Le hussard sur le toit

Commentaire sur le livre de 
JEAN GIONO

*- Je suis arrivé tout à l’heure, dit Angelo. Il se peut que ma tête soit drôle mais je regarderai la vôtre avec attention quand vous aurez vu ce que j’ai vu.
– Oh, dit le jeune homme, il est probable que je vomirai exactement comme vous avez vomi. L’important c’est que vous n’ayez pas touché les cadavres.
– J’ai tué à coups de bêche un chien et des rats qui les mangeaient, dit Angelo. Ces maisons sont pleines de morts. *

Extrait : LE HUSSARD SUR LE TOIT, de Jean Giono. Édition de papier : Gallimard éditeur, 1995, 498 pages. Format numérique : Gallimard éditeur, 2013, 490 pages, 1109 KB, version audio : Gallimard éditeur, 2019, durée d’écoute : 14 heures 4 minutes. Narrateur : Loïc Corbery.

Les affres du choléra

1832 en Provence. Voici l’histoire d’un aristocrate appelé Angelo Pardi. Angelo était un hussard. C’est ainsi qu’on nommait à une certaine époque les militaires appartenant à la cavalerie légère. Angelo a dû fuir son Piémont natal après avoir tué en duel un officier autrichien. Sa fuite l’amène en France, plus précisément en Provence, frappée de plein fouet par une épidémie de choléra.

Angelo s’arrête dans une ville où il est perçu comme un étranger malfaisant et dangereux. On l’accuse d’avoir empoisonné les fontaines. Il se réfugie sur les toits des maisons où il constate les effets tragiques du choléra sur les êtres humains. Il réussit à survivre grâce à de petites rapines faites dans les maisons désertées.

Dans ses aventures, Angelo rencontrera une jeune femme, Pauline de Théus, qui l’accueille, sans peur de la contagion. Ainsi, Angelo Pardi redescendra de ses toits et sera enrôlé par une religieuse qui nettoie les morts. Angelo côtoiera alors toute l’horreur de la maladie.

C’est un très beau roman d’aventure, mais d’une infinie tristesse qui met à l’avant-plan une maladie cruelle, la dégénérescence, la peur et la mort. C’est un aspect du roman qui a mis ma patience à l’épreuve. La peur et la mort sont omniprésentes dans le récit. J’avoue que ça devient un peu lassant à la longue. La plume est très belle. C’est d’ailleurs la grande qualité de Giono mais la puissance descriptive monopolise tellement le récit qu’il y a peu de place pour l’intensité des dialogues. Toutefois, l’idée d’observer les réflexes humains devant la fatalité du toits des maisons a donné au récit beaucoup de profondeur.

Sans jeu de mot, je dirais que l’empathie d’Angelo a été contagieuse car je me suis attaché à ce personnage que l’auteur a doté d’altruisme et d’une magnifique noblesse. Giono décrit ici la naissance d’un sentiment, devenu de l’amour cruellement malmené par une maladie ignoble. Je vous laisse découvrir ce qui adviendra de cette relation bien particulière entre Pauline et Angelo. Au travers d’une grande tristesse, l’auteur a inséré l’espoir. Cet aspect du récit m’a touché.

J’ai été un peu surpris et pas très emballé par le dernier quart du livre où l’auteur a complété en vrac sa vision de la pandémie en développant l’aspect philosophique, médical et sociétal du problème, le tout, dans une présentation tout ce qu’il y a de plus provençal. J’ai trouvé ça un peu lourd.

Ces petits inconvénients sont largement compensés par la beauté de l’écriture et le fait que l’auteur nous entraîne dans une exploration de la nature humaine avec une emphase modérée sur ses faiblesses. Comme notre planète vit toutes sortes d’épidémies, LE HUSSARD SUR LES TOITS est un classique qui garde son actualité.

Ce livre est un mélange de cauchemar et d’espoir livré à un rythme qui favorise la méditation et l’introspection. J’ai beaucoup aimé ma lecture dans l’ensemble.

Suggestion de lecture : LA PESTE, d’Albert Camus


Image du film LE HUSSARD SUR LE TOIT adaptation du roman éponyme de Jean Giono, sorti en 1995 et réalisé par Jean-Paul Rappeneau avec Olivia Martinez, Juliette Binoche et Jean Yanne.


L’auteur Jean Giono

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le samedi 25 octobre 2025

 

Là où chantent les écrevisses

Commentaire sur le livre de
DELIA OWENS

« Mais, mesdames et messieurs, je vous le demande, avons-nous exclu Mlle Clark parce qu’elle était différente, ou est-elle devenue différente parce que nous l’avons exclue ? »

Extrait : LÀ OÙ CHANTENT LES ÉCREVISSES, Delia Owens, version papier : Seuil éditeur, 2019, 480 pages. Version numérique : Seuil éditeur 2020, 483 pages. Verion audio : Audiolib éditeur, 2020, durée d’écoute : 11 heures 17 minutes, narratrice : Marie du Bled.

La poésie des marais

Ce livre est un véritable enchantement. Je l’ai adoré malgré la crédibilité douteuse de son personnage principal et la superficialité des acteurs en général.

L’histoire est celle de Kia, une petite fille de Barkley cove, Caroline du nord. Elle a 10 ans. Elle est considérée rebelle et sauvage par ses pairs parce qu’elle refuse d’adhérer à une société avec laquelle elle ne se sent pas compatible. Abandonnée par sa famille, elle prend refuge dans le marais qui deviendra son monde.

Pour survivre, Kia, devenue la fille du marais, pêche des coquillages et les vend à un sympathique couple marchand du village : Jumping et Mable qui prennent Kia en amitié. Pour le reste, Kia demeure le plus possible dans la solitude là où chantent les écrevisses. Pour moi, ce cadre social, pour une fille de 10 ans au départ est peu crédible d’autant que les services sociaux ont renoncer à la rechercher. Peu probable à mon avis.

Au fil du temps, deux hommes entreront dans la vie de Kia : Tate, un garçon honnête, avide de connaissances naturalistes comme Kia, sincère mais un peu maladroit et Chase, un gars à filles, égocentrique et hypocrite. Or peu après une agression sur Kia, Chase est retrouvé mort. Le shérif du comté soupçonne un meurtre, accuse Kia et la met en prison.

Un procès suit. L’enquête et le procès sont au cœur de l’histoire et croyez-moi, le procès comme tel vaut la peine d’être suivi, c’est un bijou. L’avocat de Kia, Tom, m’a simplement ébloui.

Bien au-delà des performances judiciaires et de l’incompétence crasse d’un officier de justice, ce livre est envoûtant et il faut le pénétrer au-delà d’une simple lecture. J’ai fait plus qu’entrer dans l’histoire, je suis entré dans le marais, j’ai respiré son parfum, senti sur ma peau les vents humides. Je fus pénétré par les sons et les odeurs d’une nature luxuriante, généreuse.

Voilà la grande force de ce livre, celle de m’avoir amené dans le marais pour finalement le quitter à regret. Ce livre est un hommage à la nature. Et son réalisme descriptif est une véritable poésie.

Cet aspect immersif qui nous transporte dans une nature si généreuse m’a fait oublier le caractère insipide du côté romanesque de Kia et la qualité discutable des dialogues qui sont la principale faiblesse du livre.

Mais le procès et surtout, l’omniprésence du marais font de ce livre une petite merveille qui n’est pas sans évoquer les vertus de la tolérance et le respect de l’environnement.

Bref, c’est un livre qui fait du bien.

Suggestion de lecture :

LES MYSTÈRES DU BAYOU, trilogie de JANA DELEON



L’autrice Delia Owens


LÀ OÙ CHANTENT LES ÉCREVISSES image du film éponyme

*LÀ OÙ CHANTENT LES ÉCREVISSES* de Delia Owens a été adapté au cinéma en 2022 par Olivia Newman, scénarisé par Lucy Alibar. Avec Daisy Edgar-Jones, Taylor John-Smith et Harris Dickinson. Détails ici.

Bonne lecture,

Bonne écoute

Claude Lambert

le vendredi 12 septembre 2025