…pas grand-chose à voir avec l’histoire sinon que ça *joue* un peu sur la psychologie du personnage sans doute. Mais le problème est que l’intrigue est noyée dans ce genre d’assertion.

Le fil conducteur s’en va dans tous les sens. L’histoire est inégale et évolue en dents de scie. De plus l’humour contenu dans ce livre ne m’a pas impressionné ni fait rire…à moins de s’imaginer un homme debout et dont le pénis traîne à terre…mais l’effet se dissipe vite.

Autre élément frappant dans ce livre : le langage est extrêmement argotique et plusieurs passages sont carrément vulgaires. Ainsi, Félix a un PAF de 45 centimètres. On ne regarde pas la télé, on VISE LA TELOCHE. Ça ressemble plus à un dialecte qu’à une langue. J

e ne m’habituerai jamais à ce genre d’écriture réservée aux pratiquants de l’argot. Dommage parce que le sujet était prometteur : la réapparition de la variole…d’origine criminelle encore. Ça aurait dû m’accrocher, mais ça n’a pas été le cas.

Toutefois, loin de moi l’idée de bannir San-Antonio de mes projets de lecture. Forte de 75 titres, la collection San-Antonio a quand-même capté l’intérêt de nombreux lecteurs et lectrices.

J’essaierai alors de savoir pourquoi en espérant trouver mieux.

San-Antonio, de son vrai nom Frédéric Charles Antoine Dard (1921-2000) était un écrivain français qui a fait ses débuts comme rédacteur dans un journal local de Lyon. Il a commencé l’écriture en 1949 avec RÉGLEZ-LUI SON COMPTE, un polar.

Ce sera le début d’une longue et impressionnante série à succès publiée d’abord dans la collection Police au Fleuve Noir, puis dans sa propre collection dédiée, toujours au Fleuve Noir à partir de 1970 . Il est devenu célèbre pour avoir créé le fameux commissaire San Antonio dont il adoptera le pseudonyme.

Pour en savoir plus sur Frédéric Dard, alias San Antonio et son impressionnante bibliographie, je vous invite à visiter le site internet http://www.commissaire.org

Suggestion de lecture : LE GAZON…PLUS VERT…DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA CLÔTURE, d’Amélie Dubois.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
NOVEMBRE 2014

ARCHE, suite de DÉLUGE, de STEPHEN BAXTER

*Le plus probable à mon avis, c’est que
les poches souterraines que nous avons
découvertes vont libérer toute l’eau
qu’elles contiennent et nous allons nous
retrouver avec des océans qui occuperont
cinq fois plus de volume qu’en 2010. Mais
toutes les surfaces émergées de la terre
auront disparu bien avant.*
(extrait de ARCHE de Stephen Baxter,  Presses
de la Cité, 2010, t.f. 595 pages, éd. Num.)

ARCHE est la suite de DÉLUGE où la terre est inondée par d’énormes nappes d’eau souterraine qui remontent. Dans cette suite apocalyptique, jugeant la fin du monde inévitable, le gouvernement américain construit une arche qui n’est rien d’autre qu’une gigantesque navette spatiale et sélectionne 80 personnes pour fonder une colonie sur une planète semblable à la terre à plusieurs années-lumière de la terre-mère. Cette entreprise colossale, justifiée par un impératif de survie de la race humaine connaîtra de nombreux épisodes d’anarchie et de chaos. Plusieurs problèmes se posent dont la viabilité scientifique du projet et le choix final un peu douteux des 80 candidats…

…SAUVÉS DES EAUX…

*Je vois trois possibilités…On peut vivre
au-dessus de l’eau. Ou en-dessous. Ou
encore, carrément ailleurs que sur la
terre.
(ex. ARCHE, Stephen Baxter)

Quoique captivant et agréable à lire, ARCHE est pour moi un amalgame de *déjà vu*. J’y ai reconnu en effet de nombreux éléments que j’ai déjà explorés dans d’innombrables scénarios et livres issus de la littérature apocalyptique et de science-fiction : 2012 de Roland Emmerich, LE PAPILLON DES ÉTOILES de Bernard Werber, 2010 basé sur l’œuvre d’Arthur C Clarke et sa suite de L’ODYSSÉE DE L’ESPACE 2001, LA THÉORIE GAÏA de Maxime Chattam,  STAR TREK de Gene Roddenberry, POUR UNE AUTRE TERRE de A.E. Van Vogt et j’en passe.

La liste est longue, et puis j’ai reconnu dans ARCHE un tout petit peu de la plume de H.G. Wells. La fin du monde et la survie de l’espèce humaine sont des thèmes très récurrents et qui sont plutôt *durs à cuire* dans la littérature et au 7e art.

Donc le thème développé n’a rien de neuf mais il y a des nuances intéressantes. La première chose intéressante que j’ai constatée est que l’auteur a très bien encadré la psychologie de ses personnages. C’était un gros défi et c’était nécessaire parce que dans cette histoire, près de 80 personnes doivent vivre en vase clos pendant des dizaines d’années.

Baxter a bien cerné la complexité de la nature humaine  et ça donne beaucoup de corollaires intéressants dont cette phrase que j’ai retenue en cours de lecture : *Leur avenir, et peut-être l’avenir de toute l’humanité, allait être déterminé par le fait qu’après une décennie à bord de l’arche, ils ne se supportaient plus.*

Autre élément intéressant : les faits scientifiques évoqués dans le livre de Baxter sont théoriquement avérés…comme la bulle de distorsion par exemple, qui permet la propulsion de l’arche à des vitesses supraluminiques ou la probable évolution d’une société humaine en milieu extra-terrestre. Le petit côté négatif est que l’ouvrage comporte des explications scientifiques qui, bien que crédibles, sont parfois complexes et indigestes.

L’écriture du roman est forte, son fil conducteur est solide, le lecteur sait où il s’en va. L’originalité de l’histoire réside selon moi dans l’organisation sociale, humaine et politique de l’arche,  développée avec beaucoup de réalisme, à mon avis plus vraisemblable et moins spectaculaire que dans PAPILLON DES ÉTOILES de Werber par exemple.

ARCHE est la suite de DÉLUGE mais peut se lire indépendamment. C’est un récit qui plaira sûrement aux amateurs d’histoires post-apocalyptiques bien sûr, mais aussi à ceux et celles qui s’intéressent à la nature de l’homme et à sa psychologie car le livre pose des questions intéressantes qui sont matières à débat : le jour où la terre ne sera plus habitable, comment se manifestera la nécessité de sauvegarder l’espèce humaine? Où irons-nous? Qui seront les élus et comment seront-ils choisis? Quel est le destin de la Terre?

En terminant, je précise que j’ai été déçu par la finale. Le récit rapporte que le groupe original et ses descendants se sont morcelés en plusieurs petits groupes ayant chacune une destination différente. L’auteur apporte peu de précisions sur le destin de chacun de ses groupes. Une petite postface exploratoire aurait été appréciée. Mais l’histoire est captivante et je recommande ce livre.

Suggestion de lecture : LE PAPILLON DES ÉTOILES de Bernard Werber

Stephen Baxter, né au Royaume-Uni en 1957 a une carrière scientifique impressionnante : ingénieur mathématicien, docteur en aéronautique et professeur, il a même été candidat astronaute pour la station MIR en 1991 mais il n’a pas été retenu. Il commence à écrire à temps plein en 1995. Sa production est aussi impressionnante que sa carrière, plus de 30 romans et plus de 150 nouvelles (au moment d’écrire ces lignes). La conquête spatiale et les défis technologiques qui en découlent sont ses thèmes préférés.

BONNE LECTURE
JAILU
NOVEMBRE 2014

BINE L’AFFAIRE EST KETCHUP, Daniel Brouillette

*Pour dire franchement, j’apprécie autant
mon enseignante que les crevettes, les
piqûres de maringouin, le chocolat à la
menthe, les visites chez le dentiste, les
prises de sang, le coloriage, les fesses qui
piquent et les bananes brunes. Comme
elle me crie sans cesse par la tête, je vais
faire à la mienne.*
(extrait de BINE 1. L’AFFAIRE EST PET SHOP,
Daniel Brouillette, éditions Les Malins,
littérature jeunesse 220 pages)

L’AFFAIRE EST PET SHOP est le premier tome d’une série consacrée à notre jeune héros, grouillant, énergique et attachant, Benoit-Olivier Lord, un garçon de 13 ans surnommé BINE pour une raison assez originale que vous découvrirez très vite dans ce premier volume. Nous sommes à la veille des Fêtes, et pour aller au bout de ses rêves dans cette période mouvementée, Bine poursuit deux objectifs : convaincre ses parents de lui offrir un chien pour Noël et gagner le cœur de la belle Maxim (Pas d’erreur c’est bien une fille), 11 ans. Il n’aura peut-être pas tout à fait ce qu’il veut, mais les Fêtes pourraient bien prendre une tournure heureuse.

Un chausson au poisson avec ça?

C’est un excellent petit volume pour les pré-ados qui apprécient en général ce qui leur ressemble et bien sûr le sens de l’humour qui caractérise ce livre.. Je n’exagère pas en disant que chaque chapitre de ce volume m’a apporté une bonne dose de rire.

J’ai beaucoup apprécié ce livre en particulier à cause des qualités que l’auteur Daniel Brouillette a attribué au jeune Benoit-Olivier : un exceptionnel sens de la répartie et une magnifique spontanéité dans ses relations avec ses pairs et même avec la belle Maxim qui fait battre son *ti-cœur* et dans son langage basé sur un vocabulaire pas toujours recherché et pas toujours appétissant mais qui finit toujours par nous faire sourire. Disons que ses jeux de mots sont parfois douteux mais plusieurs ne manquent pas d’originalité.

Brouillette a créé un jeune personnage tannant mais attachant et surtout spontané avec un franc-parler qui a de quoi étonner (la citation au début de l’article n’est qu’un petit exemple).  Le quatrième de couverture décrit BINE comme le plus vieux, le plus grand et le plus niaiseux de son école. D’après ma lecture, le terme niaiseux est inadéquat. Benoit-Olivier est un garçon imaginatif et débrouillard qui est de son temps et de son âge.

Autre détail signifiant, l’auteur ne s’est pas contenté de numéroter ses chapitres, il les a titrés pour attraper l’œil avec des libellés drôles et originaux*un chausson au poisson avec ça?…De la chicane dans ma cabane et des cochons dans mon salon…La dictée chienne…* pour ne donner que quelques exemples.

Le chapitre De la chicane dans ma cabane et des cochons dans mon salon est particulièrement comique car Benoit-Olivier y décrit le comportement de sa famille lors du réveillon : *…Noël, fête de la famille? Pas chez nous. Ici c’est de la chicane qu’on enveloppe et qu’on range sous le sapin et on passe la soirée à la développer…*

BINE a toutes les apparences d’un roman écrit pour les garçons, mais je suis sûr que les jeunes filles y trouveront leur compte et même les adultes car le volume semble porteur d’une petite réflexion sur la façon dont les jeunes voient leurs parents et les adultes en général.

Je pense que la série est prometteuse.

En tout cas ce premier tome ne m’a pas déçu.

À lire aussi :

Écrite dans la même veine, BIENVENUE DANS LA CHNOUTE est la deuxième incursion dans le monde mouvementé  de Benoit-Olivier, surnommé BINE. On a vu dans le tome 1, que le relations familiales chez BINE étaient…disons un peu compliquées. Cette fois, après des mois de conflits, les parents de Bine ont décidé de divorcer. Ils l’envoient vivre bien malgré lui chez ses grands-parents. Pour mettre un peu de joie dans sa vie, il concocte un plan génial avec Maxim afin de passer une nuit à l’école et faire disparaître le satané recueil de dictées de Mme Béliveau. Pour y arriver, ils doivent inclure dans l’équation la personne qui a le plus chances de faire foirer le plan…

Daniel Brouillette est né en 1978. Après ses études, il est devenu enseignant au primaire. Son attachement pour la création et l’écriture l’amène à abandonner son boulot pour joindre l’École nationale de l’humour. Depuis sa sortie en 2006, il a travaillé en tant qu’auteur-scripteur-concepteur pour les émissions « L’union fait la force » et  « Duo » entre autres.   Bine : l’affaire est pet shop » est le premier tome des aventures du jeune Benoit-Olivier, suivi de *bienvenue dans la chnoute* et d’autres suivront sans aucun doute…

Pour explorer la série BINE de Daniel Brouillette, cliquez ici.

Suggestion de lecture : BINE TOME 9, TOURISTA SOUS LES PALMIERS de Daniel Brouillette

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
NOVEMBRE 2014

MEURTRES EN SOUTANE, Phyllis Dorothy James

*…Pendant deux secondes, la tête restait
en place avant de basculer lentement, et
la grande fontaine rouge jaillissait, ultime
célébration de la vie. Telle était l’image
que dev
ait endurer le Père Martin nuit
après nuit.*
(extrait de MEURTRES EN SOUTANE de P.D. James
Le livre de poche,  t.f. Arthème  Fayard, 2001, 341
pages, éd. Num.)

L’intrigue se déroule à St-Anselm, un modeste séminaire qui forme de futurs candidats à la prêtrise anglicane et situé sur une falaise isolée de la côte Anglaise. Cette étrange institution dont l’avenir est déjà très incertain est ébranlée par une série de meurtres : un séminariste, une employée, un invité et la sœur d’un prêtre trouvent la mort dans des circonstances troublantes. L’enquête est confiée au commandant Adam Dalgliesh de Scotland Yard déjà familier des lieux pour y avoir séjourné quelques temps dans le passé. Cette enquête s’annonce rude et beaucoup plus complexe que Dalgliesh le croyait au départ.

MORTS MYSTÉRIEUSES DANS LA
SOLITUDE DE ST-ANSELM
*Travaillant tous deux en silence,
nous avons dégagé le haut du corps…*

Sans être à proprement parler un chef d’œuvre, MEURTRES EN SOUTANE est un livre très intéressant, un polar solide dont j’ai trouvé la lecture agréable et captivante. L’intrigue est serrée et évolue dans un angoissant crescendo de violence et d’étrangeté. Je suis demeuré captif de ce livre jusqu’à la dernière page.

Dès le début, j’ai été enveloppé par le contexte, l’atmosphère et surtout par l’environnement de l’intrigue : une institution religieuse située sur une falaise isolée et venteuse face à la mer du nord, un manoir solitaire, un peu sinistre mais chargé d’histoire et dont l’église anglicane tirerait profit de la fermeture, peut-être à cause des inestimables œuvres d’art qui s’y trouvent ou peut-être à cause du peu d’importance de l’institution dans la hiérarchie de la Haute Église.

Les premiers meurtres donnent l’apparence d’accidents mais le caractère sordide de l’intrigue ne tarde pas à se dévoiler. Là-dessus, le lecteur n’a d’autres choix que d’évoluer au même rythme que le commandant Dalgliesh, tellement attachant qu’on aurait envie de l’assister. C’est une force de PD James : un fil conducteur solide et évolutif mais peu prévisible.

Le petit côté un peu lassant de l’œuvre tient du fait que nous avons là un suspense à l’anglaise…les bonnes manières avant tout et le thé bien sûr. Si les œuvres de PD James sont empreintes d’analyse sociale, on ne peut sans doute lui reprocher d’être profondément anglaise et ça transpire dans l’écriture. Heureusement, l’intensité de l’écriture et de l’intrigue donnent le ton et forcent l’attention.

L’évolution de l’intrigue, le dénouement et surtout, le style très british de l’ensemble ne sont pas sans rappeler la grande Agatha Christie à la différence près que dans MEURTRES EN SOUTANE il y a plus de questionnements que de déductions avec en plus, un petit quelque chose d’ésotérique.

Saint-Anselm est un monde secret et l’auteure en dévoile très graduellement les mystères dans cet excellent polar avec son personnage fétiche, Galgliesh, confronté à une des affaires les plus lugubres de sa carrière. Beaucoup de rebondissements au programme.

Passionnant…tout simplement.

Phyllis Dorothy James est née à Oxford en 1920. Ses diverses fonctions à la section criminelle du ministère anglais de l’intérieur ont sans doute influencé cette auteure prolifique dans son goût d’une écriture amalgamant sadisme, analyse sociale, mystère et intrigue. Ses romans lui ont valu des prix fort prestigieux dont le prix français de la littérature policière.

Elle  crée en 1962 son personnage préféré : Adam Galgliesh, policier de Scotland Yard, hanté par le décès de sa femme, morte en couche en même temps que son bébé, évènement dramatique qui ne sera pas sans influence sur l’évolution du personnage et ses motivations psychologiques. Anoblie par la reine en 1990, PD James a écrit plus d’une quarantaine de romans.

Suggestion de lecture : MEURTRES POUR RÉDEMPTION de Karine Giébel

BONNE LECTURE
Claude Lambert
NOVEMBRE 2014