ZERO, livre de l’écrivain autrichien MARC ELSBERG

*Paniqués, le Président, sa famille et les fonctionnaires…
n’ont pas remarqué le drone qui les menace…Détonations.
Cris. L’Objectif capture le regard terrifié et la bouche
hurlante de l’homme le plus puissant du monde ; C’est
interminable ! «Bon Dieu de bon Dieu ! pense Erben en
grimaçant. Ces images font le tour du monde… »
(Extrait : ZERO, Marc Elsberg, Pirannah 2016 pour la traduc-
tion française., édition de papier, poche, 505 pages)

Londres, Un adolescent est abattu lors d’une course-poursuite. Ce drame conduit Cynthia Bonsant, journaliste au Daily, à enquêter sur les agissements de Freemee, société américaine high-tech spécialisée dans la collecte et l’analyse de données, qui promet à ses dizaines de millions d’utilisateurs une vie meilleure grâce à ses applis. Dans un monde où réseaux sociaux, sites de e-commerce, caméras de sécurité et objets connectés sont les parfaits alliés de la surveillance globale, le chemin qui mène à la vérité va se révéler aussi ardu que dangereux. Cynthia se rend compte que le taux de suicides est plus élevé parmi les utilisateurs de Freeme, Le monde connecté devient plus puissant.

UN PAVÉ DE QUESTIONNEMENT
*Éviter que les gens ne meurent est sans doute
trop compliqué.*
(Extrait)

*La question est de savoir si vous voulez me
dire ce que vous devez me dire, ou seulement
ce que vous pouvez me dire.
(Extrait)

Zero est un roman actuel et dénonciateur de la toute-puissance des nouvelles technologies. Voyons d’abord un peu l’histoire. Une journaliste du Daily, Cynthia Bonsant, enquête sur Freeme, une société américaine qui développe des nouvelles technologies et se spécialise dans la collecte et l’analyse de données.

À ceux et celles qui acceptent volontairement de mettre leurs données personnelles à la disposition de Freeme, la start-up promet une vie meilleure grâce à un *coaching* personnalisé essentiellement géré par leur téléphone intelligent et leur montre adaptée.

Cynthia découvre que le taux de suicides est beaucoup plus élevé chez les utilisateurs de Freeme. On parle de milliers de morts. Quelque chose cloche. Une mystérieuse organisation se dresse devant la démesure de Freeme : ZERO, qui travaille essentiellement à dénoncer Freeme et alerter l’opinion publique.

Il se trouve que Freeme donnent des points aux abonnés qui révèlent des informations les plus personnelles grâce à 300 questions très précises posées lors de l’inscription. La vie des abonnés devient alors gérée par des *Act app*, Un programme de conseils individualisés qui vous dit quoi faire et vous donne des points si vous êtes obéissants :


*On peut répéter des centaines de fois aux gens de se laver les dents. Ce sera plus efficace si on les récompense pour le faire. Chez Freeme, tes valeurs augmentent. Il faut simplement posséder une brosse à dents électrique qui peut envoyer des informations sur ton compte…*
(Extrait)

Ce roman, implacablement branché sur l’actualité n’a rien de rassurant et nous met en garde par l’intermédiaire de zéro : *Le monde digital se trouve dans la moindre particule du monde réel…On le retrouvera bientôt dans nos aliments, nos vêtements, dans le sol, les murs, l’eau, l’air, dans nos corps. Le monde digital…est le monde réel. * Extrait

Sachant que le gigantesque pouvoir décrit dans ce livre par Marc Elsberg est en marche, ce roman fait carrément peur. Il ne s’agit pas d’une dystopie même s’il est question de surveillance globale : des gens qui nous surveillent, surveillés eux-mêmes par des surveillants qui sont surveillés et ainsi de suite.

Le récit laisse à penser que des sociétés en savent plus sur nous que nous-mêmes et nous fait réfléchir sur les traces que nous laissons sur Internet. En effet, on peut se demander qu’est-ce qui pourrait nous arriver de pire une fois que nous aurons livré aux avides multinationales nos secrets les plus intimes…le cœur de notre vie.

Ce livre est très bien documenté, intimement lié avec l’actualité et des pronostics réalistes, ZERO est donc un polar crédible. Il n’est pas exagéré en effet de dire que nous sommes surveillés, classés, listés. Nous sommes influencés par une volonté qui n’est pas la nôtre et nous dépasse. Très bon livre avec de nombreux rebondissements, des revirements, écriture puissante qui nous amène à remettre en question notre définition de la vie privée.

Je signale toutefois que l’entrée en matière est complexe. Il y a de nombreux personnages qu’il faut garder en mémoire au départ. Il faut être particulièrement attentif au premier quart du volume car les personnages ne sont pas tous bien aboutis et l’auteur ne s’est pas vraiment penché sur leur psychologie.

Donc ZERO est un polar particulièrement engagé qui pousse à la réflexion sur le caractère *subtilement* implacable du monde connecté. Si ça ne donne pas le goût de se débrancher, ça pourrait au moins pousser à la prudence.

Suggestion de lecture : CODE ZÉRO, de Ken Follett

Marcus Rafelsberger est un écrivain autrichien né à Vienne le 3 janvier 1967. En 2012, il adopte un pseudonyme : Marc Elsberg qui le désigne encore aujourd’hui. Il connaîtra alors un succès foudroyant avec BLACK-OUT, un thriller post-apocalyptique et son thriller technologique ZERO, récipiendaire du prix des lecteurs du livre de poche. Dans son troisième livre, HELIX, il est à nouveau question d’évolution technologique de notre société qui fait l’objet d’une révolution secrète : le génie génétique.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 31 juillet 2020

Le jour où les lions mangeront de la salade verte

Commentaire sur le livre audio de
RAPHAËLLE GIORDANO

Lu par Léovanie Raud

*…Au  milieu de ce tableau vivant, un taureau,
écrasante masse noire opaque, se détache
impitoyablement sur le sable. La tauromachie
élève sa discipline au rang d’art et la foule
agglutinée, le regard avide boit jusqu’à la lie
la coupe de sa fascination morbide.*
(Extrait : LE JOUR OÙ LES LIONS MANGERONT
DE LA SALADE VERTE, Raphaëlle Giordano,
narration : Léovanie Raud, Audiolib éditeur, 2017,
édition de papier aussi disponible, Eyrolles éditeur,
2017)

Selon l’héroïne de Giordano, la burnerie pourrait se définir comme un trouble comportemental qui se caractérise par un égo démesuré, de la mauvaise foi, un sentiment de domination plus ou moins exacerbé et une promptitude à juger.

L’homme est un lion pour l’homme. Et les lions ne s’embarrassent pas de délicatesse. Sûrs de leur bon droit, ils imposent leur vue sans conscience de leur égocentrisme et de leur appétit excessif pour les rapports de force. Ces lions, nous les croisons tous les jours : automobilistes enragés, conjoints gentiment dénigrants, chefs imbus de pouvoir, mère intransigeante qui sait mieux que nous ce qui est bon pour nous…c’est ce que Romane appelle la burnerie. 

LA ROUILLE DU MOI
*Ils jurent agir dans votre intérêt, persuadés
d’être dans le vrai, et font alors tout pour que
vous vous conformiez à leurs attentes. Quitte
à faire rentrer des carrés dans des ronds sans
se rendre compte que finalement, vouloir à tout
prix le bien de quelqu’un finit par faire plus de
mal.
(Extrait)
Le terme *burnerie* est, je dirais, un néologisme générique qui réunit toutes les mauvaises habitudes, manies, tics, tendances machistes, automatismes routiniers et autres débordements qui nuisent à nos relations avec autrui.

C’est le prétexte du livre de Giordano, le fil conducteur. Constatant que la burnerie est passée au rayon de l’art, Romane Gardner a créé, avec son père, une entreprise appelée *supdeburne*. La jeune femme crée, monte et anime des ateliers *anti-burnerie*.

L’histoire est centrée sur un groupe bien précis dans lequel se trouve, évidemment, un personnage hors-norme, ce que je pourrais appeler un récalcitrant, un rebelle, un *burné* encrassé solide qui donne de la misère à la belle Romane. Il s’agit de Maximilien Vogue, riche et prospère homme d’affaires qui compte essentiellement sur sa secrétaire pour faire du café, une *burnerie* parmi tant d’autres chez ce monsieur au caractère bétonné.

Romane décide de s’attaquer à ce problème particulier. Ça débouche sur une relation particulière qui va ébranler à la fois Romane et Maximilien.

Ma perception de ce roman se limite à un cours de développement de la personnalité. Je n’ai jamais tellement adhéré à ce principe de partage de techniques d’amélioration du comportement envers autrui. Je trouve ça typé, moralisateur et cousu de fil blanc. En lecture, je crois que j’aurais trouvé le temps long.

Bien qu’empreinte de sagesse et d’humour, l’histoire est prévisible. Il y a des redondances, des longueurs et c’est sans compter les techniques de coaching développées dans ce livre qui sont à mon avis surréalistes et un peu insipides, comme le terme *burnerie* et autres termes dérivés comme *burnés* sans étymologie et utilisé sans explication quant au choix. J’aurais apprécié une mise en contexte sur le choix du mot.

Quant à l’histoire comme telle, elle est prévisible et très axée sur une conviction personnelle de l’auteure. J’ai senti de l’insistance. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver, à la fin du livre, une annexe qui n’est rien d’autre que le manuel anti-burnerie qui me rappelle un peu un résumé de cours.

Beaucoup de lecteurs trouveront des forces dans ce livre en partant du principe que, remettre en question nos comportements et attitudes dans nos relations avec les autres est loin d’être mauvais, bien au contraire. On sent la conviction dans le livre et la sincérité.

Moi je ne me suis pas ennuyé parce que j’ai écouté la version audio du livre et j’ai pu constater et apprécié l’extraordinaire talent de narratrice de Léovanie Raud qui a su ajuster sa voix au profil de chaque personnage, les rendant ainsi attachants, sympathiques et profondément humains. Elle m’a fait rire plus d’une fois. Quant à moi, pour la présentation, c’est une note parfaite.

Pour ce qui est du livre, il se lit vite. Le sujet est élimé mais les personnages ont été particulièrement bien travaillés, mieux que l’histoire comme telle. La version audio, dynamique et entraînante, rend le tout beaucoup plus vivant. Il est aussi très possible que le lecteur et la lectrice trouvent des idées intéressantes applicables à leur propre personnalité. La version audio a su mettre l’histoire en valeur et m’a fait passer un bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture : LE JOUR OÙ MAMAN M’A PRÉSENTÉ SHAKESPEARE de Julien Aranda

Raphaëlle Giordano est une écrivaine française née en 1979. Elle est aussi spécialiste en créativité et développement personnel, artiste peintre…. Diplômée de l’École supérieure Estienne en Arts appliqués, elle cultive sa passion des mots et des concepts en agences de communication à Paris, avant de créer sa propre structure dans l’événementiel artistique.

Quant à la psychologie, tombée dedans quand elle était petite, formée et certifiée à de nombreux outils, elle en a fait son autre grande spécialité. Avec son premier roman, Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, (qui a dépassé le million d’exemplaires vendus) elle s’est consacrée à un thème qui lui est cher : l’art de transformer sa vie pour trouver le chemin du bien-être et du bonheur.

Léovanie Raud est la narratrice. Originaire de Charente-Maritime, véritable femme orchestre, comédienne, chanteuse, danseuse, elle s’est vue offrir de nombreux rôles dans les opérettes, au théâtre. Elle a tourné dans plusieurs courts-métrages. Elle a également évolué dans le doublage de films, séries et dessins animés. Elle a prêté sa voix à Ariel, Maléfique, Javotte, Mama Odie pour les shows DISNEY ON ICE et DISNEY LIVE au Grand Rex. Léovanie Raud avait déjà une voxographie impressionnante quand elle a prêté sa voix au best-seller de Raphaëlle Giordano.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 3 novembre 2019