DEUX AMIS DANS LA NUIT, de LOUISE LEBLANC

*Je le vois s’éloigner au bord du lac.
Je ferme la porte et je commence à
trembler. Je prends conscience du
danger auquel je viens d’échapper.*
(Extrait : DEUX AMIS DANS LA NUIT,
Louise Leblanc, Courte Échelle, 1996,
Littérature jeunesse québécoise,
édition de papier, 65 pages, illustré)

Léonard et Julio sont amis mais ils ne se voient pas très souvent. Il n’y a rien d’étonnant à cela parce que Julio est un vampire et il ne peut sortir que la nuit. Un soir, alors que les parents de Léonard ne sont pas à la maison, lui et son ami Julio peuvent enfin passer une soirée ensemble. Du moins, c’est ce qu’ils souhaitent. Mais rien n’est jamais simple entre un humain et un vampire. Il est fort probable que cette soirée réserve son lot de surprises. Heureusement l’amitié est une force, une belle valeur. Humour et émotions sont au rendez-vous dans ce souvenir de la Courte Échelle. 

ENTRE UN HUMAIN ET UN VAMPIRE
IL N’Y A RIEN DE SIMPLE…
*OUI! OUI! J’ai invité un ami. Oui! Je
l’ai enfermé. Parce que c’est un vampire.
Si vous ouvrez la porte, il va mourir.
À cause de la lumière. Et vous serez
des assassins!
(Extrait : DEUX AMIS DANS LA NUIT)

Voici un bon petit livre pour les premiers lecteurs, c’est-à-dire les enfants de 6 et 7 ans. L’histoire est un peu fantaisiste puisqu’elle a comme sujet une improbable amitié entre un petit garçon, Léonard, et un petit garçon…vampire, Julio.

Julio vit dans la peur d’être reconnu. Il demeure dans un cimetière, ne peut pas sortir le jour, donc il ne peut pas admirer les beautés de la nature éclairée par le soleil.

Léonard a compris son dilemme et réserve une belle surprise à son ami. Alors que les parents de Léonard et Julio s’absentent un soir, les deux garçons décident de passer leur première soirée entre amis. Mais voilà…rien ne se passe comme Léonard l’aurait souhaité…

Ce petit livre est porteur d’une double réflexion : d’abord sur l’importance qu’accordent les enfants à la liberté et ensuite, le récit donne tout en douceur une petite leçon sur la tolérance car Julio est un enfant différent des autres, très différent mais l’amitié naissante chez les enfants est quelque chose d’extraordinaire.

Dans une entrevue qu’elle accordait au mensuel culturel québécois VOIR en 1999, l’auteure Louise Leblanc précisait qu’elle voulait créer une situation avec un personnage étranger à la vie courante, une amitié entre un petit garçon ordinaire et quelqu’un d’extraordinaire.

Elle a réussi à un point tel que DEUX AMIS DANS LA NUIT recevait en 1999 le prix du Livre Jeunesse Québec/Wallonie-Bruxelles dont le thème portait cette année-là sur l’amitié et la différence. Le choix des personnages, l’originalité des situations et des péripéties avaient séduit le jury. Les enfants aussi ont été séduits puisque la série Léonard s’est allongée jusqu’à 6 épisodes.

Même à l’âge de 6 et 7 ans, les enfants aiment se faire raconter des histoires. Ça permet un beau contact entre ces derniers et les parents ou les grands-parents et je sais de quoi je parle, ce sont des moments extrêmement agréables pendant lesquels les adultes admirent souvent la capacité d’émerveillement des enfants. Je vous en parle parce que DEUX AMIS DANS LA NUIT est une histoire parfaite pour ce genre de moment privilégié.

Bien sûr, il faudra vous attendre à ce que l’enfant vous demande qu’est-ce que c’est qu’un vampire. Il faudra évidemment vous préparer une réponse gentille mais sachez que dans ce petit livre, il n’y a aucune connotation de violence qu’on attribue généralement aux vampires, bien au contraire.

Julio est un petit bonhomme attachant qui souffre de tout ce qu’il manque à la clarté du jour et son ami Léonard est là pour l’aider. C’est une histoire développée avec doigté et délicatesse.

Sinon, l’enfant peut lire le livre seul. Ce petit livre n’a que 61 pages, ce lit très bien, les lettres sont grosses et les chapitres sont courts et agrémentés par les très belles illustrations de Philippe Brochard, graphiste, illustrateur et spécialiste de la Bande Dessinée.

Enfin, je suis heureux de recommander DEUX AMIS DANS LA NUIT pour les enfants, d’autant que le livre est issu d’une maison d’édition qui a participé activement à l’éveil intellectuel de dizaines de milliers d’enfants pendant 35 ans : LA COURTE ÉCHELLE.

Née à Montréal, Louise Leblanc a donné des cours de français, elle a été mannequin, comédienne, mime, recherchiste, rédactrice publicitaire et puis elle est devenue auteure et le succès est venu rapidement. En 1983, elle gagne le prix Robert Cliche pour son roman 37½AA. En 1993, elle reçoit le prix des clubs de la livromagie pour SOPHIE LANCE ET COMPTE. Elle a écrit plusieurs nouvelles, des romans pour adultes, elle a également écrit pour la télévision. DEUX AMIS DANS LA NUIT est le huitième roman qu’elle publie à la Courte Échelle. (photo: Pierre Charbonneau)

Né à Montréal, Philippe Brochard a fait ses débuts dans les journaux étudiants où il a publié caricatures, bandes dessinées et dessins éditoriaux.  Parallèlement, il a commencé à dessiner pour CROC et commencé à multiplier les collaborations avec divers magazines et éditeurs de matériel pédagogique. Après une participation au Salon International de la bande dessinée d’Angoulême en 1985, Philippe Brochard poursuit sa double vie d’illustrateur et de graphiste en illustrant LE COMPLOT à la Courte Échelle et DEUX AMIS DANS LA NUIT.

À LIRE AUSSI:

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 18 mars 2018

LE BONHOMME DE NEIGE, livre de JO NESBO

*Au moment de se coucher, elle voulut se
blottir contre lui. Mais elle ne put pas. Ne
put se résoudre à le faire. Elle était impure.
-Nous allons mourir- avait lâché la voix au
téléphone. Nous allons mourir, catin*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE, Jo Nesbo,
Gallimard, série noire, 2007, éd. Numérique,
430 pages.)

Un jour de novembre 2004, un bonhomme de neige sorti de nulle part se retrouve dans le jardin des Becker, le regard tourné vers les fenêtres de la maison. La nuit suivante, madame Becker disparaît. Un maigre indice, son écharpe rose se retrouve au cou du bonhomme de neige. Parallèlement, l’inspecteur Harry Hole reçoit une lettre annonçant d’autres victimes. Une lettre signée…*le bonhomme de neige*…un tueur en série sévit en Norvège. Le seul indice récurrent mais bien maigre : un bonhomme de neige…un spectre de la folie…

UN BON CRU(el) NORVÉGIEN
*…le congélateur…laissait voir quelque chose pressé
à l’intérieur…les genoux pliés et la tête appuyée
vers le haut contre l’intérieur du congélateur. Le
corps était couvert de cristaux de glace, comme
une couche de moisissures blanches qui s’en serait
repue, et la position torturée du corps était à
l’unisson du cri de Katerine…*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE)

C’est une histoire complexe développée avec une lenteur parfois exaspérante, très caractéristique de la littérature Norvégienne. La faiblesse du récit réside dans le fil conducteur qui prend souvent toutes sortes de directions. Ajoutons à cela que l’intrigue est bourrée de fausses pistes, de démarches qui n’aboutissent pas, de retours à la case départ.

Ça ne m’a pas beaucoup gêné car j’ai compris dès les premières pages que l’auteur me lançait le défi de sortir d’un labyrinthe bourré d’indices, souvent trompeurs, et me laissant le choix de trouver le coupable parmi une foule de candidats potentiels. Mais quand la lumière commence à jaillir dans le dernier quart du livre, ça devient génial.

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est la psychologie des personnages, Harry Hole en tête, héro récurrent dans l’œuvre de Nesbo : un personnage précédé par sa réputation d’esprit tordu et d’alcoolique qui évolue laborieusement dans une enquête difficile d’une remarquable minutie où il y a tellement de détails que le lecteur a parfois l’impression de déraper. Mais dans la finale qui est remarquable, on voit l’importance de chaque détail, rassuré à l’idée que l’auteur n’a rien laissé au hasard.

L’histoire est originale. L’idée de précéder les meurtres par l’édification d’un bonhomme de neige est une trouvaille car les bonhommes de neige parlent d’une certaine façon, dévoilent des indices, reflètent la psychologie du tueur et bien sûr obnubilent les policiers. Hole en tête.

UNE PLUME FORTE MAIS NOIRE

Tout le livre comporte beaucoup de petites forces qui retiennent le lecteur dans sa toile. Outre la toponymie chantante de la Norvège, la plume est forte, la structure narrative happe le lecteur qui se sent attiré par les nombreux rebondissements. On sent que l’auteur maîtrise son art.

C’est un roman noir. Son atmosphère se fige parfois en une sensation lugubre car les bonhommes de neige conduisent implacablement à des chefs d’œuvre de cruauté de la part d’un tueur aussi froid et dépourvu de moralité que ses œuvres de neige. La découverte très lente et très graduelle de la psychologie de ce monstre m’a tenu en haleine.

Je veux rappeler en terminant que si je recommande ce livre, je le fais sous la réserve suivante : C’est tout le récit dans son ensemble qui fait appel à la patience du lecteur parce qu’il comporte de nombreux changements de direction, de fausses pistes, de virages imprévus.

Aussi, bien que l’histoire soit très longue à démarrer, je vous suggère de bien vous concentrer sur les premières pages car elles contiennent des éléments importants qui vous feront apprécier grandement l’ensemble du récit.

Vous êtes maintenant prêts à entrer dans une histoire à donner froid dans le dos et à savourer ainsi toute l’intensité de la plume scandinave.

Jo Nesbo est norvégien. Il est né à Oslo  le 29 mars 1960. C’est un talentueux touche-à-tout : auteur-interprète, musicien, journaliste spécialisé en économie et écrivain très renommé. De 1993 à 1998, il a écrit et interprété les grands succès d’un des groupes musicaux les plus populaires de Norvège : DI DERRE. Un an avant de quitter le groupe, il se lance dans l’écriture littéraire. Le succès est instantané avec L’HOMME CHAUVE-SOURIS, prix du meilleur roman policier nordique en 1998. Plusieurs autres romans suivront dont ROUGE-GORGE, consacré meilleur polar norvégien de tous les temps par les lecteurs.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 16 décembre 2017

AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, recueil SF de Numeriklivres

(tome 1)

*J’opte délibérément pour la vie ! déclara Antoine. Les habitants de Mars, avec lesquels nous espérions échanger des vérités premières, font partie des plans
qui, vraisemblablement, ne permettent aucune communication intellectuelle.*
(Extrait du recueil AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, 1ère nouvelle : LES NAVIGATEURS DE L’INFINI, J.H. Rosny aîné, 1925. Numeriklivres, 2012, éd. Numérique)

La collection « Au-delà de l’imaginaire » est une initiative de Numeriklivres consacrée à des classiques de la science-fiction ou du fantastique qui ont sans conteste inspiré les créateurs de séries télé des années 60 telles qu’« Au-delà du réel » ou « La quatrième dimension », devant lesquelles des millions de téléspectateurs ont vécu par procuration des aventures étonnantes chargées d’angoisse et de suspense, le tome 1 propose trois textes de maîtres incontestés du genre.

LES NAVIGATEURS DE L’INFINI de J.H. Rosny Aîné : un voyage d’exploration sur la planète Mars, qui reprend les thèmes chers à cette époque où l’espace intersidéral est plein des promesses de mondes meilleurs, de races supérieures et d’espoirs de migrations futures pour les terriens.  Un voyage riche en aventures et en danger.

LE SIGNALEUR de Charles Dickens : le narrateur rencontre un soir un signaleur de chemin de fer qui lui dit recevoir la visite d’un spectre qui le met en garde contre un accident ferroviaire. Dans ce texte se mêlent rationalité et forces occultes, naturel et surnaturel, et les situations ambiguës ne manquent pas.

PETITE DISCUSSION AVEC UNE MOMIE d’Edgar Allan Poe : Les directeurs du City Museum ayant donné leur accord pour l’examen d’une momie égyptienne, l’assemblée des « spécialistes » réunis pour ouvrir le sarcophage a la surprise de découvrir un être on ne peut plus vivant. S’en suit une conversation des plus loufoques, avec le génie de Poe et son humour cynique.

 À gauche: J.H. Rosny ainé (1856-1940), au centre :  Edgar Allan Poe (1809-1849) à droite: Charles Dickens (1812-1870)

Ce n’est pas une défaillance de votre liseuse
*Le mécanicien coupa la vapeur et freina, mais le
train roula encore jusqu’à quelque cent cinquante
mètres d’ici. Je courus derrière et, tout en courant,
j’entendis des cris et des appels terrifiants.
(extrait : LE SIGNALEUR, Charles Dickens)

Une toute nouvelle collection, tout à fait dans mes cordes, une excellente initiative de Numeriklivre. J’attends beaucoup de cette collection car elle pourrait réunir la fine fleur des auteurs et des titres dans l’univers fort bien meublé de la science-fiction et du fantastique et qui faisait mon régal quand j’étais adolescent. Ce sont des livres indémodables et j’en lis encore d’ailleurs, mon appétit pour les classiques ne s’étant jamais tari.

C’est ainsi qu’on pourrait voir réunis dans la même collections les grands maîtres de la littérature de science-fiction et de fantastique tels René Barjavel, H.P. Lovecraft, H,G. Wells, Ray Bradbury, Isaac Asimov, Jules Verne, Bram Stoker, Théophile Gautier, Stephen King, Dean Koontz, Edgar Allan Poe, Robert-Louis Stevenson et j’en passe.

Le tome 1 réunit Rosny Aîné, Dickens et Poe. Au moment d’écrire ces lignes, le tome 2 vient de paraître, on y trouve les trois titres suivants : LA MORT DE LA TERRE de J.H. Rosny Aîné : Dans un très lointain futur, l’espèce humaine survit dans un état désabusé sur une terre devenue désertique et aride.

TOC…TOC…TOC… d’ Ivan Sergueïevitch Tourgueniev, une histoire à l’atmosphère étrange, sublimée par une nuit d’hiver engluée dans un épais brouillard qui fausse jusqu’à la capacité de raisonnement.

L’INDICIBLE de Howard Phillips Lovecraft, Une discussion entre un enseignant à l’esprit cartésien et un romancier à l’esprit plus fantasque, une nuit, sur une pierre tombale fissurée, près d’une vieille maison abandonnée qui a, dit la légende, un passé diabolique. Ici, le caractère prometteur de la série ne se dément pas.

Je ne me lancerai pas ici dans la critique des titres. Des millions de lecteurs ont déjà rendu des verdicts plus que favorables au fil des générations. Je dirai simplement au sujet de la série qu’elle est présentée très simplement, sans artifice.

Chaque volume comprendra trois livres, romans ou nouvelles qui s’enchaîneront tout naturellement. Le volume que j’ai lu, c’est-à-dire le tome un était très bien présenté. Les pages sont très bien ventilées. L’ensemble est agréable à lire.

Donc c’est une série qui promet. Il ne manque qu’un petit préambule du genre de celui d’AU-DELÀ-DU RÉEL, une série télé des années 60 dont je me régalais. Son préambule est passé à l’histoire d’ailleurs :

*Ce n’est pas une défaillance de votre téléviseur, n’essayez donc pas de régler l’image. Nous avons le contrôle total de l’émission : contrôle du balayage horizontal, contrôle du balayage vertical. Nous pouvons aussi bien vous donner une image floue qu’une image pure comme le cristal.

Pour l’heure qui vient, asseyez-vous tranquillement. Nous contrôlerons tout ce que vous allez voir et entendre. Vous allez participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère avec « Au-delà du réel».*

Voilà ce que j’attends de la collection AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE : participer à une grande aventure et faire l’expérience du mystère. Jusqu’à maintenant, la collection est jeune mais c’est prometteur.

Suggestion de lecture : LES COLLECTIONS DU CITOYEN

Fondée en 2010 par Jean-François Gayrard, Éditions Numériklivres est une maison d’édition francophone dont le catalogue généraliste se décline en différentes collections dont littérature générale, polar, science-fiction, fantastique, littérature sentimentale, et jeunes adultes. Les titres au format numérique sont disponibles également en format papier sur numeriklivre.info ou dans une librairie. À ce jour, la maison a publié à compte d’éditeur des œuvres près de 80 auteurs de toute la francophonie.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 1er octobre 2017

LE SACRIFICE DU PAPILLON, d’ANDREA H. JAPP

*Quelqu’un cherchait à la manipuler, à la paniquer
pour la contrôler, la maîtriser. Le souvenir d’une
main brutale qui s’abattait sur sa gorge, la poussait
contre le mur d’une salle de bains, cognait sa tête
jusqu’à ce qu’elle se taise, se couche, écarte les
cuisses, tenta de s’imposer…*
(Extrait : LE SACRIFICE DU PAPILLON, Andrea H. Japp,
Éditions du Masque-Hachette, 1997, num. 367 pages)

Des corps d’adolescents sont découverts complètement carbonisés. Dès lors, les questions se bousculent dans l’esprit des spécialistes. Comme les disparitions n’ont pas été signalées, s’agissait-il de clandestins? Est-ce que ça pourrait être des meurtres rituels? L’œuvre d’un nouveau tueur en série? Pourquoi l’immolation par le feu. Devant la complexité de l’affaire, on fait appel à Gloria Parker-Simmons, une femme glaciale qui vit en solitaire avec sa nièce handicapée mentale. Parker-Simmons est une mathématicienne dont la méthode est basée sur le croisement informatique des probabilités et des variantes. Cette fois, sa science pourrait  bien lui faire dépasser les frontières de l’horreur.

MATHÉMATIQUES ET MORT
*Il se retourna rapidement, pas assez. Deux
mains fraîches et potelées s’abattirent sur
son cou et quelque chose de très doux se
serra autour de sa gorge. Il entendit à
peine une sorte de sanglot avant de
mourir.*
(Extrait : LE SACRIFICE DU PAPILLON)

C’est un récit à l’intrigue éparse, un peu engluée dans des affaire sentimentales inextricables qui elles-mêmes interfèrent avec l’enquête policière. C’est dur à suivre parce que le fil conducteur est instable, ce qui amène le lecteur dans toutes les directions.

J’aurais peut-être dû lire tout le cycle Gloria pour comprendre un peu mieux la nature complexe de la mathématicienne. En effet, Gloria Parker-Simmons fait équipe avec James Cagney dans trois autres volumes d’Andrea H. Japp.

J’espère que leurs relations sont moins tendues parce que je dois dire que dans LE SACRIFICE DU PAPILLON, elles sont passablement conflictuelles, faites de sentiments non-partagés. C’est lassant et ça dilue l’intrigue.

Au départ, c’était prometteur. Tout était en place pour une intrigue solide : des meurtres particulièrement sordides, puis le meurtre d’un policier, un tueur en série, puis Gloria fait son apparition, elle-même se met en danger et reçoit de mystérieux fax avec l’illustration d’un énigmatique papillon et…graduellement…rien ne va plus. Comme lecteur, j’ai pris le champ tout simplement.

Toutefois, je n’ai pas regretté ma persévérance à terminer le livre car j’ai réussi à me sentir captivé par sa finale qui en dit long sur le côté obscur de la nature humaine. Mais entre l’introduction et la finale, il y a beaucoup de longueurs à subir et des éclaircissements peu satisfaisants pour le lecteur…

Beaucoup de choses ne sont pas claires comme par exemple le véritable rôle de la mathématicienne dans l’enquête…ça ne m’a pas semblé évident et le fameux papillon qui n’accuse sa présence qu’à quelques reprises…j’ai fini par comprendre qu’on voulait du mal à Gloria en visant Clare, sa fille handicapée mentale. C’est loin d’être évident.

Malgré un style linéaire et une écriture sans tonus, j’ai trouvé la finale assez solide. Si vous-même êtes assez persévérant pour vous y rendre, vous pourriez être poussé, comme moi à une intéressante réflexion sur l’exploitation des enfants dans certains pays, des enfants clandestins surtout, c’est-à-dire des immigrants illégaux dont certaines personnes se soucient peu de la vie.

Il s’agit malheureusement d’une réalité. Dans le livre de Japp, ce sont des enfants qui meurent et d’une horrible façon encore et il faut voir comment et surtout pourquoi. Donc ami lecteur, amie lectrice, la balle est dans votre camp comme on dit. Moi j’ai lu le livre en entier mais j’ai eu beaucoup de difficulté à y adhérer.

Suggestion de lecture : JEU DE MORT, de Jean-Sébastien Pouchad

Andrea H. Japp, de son vrai nom Lionelle-Nugon-Baudon est une biochimiste, toxicologue, chercheuse et auteure française née à Paris en 1957. Véritable femme orchestre, elle s’est lancée dans l’écriture de romans policiers en 1990. Elle publia alors LA BOSTONIENNE. Le succès fut immédiat. L’année suivante, l’auteure remportait le prix du Festival de Cognac.

En 2004, sous le pseudonyme d’Hélène Narbonne, Andrea H. Japp, en plus de toutes ses activités, s’est lancée dans la traduction de certains des romans de Patricia Cornwell ayant pour héroïne Kay Scarpetta. 2006 confirme pour l’auteure une tendance vers le roman policier historique.

BONNE LECTURE

JAILU/Claude Lambert
Le dimanche 18 juin 2017

L’ÉPREUVE, tome 1, LE LABYRINTHE, de James Dashner

*Les griffeurs ont un sale effet sur leurs victimes, un truc très douloureux qui les secouent de la tête aux pieds. Ceux qui sont passés par là ne sont plus jamais les mêmes.* (Extrait : L’ÉPREUVE tome 1, éditions Pocket jeunesse Univers poche, 2013, numérique, 680 pages)

Thomas, un ado de 16 ans reprend graduellement conscience. Il ne se rappelle de rien sauf de son nom. Il est dans un ascenseur qui le conduit dans un labyrinthe aux murs infranchissables où vivent déjà une quarantaine d’ados. La vie y semble bien organisée. Des vivres apparaissent chaque jour.  Des monstres d’acier longent le labyrinthe chaque nuit et empêchent toute activité. Un jour, une jeune fille fait son entrée dans le labyrinthe par l’ascenseur. Elle a un message : *C’EST LA DERNIÈRE*. L’approvisionnement cesse. Une épreuve impitoyable commence. 

VASE CLOS
*Comment peut-on bouger une masse pareille? Ces
murailles sont gigantesques, on dirait qu’elles sont
là depuis mille ans. L’idée de voir ces murs se
refermer et le piéger dans cet endroit qu’on appelait
le BLOC lui glaçait le sang.
(Extrait : L’ÉPREUVE, livre 1, LE LABYRINTHE)

Voici un excellent livre qui vous assurera un extraordinaire moment de lecture. Je viens d’ailleurs de le placer dans le TOP 50 de mes meilleures lectures à vie. LE LABYRINTHE est une dystopie, premier tome d’une trilogie intitulée L’ÉPREUVE, adaptée au cinéma. Idéalement, pour lire ce livre, il faut du temps parce qu’il est frustrant d’en interrompre la lecture.

Mon attention a été retenue dès le départ, saisi et intrigué que j’étais par l’étrange environnement dans lequel le personnage principal, Thomas a été catapulté, ne se rappelant que de son prénom, amené par une **boîte-ascenseur** venant d’on ne sait où.

Thomas venait ainsi rejoindre une communauté de jeunes garçons ados vivant depuis plus de deux ans, approvisionnés à chaque semaine, dans un vase clos comprenant ce que l’auteur appelle un bloc et tout autour, un immense labyrinthe dont les murs se déplacent et se ferment chaque soir. Après deux ans, aucun coureur n’a jamais trouvé de sortie et plusieurs ont subi la transformation suite aux piqures de cruelles bestioles qui rôdent dans le labyrinthe.

Quand j’ai plus de cinq questionnements sérieux dès les premières pages d’un livre, j’en deviens prisonnier, c’est inévitable. C’’est quoi cette «boîte ascenseur» et d’où elle vient? Qui sont ces jeunes et pourquoi ont-ils perdu la mémoire? Pourquoi sont-ils enclavés devant le labyrinthe?

Pourquoi la dernière personne arrivée au bloc est une fille et que veut dire le message qu’elle tient à la main : «c’est la dernière, il n’y en aura pas d’autres». C’est quoi ce labyrinthe et ces créatures meurtrières… j’arrête ici…disons que la liste est très longue.

Bref, ma curiosité a été constamment stimulée. J’ai eu les réponses à mes questions, mais à la petite cuillère seulement. Comment lever le nez d’un livre quand on va de surprise en surprise et de rebondissement en rebondissement.

Je ne peux pas tout dévoiler, mais imaginez un monde désespéré, en perdition, atteint par une maladie provoquant des souffrances qui mènent à la folie, ajoutez-y des scientifiques tarés, des jeunes qui ont un point en commun : une intelligence supérieure et un endroit étrange pour les parquer, vous obtenez LE LABYRINTHE, premier volet d’une expérience tordue qui fera mal…très mal. Vous trouvez que j’en ai beaucoup dévoilé? Vous n’avez rien vu.

En plus d’une intrigue solide qui s’intensifie au fil des pages, le livre a tout pour plaire aux jeunes comme aux moins jeunes : des chapitres courts, des phrases courtes, une plume habile d’une remarquable fluidité, une trame captivante qui enveloppe le lecteur, intensité dramatique en crescendo. Le sujet est original et la finale donne l’EAU À LA BOUCHE.

Vous pouvez lire mon commentaire sur les tomes 2 et 3 ici  et sur le livre de Dashner qui raconte l’histoire qui précède LE LABYRINTHE ici.

Suggestion de lecture  : LE SICARIER, de Danny-Philippe Desgagné

James Dashner est un auteur américain né en 1972. Après avoir écrit des histoires inspirées du SEIGNEUR DES ANNEAUX, il a suivi des études de finances, mais très vite, il est revenu à sa passion de l’écriture. Aujourd’hui, il continue d’inventer des histoires inspirées de ses livres et films préférés. Sa dernière trilogie L’ÉPREUVE connait un immense succès aux États-Unis …tellement qu’après la trilogie, Dashner a écrit un nouveau tome pour éclaircir les derniers mystères du labyrinthe.

LA TRILOGIE ET LE PRÉQUEL

 LE LABYRINTHE AU CINÉMA

                 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 4 mars 2017

  

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, livre de Hervé Giliénine

*Je lui ai dit de m’oublier, elle devait vivre sa vie, je ne lui écrirai pas, je ne lirai pas ses lettres, je ne la reverrai pas. Elle m’a répondu qu’elle serait là quand la porte de la prison claquerait dans mon dos.* (Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine, Prem’Edit 77, 2012, éd. Numérique, 400 pages.)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE raconte l’histoire de Thomas Vogèle,  garçon tranquille, intelligent, passionné de football. Il a plusieurs amis. Parmi eux, Alicia, petite orpheline recueillie par ses grands-parents, voisins de la famille de Tom. Un jour, Alicia disparaît.

Parallèlement, Tom est reconnu coupable du meurtre involontaire d’un voyou qui harcelait Alicia et est envoyé en prison. Au bout de sa peine de 9 ans, il part à la recherche d’Alicia. La raison en est très simple : un jour, il lui a promis qu’il la rechercherait jusqu’au bout du monde si elle venait à disparaître. Thomas ne se doute pas qu’il s’apprête à mettre à jour de très lourds secrets…

Le poids du secret
*Peter Jacobson jeta un coup d’œil circulaire autour
de lui de peur que des silhouettes armées de
machettes quittent l’ombre des bois au son d’un
tam-tam lancinant. –Je vous souhaite de
découvrir ce qui est arrivé à votre amie. Et, qui
sait, de la retrouver saine et sauve…*
(Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE est un roman noir, dur, à très forte intensité dramatique. Ce livre est *venu me chercher* très rapidement, spécialement à cause de cette aura dense et particulière que l’auteur a installée autour de l’énigmatique Alicia, une jeune fille née vraiment sous une mauvaise étoile. Cette histoire m’a captivé et même choqué, sachant au départ qu’elle est basée sur un fait vécu.

L’histoire est celle de Thomas Vogèle, un jeune homme sans histoire qui a quelques amis évoluant dans un cercle semblant assez fermé : Sandrine, sa meilleure amie et son petit frère Romain, Boule, Frank, le frère de Thomas, René et évidemment Alicia, une petite orpheline recueillie par ses grands-parents et que Thomas affectionne comme une petite sœur.

Un jour, Thomas se bagarre avec un des frères Marchiani parce que ce dernier harcelait Alicia. Thomas tue Marchiani involontairement et ça le conduit en prison pour 9 ans. Entretemps, Alicia disparaît mystérieusement et on ne la revoit plus.

À sa sortie de prison, Thomas va tenir une promesse étrange qu’il avait faite jadis à Alicia : la retrouver, même au bout du monde, si elle venait à disparaître. L’histoire est centrée sur l’enquête de Thomas qui mettra au jour des secrets très pénibles.

Dans cette histoire, il n’y a pas d’interventions policières, mais un journaliste contribuera à faire avancer Thomas dans sa quête. Évidemment, je ne vous raconterai pas la finale, mais sachez toutefois qu’elle pourrait vous donner des frissons dans le dos.

C’est une histoire qui évolue lentement et dans laquelle le mystère épaissit au fil des pages. La forme littéraire de ce roman est un peu particulière car l’auteur y a inséré de fréquents retours sur le passé. Il n’y a qu’un pas parfois pour confondre passé et présent. Aussi, la lecture de ce récit exige-t-elle du lecteur une bonne concentration.

Je dois avouer que cette façon de faire évoluer une histoire, fréquente en littérature, m’agace un peu. Mais le fil conducteur du roman, la quête de Thomas, est extrêmement solide et amène le lecteur dans des zones sombres, voire sordides par moment.

Suggestion de lecture : L’étrange disparition d’Amy Green, de S.E. Harmon

C’est un premier roman pour Hervé Giliénine. Je crois qu’il a investi avec succès dans la psychologie de ses personnages et la fluidité de sa plume. Il ne s’est pas encombré de fantaisies structurelles. Il n’y a même pas de chapitres dans ce livre, les changements étant signalés par des débuts de paragraphes en caractère gras. C’est l’intensité dramatique de l’histoire qui fait toute la différence. Elle est marquée par un crescendo qui amène le lecteur et la lectrice vers une finale choquante et bouleversante.

Je recommande donc ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, un bon roman, riche en suspense et très captivant. Une très belle entrée pour Hervé Giliénine dans l’Univers littéraire.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le 22 janvier 2017

PASSEPEUR TRIO TERREUR NO 3, de RICHARD PETIT

*Comme dans un cauchemar, il se met à avancer
vers vous telle une araignée géante dans une
cacophonie de grincements. Vous ne savez pas
quoi faire car vous n’avez jamais été attaqué
par un luminaire…*
(Extrait : Passepeur trio terreur no 3, texte et
illustrations de Richard Petit, Éditions Boumerang
jeunesse, 2008, réédition 2015, papier,  384 pages)

Les TRIOS TERREUR de PASSEPEUR sont des compilations de trois mini-romans ayant chacun plusieurs finales possibles. Ce sont les jeunes lecteurs qui décident des directions à prendre, des moyens de contourner les obstacles, et des conclusions possibles pour chaque récit. Les pages du destin, qui font intervenir le hasard, ainsi que des petits jeux éducatifs aident les jeunes à se diriger vers la meilleure finale possible. Les trois titres sont  bourrés de pièges, et de situations étranges et mystérieuses. Une seule finale  permet de terminer le livre. Pour les 7 à 11 ans.

Les titres :

Le prof cannibale : À l’école Saint-Macabre, il faut à tout prix éviter la retenue, car elle pourrait être mortelle…
Bienvenue au Zoorreur : Visite dans un zoo terrifiant où il est strictement interdit de nourrir les ANIMONSTRES!
Le labyrinthe du cyclope : L’endroit ressemble à un parc d’attractions, mais les lieux sont maudits et il semble qu’il n’y ait qu’une seule façon d’en sortir…couché dans un cercueil.

La bande des téméraires de l’horreur
*Paralysé par la peur, tu ne peux pas bouger
un seul muscle pour tenter de t’enfuir. De
la tombe voisine, une grosse tête poilue
émerge de la neige.*
(Extrait : LE LABYRINTHE DU CYCLOPE, PASSEPEUR,
Trio terreur numéro 3, Richard Petit)

Les ouvrages de la collection PASSEPEUR sont des livres jeux-aventures pour les jeunes qui décident eux-mêmes du déroulement de l’intrigue. C’est un véritable défi pour les jeunes lecteurs et lectrices qui ont à choisir le chemin à prendre pour arriver à la finale appropriée.

Quand je dis défi, je pèse le mot, car dans le trio PASSEPEUR numéro 3, je me suis cassé le nez plusieurs fois. Par exemple, dans le récit ZOORREUR, il y a 19 façons de finir l’aventure, dans LE PROF CANNIBALE, il y en a 21. Dans tous les cas, une seule fin permet vraiment de terminer l’aventure.

Voici un exemple de direction à prendre. Dans le récit LE LABYRINTHE DU CYCLOPE, on passe du chapitre 1 au 7, puis le 4 qui nous laisse cinq autres choix de direction : le 2, le 10, le 29, le 36 et le 35. Si vous choisissez le chapitre 29 par exemple, vous devrez tourner les pages du destin, c’est-à-dire feuilleter le livre au hasard et suivre les instructions afin de déterminer si vous allez au chapitre 21 ou au chapitre 3. Si vous choisissez le chapitre 21, ça vous amènera par la suite au chapitre 30, puis au 65 et ainsi de suite…

Vous avez compris qu’il serait inutile de suivre les chapitres dans l’ordre. La compréhension de l’histoire serait impossible. Je pense que l’auteur a eu l’idée géniale d’amener les jeunes non seulement à LIRE un livre, mais aussi à le VIVRE comme une aventure.

Ainsi, les jeunes lecteurs et lectrices doivent manipuler le livre, le feuilleter, chercher, comprendre, fouiller, déduire. Chaque histoire est comme un labyrinthe. La sortie est quelque part. Il faut la trouver.

J’ai trouvé l’idée géniale quoique je mets un petit bémol… je trouve que pour chaque aventure, il y a trop de directions à prendre. Le fait qu’une seule fin possible sur une vingtaine permette de terminer l’aventure peut décourager les jeunes de terminer le livre. En tout cas, ma patience à moi a été soumise à rude épreuve.

Toutefois, le livre contient beaucoup de forces qui peuvent, je l’espère, amener les jeunes à persévérer. Tous les livres de la collection sont abondamment illustrés et développent bien sûr des sujets d’horreur, de terreur et de frissons dont la jeunesse raffole : zombies, fantômes, êtres difformes, monstres, endroits hantés, fantômes, cannibales et j’en passe.

Ajoutons à cela une plume facile à suivre qui permet au jeune lecteur tutoyé de s’identifier à un des héros et l’encourage dans cette voie. Les chapitres sont courts et les instructions à suivre sont limpides. Chaque volume est bien ventilé et je le rappelle, bourré d’illustrations originales réalisées avec brio par l’auteur Richard Petit.

Un des côtés le plus intéressant des PASSEPEUR est qu’ils initient les jeunes à une démarche de recherche et ce, de façon amusante. Ne serait-ce que pour encourager le goût de la lecture, la curiosité intellectuelle et le développement à long terme de la qualité du français orthographique, j’invite et encourage les jeunes à relever le défi.

Suggestion de lecture : SURTOUT N’Y ALLEZ PAS, d’Antoine Filissiadis

Richard Petit est un romancier québécois né le 7 mars 1958. Il est auteur et illustrateur de romans pour la jeunesse. Très prolifique, Richard Petit a publié plus d’une cinquantaine de romans dont la série tout à fait innovatrice TÊTE-BÊCHE LIMONADE écrite essentiellement pour les jeunes filles. On lui doit aussi la série ZOMBIRA. Toutefois, la plus populaire de toutes ses séries demeure PASSEPEUR : des livres-jeux du genre aventure-horreur qui sont de véritables petits *labyrinthes* de lecture. Son travail auprès des jeunes a valu à Richard Petit le prix PERSONNALITÉ DE L’ANNÉE de l’Association québécoise des Salons du Livre en 2005.

Quelques autres PASSEPEURS…

    PASSEPEUR

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BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
8 janvier 2017

JOUR QUATRE, livre thriller de SARAH LOTZ

*Elle enroula un des foulards de soie de Céline
autour de son cou : elle pourrait s’en couvrir
la bouche. Les microbes le traverseraient mais
elle serait au moins protégée de la puanteur.
Elle aurait l’air ridicule de l’homme invisible,
mais cela valait mieux que passer les prochains
jours à vomir tripes et boyaux.*


(Extrait : JOUR QUATRE, Sarah Lotz, 12-21 éditions,
t.f.  Fleuve Éditions, Dep. Univers Poche, fleuvenoir
2016, édition numérique, 360 pages)

Les passagers vivaient une croisière paradisiaque à bord d’un superbe paquebot de luxe. Mais le confort bucolique des touristes bascule complètement le quatrième jour alors qu’un incendie se déclare à bord. Puis les malheurs s’enchaînent : dérive du navire, communications rompues, meurtre, épidémie et pire, l’apparition de spectres achève de transformer le rêve en cauchemar. 

DU RÊVEUR MAGNIFIQUE
AU
CAUCHEMAR INFERNAL
*Le paquebot grinçait, hurlait, on aurait dit qu’il
voulait se déchirer en deux. Combien de temps
est-ce que ça a duré? J’en sais rien bordel.
Combien de temps ça dure une éternité?*
(Extrait : JOUR QUATRE)

Ce livre n’est pas la suite de TROIS dont j’ai déjà parlé et bien qu’il soit question à plusieurs reprises de Lori et Bobby Small et du fameux jeudi noir, JOUR QUATRE PEUT SE LIRE indépendamment de TROIS. Comme j’ai été déçu de TROIS, j’avais quelques craintes en entreprenant la lecture de JOUR QUATRE. Je peux dire que j’ai été un peu mieux servi.

L’histoire se déroule à bord d’un paquebot de croisière : LE RÊVEUR MAGNIFIQUE ayant à son bord 2,962 personnes. Les trois premières journées sont magnifiques…le bonheur total. La quatrième journée, tout bascule. Le paquebot fait un arrêt complet après avoir perdu ses sources d’énergie suite à un incendie dans la salle des machines.

Tous les systèmes vitaux tombent en panne : plus d’électricité, plus de communication, une épidémie de gastro se déclare à bord, les systèmes sanitaires ne fonctionnent plus. Le paquebot dérive et devient malmené par une forte tempête et en plus, une femme est retrouvée morte dans sa chambre. Tout dégénère, les conditions deviennent critiques, sans compter l’humeur des passagers…bref, un véritable cauchemar.

En marge de ce drame, les passagers se regroupent autour de Céline Del Ray, une voyante qui donne des spectacles et dont la personnalité change complètement, comme si elle était possédée et cela coïncide avec des membres d’équipage convaincus d’avoir vu des apparitions. Je ne peux en dévoiler plus sans vous mettre sur le sentier de la conclusion, c’est-à-dire le destin du navire et ses 2962 passagers.

Bien que le livre souffre de longueurs, l’action est soutenue et est enrichie d’une touche paranormale intrigante et captivante. Comme lecteur, je me suis senti enchaîné à l’histoire au fur et à mesure que la situation se dégradait. Le fond de l’histoire est intéressant. La plume intense de Lotz pousse le lecteur à ressentir la peur des passagers.

Cette peur est d’autant omniprésente que l’auteure n’a prévu aucune communication entre le commandant du navire et ses passagers à part quelques platitudes communiquées régulièrement par Damien, le directeur de croisière.

Donc la peur, le doute, la colère, la panique sont palpables et contribuent à l’atmosphère opaque et lourde qui se dégage de l’histoire et qui finit par envelopper le lecteur.

Il y a quand même des éléments de construction de l’histoire qui seraient susceptibles d’agacer plusieurs lecteurs et lectrices : le rythme de l’histoire est très lent et l’intrigue se développe lentement, à la petite cuillère. Il y a des longueurs dans le livre qui donne parfois l’impression d’une errance de l’auteure.

Aussi, il faut composer avec beaucoup de personnages. Enfin, vous risquez de trouver la conclusion plutôt surprenante. Je l’ai trouvée un peu tirée par les cheveux mais je crois ici qu’il pourrait y avoir autant d’interprétations que de lecteurs. Alors, il faut s’y risquer.

C’est loin d’être une de mes meilleures lectures à vie, mais ça m’a plu en particulier parce que l’atmosphère de l’histoire l’emporte sur l’action. J’entends par là le mystère, le non-dit, l’inexplicable…ces éléments qui poussent le lecteur à aller plus loin jusqu’au dénouement qu’il a été impossible d’entrevoir avant d’y arriver vraiment.

Si vous aimez les histoires aux intrigues glaçantes avec en plus l’angoisse générée par les phénomènes paranormaux. Vous devriez apprécier JOUR QUATRE.

Sarah Lotz

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
19 SEPTEMBRE 2016

TROIS, le livre thriller de Sarah Lotz

*Nous savons par Mathieu, chapitre 24, que «Une nation
s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un
royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des
tremblements de terre. Tout cela ne sera que le
commencement des douleurs.»…Et nous savons que ces
douleurs signifient l’ouverture des quatre premiers sceaux.*
(Extrait : TROIS, Sarah Lotz, Fleuve éditions, Pocket, 2014,
édition de papier, 570 pages.)

La terre vit la plus troublante coïncidence de son histoire alors que quatre avions de ligne s’écrasent presqu’au même moment sur quatre continents différents. Sur trois des sites de crash, les secouristes découvrent un rescapé : un enfant, chaque fois. Des fanatiques religieux voient en eux l’incarnation des Cavaliers de l’Apocalypse. Sauf que…les Cavaliers de l’Apocalypse étaient…quatre. Des familles recueillent les petits rescapés mais deviennent vite confrontées à des évènements étranges. Elspeth martins enquête et tente de répondre à deux questions : Qui sont ces enfants et qu’est-ce qu’ils veulent?

CHOCS POUR LIVRE-CHOC
*La suite s’est déroulée très vite mais aussi
comme au ralenti…Le mec bizarre a sorti
un flingue…Et il s’est mis à traverser la rue
sans s’occuper de la circulation. Je n’ai pas
réfléchi. J’ai couru droit vers lui, j’ai fait
sauter le couvercle de mon gobelet de café
et j’en ai balancé le contenu sur cet enculé.
En pleine face. Il a quand même eu le temps
de tirer une fois…*
(Extrait : TROIS)

C’est le quatrième de couverture qui m’a convaincu de lire ce livre mais je n’ai pas tardé à réaliser que le quatrième de couverture est complètement dans le champ et ne remplit pas ses promesses. En fait, c’est l’originalité du sujet qui sauve les meubles. Nous avons ici quatre accidents d’avion qui se produisent à peu près au même moment, sur quatre continents différents.

Pour trois des crashs, il y a un rescapé : en tout trois rescapés, et ce sont trois enfants. Pour les habitants de la planète, il est très difficile de croire au hasard. Alors des églises et sectes religieuses décrètent que ces enfants sont les Cavaliers de l’Apocalypse. Dans l’Apocalypse de Jean comme on le sait, il y a quatre cavaliers. Alors qu’à cela ne tienne, les fanatiques religieux inventent un quatrième rescapé pour faire le compte.

Avec un tel sujet, l’auteure avait tout ce qu’il faut pour bâtir un thriller de premier ordre, haletant, intense, palpitant, bref, bâtir quelque chose que le lecteur aurait gardé en mémoire longtemps.

J’ai même imaginé à un moment donné que Sarah Lotz travaillait pour faire le contraire de ce que propose un bon thriller en choisissant un support littéraire douteux dans les circonstances. En effet, le récit est présenté sous forme de compte-rendu journalistique de témoignages et d’interviews. Avec un style pareil, rien ne m’a permis de m’accrocher à l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce roman à part ce qui est rapporté dans les articles de journaux qui forment le roman. Donc le lecteur est témoin de l’action par un tiers. Donc, il n’est témoin de rien du tout. Puisque le récit est bâti dans un style journalistique, télégraphique et froid, il n’y a pas de fil conducteur dans l’histoire.

Le récit souffre de longueurs et d’incohérences et c’est très long avant de pouvoir s’accrocher à quelque chose, comme si l’histoire ne démarrait pas vraiment.

Mais tout n’est pas noir. Malgré son aspect documentaire, le récit comporte quelques forces dont celle de mettre en perspective l’incroyable appétit de la Presse, de certaines églises, sectes et des télévangélistes dont l’auteure ne donne pas une très bonne image, sentiment que je partage.

Ce sont ces hommes soi-disant de foi qui ont vu dans les enfants rescapés un signe évident en lien avec les Cavaliers de l’Apocalypse qui n’ont de Cavaliers que le nom finalement. Le récit évoque également le besoin très humain de croire à quelque chose. Les messages livrés par les prédicateurs de malheur sont souvent agressifs et persuasifs. C’est n’importe quoi comme le démontre le récit.

L’écriture est quand même fluide et les chapitres, qui sont des articles ou des interviews, sont brefs et se lisent assez bien. Si L’auteure a pu se concentrer davantage sur le sort des enfants au milieu du récit, elle nous laisse malheureusement sur une finale peu vraisemblable, sans conclusion vraiment satisfaisante, allant jusqu’à étriller le personnage principal, la journaliste Elspeth Martins :

*Vous avez publié tous ces récits incendiaires sur les changements de personnalité des enfants, vous avez lâché la bombe et vous êtes partie. Vous n’avez pas cherché plus loin : vous étiez persuadé que tout avait une explication rationnelle et vous pensiez naïvement que vos lecteurs seraient aussi de cet avis. (Extrait)

Ma déception m’appartient évidemment. Les différentes critiques que j’ai lues sur TROIS sont passablement disparates. Il est très possibles que vous aimiez ce livre, à cause par exemple, de son sujet qui est quand même original. Mais il y a une chose sur laquelle je ne crois pas me tromper : ne vous fiez pas au quatrième de couverture. Il en promet beaucoup trop pour ce que le livre donne en réalité.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Sarah Lotz est une auteure et scénariste originaire du Royaume-Uni. Elle a écrit sous plusieurs pseudonymes bizarres dont des romans d’horreur urbaine sous le pseudonyme SL GRIS et des romans érotiques avec Helene Moffet et Paige Nick sous le pseudo Helena S Paige. Après une série à l’écriture étrange et peu engageante, Lotz sort son premier thriller en 2014 : TROIS, suivi de JOUR QUATRE en 2016, des ouvrages nettement supérieurs qui consacrent leur auteur sur la scène littéraire internationale.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
LE 17 SEPTEMBRE 2016

LES CHRONOLITHES, livre de ROBERT-CHARLES WILSON

*Lorsque l’expédition s’est approchée du cœur de la cité, le chronolithe a commencé à apparaître dans chaque plan. De loin, dominant le fleuve, ou de près, imposant dans la mi-journée tropicale. Le monument était d’une propreté ahurissante. Les oiseaux et les insectes eux-mêmes l’évitaient.*(extrait de LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson, Folio, t,f, Éditions Denoël, 2003, 295 pages, num.)

En Thaïlande, un américain est témoin de l’apparition d’un énorme et mystérieux obélisque venu d’on ne sait où. Cette structure parfaite qu’on appellera CHRONOLITHE est faite d’une matière inconnue, apparemment impénétrable. Dans les années qui suivent, les apparitions de Chronolithes se multiplient partout dans le monde  et graduellement rendent l’équilibre de la planète extrêmement précaire. La vie de Warden bascule lorsqu’une femme ayant développé une expertise des  Chronolithes lui apprend qu’il aura un rôle à jouer dans cette histoire et qu’il pourrait peut-être éviter le cataclysme final.

CAUCHEMAR…UN PRÉSENT DU FUTUR

*La présence du monument à cet endroit-là
était en soi d’une étrangeté aveuglante,
et pourtant, on ne pouvait se méprendre
sur sa solidité ni sur son poids, sa taille ou
sa stupéfiante incongruité…*
(extrait : LES CHRONOLITHES)

LES CHRONOLITHES est le récit de Scott Warden qui, à 70 ans, fait un retour sur les évènements dramatiques qui ont marqué sa vie : l’apparition, la multiplication dans le monde de mystérieux et énormes monuments commémorant les victoires à venir (20 ans plus tard) d’un mystérieux personnage, conquérant et guerrier, appelé KUIN, ainsi que le chaos géopolitique qui va s’ensuivre et bouleverser l’ensemble de l’humanité.

Bien que les sauts et les paradoxes temporels et la lente évolution de l’effet Papillon vers la théorie du chaos soient des thèmes très répandus et très chers à la littérature de science-fiction, le sujet du livre est très original et développé de façon intelligente et crédible en plus de véhiculer des questionnements aussi sérieux que complexes : comment le futur peut venir influencer le présent? Peut-on changer le futur? Les coïncidences et le hasard sont-ils plausibles?

Toute la richesse du récit repose à mon avis sur le bouleversement social engendré par l’apparition dramatique de ces monuments appelés CHRONOLITHES, ce qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur les influences qui modèlent les courants de pensée et les comportements de masse.

Par exemple, dans ce récit, il se développe autour des chronolithes et de l’effigie de Kuin une philosophie, un mode de pensée et de vivre et surtout une déstabilisation à l’échelle mondiale de l’ordre établi.

L’humanité se divise en deux grandes factions : PRO-KUIN et ANTI-KUIN. Comme il est impossible de ne pas prendre position, le tout prend l’allure d’une guerre de religion, sans même savoir vraiment qui est Kuin et ça c’est un élément qui a monopolisé mon attention. Voici un extrait qui exprime parfaitement ma pensée :

*Il semble évident que c’était justement parce qu’on ignorait qui était KUIN que cela le rendait dangereux. Son programme se réduisait à la conquête, son idéologie à la victoire ultime. En ne promettant rien, il promettait tout.* (extrait de LES CHRONOLITHES) Le fait que KUIN soit devenu graduellement une idée, une mythologie, un symbole universel est l’élément qui fait toute la richesse et la complexité du récit.

Donc LES CHRONOLITHES est un livre riche et passionnant et dont le réalisme, sur le plan social frappe l’esprit de façon parfois effrayante. Il a une petite faiblesse, du moins en ce qui me concerne : l’histoire n’est pas suffisamment développée sur le plan scientifique.

On y évoque des théories avérées comme la relativité et les déplacements temporels et on y trouve des théories pour les besoins du récit, un peu pâteuses comme la Turbulence Tau, mal définie et peu expliquée. Mais c’est très personnel comme opinion et il est très possible et même probable que ce soit tout à fait voulu par l’auteur.

Je vous recommande donc LES CHRONOLITHES en particulier pour les interrogations que l’ouvrage soulève. Par exemple, comment la croyance profonde d’un futur défini peut-elle pousser celui-ci à se réaliser. Vu l’état actuel de la situation sur la terre, quelle sorte de futur sommes-nous en train de préparer? Que sera demain compte tenu de la logique des faits actuels?

C’est un roman profondément humain qui pose les bonnes questions.

Suggestion de lecture : L’odyssée du temps, d’Arthur C. Clarke

Robert-Charles Wilson (1953-    ) est né en Californie. Il écrit ses premières nouvelles dans les années 70 et ses premiers romans dignes d’intérêt sont livrés à la fin des années 90 : Darwinia et Mysterium. Wilson est lauréat de nombreux prix. LES CHRONOLITHES s’est vu décerné le prix John W Campbell en 2002. SPIN, écrit en 2007,  son œuvre la plus remarquable s’est vue remettre le prix HUGO du meilleur roman en 2006 et le grand prix de l’imaginaire en 2007.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
3 JUILLET 2016