LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de TOM NOTI

«Debout les morts, il va falloir nous supporter
encore un moment ! Pas moyen de sortir de ce
cimetière ! Si vous avez de quoi bouffer glissez-
le sous la porte ! Mais pas de viande humaine
s’il-vous-plaît, je suis végétarien !»
*
(Extrait : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE,
Tom Noti, Paul&Mike éditions, 2016, édition num.)

François, Hervé, Gabriela. Ils sont trois personnes qui ne se connaissent pas dans la salle d’attente d’un psychologue. Bloqués par une porte électrique en panne, ils attendent… Aucun d’entre eux ne sait quand cela prendra fin. Peu à peu, les prisonniers de la salle d’attente vont commencer à interagir entre eux et puis ils auront tout le temps pour une sérieuse introspection, L’attente, l’angoisse, révèlent de durs passés, courbant la trajectoire d’ existences toutes tracées.

DE LA PSY SANS PSY
*Ça fera 80 euros pour la consultation, madame.
Elle m’a touché à nouveau le bras. -C’est moins
cher que ça une consultation de psychologue !
-Mais je ne suis pas psychologue madame. Je suis
acteur, c’est pour ça que je suis affreusement cher !
Un intermittent du cerveau ! On a ri tous les deux…*
(Extrait : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE)

Voici un drame psychologique original qui représente un défi pour l’auteur et pour le lecteur car il s’agit d’un huis-clos avec seulement trois personnages auxquels l’auteur donne la parole à tour de rôle. Le défi du lecteur, tel fut le mien, est de se mettre à la place d’un des personnages pour comprendre cette espèce de chimie qui se développe dans la petite salle d’attente. Voyons d’abord la scène, elle se déroule dans la salle d’attente d’un psychologue.

On y découvre François, qui vient discuter de sa fille avec le psy, Gabriela qui vient seulement pour prendre rendez-vous et enfin, Hervé, un comédien venu passer une audition à l’étage du dessus et qui s’est retrouvé chez le psy à la recherche des toilettes.

Soudain, juste en face du cabinet, un spectaculaire accident fait chuter un pylône électrique. Panne totale. Nos trois personnages sont bloqués dans la salle d’attente par une porte électrique. Aussi, il semble qu’un mystérieux personnage est enfermé dans le bureau du psy…bruit de verre cassé…mystère.

Revenons maintenant au défi du lecteur ou de la lectrice. Vous voilà isolé avec deux autres personnes. Des points communs ? Trois personnes ordinaires, sans histoires…tentative de conversation…Sujets banals d’abord : la météo, qu’est-ce qu’il fait le psy, soudain, la conversation s’enrichit de petites révélations, de confidences.

Le lecteur sentira l’atmosphère s’intensifier graduellement et assistera à de petites explosions du caractère de chacun. Les carapaces cèdent et dévoilent trois personnalités plus fragiles qu’elles en avaient l’air. Les échanges deviennent plus intimistes et forcément, les masques tombent.

Même des petits sentiments se développent. L’auteur a eu, je crois, le génie d’y aller au rythme de la nature humaine sans artifice et sa principale force est d’être allé au bout. Alors ami lecteur, amie lectrice, êtes-vous toujours dans le coup ?

Ce que j’ai particulièrement aimé dans cette histoire c’est que l’auteur ne la limite pas à la salle où sont bloqués François, Gabriela et Hervé. Ça va au-delà…bien après l’ouverture de la porte électrique. Mais là, il faut être attentif car les interactions deviennent plus complexes et puis il y a des sauts dans le temps. Mais en quelques heures, des personnages qui ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Ève apprennent à se connaître.

La plume de Noti est d’une remarquable subtilité…<Maintenant, on en était là. Devoir se quitter pour ne plus se revoir. Je ne pouvais pas me sentir liée à des inconnus en l’espace de quelques heures. Pourtant, en les regardant dans cette salle d’attente, assis tous les deux autour de moi, je me disais que je ne m’étais jamais autant trouvée à ma place…> (Extrait)

C’est un roman d’une grande profondeur qui fait tomber les masques et qui vient nous rappeler que les apparences sont trompeuses, que chasser le naturel n’est pas si simple. C’est un roman qui se lit facilement et très vite parce qu’il est très bien ventilé et que les chapitres sont courts.

Aussi, je le rappelle, chaque personnage a la parole à tour de rôle. J’adore cette façon de faire en littérature car l’auteur pousse plus facilement ses personnages à la confidence. Ça crée une intimité, une dynamique entre le lecteur et les personnages et c’est efficace.

Après un huis-clos pareil, je me suis même demandé si un psy aurait été nécessaire tellement l’échange entre les trois pouvait avoir valeur de psychothérapie.

Quant au mystérieux personnage enfermé dans le bureau du psy, ça c’est la principale intrigue de l’histoire. Elle n’est pas très développée. Ça peut être discutable mais on connaît le fin mot de l’histoire à la fin et ça m’a un peu surpris. Une belle histoire, développée avec rigueur et une belle compréhension de la nature humaine et qui démontre qu’on peut être naufragé sans être épave. J’ai fermé le livre à regret.

Suggestion de lecture : CONVERSATION AVEC UN ENFANT CURIEUX, de Michel Tremblay

Tom Noti est Italien. C’est un solitaire, passionné de lecture. LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE est son troisième roman. Noti a publié auparavant SOULIGNER LES FAUTES en 2012 et ÉPITAPHES en 2015. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 15 mars 2020

Le jour où les lions mangeront de la salade verte

Commentaire sur le livre audio de
RAPHAËLLE GIORDANO

Lu par Léovanie Raud

*…Au  milieu de ce tableau vivant, un taureau,
écrasante masse noire opaque, se détache
impitoyablement sur le sable. La tauromachie
élève sa discipline au rang d’art et la foule
agglutinée, le regard avide boit jusqu’à la lie
la coupe de sa fascination morbide.*
(Extrait : LE JOUR OÙ LES LIONS MANGERONT
DE LA SALADE VERTE, Raphaëlle Giordano,
narration : Léovanie Raud, Audiolib éditeur, 2017,
édition de papier aussi disponible, Eyrolles éditeur,
2017)

Selon l’héroïne de Giordano, la burnerie pourrait se définir comme un trouble comportemental qui se caractérise par un égo démesuré, de la mauvaise foi, un sentiment de domination plus ou moins exacerbé et une promptitude à juger.

L’homme est un lion pour l’homme. Et les lions ne s’embarrassent pas de délicatesse. Sûrs de leur bon droit, ils imposent leur vue sans conscience de leur égocentrisme et de leur appétit excessif pour les rapports de force. Ces lions, nous les croisons tous les jours : automobilistes enragés, conjoints gentiment dénigrants, chefs imbus de pouvoir, mère intransigeante qui sait mieux que nous ce qui est bon pour nous…c’est ce que Romane appelle la burnerie. 

LA ROUILLE DU MOI
*Ils jurent agir dans votre intérêt, persuadés
d’être dans le vrai, et font alors tout pour que
vous vous conformiez à leurs attentes. Quitte
à faire rentrer des carrés dans des ronds sans
se rendre compte que finalement, vouloir à tout
prix le bien de quelqu’un finit par faire plus de
mal.
(Extrait)
Le terme *burnerie* est, je dirais, un néologisme générique qui réunit toutes les mauvaises habitudes, manies, tics, tendances machistes, automatismes routiniers et autres débordements qui nuisent à nos relations avec autrui.

C’est le prétexte du livre de Giordano, le fil conducteur. Constatant que la burnerie est passée au rayon de l’art, Romane Gardner a créé, avec son père, une entreprise appelée *supdeburne*. La jeune femme crée, monte et anime des ateliers *anti-burnerie*.

L’histoire est centrée sur un groupe bien précis dans lequel se trouve, évidemment, un personnage hors-norme, ce que je pourrais appeler un récalcitrant, un rebelle, un *burné* encrassé solide qui donne de la misère à la belle Romane. Il s’agit de Maximilien Vogue, riche et prospère homme d’affaires qui compte essentiellement sur sa secrétaire pour faire du café, une *burnerie* parmi tant d’autres chez ce monsieur au caractère bétonné.

Romane décide de s’attaquer à ce problème particulier. Ça débouche sur une relation particulière qui va ébranler à la fois Romane et Maximilien.

Ma perception de ce roman se limite à un cours de développement de la personnalité. Je n’ai jamais tellement adhéré à ce principe de partage de techniques d’amélioration du comportement envers autrui. Je trouve ça typé, moralisateur et cousu de fil blanc. En lecture, je crois que j’aurais trouvé le temps long.

Bien qu’empreinte de sagesse et d’humour, l’histoire est prévisible. Il y a des redondances, des longueurs et c’est sans compter les techniques de coaching développées dans ce livre qui sont à mon avis surréalistes et un peu insipides, comme le terme *burnerie* et autres termes dérivés comme *burnés* sans étymologie et utilisé sans explication quant au choix. J’aurais apprécié une mise en contexte sur le choix du mot.

Quant à l’histoire comme telle, elle est prévisible et très axée sur une conviction personnelle de l’auteure. J’ai senti de l’insistance. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver, à la fin du livre, une annexe qui n’est rien d’autre que le manuel anti-burnerie qui me rappelle un peu un résumé de cours.

Beaucoup de lecteurs trouveront des forces dans ce livre en partant du principe que, remettre en question nos comportements et attitudes dans nos relations avec les autres est loin d’être mauvais, bien au contraire. On sent la conviction dans le livre et la sincérité.

Moi je ne me suis pas ennuyé parce que j’ai écouté la version audio du livre et j’ai pu constater et apprécié l’extraordinaire talent de narratrice de Léovanie Raud qui a su ajuster sa voix au profil de chaque personnage, les rendant ainsi attachants, sympathiques et profondément humains. Elle m’a fait rire plus d’une fois. Quant à moi, pour la présentation, c’est une note parfaite.

Pour ce qui est du livre, il se lit vite. Le sujet est élimé mais les personnages ont été particulièrement bien travaillés, mieux que l’histoire comme telle. La version audio, dynamique et entraînante, rend le tout beaucoup plus vivant. Il est aussi très possible que le lecteur et la lectrice trouvent des idées intéressantes applicables à leur propre personnalité. La version audio a su mettre l’histoire en valeur et m’a fait passer un bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture : LE JOUR OÙ MAMAN M’A PRÉSENTÉ SHAKESPEARE de Julien Aranda

Raphaëlle Giordano est une écrivaine française née en 1979. Elle est aussi spécialiste en créativité et développement personnel, artiste peintre…. Diplômée de l’École supérieure Estienne en Arts appliqués, elle cultive sa passion des mots et des concepts en agences de communication à Paris, avant de créer sa propre structure dans l’événementiel artistique.

Quant à la psychologie, tombée dedans quand elle était petite, formée et certifiée à de nombreux outils, elle en a fait son autre grande spécialité. Avec son premier roman, Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, (qui a dépassé le million d’exemplaires vendus) elle s’est consacrée à un thème qui lui est cher : l’art de transformer sa vie pour trouver le chemin du bien-être et du bonheur.

Léovanie Raud est la narratrice. Originaire de Charente-Maritime, véritable femme orchestre, comédienne, chanteuse, danseuse, elle s’est vue offrir de nombreux rôles dans les opérettes, au théâtre. Elle a tourné dans plusieurs courts-métrages. Elle a également évolué dans le doublage de films, séries et dessins animés. Elle a prêté sa voix à Ariel, Maléfique, Javotte, Mama Odie pour les shows DISNEY ON ICE et DISNEY LIVE au Grand Rex. Léovanie Raud avait déjà une voxographie impressionnante quand elle a prêté sa voix au best-seller de Raphaëlle Giordano.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 3 novembre 2019