LE SIÈCLE, la trilogie de KEN FOLLET

*Si la guerre éclatait, les américains déchaîneraient une tempête atomique qui annihilerait toutes les grandes villes d’Union Soviétique. Les morts se compteraient
par millions. La Russie mettrait plus d’un siècle à s’en relever. Et les Soviétiques avaient sûrement prévu une intervention  du même genre contre les États-Unis.*
(Extrait : LE SIÈCLE 1, AUX PORTES DE L’ÉTERNITÉ, Ken Follett, t.f. : Éditions Robert Laffont, 2014, édition de papier, 1215 pages.)

LE SIÈCLE est une longue saga qui s’étend sur plusieurs générations et est présentée en trois tomes. Dans la CHUTE DES GÉANTS, Ken Follet introduit cinq grandes familles : américaine, russe, allemande, anglaise et galloise. Ces familles se sont imbriquées, aimées et ont fini par s’entredéchirer dans le cadre dramatique de la première guerre mondiale et de la révolution russe. L’HIVER DU MONDE raconte la vie des enfants de ces familles qui verront Hitler accéder au pouvoir absolu en Allemagne, tissant la toile dramatique de la deuxième guerre mondiale.

Les destinées toujours enchevêtrées de ces familles se poursuivent dans AUX PORTES DE L’ÉTERNITÉ dans les années troublées de 1960 à 1990 : temps forts de l’influence soviétique et de la guerre froide. La saga montre comment tous ces personnages ont affronté les grandes tragédies du XXe siècle.

UNE FRESQUE AMBITIEUSE
*L’arrogance précède la chute*
Extrait : LE SIÈCLE 1, LA CHUTE DES GÉANTS)

Avec LE SIÈCLE il m’a encore une fois été permis d’admirer l’audace de Ken Follet. Il a créé, imaginé cinq familles : américaine, russe, allemande, anglaise et gauloise et leur a fait traverser le vingtième siècle, elles et les générations suivantes, à travers ses propres observations.

Tout y est : les deux guerres mondiales sans compter les guerres civiles, la guerre froide et la guerre du Vietnam, le règne périlleux de John F Kennedy et la crise des missiles de Cuba, la révolution russe. Dans son regard qui s’étend sur une centaine d’années, Follet nous parle de ces familles qui se sont croisées, aimées, déchirées à travers les plus grandes tragédies de l’histoire.

LE SIÈCLE réunit trois tomes : TOME 1, LA CHUTE DES GÉANTS : l’auteur présente et installe graduellement les familles dans son roman. Elles devront faire face dans un premier temps à la première guerre mondiale qui laissera derrière elle un sillage de mort et de désolation.

La révolution russe marquera aussi cette époque. TOME 2, L’HIVER DU MONDE : la génération suivante constate tristement l’arrivée au pouvoir des Nazis, la montée d’Hitler et enfin les drames et abominations de la deuxième guerre mondiale.

TOME 3 : Les générations qui s’enchevêtrent affrontent cette fois d’énormes troubles sociaux et politiques localement et aussi à l’Échelle internationale alors que le monde vient à un cheveu de la confrontation nucléaire, la construction du mur de Berlin et la création d’Israël et la guerre froide…la liste pourrait s’allonger…

Ce roman est monumental. Il se démarque je crois par la qualité de sa recherche historique. Il y a bien sûr quelques faiblesses, typiques des grandes sagas, pour ce que j’ai pu observer personnellement.

Chaque tome accuse quelques longueurs, je pense entre autres aux aventures amoureuses des familles offrant un luxe de détails souvent inutiles, ou la crise de Cuba qui aurait pu être un peu plus condensée. le rythme est parfois en dents de scie et j’observe un essoufflement dans le troisième tome où les personnages deviennent plus froids et la description des évènements légèrement plus relâchée.

Malgré ces petites faiblesses, je continue à penser que cette œuvre est gigantesque et je salue le travail de titan abattu par Ken Follett en matière de recherche historique. Il y a investi énormément de temps pour apporter à sa trilogie un maximum de précision. Je trouve aussi qu’il a inséré la fiction aux histoires réelle avec finesse et intelligence. Les faits historiques et les éléments biographiques sont d’une grande précision.

Il y a un petit extra que j’aime bien dans LE SIÈCLE. C’est qu’à travers les pérégrinations des 5 familles, Follett y va de ses observations sur les différentes tendances d’époque :la musique, la mode, le cinéma, les arts et beaucoup d’autres tendances sociales. La démarche principale de l’auteur étant historique, ça vient alléger et agrémenter l’œuvre qui compte quand même 3350 pages.

J’apprécie la capacité de Ken Follett de s’investir à fond dans ses œuvres. Il me rappelle un peu Stephen King, Fenimore Cooper et plusieurs autres auteurs qui ratissent large dans le temps et l’espace et qui s’étendent sur les tendances des lieux et des époques, qui détaillent abondamment leur sujet quitte à poursuivre sur plusieurs tomes.

Je recommande toute la série mais je terminerai en disant que la trilogie est nettement inférieure au livre LES PILIERS DE LA TERRE qui, selon moi demeure l’œuvre majeure de Ken Follett et une de mes meilleures lectures à vie. Mais si vous aimez le style de l’auteur et si vous aimez l’histoire dans le genre de la chronique, vous aimerez LE SIÈCLE.

Ken Follet est un écrivain gallois spécialisé dans les thrillers politiques. Il est né le 5 juin 1949. Follet a grandi avec les histoires que lui racontait sa mère, ce qui l’a amené très tôt à développer une forte imagination ainsi que le goût de lire. Alors qu’il était étudiant pendant la guerre du Vietnam, il s’est pris peu à peu de passion pour  la politique et le journalisme. L’écriture suit rapidement. Si le succès tarde un peu à venir, déjà en 1978, son livre L’ARME À L’ŒIL connait un succès foudroyant et devient le premier d’une longue série de best-sellers.

Le point culminant de sa carrière est atteint avec LES PILIERS DE LA TERRE qui devient rien de moins qu’un succès planétaire. Fort de ce succès, il entreprend dès 2009 l’écriture de la trilogie LE SIÈCLE. Parallèlement, Follet dirige un institut de dyslexie et soutient une association de lutte contre l’analphabétisme.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 20 mai 2018

DRÔLE DE MAÎTRESSE, livre d’ÉVELYNE REBERG

*Moi, j’ai tout de suite trouvé que c’était une
drôle de maîtresse : elle avait la bouche en
forme de pneu son visage luisait comme celui
de ma mémé Andrée quand elle se met de la
crème de beauté.*
(Extrait : DRÔLE DE MAÎTRESSE, Évelyne Reberg, Arno,
Éditions Hatier, 1993, édition de papier, 42 pages,
littérature-jeunesse, 7-8 ans)

DRÔLE DE MAÎTRESSE raconte l’histoire de Benoît Casse-noix, Léonard le froussard et Lazare. Un jour leur vie est un peu chamboulée parce que leur institutrice, madame Bégonia tombe malade et est remplacée par un drôle de numéro : Miss Cassolette. Elle parlait lentement et impressionnait toute la classe. Elle semblait follette miss Cassolette. Il y a fort à parier que les enfants se souviendront longtemps des leçons de Miss Cassolette. DRÔLE DE MAÎTRESSE  a été écrit pour les enfants de 7 à 8 ans. Le livre est rehaussé des illustrations d’Arno et comprend un petit lexique. 

L’ALLURE FOLLETTE DE MISS CASSOLETTE
*Elle parlait lentement miss Cassolette,
comme si elle dormait tout haut,
ça nous impressionnait.*
(Extrait : DRÔLE DE MAÎTRESSE)

J’ai eu plaisir à lire ce petit livre d’autant que j’ai eu droit à une petite surprise de l’auteure. L’histoire est simple. Un jour, l’institutrice, madame Bégonia tombe malade et elle est remplacé par un drôle de numéro : Miss Cassollette. Il faut voir la remplaçante…je ne m’y attendais pas du tout et ce sera sûrement une surprise pour les enfants aussi.

Vous allez très vite comprendre pourquoi cette histoire ne vieillit pas.*Bon. Voilà la maîtresse qui nous décline le verbe « manger » : -Je broute, tu croûtes, il droute, nous froutons, vous groutez, ils chroutent. Cette fois, il y a eu un long, long, long silence* (Extrait)

Cette histoire s’adresse aux premiers lecteurs qui ont tendance à dévorer les histoires, je dirais les 7-8 ans. Le petit volume réunit les caractéristiques habituelles des livres pour les enfants » chapitres courts, grosses lettres, dans l’ensemble, une histoire courte, celle-ci fait 45 pages.

Et bien sûr, les illustrations. Celles de DRÔLE DE MAÎTRESSE ont été réalisées par Arno qui a créé des illustrations fort belles et très expressives tout à fait dans le ton de l’histoire.

J’ai toujours trouvé important d’identifier les illustrateurs et de reconnaître leurs mérites car comme c’est le cas pour DRÔLE DE MAÎTRESSE, le fil conducteur de l’histoire tourne autour de leurs dessins et en général, les enfants y sont sensibles. Ici, je crois qu’auteure et illustrateur ont fait un beau travail d’équipe.

Je veux mentionner aussi que DRÔLE DE MAÎTRESSE fait partie d’une collection un peu spéciale. En effet, la collection RATUS POCHE a cette particularité d’introduire l’enfant à une notion de compréhension de texte. Dans DRÔLE DE MAÎTRESSE, on trouve, à toutes les deux ou trois pages, une question accompagnée de dessins.

Ce sont des dessins-réponses et il y en a trois. L’enfant doit trouver la bonne réponse en pointant le dessin correspondant. C’est une façon originale et même drôle d’apprendre et de comprendre ce que dit le texte. Il y a en tout 13 réponses à trouver et l’enfant qui trouve les 13 bonnes réponses devient un super-lecteur.

On trouve aussi à la fin du livre, un petit lexique qui aidera les enfants à comprendre les mots compliqués.

C’est un bon petit livre avec une petite histoire toute simple mais aussi originale et drôle. J’invite donc les enfants à faire connaissance avec une DRÔLE DE MAÎTRESSE. Je crois qu’ils se souviendront longtemps de ses curieuses leçons…

Evelyne Reberg est née en 1939. Elle a publié notamment « Juju pirate » chez Flammarion, « La Bibliothèque ensorcelée » chez Bayard. Professeur de lettres, puis bibliothécaire, elle est également auteure de nombreuses histoires pour enfants. Elle a également écrit des ouvrages pour des éditeurs tels que Bayard et Duculot .

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 14 janvier 2018

 

MAISONS ANCIENNES DU QUÉBEC, PERRY MASTROVITO

*Lorsque j’ai visité ces maisons, je me suis
senti très privilégié d’être invité à l’intérieur,
pour voir avec mon œil de photographe,
les décors fabuleux que je tentais
d’imaginer de l’extérieur…*
(Extrait : MAISONS ANCIENNES DU QUÉBEC,
introduction, Perry Mastrovito, Broquet, 2011,
textes en français et en anglais, éd. Papier,
160 pages)

Dans son livre MAISONS ANCIENNES DU QUÉBEC, Perry Mastrovito nous livre toute la beauté et la chaleur des maisons anciennes du Québec…de superbes maisons construites aux 18e et 19e siècle, témoignant de l’influence de la Nouvelle-France.

Mastrovito partage avec le lecteur le privilège dont il s’est senti investi en visitant l’intérieur de ces maisons superbes, témoins du passé québécois et de ces tendances architecturales, sises dans les régions de Laval, Lanaudière, les Basses Laurentides, dans l’Outaouais et sur l’îles d’Orléans. Une magnifique et vibrante remontée dans le temps.

LA CHALEUREUSE PRÉSENCE DU PASSÉ
*Qui sait, peut-être y trouverez-vous aussi
quelques conseils de décoration et de
design, tout en étant visuellement
impressionné, comme je l’ai été,
par
ces maisons qui font partie de notre
précieux héritage architectural.*
(EXTRAIT : MAISONS ANCIENNES DU QUÉBEC)

C’est un très beau livre qui touche un peu tout le monde car qui n’a pas été touché et même envoûté, tôt ou tard par une maison ancienne. Mastrovito y a réuni plus de 300 photos. Ce trésor comprend des maisons anciennes de bois ou de pierres des champs construites aux 19e et 18e siècle.

Et comme le goût des québécois pour l’architecture du passé ne se dément pas, l’auteur-photographe a inséré des photos de maisons récentes, de quelques dizaines d’années. Mais, voilà, ces maisons ont ceci de particulier qu’elles ont été construites pour paraître vieilles.

Plusieurs de ces maisons m’ont fortement impressionné. Entre autres, une grande demeure construite dans les années 1820 à Saint-Laurent, une petite municipalité de l’île d’Orléans, une superbe demeure dont la finition extérieure combine le rouge et le blanc…*une combinaison traditionnelle et populaire de couleurs éclatantes…* (Extrait)

Ce livre a quelque chose d’onirique. Il m’a littéralement hypnotisé par sa capacité de me faire goûter et me faire vivre la beauté rustique et l’allure de la vie rurale. Vous aussi, vous trouverez vos coups de cœur, j’en suis certain.

Ça pourrait être une maison construite vers 1760 à Lachenaie, pierres des champs, finition extérieur orangée et dans laquelle on a ajouté un superbe poêle à bois l’Islet datant de 1949…ou encore une splendide maison en pierre des champs érigée dans les années 1730 à Rivière-Des-Prairies et restaurée dans les années 1970 en respectant scrupuleusement ses conditions d’origine.

Ce livre, vibrant témoin du passé québécois, est un baume pour le cœur avec des maisons qui parlent, qui chantent et qui nous enveloppent du riche passé de la Nouvelle-France. Il a quelque chose de poétique qui enchante. Ce livre est toute l’expression de notre précieux héritage architectural.  Je le recommande chaleureusement.

Suggestion de lecture : DANS LA PEAU DE NOS ANCÊTRES, de Guy Solenn

Perry Mastrovito est un photographe professionnel né à Montréal. Il s’est spécialisé dans la photographie de maisons résidentielles, et de paysages ruraux et urbains entre autres. Plusieurs de ses photos ont été publiées dans de nombreux livres, magasines et publications. On en trouve aussi sur des calendriers et des cartes postales par exemple. Pour mieux apprécier l’univers de l’artiste, visitez le site www.perrymastrovito.com

À LIRE AUSSI :

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le  dimanche 12 novembre 2017

LA COMPAGNIE, le livre de ROBERT LITTEL

*Avec un sourire amer, le sorcier releva
le chien et colla l’extrémité du canon
sur le ventre du russe. «On dirait que
les dindes qui vous protègent se sont
endormies.» Puis il tira.*
(Extrait : LA COMPAGNIE, Robert Littell,
Peter Mayer 2002, t.f. : Buchet/Chastel
2003, édition numérique, 1075 pages)

En 1950 à Berlin, Harvey Torriti, dit «le sorcier», et sa nouvelle recrue, Jack McAuliffe, préparent le départ du transfuge russe Vichnievski Pour les États-Unis. Mais à la *Compagnie*, -mieux connue sous le nom de CIA-, ses supérieurs semblent mettre en doute les capacités de leur agent, plus porté sur le whisky que sur l’étude des relations géopolitiques…

Entre agents doubles et traîtres déclarés, personnages de fiction et personnages réels (Kennedy, Castro, Eltsine, mais aussi Ben Laden), Robert Littel dévoile, à travers ce thriller politique un demi-siècle de notre histoire.

Il nous entraîne sur les traces de ses héros, en plein cœur de la guerre froide, des chars soviétiques de Budapest à la Baie des Cochons, de l’assassinat supposé du pape Jean-Paul premier au complot contre Gorbatchev. Une grande saga.

Après l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941, le président américain Harry Truman constatant avec regret que les services secrets ont été incapables de prévoir l’offensive Japonaise, décide que Dorénavant, le FBI et J. Edgar Hoover opéreront seulement sur le territoire américain et l’espionnage à l’étranger sera confié à une nouvelle agence qui sera placée directement sous l’autorité du président des États-Unis. C’est la naissance de la CIA, principal élément de la politique de l’endiguement du communisme.

Les coulisses historiques
De la CIA

*Gorbatchev secouait la tête d’un côté, puis
de l’autre en signe de dégoût. «Croyez-vous
vraiment que les gens soient tellement las
qu’ils seraient prêts à suivre n’importe
quel dictateur? »
(Extrait : LA COMPAGNIE)

 Quand j’ai commencé à m’intéresser à l’actualité mondiale, Nikita khrouchtchev était premier secrétaire de l’Union Soviétique et Dwight Eisenhower était président des États-Unis et il s’apprêtait à laisser sa place à John F Kennedy. Comme les deux plus grandes puissances du monde se détestaient singulièrement, il y avait dans l’air un relent de catastrophe, de fin du monde.

C’est à peu près à cette époque qu’Eisenhower a créé la Compagnie, qui deviendra la CIA. Alors que cette agence de renseignements et d’espionnage en était à son recrutement de *James Bond* et à ses premiers balbutiements, elle s’entourait déjà d’une aura pompeuse : *En entrant dans cette pièce, vous êtes entrés dans ce que les sociologues appellent une culture fermée* (Extrait)

On libérait aussi de tous doutes les nouvelles recrues avec des formules plutôt directes et pas très recherchées… *La seule règle, c’est qu’il n’y a pas de règles* (Extrait)

LE ROMAN DE LA COMPAGNIE commence là et cette histoire s’étend sur quarante ans et sur plus de onze cents pages. Les principaux thèmes de ces quarante ans sont développés avec un remarquable respect de la dimension historique des évènements.

Le récit commence par une imposante opération d’exfiltration qui s’est soldée par un échec, puis le complot contre Castro, l’affaire des missiles, la Baie des Cochons, La CIA aurait souhaité que les États-Unis combattent le communisme en territoire cubain, mais l’administration Kennedy, plutôt timorée a préféré se rabattre sur le Vietnam, puis l’Afghanistan : échec sur échec.

Puis est arrivé Mikhaïl Gorbatchev qui menaçait dangereusement la ligue du vieux poêle soviétique avec sa perestroïka. La CIA a quand même contribué à dénoncer et combattre le complot contre Gorbatchev en faisant pression sur Boris Eltsine qui présidera finalement au démantèlement de l’Union Soviétique et à la mise au rancart du KGB.

L’auteur explique aussi plus brièvement l’arrivée de personnages qui s’inscriront dans l’histoire comme Ben Laden, Sadam Hussein et bien sûr Vladimir Poutine. Avec la fin de la guerre froide, la CIA n’allait pas chômer pour autant avec la montée de l’extrémisme islamiste.

C’est un roman fascinant qui m’a entraîné dans le temps et dans l’histoire jusqu’au début de la guerre froide alors que la Russie se remettait à peine des horreurs de Staline, cet esprit tordu. Ça n’allait pas s’arrêter là : le communisme allait faire l’objet d’une chasse aux sorcières avec, au cœur de la tourmente les services de renseignements : le KGB contre la CIA.

L’auteur de la COMPAGNIE tend à démontrer si on lit un peu entre les lignes que le communisme était une idée intéressante, déformée à la base par des chefs erratiques, incohérents et violents…Lénine, Staline et autres génies du genre :

*L’URSS n’était pas un pays dit Jack. C’était la métaphore d’une idée qui pouvait paraître bonne sur le papier, mais qui, dans la pratique, s’est révélée terriblement défectueuse. Et les métaphores défectueuses sont plus difficiles à abattre que les pays défectueux*. (Extrait)

The Company a été adapté à la télévision par Mikael Salomon en 2007. Donc c’est une série américaine en trois épisodes avec Chris O’Donnel, Alfred Molina et Michael Keaton, entre autres.

Parce qu’on ne m’a pas démontré le contraire, j’ai toujours été d’avis que la CIA a accumulé les fiascos. L’auteur n’a pu éviter cet aspect de la CIA mais sur les côtés sombres de l’agence, Littel est plutôt timide. C’est une faiblesse que j’attribue à ce roman.

Il faut aussi faire attention car ce récit met en perspective les dualités du monde de l’espionnage : infiltration / exfiltration, espionnage / contre-espionnage, agent / agent double / agent triple / taupe, conflit / détente. C’est plus ou moins bien expliqué. Il s’agit d’être attentif.

Pour moi, LA COMPAGNIE est un excellent roman historique et même quelque uns de ses personnages sont particulièrement attachants. Je pense en particulier au seul espion qui apparait tout au long du récit : Harvey Torriti, dit le sorcier, un gros bonhomme obèse, balourd, traînard et alcoolique mais doté d’une intuition extraordinaire et qui imprègne toute l’histoire.

C’est un livre évidemment très long et pourtant, je n’ai pas trouvé le temps long. Il se lit très bien. Je pense que l’auteur, Robert Littel, a couvert 40 ans d’histoire avec brio. J’ai apprécié aussi la présence d’une taupe tout au long du récit et qui n’a été identifiée qu’à la fin…ça donne une touche de mystification et ça renforce l’intrigue.

Bref c’est un roman tranchant, un peu acide par moment. La plume est quand même fluide et nous fait oublier un peu la piètre ventilation du roman. Ce thriller politique aussi appelé avec raison roman d’espionnage est une réussite. Je le recommande.

Suggestion de lecture : LE LIVRE NOIR DE LA CIA, de Yvonnick Denoël

Robert Littell est un auteur et journaliste américain né en 1935 à New York. Il a commencé dans le journalisme au Newsweek en 1964 et s’est spécialisé dans les questions sur le Moyen et le Proche Orient. Son expérience de reporter lui a donné le goût du voyage et plusieurs lieux qu’il visite serviront de cadre à quelques-uns de ses grands romans. Son premier roman, Robert Littell l’a écrit en 1973 sous forme de feuilleton.

Les grands romans d’espionnage vont suivre dont LA COMPAGNIE en 2003, LÉGENDES en 2005, LE FIL ROUGE en 2007 et L’HIRONDELLE AVANT L’ORAGE en 2009 pour ne nommer que ceux-là… En tout douze romans.  Observateur minutieux de l’univers géopolitique, Robert Littel partage aujourd’hui son temps entre la France, Le Maroc, l’Espagne, l’Italie et dans une moindre mesure, les États-Unis. (Source : overblog.com )

 BONNE LECTURE

JAILU/Claude Lambert

Le dimanche 8 octobre 2017

 

LA SÉRIE NOIRE DE GALLIMARD, héritage du gothique

LA LITTÉRATURE NOIRE SANS FRONTIÈRE

Ce que l’on appelle LE ROMAN NOIR est en fait l’héritage, voire la continuité d’un genre littéraire qui était très prisé au XVIII siècle : le roman gothique. LE ROMAN NOIR décrit le côté sombre de nos réalités sociales : Mafia, crime organisé, meurtres en série, corruption, violence, haine, légendes urbaines etc.

Voyons ce que le dictionnaire mondial des littératures de Larousse dit des romans noirs : *Le genre se spécialise dans la peinture de l’excès et de l’horreur, et produit un récit à grands effets qui dit la force et la cruauté du mal, ainsi que la misère (mais aussi la victoire) de l’innocence.*

En 1945, sous l’impulsion de l’éditeur Claude Gallimard, Marcel Duhamel éditeur, traducteur, scénariste et acteur (1900-1977) crée une collection qui mettrait en perspective toutes les angoisses de la société. Le poète et scénariste français Jacques Prévert (1900-1977) arrêtera définitivement le nom de cette collection : SÉRIE NOIRE.

Les débuts sont modestes…quelques parutions ici et là. Mais puisque l’intérêt se manifeste et que la demande prend de l’ampleur, Gallimard s’organise et la SÉRIE NOIRE prend définitivement son envol en 1948, publiant jusqu’à nos jours des milliers de titres. Gallimard a même publié un livre qui raconte l’histoire de la série.

Édition publiée sous la direction d’Alban Cerisier et Frank Lhomeau. Avant-propos d’Antoine Gallimard. Bon marché et largement diffusée, la Série Noire a été accueillie à bras ouverts par les lecteurs français de l’après-guerre fascinés par l’Amérique, scène mythique de ces romans noirs rugueux et haletants puissamment relayés par le cinéma. Marcel Duhamel s’est entièrement voué à cette passionnante entreprise éditoriale, commencée modestement avant de devenir l’une des collections phares des ÉDITIONS GALLIMARD).

PRÈS DE 3000 LIVRES
*…la série noire change en profondeur les codes de la
littérature traditionnelle. Le style moins ampoulé,
plus bref et incisif, mélange l’action à la psychologie…
La Série Noire dépoussière également le roman en
lui greffant le langage parlé de la rue.
(Thomas Morales, journaliste et écrivain, causeur.fr)

Au moment d’écrire ces lignes, la SÉRIE NOIRE en est à sa 76e année de production et elle a toujours de l’avenir. Bien sûr, je n’allais pas me lancer dans la lecture de plus de 2,900 bouquins mais pour bien saisir et approfondir l’influence de la SÉRIE NOIRE sur les plans culturels et littéraires, il fallait que j’aille voir.

Aussi, j’ai sélectionné tout à fait au hasard quatre livres que j’ai lus au complet. Je vous ai déjà parlé du premier, LE TUEUR DU DIMANCHE de José Giovanni, ouvrage dont l’argot irrésistible teinté de spontanéité et de crudité m’avait séduit. Je vous propose maintenant une brève description ainsi qu’un bref commentaire sur les trois autres livres de la SÉRIE NOIRE que j’ai lus.

 LES ANGES NOIRS, Aevar Örn Josepsson : une informaticienne, divorcée, mère de 2 enfants disparaît sans laisser de traces. Tout le monde la cherche, sa famille, ses amis, les policiers et même un faux policier. Ça devient plus complexe qu’une simple disparition. Il m’a fallu beaucoup de temps avant de m’accrocher à l’histoire. Fil conducteur instable. Le récit est fortement teinté de misogynie et de machisme. Toutefois, malgré la complexité de l’enquête, l’intrigue est soutenue. Reste à se débrouiller avec la toponymie Islandaise.

Le destin de trois personnes se trouve lié de façon inattendue et impitoyable. Ce qui va arriver à Céline, Léopold et Josselin pourrait nous arriver. Violence, cruauté, trahison, rien ne leur sera épargné.

Récit très noir, atmosphère glauque, violent, le sujet est original. La narration est à trois voix en alternance, chaque personnage communiquant au lecteur ses émotions et sentiments. La finale est étrange donnant l’impression d’un roman inachevé. Toutefois, le suspense est évolutif et habile.

Figures de proue de la Série Noire et du polar français, graphomanes talentueux, Jean-Bernard Pouy et Marc Villard ont entamé en 2005 un dialogue littéraire qui a donné naissance à plusieurs textes à quatre mains. Avec La mère noire, ils reforment leur duo pour la Série Noire et signent un roman riche des échanges et jeux de langage qui les caractérisent.

À PROPOS DE L’ARGOT DES POLARS DE LA SÉRIE NOIRE

 Je me suis déjà exprimé sur le caractère très spécial du langage des polars de LA SÉRIE NOIRE. Pour ceux et celles qui veulent explorer davantage cet aspect de la collection, je vous invite à parcourir L’ARGOT DU POLAR, 38 nuances de la Série Noire de Lionel Besnier. Publié par Gallimard à l’occasion du 70e anniversaire de la Série Noire, ce livre réunit les perles des auteurs de polars avec des termes argotiques parfois tout à fait savoureux, des tournures de phrases originales…le tout teinté de tout ce que peut offrir la littérature noire : un soupçon de machisme, des éclats de violence gratuite, de la haine et des criminels en perdition. 

Pour parcourir la liste des titres de la collection, cliquez ici.

Suggestion de lecture :  LES CONTES INTERDITS, coup d’oeil sur la série

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le dimanche 28 mai 2017

L’ARRACHEUSE DE TEMPS, de FRED PELLERIN

 

*…Toussaint fût réveillé subitement. Était-ce le
chant du coq d’Ovide Samson? Non. Le coq
avait succombé d’un coup de poêlonne de
fonte dans l’omelette ce matin-là. Le chant
du toc, ce fut une explosion. Bang! Chez les
Gélinas.*
(Extrait : L’ARRACHEUSE DE TEMPS, contes de
village, Fred Pellerin, Sarrazine Éditions, 2009,
num. 135 pages)

Encore une fois, Le célèbre conteur Fred Pellerin plonge dans l’inépuisable mémoire de
Saint-Élie-De-Caxton pour nous livrer un conte touchant et vibrant sur le thème de la mort. Il y est question de cette étrangère venue s’établir au Lac-Aux-Sangsues…une femme discrète qu’on a élevée rapidement au rang de sorcière parce qu’elle lisait l’avenir. Une arracheuse de temps comme on dit…partie comme elle est arrivée emportant une grande quantité de mystères et de secrets enfouis dans la mémoire de Saint-Élie…

SAINT-ÉLIE PURE LAINE
*La dépouille faisait fureur. Tout le monde
s’était agglutiné autour de la table où
s’étendait la translivide. On observait cette
anonyme sans vie. À intervalles, chacun
jetait un œil à son voisin pour décoder une
réaction. À s’interroger sur la façon de
s’endeuiller devant l’inconnue.*
(Extrait : L’ARRACHEUSE DE TEMPS)

L’histoire tourne autour de LA STROOP, un des personnages de légende de Fred Pellerin. LA STROOP est une étrangère riche, étrange, mystérieuse et indépendante qui s’est installée un peu en retrait du village, ce qui entretien davantage le mystère qui l’entoure avec le résultat que le village n’a pas tardé à *sorciériser* la femme, encouragé par le curé neuf qui est par nature assez orthodoxe.

Ce que tout le village ne sait pas, c’est qu’il côtoie la mort, personnifiée dans le conte par celle qu’on appelle LA TRANSLIVIDE. Mais ce qu’on ne sait pas ne fait pas mal n’est-ce pas?

Toujours est-il qu’on fait connaissance avec des personnages sympathiques bien ancrés dans leur mentalité de village : Méo le coiffeur du village, Toussaint Brodeur, la belle Lurette, le curé *Neuf*…tous ont des raisons de consulter la STROOP qui aurait le pouvoir de faire reculer la mort…de lui *arracher du temps*.

Telle est la trame de ce conte rempli de fantaisies, de sympathiques expressions tordues, de tendresse, et porteur d’une belle réflexion sur la mort…pas le genre à faire peur mais plutôt à y réfléchir simplement. Fred Pellerin demeure résolument positif…même que personne ne meure pendant le passage de la STROOP chez les *Caxtoniens* sauf si on doit considérer la mort de la mort elle-même.

Le spectacle m’a ému, le livre m’a enveloppé. Dans le spectacle, Fred Pellerin a ce don magnifique de mettre en perspective le non-dit par son expression et son langage dans lequel le français *passe par des tours de passe-passe* tout à fait délicieux. Il rit de la mort sans jamais nous laisser indifférent à la Faucheuse. Avec une remarquable énergie, de l’humour et beaucoup de douceur, il laisse en nous la couvaison d’une réflexion qui viendra bien en son temps.

Si le spectacle mérite d’être vu, le livre vaut vraiment la peine d’être lu. Je sais que pour Fred Pellerin, le récit oral passe bien avant l’écrit. Mais ce livre est beaucoup plus que la transcription du conte dans le genre *mot à mot*, j’ai pu en mesurer toute l’intensité et les expressions tout à fait savoureuses et de superbes tournures de phrase :

*Et toutes ces choses faisaient d’elle une prémonitieuse sans fil. En interurbain constant avec le passé. L’avenir aussi. L’indicatif passé proche, et le futur compliqué…il suffisait de la consulter quelques minutes dans une volonté de vous refaire le futur que déjà vous n’aviez plus aucune idée de ce que vous avez fait la veille. À subjoncter au possible…*(Extrait)

Si vous êtes tanathophobe, ou si vous avez ne serait-ce que peur d’avoir peur, pensez à la légende Caxtonienne et à son fier porte-parole Fred Pellerin avec L’ARRACHEUSE DE TEMPS. C’est une formidable thérapie. Je vous dirai ici que le meilleur des mondes consiste à voir le spectacle et à lire le livre, peu importe dans quel ordre. De toute façon, les deux versions sont vendues ensemble.

Vous aimerez je crois…vous aimerez beaucoup.

Suggestion de lecture : LES CONTES DES 1001 NUITS

Fred Pellerin est un conteur, écrivain, scénariste et chanteur né en 1976 à Saint-Élie-De-Caxton en Mauricie au Québec. Diplômé en littérature de l’Université du Québec à Trois-Rivières, il s’est fait connaître rapidement par ses contes issus de son village natal, Saint-Élie-De-Caxton, et mettant en scène des personnages du village, comme Toussaint Brodeur, La Stroop et Méo le coiffeur, entre autres. Il est devenu, tôt dans les années 2000, un des meilleurs conteurs du Québec.

En 2007, il produit avec son frère Nicolas, un album de musique folklorique. L’année suivante, un de ses contes est adapté à l’écran par le réalisateur Luc Picard. Il a produit plusieurs spectacles, livres, disques et DVD. L’ARRACHEUSE DE TEMPS est son 4e spectacle produit en 2008, publié par la suite chez Sarrazine en 2009. Il a été reçu Chevalier de l’Ordre National du Québec en décembre 2012.

BONNE LECTURE
JAILU/CLAUDE LAMBERT

le 18 décembre 2016

L’INDIEN MALCOMMODE, livre de THOMAS KING

*Enseignez aux Indiens à pêcher, mais enseignez-leur surtout à devenir des pêcheurs chrétiens. Après, vous pourrez leur vendre des cannes à pêche… Notre plus grave erreur est d’aller porter notre civilisation aux Indiens au lieu de conduire les Indiens à la civilisation.* (Extrait : L’INDIEN MALCOMMODE, Thomas King, t.f. Éditions du Boréal, 2014, num. 725 pages)

L’INDIEN MALCOMMODE est un essai sur l’histoire, le résultat d’une longue réflexion personnelle que Thomas King a menée presque toute sa vie sur ce que ça représente d’être un indien en Amérique du Nord. Avec le franc parler typique d’un indien, King donne un petit caractère subversif à son livre en démolissant avec beaucoup d’esprit et d’humour toutes les idées reçues et préconçues sur les peuples autochtones qu’on appelle Les Premières Nations. Il ne s’agit pas d’une condamnation des attitudes ou des comportements. Il s’agit plutôt de l’histoire revisitée et replacée dans son contexte. 

Un portrait inattendu des Autochtones
d’Amérique du Nord
*Sur le plan des attitudes, en terme de dépossession
et d’intolérance, pas grand-chose n’a changé…
Vous voyez le problème que j’ai? L’histoire que
j’essaie d’oublier, ce passé que je propose de
convertir en autodafé, c’est notre présent. Ce
pourrait être aussi notre avenir.
(Extrait : L’INDIEN MALCOMMODE)

Quand j’ai lu le résumé de ce livre, je me suis replongé, l’espace d’un instant, dans les petites leçons d’histoire que je recevais à l’école primaire. La plupart du temps, ces leçons se résumaient à un constat plutôt navrant : les Blancs étaient les bons et les Indiens étaient les méchants.

Bien que je ne fusse pas plus précoce qu’un autre à l’époque, je trouvais ça trop beau pour être vrai. J’étais sceptique. Si le livre de Thomas King avait été publié à l’époque, il aurait été mis à l’index ou peut-être refilé aux universités.

En effet, dans un ouvrage sensiblement subversif, King fait une relecture de l’histoire du Canada et des États-Unis en identifiant les mythes et en replaçant les évènements dans leur contexte.

Dans un langage simple et avec des raisonnements faciles à suivre, King met dans l’ombre les récits trop beaux pour être vrais généralement très bien encadrés par la littérature en général et les manuels scolaires en particulier, et bien sûr la télévision et le cinéma.

L’auteur rappelle que la réalité est beaucoup plus complexe et avertit d’entrée de jeu le lecteur, la lectrice : Nous sommes nombreux à penser que l’histoire, c’est le passé. Faux. L’histoire, ce sont les histoires que nous nous racontons sur le passé*

Il semble que le temps, et quantités d’expédients politiques, économiques, sociaux et culturels aient dénaturé l’idée qu’on se fait des indiens. Vous comprendrez vite, comme moi que Thomas King n’a pas réécrit le passé. Il livre simplement et parfois avec humour, le fruit d’une longue réflexion personnelle et analytique qui tend à répondre à une question complexe : qu’est-ce que ça signifie d’être un indien aujourd’hui en Amérique du nord?

Pour répondre à cette question, King identifie trois classes historiques d’indiens : L’indien légal, l’indien mort et l’indien idéal. Il développe surtout en long et en large ce qui a constitué de tout temps le cauchemar des indiens : LA POSSESSION DES TERRITOIRES en expliquant les lois, traités, ententes, règlements et jugements dont les effets et les conséquences allaient plutôt à sens unique.

À l’entrée du National Cowboy Hall of Fame d’Oklahoma City se trouve la sculpture de James Earl Fraser (1876-1953). L’œuvre représente la légendaire FIN DE LA PISTE DES LARMES (The end of the trail) évoquée et développée par Thomas King dans L’INDIEN MALCOMMODE. Elle représente un guerrier à bout de force, qui s’effondre sur son cheval. Plutôt très compatible avec l’histoire. Par ailleurs, on a donné le nom de PISTE DES LARMES à l’exode Cherokee qui eut lieu pendant l’hiver 1838-1839 du Mississipi vers l’Oklahoma.

J’ai adoré ce livre…il m’a passionné pour plusieurs raisons. D’abord à cause de la beauté du texte magnifiquement traduit par Daniel Poliquin qui a su aller au-delà des mots en livrant le ressenti de l’auteur. Ensuite, j’ai ressenti toute une gamme d’émotions : la colère, la déception, la tristesse mais aussi le rire, la sympathie, l’étonnement.

C’est un livre fascinant, très bien documenté et dans lequel s’étend un raisonnement crédible facile à suivre et qui tend à expliquer de façon parfois mordante, parfois drôles où nous en sommes aujourd’hui dans nos relations avec les indiens et où est-ce que ça va nous mener.

Un plaisir à lire.

Suggestion de lecture : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, de Voltaire

Thomas King est un auteur, journaliste, animateur et conférencier né à Sacramento en Californie et installé au Canada depuis 1980, plus précisément à Guelph en Ontario où il enseigne l’anglais à l’Université. King est de descendance Cherokee et fût le tout premier conférencier autochtone canadien.

Ardent défenseur des premières nations, King s’est exprimé dans ses écrits sur l’expérience autochtones dans la littérature, les traditions orales, l’histoire, la politique, la religion et la culture avec, comme principal objectif de donner un sens aux relations complexes qu’entretiennent la société nord-américaine et les peuples autochtones.

King est aussi le créateur d’une série radiophonique intitulée THE DEAD DOG CAFE COMEDY HOUR pour CBC Radio one. Thomas King est membre de l’Ordre du Canada depuis 2004.

BONNE LECTURE

JAILU/CLAUDE LAMBERT
11 décembre 2016

LE DOSSIER 113, le livre d’Émile Gaboriau

*Prosper avait d’abord essayé de faire causer son étrange compagnon, mais comme il ne répondait que par mono- syllabes, il mit son amour propre à se taire. Il était irrité de l’emprise de plus en plus absolu que cet homme exerçait sur lui.* (Extrait : LE DOSSIER 113 de Émile Gaboriau. Publication d’origine : Dentu 1867, réed. Num. bibebook, lire de droit. 840 pages)

Un vol important est commis à la banque Fauvel de Paris. Deux personnes seulement connaissaient la combinaison du coffre. Le caissier Prosper Bertomy est arrêté. Les circonstances forcent la tenue d’une seconde enquête menée cette fois par l’inspecteur Fanferlot qui découvre l’existence d’une mystérieuse jeune femme entretenue par le caissier. Fanferlot fait alors appel au redoutable policier Lecoq avec qui il remonte la piste d’une affaire beaucoup plus complexe. L’auteur nous transporte des années en arrière, sous la restauration, nous dévoilant une mystification d’envergure…un dossier criminel historique.

LE SOUCI DU DÉTAIL
*Mille probabilités plus terrifiantes les unes
que les autres se présentaient en même
temps à sa pensée…l’affreuse étrangeté
de sa situation, l’imminence même du
péril donnaient à son esprit une lucidité
supérieure*
(Extrait : LE DOSSIER 113)

 C’est un livre fort mais un peu particulier en ce sens qu’il est issu d’une littérature d’un autre âge avec un français *haut-perché*, de longues mises en contextes et une intense exploitation de l’anticipation et de la psychologie policière.

À ce titre, l’auteur, qui a publié ce livre en 1867 a été peut-on dire, précurseur du roman policier plus contemporain, ayant donné son style en héritage à des écrivains célèbres comme Sir Arthur Conan Doyle et son fameux Sherlock Holmes et Agatha Christie avec Hercule Poirot…des policiers qui sont au demeurant plus psychologues que policiers.

D’Émile Gaboriau, j’avais déjà lu MONSIEUR LECOQ dans lequel il introduit l’inspecteur Lecoq, qui deviendra récurent dans son œuvre: un personnage brillant, aux méthodes particulières, doté d’une profonde compréhension de la nature humaine et rompu dans l’art du maquillage et du déguisement. Dans le DOSSIER 113, monsieur Lecoq s’attaque à une affaire en apparence insoluble.

Dans LE DOSSIER 113, Gaboriau est fidèle à son style : c’est le crime dès le départ. L’enquête sur le crime amène la découverte d’une affaire encore plus complexe qui y est intimement liée. Ainsi, Gaboriau ouvre une parenthèse, très vaste, et qui devient comme un deuxième roman qui nous apporte graduellement l’éclairage nécessaire à notre compréhension du mystère et à sa résolution.

J’ai dévoré ce livre. Bien sûr dans le premier quart, je trouvais qu’il y avait des longueurs, mais je me suis vite rendu compte qu’elles étaient nécessaires à la compréhension de l’histoire car dans LE DOSSIER 113, comme dans l’ensemble de l’œuvre de Gaboriau, chaque détail compte.

Aucun fait ou élément rapporté n’est insignifiant et à la fin, la boucle est bouclée de façon tout simplement géniale. Tout ce qui a pu échapper à la vigilance du lecteur refait surface et trouve son explication. C’est un livre assez volumineux (près de 850 pages) et pourtant, il se lit vite et bien.

Je terminerai en mentionnant que l’ouvrage d’Émile Gaboriau foisonne de clins d’œil et de réflexions sur la bourgeoisie européenne, parisienne en particulier et sur la morale sociale du 19e siècle, en particulier celle de la noblesse.

Ces détails, très intéressants et même pertinents sont partout dans le livre de sorte qu’à la fin, j’ai été instruit d’un portrait global crédible de la Société française de l’époque, avec, évidemment, une idée assez précise du fonctionnement de la justice.

Je recommande donc avec empressement LE DOSSIER 113 d’Émile Gaboriau.

Suggestion de lecture : L’ANTRE DE LA HAMMER, de Marcus Hearn

Émile Gaboriau (1832-1873) était un écrivain français. C’est après son passage dans l’armée qu’il a commencé à écrire des chroniques pour gagner sa vie. Il découvrit le journalisme aux cotés de Paul Féval. Son succès fût fulgurant. Son premier roman, L’AFFAIRE LEROUGE publié en 1866 connait un succès immédiat avec la création d’un personnage qui deviendra célèbre : le commissaire Lecoq, roman adapté au cinéma. Plusieurs romans suivront. Il inspirera plusieurs auteurs à succès dont Conan Doyle avec Sherlock Holmes et Maurice Leblanc, créateur du célèbre gentleman cambrioleur Arsène Lupin.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2016

I V, un livre intrigant de RAPHËL GRANGIER

*Eh bien voilà, l’objet utilisé pour réaliser les inscriptions dans le corps de votre victime, était bien un harpon, inspecteur…* (Extrait : I V, Raphaël Grangier, Paul & Mike Éditions, 2014, numérique 510 pages)

L’histoire a pour cadre le Connemara, une très belle région située dans l’ouest de l’Irlande. Un jour, en plein cœur du Connemara, un chalutier emprisonne dans ses filets un corps humain meurtri et sans visage. Deux lettres gravées dans la chair du cadavre : I V laissent supposer un meurtre. Quelques jours après cette pêche cauchemardesque, une jambe et deux doigts humains son repêchés. On y trouve les mêmes lettres gravées dans la chair. Deux policiers aux méthodes complètement différentes vont devoir s’unir pour résoudre ce mystère…une enquête qui risque de mettre à nu quelques secrets parmi les plus inavouables d’Irlande. 

HISTOIRE VENGÉE
*Vous avez tué des innocents, gratuitement,
reprend Andrew d’une voix sourde. Leur
seul tort était d’être anglais. Vous vous
êtes servi de l’histoire entre nos deux pays
pour assouvir votre besoin de vengeance.*
(Extrait : I.V.)

J’ai beaucoup aimé la lecture de ce livre pour plusieurs raisons. D’abord l’originalité du sujet. Je reviendrai là-dessus un peu plus loin. Ce qui m’a d’abord sauté aux yeux, c’est que tout le livre est imprégné de l’Irlande : un magnifique pays d’Europe de l’ouest, au passé tourmenté et qui revendique toujours son identité celtique. I.V., c’est l’Irlande dans sa mentalité, sa culture, son caractère et surtout son histoire.

I.V. : deux lettres gravées dans la chair d’un cadavre imposeront la tenue d’une enquête complexe mais palpitante qui s’imprègnera graduellement de la tragique histoire de l’Irlande. Deux enquêteurs disparates : Andrew Richards, dépêché par la criminelle de Londres et Nuala McFeen de la police de Dublin seront contraints de collaborer dans cette difficile enquête qui mettra à nus des secrets très dérangeants et dont l’Irlande ne doit pas être fière.

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est qu’il repose sur l’histoire trouble de l’Irlande. Pour avancer dans l’enquête, les policiers ont dû s’attabler pour étudier et surtout comprendre l’histoire de l’Irlande et elle n’est pas simple.

Voilà la grande originalité du récit : on ne peut résoudre l’affaire qu’en passant par l’histoire. Pour mieux apprécier l’objectif de l’auteur, j’ai fait une recherche parallèle sur l’épisode spécifique de l’histoire de l’Irlande qui se rattache au récit de Grangier.

I.V. fait donc référence à la guerre d’indépendance irlandaise, appelée aussi Tan War, c’est-à-dire la campagne de guérilla qu’a mené l’IRA, l’Armée Républicaine Irlandaise contre la police royale irlandaise, l’armée britannique et les Black and Tans en Irlande et qui fit rage de 1919 à 1921, préludant à la naissance de l’Irlande du Nord..

Je ne rentrerai pas dans les détails, ce serait trop long ici. Je me contenterai de dire que cette guerre a donné lieu à des horreurs innommables et ça transpire dans le livre de Grangier.

Ma petite recherche m’a permis de constater que les éléments historiques ont été intelligemment imbriqués dans le récit de Grangier. I.V. est en fait une histoire de vengeance historique. Une bonne partie de la résolution du mystère se trouve dans le titre du livre, mais je ne gâcherai certainement pas le plaisir du lecteur en continuant sur cette voie.

Enfin, j’ai été surpris par la finale de l’histoire. En effet, alors que je croyais l’enquête terminée et l’affaire classée, voilà qu’un détail troublant vient tout faire basculer et relance l’investigation. Pour moi, le dénouement du récit était totalement inattendu.

En conclusion, I.V. est un excellent polar qui m’a plongé dans une forme inespérée de fascination. C’est un récit fluide et rythmé qui nous tient en haleine du début à la fin.

Suggestion de lecture : AMERICAN GODS, de Neil Gaiman

Je n’ai pas trouvé beaucoup de détails sur le parcours de Raphaël Grangier. C’est sans doute normal car au moment d’écrire ces lignes, Grangier est un auteur émergent qui écrit depuis deux ans seulement et I.V. est son premier roman, paru en 2014. Je crois que c’est prometteur.

Quant à ce que je sais de son parcours, disons que Raphaël Grangier est un technicien supérieur en mécanique. Il a travaillé plusieurs années en sous-traitance avionique avant de devenir professeur certifié en sciences et technologies. I.V. est son premier ouvrage à compte d’éditeur. Souhaitons qu’il y en ait d’autres

Comme je le disais,  concernant Raphaël Grangier, au moment de publier cet article, il y a peu de détails disponibles sur internet. Même sa page Facebook est maigre, mais elle s’enrichira sans doute avec le temps. Voici l’adresse pour les intéressés :

https://fr-ca.facebook.com/AngeR2009

BONNE LECTURE
MARS 2016/Claude Lambert
JAILU

Le scandaleux Héliogabale d’EMMA LOCATELLI

Empereur, prêtre et pornocrate

*Un seul mot et tu peux faire tomber toutes ces têtes.
Tu es l’empereur.
Il se souvint alors de tous ceux qu’il avait raillés et
humiliés au cours de ses banquets, victimes tremblantes
et pathétiques de ses farces cruelles.*
(extrait LE SCANDALEUX HÉLIOGABALE, Emma Locatelli,
Nouveau Monde éditions, 2006, num. 510 pages)

Rome, en 217 de l’ère chrétienne. Varius devient empereur. Adorateur mystique d’une obscure divinité orientale appelée l’Elagabal solaire, il prendra le nome de HÉLIOGABALE. Ainsi commence le règne qui durera un peu moins de quatre ans d’un monstre homosexuel, travesti, débauché, excentrique et cruel, totalement dépourvu d’empathie et de toutes morales. Dans son livre, Locatelli décrit toute la démesure de ce jeune homme âgé de 14 ans au début de son règne…le règne décadent d’un couronné perturbé, capricieux, instable et immature, exécré par le Sénat et l’armée. L’empire romain n’aura jamais connu pire… 

Fou à attacher…
*Jamais je n’aurais pu me décider à écrire la vie
d’Héliogabale Antonin, qui fût aussi appelé Varius,
et à faire connaître au monde que les romains ont
eu pour prince un pareil monstre, si déjà avant lui
ce même empire avait eu les Caligula,  les Néron et
les Vitellius.
(Aelius Lampridius, historien, contemporain de Dioclétien et
Constantin le Grand. Bibliothèque latine, HISTOIRE AUGUSTE
tome 2, seconde série.  Remacle.org )

Héliogabale ou Élagabal est empereur romain de 218 à 222 sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus (Héliogabale Antonin). Il nait, vers 203, à Émèse, en Syrie. C’est le fils de Julia Soemias et de Varius Marcellus

HELIOGABALE est un roman historique…une histoire tellement incroyable que j’ai dû consulter les différents textes, récits et analyses issus des bibliothèques latines et grecques sur la vie et le règne de Marcus Aurelius Antoninus dit Héliogabale afin de m’assurer de la crédibilité du roman d’Emma Locatelli.

Effectivement, le roman est crédible, je dirais même que Locatelli a fait preuve d’une certaine retenue, évitant un penchant disons trop croustillant et spectaculaire, misant davantage sur la cruauté et la violence psychologique exercée par le jeune Héliogabale et là encore, l’auteure n’a pu éviter des passages choquants allant jusqu’à soulever le cœur par moment.

Cela dit, Emma Locatelli nous raconte l’histoire d’un inimaginable monstre : Marcus Aurelius Antonius, devenu le 29e empereur de l’empire romain à l’âge de 15 ans, un garçon dégénéré, apathique, capricieux, cruel, mentalement instable et misanthrope endurci.

Non seulement il rejoint les tyrans qui ont ensanglanté l’histoire de l’empire, tels Néron, Caligula, Tibère et Dioclétien mais il les dépasse largement par le raffinement de sa cruauté et de son despotisme. Heliogabale n’avait de respect ni pour la vie, ni pour les lois, ni pour la tradition.

De plus, il était manipulable et à ce titre, les femmes de son entourage, sa mère, sa grand-mère et sa tante s’en sont servi pour leurs basses ambitions. Bien sûr, elles n’avaient pas prévu perdre le contrôle d’un être aussi fourbe et avide. L’atmosphère de la Cour était carrément pourrie et l’empire en souffrait.

C’est un bon livre qui lève le voile sur un sale moment de l’histoire…l’auteure décrit sans concession le règne d’un enfant-roi dominé par la débauche et la démesure. La plume est habile et pousse le lecteur à se demander jusqu’au ira l’empereur fou et décadent. Il est par conséquent difficile de fermer le livre sans l’avoir terminé. C’est un livre violent, une histoire que je ne conseille pas aux âmes sensibles d’autant qu’elle est historiquement vraie.

J’ai senti que l’auteure ne porte pas de jugement. Elle rapporte, tout simplement, durement, mais objectivement, allant même jusqu’à préciser dans son prologue que si des empereurs ont souillé le nom de Rome par leur cruauté et leur fourberie tels Héliogabale, Néron, Caligula et Commode, d’autres furent des législateurs et des administrateurs sages et avisés, tels César Auguste, Vespasien, Trajan, Marc-Aurèle pour ne nommer que ceux-là.

Bien que ce ne soit pas dramatique, ce qui manque le plus à cet ouvrage est un développement sur la mentalité de l’époque car je dois le confesser, j’ai beaucoup de difficulté à saisir la réalité culturelle de l’époque des empereurs romains.

Je me pose encore les mêmes questions : comment pouvait-on permettre à un enfant de régner sur un aussi vaste empire sans régence sérieuse et surtout, comment a-t-on fait pour tolérer pendant trois ans un être aussi brutal, cruel et incompétent?

Un livre dur, déroutant mais fascinant…

Suggestion de lecture : BORGIA, de Michel Zévaco

Emma Locatelli est française. Femme de lettre, romancière et enseignante, elle partage son temps entre l’écriture et son métier d’enseignante. Outre la biographie romancée d’Héliogabale, elle a aussi écrit un thriller historique : MALEFICUS qui évoque une affaire de sorcellerie au XVIIe siècle et son roman LES HAINES PURES (roman historique sur l’après-guerre et ses blessures) sorti en 2013 chez Albin Michel a reçu le prix des lecteurs du Festival du Livre de Mouans Sartoux ainsi que le prix Coup de Cœur de la 25e heure du Livre du Mans

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
NOVEMBRE 2015