LA RELIGION, roman de TIM WILLOCKS

*…De la tête, Lazaro désigna l’escalier qui menait
au cloître des hospitaliers. –On voit des choses
là-dedans, qui retourneraient l’estomac le plus
solide et briseraient le cœur le plus vaillant…*
(extrait de LA RELIGION, Tim Willocks, 2006,
version française 2012, Sonatine Éditions)

Cette histoire nous fait remonter le temps jusqu’en 1565 alors que Soliman le magnifique, Sultan des Ottomans déclare la guerre Sainte aux Chevaliers de l’Ordre de Malte. C’est l’occupation de Malte, un des conflits les plus sanglants et cruels opposant l’Islam et la Chrétienté. Au cœur de cette toile spectaculaire et oppressante, on retrouve Matthias  Tanhauser,  un colosse héroïque, fidèle à la Religion mais déchiré entre deux désirs extrêmement puissants : la soif de combat et de gloire et l’amour d’une femme piégée à Malte : Carla qui garde  l’espoir de retrouver son fils qui lui a été arraché au début de sa vie par un homme d’église fourbe et cruel.

D’abord, quelques mots sur LA RELIGION :

La Religion dont il est question dans ce roman est essentiellement un ordre religieux dont le vrai nom est ORDRE DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM aussi appelé LES HOSPITALIERS et plus couramment LA RELIGION. Cet ordre religieux a été créé à Jérusalem vers 1080 et est à l’origine de tous les autres ordres de Saint Jean. Au départ, l’ordre était exclusivement hospitalier, protégeant avant tout les pèlerins malades dans les hôpitaux de l’ordre.

Très vite, après la disparition des Templiers, l’ordre de Saint-Jean, tout en gardant un pied dans sa vocation d’hospitalier est devenu guerrier avec une féroce volonté de combattre les Sarrazins et de parer à la menace musulmane. Avec le temps, l’Ordre, farouchement indépendant, échappera à tout contrôle jusqu’à son éclatement au début du 19e siècle.

UN ROMAN *CHOC* :

C’est un roman très long (plus de 800 pages) qui évoque le grand siège de Malte, un des conflits les plus sanglants de l’histoire des guerres de religion et un des plus cruels de l’histoire militaire. En effet, en mai 1565 Soliman, sultan des Ottomans (des Turcs) à la tête de 38,000 hommes, est décidé à prendre l’île de Malte qui ne dispose que de 9 000 chevaliers hospitaliers et soldats Maltais.

Soliman voit dans cette guerre une étape pour réduire la chrétienté à néant, mais le courage et l’astuce de son opposant, la Valette, grand maître de la Religion, conduiront les Turcs à la déroute. Tim Willocks décrit avec un luxe de détails l’incroyable boucherie qui résultera de cette guerre.

Ce qui m’a frappé dans ce roman, c’est la puissance descriptive que l’auteur a déployée…description détaillée de tueries, d’exécutions, de mutilations, de corps démembrés, de têtes tranchées, de puanteur, description détaillée de cette capacité très *humaine* de tuer et de faire souffrir avec des raffinements de cruauté, sans oublier une description très explicite de plusieurs épisodes à caractère sexuel dont quelques-uns sont loin de verser dans l’eau de rose.

J’ai trouvé l’écriture magnifique, puissante mais parfois éprouvante, la violence étant détaillée avec une telle ferveur qu’elle m’a laissé cette impression agaçante que l’auteur a voulu trop en mettre. Toutefois l’esprit chevaleresque de l’époque est bien mis en perspective. Les amours du Héros Tanhauser viennent un peu alléger l’ensemble même s’il s’agit d’un impossible et complexe triangle amoureux.

Ce livre ne m’a pas fait ami-ami avec la Religion car ce n’est qu’un des très nombreux ouvrages (romanesques ou documentaires) qui évoquent une époque où l’inquisition voyait l’hérésie partout et où il suffisait de dire *C’est la volonté de Dieu* pour justifier la folie des hommes. Willocks ne se gêne pas pour souligner le travers des Cultes et les qualifier de fosses à serpents.

Il m’a semblé évident que l’auteur a pris son temps…le roman accusant des longueurs mais sa principale force est d’arracher le lecteur de son confort et de le placer dans le décor d’un environnement ravagé par la violence et la haine.

Grande Crois de l’Ordre de Saint-Jean-De-Jérusalem

C’est un roman puissant. La plume est audacieuse et est de nature à submerger le lecteur, surtout celui qui ne craint pas les longueurs et la crudité d’une grande quantité de passages. Le livre a peut-être une ou deux centaines de pages de trop mais il tient quand même captif et sa finale est magnifique.

Suggestion de lecture : TERRES DE SANG ET DE LUMIÈRE de Jocelyne Godard

BONNE LECTURE
JAILU
OCTOBRE  2013

(En Complément…)

L’ORANGE MÉCANIQUE, livre d’ANTHONY BURGESS

Il serait inutile de me creuser le rassoudok à faire une interminable analyse du roman que je viens de terminer zoom, Ô mes frères. Car malgré le nadsat (argot inventé par Burgess) qui semble complexifier le récit, il s’agit d’une histoire simple, que j’ai vraiment appréciée.

J’avais été captivé par L’Orange Mécanique porté à l’écran par Stanley Kubrick, et c’est sur le tard que j’ai appris l’existence du roman. En commençant la lecture de ce dernier, je ne pouvais m’empêcher de faire des comparaisons avec le film, mais j’ai rapidement cessé quand l’incroyable univers décrit par Burgess m’a englouti. De toute façon, à quelques détails près, le film en est une fidèle adaptation.

Avant même les scènes de violence, et la psychologie déstabilisante du personnage principal et narrateur, c’est le nadsat qui est le plus frappant

. Ce langage d’inspiration anglo-russe est aussi agrémenté d’autres expressions stylisées des plus savoureuses, telles mes exquis cucuses usées pour des excuses, beuheuheuher pour pleurer. N’importe qui peut inventer des mots pour en désigner d’autres, mais ça prend un maître pour créer un langage à ce point intelligible, et ajoutant carrément une nouvelle dimension au récit.

Le roman parle d’un garçon, un voyou comme disent les Français, un jeune délinquant qui commet des vols, meurtres, viols, qui sème le désordre. Un jour l’état l’attrape et lui dit nous allons vous métamorphoser, grâce à des techniques de conditionnement Pavlovienne, de façon à ce que désormais le mal vous révulse.

Anthony Burgess , 1985

Ce qui est extraordinaire de ce roman, c’est que Burgess nous amène , sans qu’on comprenne de quelle façon au premier abord, à éprouver de la sympathie pour le narrateur et personnage principal, le jeune Alex, adepte de l’ultra-violence, manipulateur et vandale.

En y repensant bien, et aidé par la lecture d’analyses plus poussées, j’ai compris comment. Malgré son sadisme et sa cruauté, le fait qu’Alex passe de bourreau à victime, le fait qu’il s’adresse au lecteur comme à un ami et aux autres dans un parler distingué, et aussi le fait qu’il aime la musique classique contribuent à nous le faire voir sous un angle biaisé.

L’Orange mécanique est le genre de livre qu’on aime ou qu’on aime pas. Si cet article vous a intrigué ou que vous avez aimé le film culte de Kubrick, vous ne serez pas déçu par le roman.

Après la lecture, je vous recommande d’écouter le film, et finalement d’aller visionner le documentaire Il était une fois Orange Mécanique, documentaire très intéressant disponible sur les streamings et les torrents.

 voir ce qu’en pense JAILU>

Suggestion de lecture : PROIES de Mo Hayder

Phenixgoglu
Décembre 2012