FAHRENHEIT 451, le livre de RAY BRADBURY

*…Chaque homme doit être l’image de l’autre, comme ça tout le monde est content :
plus de montagnes pour les intimider, leur donner un point de comparaison. Conclusion! un livre est un fusil chargé dans la maison d’à côté. Brûlons-le, déchargeons l’arme. Battons en brèche l’esprit humain…
(extrait de FAHRENHEIT 451, Ray Bradbury, 1953, réédité en 1981, Éditions Denoël) 

Fahrenheit 451 est une dystopie qui évoque un état totalitaire dans lequel l’unique rôle des pompiers consiste à…brûler les livres parce que ceux-ci sont considérés comme dangereux pour le régime politique et pour l’humanité. Considéré comme le meilleur pompier de son unité, Guy Montag fait la rencontre de Clarisse, une jolie jeune femme, intelligente et curieuse.

Ces rencontres vont se multiplier. Étonné par l’intelligence de Clarisse et sa soif de connaissance, Montag développera dans son esprit des *idées sacrilèges*  genre **…mais au fond quel mal y a-t-il à lire**.

 

Un jour, avec son unité, Montag est appelé sur les lieux de la découverte d’une bibliothèque appartenant à une vieille dame. Les ordres sont clairs : BRÛLEZ TOUT. La vieille dame, refusant de quitter son trésor, est brûlée avec les livres. Écœuré, Montag devient rebelle et commence à lire en cachette.

Sa femme Mildred le découvre et le dénonce. Il est condamné à brûler sa propre maison. Il fuit et se cache. Devenu traître à l’état et transfuge, Montag se joint à un groupe rebelle caché dans les bois et dont chaque membre s’est mis en devoir d’apprendre un livre par cœur avant de le détruire, et ce dans le but de le transmettre oralement.

Extrait du film Fahrenheit 451 adapté par François Truffaut

C’est un livre en trois parties, un peu difficile à suivre par moment, mais la richesse descriptive de l’ensemble est telle qu’elle fait oublier ce détail au lecteur même s’il lui faut beaucoup de concentration pour bien suivre l’évolution de l’histoire.

Ce qu’il faut retenir surtout, c’est que ce livre mythique a conservé toute son actualité. Si sa trame évoque quelque peu *1984* de George Orwell, autre dystopie incontournable, l’extraordinaire sens de l’anticipation de l’auteur n’est pas sans me rappeler l’essence visionnaire de Jules Verne.

Ray Bradbury décrit le drame d’une société sans âme privée du droit de lire pour des raisons de sécurité nationale (typique d’un régime totalitaire). En contrepartie, la société adule l’image, à tel point que même les murs des maisons sont devenus des écrans.

En privilégiant la consommation de l’image en particulier et de masse en général, le régime engourdit les esprits et embellit ce qui n’est en réalité qu’un cauchemar : une société menottée en perpétuel lavage de cerveau, continuellement au bord de la guerre et dont l’ignorance est entretenue avec des raffinements de savoir-faire.

FARENHEIT 451 propose une profonde réflexion sur le pouvoir des livres, dans ce qu’ils ont de positif, bénéfique et stimulant pour l’ensemble de la société qui a le droit sacré à la liberté d’expression. Voilà pourquoi ce livre publié il y a 60 ans garde toute son actualité. 

Dans une société où la télé exerce une force presque irrésistible sur les esprits et où internet semble vouloir prendre le contrôle de *L’ÉCRIT*, Bradbury avertit qu’en négligeant le livre, la société se punit en se privant d’un énorme potentiel de découverte, endort ses talents, brime sa liberté d’expression, bref elle frôle la décadence.

FARENHEIT 451 est un livre sans âge d’une beauté extraordinaire et d’une prodigieuse clairvoyance qui force l’admiration. Son auteur n’a négligé aucun détail. Il ne faut donc pas se surprendre que la température de combustion d’un livre soit de…451 degrés Farenheit…

Suggestion de lecture : LEGEND de Marie Lu

BONNE LECTURE
JAILU
AVRIL 2014

(À lire en complément…)

ONDE DE CHOC, le livre de MARILOU ADDISON

*…-je vais avoir besoin de toi bientôt.
-Bien sûr! Tout ce que tu veux! Je te le redis encore
Et encore, je serai là pour toi!
-Tout ce que je veux? Répète-t-il, une lueur étrange
Dans le regard. -…vraiment tout? Tu me le jures?…
-…Tout ce que tu voudras Elliot!
-D’accord…mais pas tout de suite…je dois encore
Réfléchir avant de prendre ma décision.

(Extrait de ONDE DE CHOC, Marilou Addison,
Éditions de Mortagne, 2013, littérature Jeunesse)

ONDE DE CHOC est l’histoire de deux ados : Elliot, 17 ans, plein de vie, audacieux et téméraire et Ralph 16 ans et demi, plus réservé, sensible et timoré. La vie de nos deux héros basculera complètement suite à un accident dramatique qui rend Elliot infirme. Ne pouvant accepter sa situation, Elliot songe à en finir avec la vie, mais il a besoin d’aide. Ralph entendra alors une demande, extrêmement grave qu’aucun être humain normal doté de sensibilité et d’empathie n’a envie de recevoir.  Pour Ralph, le choc est énorme et profond.

Je dirai d’abord que le mot *euthanasie* est un terme générique qui couvre l’euthanasie comme telle, le suicide assisté et l’homicide par compassion.

Cette histoire imaginée par Marilou Addison et écrite pour les ados n’a rien d’innovateur. Toutefois, dans une écriture simple et fluide, elle pose aux adolescents un problème d’une profonde complexité. Je sais bien que l’euthanasie est illégale au Canada mais au-delà de la loi, il y a ici une notion de transcendance qui questionne continuellement notre conscience.

En lisant ONDE DE CHOC, le jeune lecteur se posera inévitablement cette question : *qu’est-ce que je ferais si mon meilleur ami me demandais de l’aider à mourir?*

Dans son livre, Marilou Addison a pris bien soin d’opposer deux natures diamétralement opposées : Elliot, téméraire et plein de vie, Ralph, pusillanime et réfléchi;  ça fait *cliché* mais l’inclusion de détails sur le quotidien de ces jeunes, leur vie amoureuse et leurs relations familiale a ajouté à l’ensemble un très intéressant cachet de sincérité et d’authenticité.

Je pense que Marilou Addison a relevé avec succès un beau défi : celui de traiter avec sensibilité un thème aussi grave et complexe que l’euthanasie, dans une écriture accessible et une évocation assez juste des motivations qui poussent à faire la demande de suicide assisté.

Ce n’est pas à proprement parler un livre génial, mais il a la vertu, voire l’audace de questionner les jeunes et de les faire réfléchir sur un problème qui divise profondément notre société.

Suggestion de lecture :  LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Marilou Addison a grandi à Montréal où elle a évolué dans les milieux du livre entre autres comme libraire et coordonnatrice du prix CÉCILE GAGNON. Elle est mère de trois enfants. Elle adore écrire pour les petits pour qui elle a créé le personnage PISTACHE.

NOTE : ONDE DE CHOC a été publié aux Éditions de Mortagne dans la collection TABOO qui réunit des ouvrages écrits pour les jeunes et traitant de sujets sensibles. Je vous suggère par exemple DERNIÈRE STATION de Linda Corbo qui aborde le suicide sans détour à travers l’histoire d’une adolescente en mal de vivre. Tous les livres de cette collection semblent porteurs d’espoir et de courage.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2014

DOSSIERS SECRETS, PIERRE BELLEMARE

*…Alors elle lâche son verre qui éclate sur le
sol carrelé de rouge, et elle hurle avec une
force incroyable. Elle n’appelle pas son mari,
elle ne crie pas *au secours*, elle hurle un son
bizarre, strident, modulé à l’infini, c’est la voix
de la peur la plus animale…*

(extrait de DOSSIERS SECRETS de Pierre Bellemare,
LA MAISON SOUS LA LUNE, Éditions de la Seine, 1984)


Fidèles à leur passion, Pierre Bellemare et Jacques Antoine poursuivent leur exploration de l’étrange et de l’insolite avec DOSSIERS SECRETS. Ce livre réunit 54 histoires dans lesquelles l’insolite fait loi. Par exemple cette incroyable aventure de Betty et Barney qui, après avoir observé un mystérieux objet lumineux dans le ciel seront victimes d’un trou de mémoire d’une heure et demi…que dévoilera l’hypnose?  Saisi par une atmosphère oppressante, le lecteur plonge dans l’univers de l’irrationnel où le cerveau est impuissant à comprendre. Ce livre fait partie d’une collection de 8 titres développant essentiellement les thèmes du fantastique et de l’insolite.

DOSSIERS SECRETS est un recueil de courtes histoires. Ce ne sont pas des récits d’horreur proprement dits, à glacer le sang et à empêcher de dormir mais plutôt de petites aventures étranges qu’on ne peut expliquer car elles échappent à la logique.

C’est là que ça devient intéressant car le lecteur est amené à jongler avec ce qui se cache derrière les apparences et à chercher la vérité qui, bien qu’impossible à atteindre, lui donne la possibilité de tirer ses propres conclusions en séparant le rationnel de ce qui est impossible à comprendre pour le cerveau humain.

Comme je l’ai mentionné, les histoires sont courtes. Plusieurs d’entre elles manquent de fini et la conclusion de plusieurs récits pourraient bien laisser les lecteurs sur leur appétit. Je dirais que c’est un livre divertissant qui plonge le lecteur dans l’univers de l’étrange : inconnu, magie, folie, insolite, enchantement, bizarre…

C’est loin d’être le meilleur livre que j’ai lu mais les histoires sont hors du commun et l’ensemble est original.

Suggestion de lecture : X FILES, NOUVELLES AFFAIRES NON CLASSÉES, de JOE HARRIS, CHRIS CARTER ET DIRK MAGGS

Avant même d’atteindre l’âge adulte, Pierre Bellemare (photo de gauche)  rêve d’une carrière dans les médias. Au milieu des années 50, il rencontre Jacques Antoine, concepteur de la célèbre émission LA CHASSE AU TRÉSOR. Il deviendra présentateur de nombreuses émissions, puis deviendra animateur et producteur sur Europe 1 et le demeurera pendant 17 ans.

Son imagination tournant à la vitesse *GRAND V*, il quittera Europe 1 en 1987 pour adapter le concept américain du télé-achat sur TF1. Enfin Pierre Bellemare n’en reste pas là…il écrit de nombreux livres réunissant des histoires étranges ou hors du commun…près d’une centaine de titres, des millions d’exemplaires vendus…

Jacques Antoine (1924-2012) (photo de droite) est un homme de télévision et de radio qui s’est distingué en produisant, pendant près de 40 ans plus de 150 jeux pour la radio, mais surtout pour la télé, et dont plusieurs ont été très célèbres dont LA CHASSE AU TRÉSOR.

Il y a aussi FORT BOYARD (îlot désaffecté d’origine militaire dont Jacques Antoine se portera acquéreur en novembre 1988 pour la production de la célèbre série télé). Jacques Antoine a aussi participé à quelques scénarios de films et écrit comme co-auteur et complice de Pierre Bellemare.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2014

CARNET DE VOYAGE D’UN MORT DÉBUTANT

Je me pose des questions qui me font
Perdre du temps. C’est vrai,  mais j’ai
Toujours été ainsi.  Dois-je changer
Maintenant que je suis mort?

(extrait de CARNET DE VOYAGE D’UN MORT
DÉBUTANT, Isabelle Bouvier, Iboux éditions, 2012)

Commentaire sur le livre
D’ Isabelle Bouvier

La mort, c’est le meilleur moment de la vie, c’est pourquoi il est préférable de le garder pour la fin.

Gustave Parking

Isabelle Bouvier a imaginé le carnet de voyage de Paul qui, après sa mort se retrouve dans un endroit de transition où il peut, même mort, continuer à vivre une vie ressentie. Il y a bien sûr quelques exceptions, issues de l’imaginaire de l’auteure. Par exemple le fait de faire apparaître des choses en les souhaitant très fort. Dans ce monde mystérieux où apparemment il ne fait que passer, il attend une lettre qui lui expliquera la suite des évènements.

Paul profite de cette transition pour entreprendre une quête complexe : comprendre le sens de la vie et de la mort, comprendre ce qu’il fait là et comprendre aussi les gens qui l’entourent…bref une quête au bout de la mort.

Il retrouve son papy, fait la connaissance de l’énigmatique  monsieur jeudi, se fait une amie : Maria et entreprend un journal où il consigne ses questionnements,  ses observations, ses recherches et ses rencontres.

C’est un magnifique petit livre sans prétention et tout en sensibilité. Dans ce livre, il n’y a pas de discours, de manifestations morales ou de théories compliquées sur la vie après la mort. Isabelle Bouvier raconte très simplement sa vision du cheminement d’un homme simple, attachant avec un petit côté *enfant*, après sa mort.

En fait, c’est un livre qui pousse à l’introspection en évitant le piège de l’examen de conscience et de la fameuse psychose du ciel et de l’enfer. Avec un brin de poésie, une douce pointe d’humour, l’auteure laisse supposer que bien des questions trouvent leurs réponses dans le cœur des vivants.

Loin d’être moralisateur, l’ouvrage est de nature à apaiser l’esprit qui se préoccupe davantage de la mort que de vivre. C’est un petit livre rafraîchissant qui se lit vite et en douceur.

L’auteure Isabelle Bouvier

Je vous recommande CARNET DE VOYAGE D’UN MORT DÉBUTANT, le premier roman d’Isabelle Bouvie Bon jusqu’au dernier mot. Pour en savoir davantage sur Isabelle Bouvier, je vous invite à visiter son blog au http://monavistinteresse.blogspot.fr/

Suggestion de lecture : PASSAGE, de Yanick St-Yves

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2014

LE LIVRE DU VOYAGE, de BERNARD WERBER

Eh oui! Moi, LE LIVRE DU VOYAGE, non seulement
Je t’évite de t’intoxiquer, mais, en plus, même sans
Initiation, je te permets de réussir ce que n’arrivent à
faire que les plus grands chamans.
Non, ne me dis pas merci, c’est tout naturel, c’est
Notre contrat.
(extrait de LE LIVRE DU VOYAGE, Albin Michel, 1997)

Le livre du voyage est un essai de Bernard Werber qui propose au lecteur de s’investir dans un voyage intérieur par le pouvoir de son Esprit et des mots. Le livre s’adresse directement au lecteur en le tutoyant et en le guidant dans un processus de visualisation de lieux ou de situation afin de favoriser la paix et l’harmonie.

Le livre se présente un peu comme un compagnon qui dirige le lecteur vers son inconscient.

Le seul héros du livre est le lecteur lui-même.

Dans l’œuvre de Bernard Werber, LE LIVRE DU VOYAGE fait vraiment bande à part. Il faut prendre ce livre pour ce qu’il est. C’est un essai, un instrument qui peut aider les lecteurs et lectrices à la recherche de l’harmonie avec leur environnement.

Personnellement, ce livre ne m’a pas apporté grand-chose, même si je crois avoir une bonne capacité d’introspection, de rêve et d’émerveillement.

Mais je pense qu’il donne au lecteur ou à la lectrice qui veut vraiment et totalement s’investir dans un voyage intérieur la possibilité d’atteindre un certain bien-être. Mais je le précise, il faut avoir beaucoup d’imagination et être persévérant.

Comme dans n’importe quel livre méditatif, le décrochage guette les lecteurs et lectrices qui ne seraient pas VRAIMENT volontaires pour se laisser aller à un profond voyage intérieur.

Ce livre est loin d’être un chef d’œuvre et il n’offre rien de neuf mais j’en retiens une phrase extraordinaire  qui vient conforter une conviction profonde que j’ai toujours eue en écrivant. *…que les livres ont la puissance que leur accorde le lecteur et que celle-ci peut être sans fin. *

Suggestion de lecture :  L’ODYSSÉE DU TEMPS, livre 1 d’Arthur C. Clarke

BONNE LECTURE
JAILU Claude Lambert
MARS 2014

LES 120 JOURNÉES DE SODOME, MARQUIS DE SADE

*…il se relève, baise encore la petite fille,
lui expose un gros vilain cul sale qu’il lui
ordonne de secouer et de socratiser;…*
…………….
*…Moi qui vous parle, j’ai bandé à voler,
à assassiner, à incendier, et je suis
parfaitement sûr que ce n’est pas l’objet
du libertinage qui nous anime,  mais
l’idée du mal.*
(extraits de LES 120 JOURNÉES DE SODOME, 1785)

Vers la fin du règne de Louis XIV, quatre psychopathes de 45 à 60 ans se réunissent pour mettre à exécution une bacchanale d’une incroyable perversité. Le président DeCurval, le financier Durcet, le duc de Blangis et l’évêque son frère sont des aristocrates dont l’énorme fortune n’est que le produit du crime. Ces quatre êtres sans morale réunissent 38 objets de luxure pour les soumettre à leur pouvoir absolu : leur épouse, 8 jeunes garçons, 8 jeunes filles, tous kidnappés,  8 sodomistes choisis pour leur dimension monstrueuse, quatre femmes sexagénaires pour garder le harem, quatre proxénètes appelées historiennes et six cuisinières et servantes. Les 42 personnages s’enferment dans un château isolé pour 120 journées d’une orgie sans nom, dans un crescendo d’horreur. 

UNE INCURSIONS CHEZ LES DÉGÉNÉRÉS

J’ai longtemps hésité avant d’écrire un article sur le Marquis de Sade. Après tout, que peut nous apprendre le Marquis hormis cette incroyable capacité qu’ont beaucoup d’êtres humains (trop nombreux hélas) à dépasser les limites de la perversité et de la cruauté. Et puis je me suis longtemps demandé pourquoi certains pontes de la critique littéraire prétendent que le Marquis de Sade doit figurer dans toutes bonnes bibliothèques dignes du titre. Et je me suis aussi demandé quelle était l’urgence d’adapter ces livres au cinéma (ce qui n’a donné que de parfaits navets) Peut-être ai-je voulu jouer le jeu pour vider la question.

Alors j’ai lu deux livres du Marquis : LA PHILOSOPHIE DANS LE BOUDOIR, un torchon élimé et simpliste, et comme deuxième livre (il n’y en aura pas d’autres, y’a rien de plus sûr) LES 120 JOURNÉES DE SODOME.

C’est après la lecture seulement que j’ai réalisé que ces deux titres étaient des œuvres dites clandestines du Marquis de Sade. C’est-à-dire que le Marquis a nié les avoir écrites jusqu’à ce que la preuve ait été faite qu’il en était bien l’auteur.

Le Marquis de Sade a passé presque la moitié de sa vie en prison, pour crimes multiples dont plusieurs épisodes de débauche. D’ailleurs son livre LES 120 JOURNÉES DE SODOME a été écrit à la Bastille vers la fin de 1785.

Ce livre innommable a été écrit dans un français plus que douteux et très expédié par un esprit torturé. De plus, la version numérique sur laquelle je suis tombé était bâclée complètement. Je m’en suis toutefois contenté, presqu’hypnotisé au départ par une gentille note d’avertissement de l’éditeur : *Voici un livre nauséabond, à tel point qu’il semble voué à finir comme il fut écrit, sous forme de feuilles volantes clouées au mur d’un cabinet d’aisance…un livre criminel et pourtant empreint de la plus froide raison*

Un peu plus loin, le Marquis lui-même semble nous prévenir que si on n’a pas le cœur solide, mieux vaut ne pas entreprendre la lecture de ce livre cru et sans âme.

Le fil conducteur de ce livre (car il y en a un malgré tout) est l’expérimentation, en 120 journées, de 600 perversions les plus représentatives des théories du Marquis de Sade développées dans l’ensemble de son œuvre. C’est ici que l’avertissement du Marquis dont j’ai parlé plus haut prend tout son sens : *C’est maintenant, ami lecteur, qu’il faut disposer ton cœur et ton esprit au récit le plus impur qui ait jamais été fait depuis que le monde existe…*

Cette histoire est donc l’exécution de toutes les facettes de la perversion. Ce livre est insoutenable et réunit ce que le marquis considère sans doute comme les raffinements du libertinage mais que moi je considère plutôt comme la dérive totale d’un esprit tordu : sadomasochisme explicite jusqu’à l’ennui, coprophagie, scatologie, torture, bacchanale, sodomie, pornographie bas de gamme, meurtre pour le plaisir et j’en resterai là.

Je ne nie pas que le Marquis de Sade ait laissé sa marque dans la littérature. Elle est effectivement difficile à éviter. Mais à la lumière du propos de LES 120 JOURNÉES DE SODOME, je dirais qu’en matière de littérature ordurière, on ne peut faire ni mieux ni pire.

Quant aux raisons pour lesquelles le Marquis de Sade devrait obligatoirement figurer dans toutes bonnes bibliothèques qui se respectent, je suis maintenant fixé, il n’y en a pas. Je considère (et c’est très personnel) que le Marquis de Sade est la représentation ultime de l’absence de raison.

Je suis heureux de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : LE MOINE, de Mathew Gregory-Lewis

JAILU
MARS 2014

(En Complément…)

Une toile machiavélique

Amies lectrices, amis lecteurs, mes meilleures salutations.

Aujourd’hui, je vous propose un article plus long qu’à l’accoutumée.

Ça pourrait être justifié par la longueur du livre, mais ça va beaucoup plus loin. Imaginez en effet que plane sur l’existence humaine un péril nouveau genre, ourdi par…le cinéma.

Je vous invite à lire mon article et à plonger avec moi, le temps d’une lecture, dans *le Côté obscur de la Force*.

Aller lire le commentaire sur La conspiration des ténèbres

JAILU

LA CONSPIRATION DES TÉNÈBRES, Théodore ROSZAK

alors même que leurs crimes son repoussants.
ils nous apparaissent comme les victimes d’un
sort cruel qui a détruit ce qu’ils avaient de
meilleur. Nous sentons leur combat et nous
savons qu’il est vain, car le mal contre lequel
ils se battent est trop grand. C’est un mal
phénoménal.
(extrait de La conspiration des ténèbres,
Theodore Roszak, le Cherche midi, 2004)

En fréquentant des cinémas de Los Angeles peu recommandables, Jonathan Gates, un universitaire, étudiant en cinéma, découvre l’œuvre cinématographique de Max Castle, un réalisateur prodige qui a tourné quelques films avant d’être oublié. Graduellement, Gates développe une fascination pour l’œuvre et la personnalité de Castle. Cette fascination tournera à l’obsession quand Gates découvrira des mystères entourant la vie et l’œuvre de Castle…mystères qu’il décide d’élucider par tous les moyens.

Cette quête plongera Jonathan Gates des hautes sphères de l’industrie cinématographique jusqu’au cœur des sociétés secrètes. Sa ténacité l’amènera à dévoiler un étonnant complot et surtout il apprendra qui était véritablement ce génial maître des illusions que fut Max Castle.

château cathare

AVANT-PROPOS : LE CATHARISME

Le catharisme est un mouvement chrétien médiéval. Les Cathares étaient en fait des Albigeois. Le terme Cathare a été développé par l’Église pour désigner de dangereux hérétiques condamnés et pourchassés par l’Inquisition pour de graves manquements aux doctrines de l’Église. Les Cathares envisageaient un salut passant par un strict zèle religieux poussant jusqu’à l’ascétisme avec interdiction formelle de procréer, chasteté complète.

Les Cathares devaient s’abstenir de toute méchanceté, de tout vice. Ils ne devaient pas tuer les animaux. Ils devaient s’abstenir de toute consommation issue de la reproduction animale : pas de viande, pas de lait, pas d’œufs, pas de produits dérivés. Ils étaient astreints à des carêmes éprouvants, voire mortifiants.

Le but des Cathares était de prêcher la plus stricte morale évangélique, sans temple ni aucun artifice *sacerdotal*.  Avec une telle radicalité,  il n’est pas étonnant que l’inquisition qualifie les Cathares de parfaits. Le paradoxe avec l’opulence de l’Église était pour le moins spectaculaire.

croix cathare

C’est un livre tout en longueur, (800 pages) avec une somme énorme de faits insolites, de détails sordides et d’anecdotes formulées parfois avec une crudité bouleversante. L’évolution de l’intrigue est d’une lenteur exaspérante. Mais j’invite le lecteur à persévérer car en plus d’apprendre beaucoup de choses sur l’âge d’or et les dessous d’Hollywood, l’auteur implique le  cinéma ainsi qu’une secte religieuse machiavélique dans un vaste complot, une machination diabolique qui vise à sceller définitivement le sort de l’humanité. Le sujet est original et bien que l’histoire est parfois prévisible, elle m’a tenu en haleine de par sa toile aussi captivante qu’effrayante.

C’est toutefois le livre le plus noir qu’il m’a été donné de lire. En effet dans cette histoire, le héros-narrateur Jonathan Gates étudie l’œuvre de deux êtres déviants et tordus : Max Castle et Simon Dunkle, réalisateurs et metteurs en scènes de bacchanales cinématographiques qui font plonger les cinéphiles dans un univers de stupre, de haine, de violence et de sang.

Ces réalisateurs à l’esprit torturé n’hésitent  pas à exploiter la technique de l’image subliminale et d’autres moyens sophistiqués dans le but de prôner le catharisme, un enseignement religieux qui, à mon avis est inapplicable parce qu’il exige l’ascétisme, l’abnégation totale, une chasteté complète, la mortification et un régime alimentaire absolument ridicule. Bref, une perfection tout à fait à l’opposé de la nature humaine, autrement dit, l’autodestruction de la chair.

Vous voyez un peu où je veux en venir. Il y a complot. Et ce complot nous est dévoilé par Roszak de façon très graduelle, avec une lenteur étouffante et des détails parfois dégoûtants jusqu’à soulever le cœur.

Outre le fait que le livre est très long, avec des personnages un peu fades et une conclusion qui n’en finit pas de finir et qui m’a déçu quelque peu, je classe LA CONSPIRATION DES TÉNEBRES comme un grand thriller historique d’une grande érudition, porteur d’une profonde réflexion sur l’énorme pouvoir du septième art, c’est-à-dire, sur cette capacité qu’a le cinéma de façonner les esprits, de créer des tendances, d’influencer les modes de pensées et d’apprentissages. Imaginez tout ce qu’on peut sortir sur le potentiel social du cinéma.

Il est facile d’imaginer aussi je pense le mal que peut faire le cinéma s’il tombait entre les mains d’esprits malveillants à cheval entre le génie et la folie. C’est un livre à la fois excitant et effrayant.

Suggestion de lecture : LE SYNDROME <E> de Frank Thilliez

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert

Février 2014

(En Complément…)

L’HOMME QUI DEVINT DIEU, GÉRALD MESSADIÉ

*Les Juifs avaient failli aimer leur Dieu.
Mais comme les autres, qui ne survivaient
Qu’à l’aide d’exorcismes, de sacrifices et
D’imprécations, autant de cataplasmes de
Plantain sur des esprits saignant de trouille,
 Ils avaient fini par succomber à la peur.
Yahveh, ç’aurait pu être un père, ce n’était
Plus qu’un policier…
L’HOMME QUI DEVINT DIEU,
Éditions Robert Laffont, 1988

À partir de recherches très poussées et échelonnées sur plus d’une dizaine d’années, Gérald Messadié reconstitue ce qu’aurait pu être en réalité la vie de Jésus. À partir de nouvelles données, l’auteur tente d’éclaircir des points restés obscurs dans les évangiles : des passages éludés, une chronologie incomplète, des personnages et contextes peu ou mal définis. Messadié reprend donc en détail la vie de Jésus pour ce qu’il est d’abord : un homme. Il développe le parcours de cet homme, qui influencera toute l’histoire, dans un contexte politique, social, économique, humain et religieux bien sûr et définira de façon détaillée le rôle de ses proches.

C’est un livre surprenant et très audacieux.  En effet, suivant la logique de faits nouveaux découverts au cours de plusieurs années de recherches intensives, Gérald Messadié a réécrit, sous forme de roman, le parcours de Jésus et ça donne une version complètement différente de celle proposée par les évangiles canoniques. Pour beaucoup de personnes, ce livre est dérangeant à cause de la position de l’auteur face à Jésus et des révélations qui y sont faites.

Je pourrais citer par exemple l’hypothèse selon laquelle Jésus ne serait pas mort sur la Croix. Malgré nombre d’arguments solides qui étayent cette thèse, c’est énorme et plutôt spectaculaire comme *fait nouveau*. Après tout, la Foi catholique ne repose-t-elle pas sur la mort de Jésus crucifié puis ressuscité le troisième jour?

J’aimerais citer aussi le rôle de Marie-Madeleine qui aurait été beaucoup plus actif et intense que le laisse supposer les évangiles de Luc, Mathieu, Jean et Marc. Selon la version de Messadié, elle aurait, à toute fin pratique, présidé à la naissance de l’Église.

J’ai lu ce livre consciencieusement et avec un maximum d’ouverture d’esprit. Je n’ai décelé aucune intention malveillante de l’auteur. Il se garde bien de vouloir bousculer la foi, condamné l’Église ou dénoncer les écritures canoniques. Il le précise très bien dans sa postface.

Ce livre m’a touché parce que Messadié a d’abord considéré Jésus comme un homme. Il a laissé de côté l’essence divine. Il ne s’est pas encombré des dogmes. Il a voulu simplement mettre en évidence ce qui constitue pour lui le vrai parcours de Jésus en posant sur sa vie un regard quasi quotidien quant à son implication dans la communauté, le message qu’il véhiculait et son caractère profondément humain.

Ce livre m’a plus et il devrait vous intéresser dans la mesure où vous gardez l’esprit ouvert. Le point de vue de l’auteur peut être dérangeant, voire offusquant, mais ce n’est qu’un point de vue. Il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : la proposition d’une nouvelle version de l’histoire. Pour moi, le livre est bien documenté et ses révélations sont crédibles. Le reste est une question d’interprétation et de Foi.

Suggestion de lecture : LA FORMULE DE DIEU de J.R. Dos Santos

Pour en savoir davantage sur la démarche de Gérald Messadié, je vous recommande de lire L’HOMME QUI DEVINT DIEU LES SOURCES. Vous y trouverez les sources et analyses qui ont permis à l’auteur de reconstituer le parcours de Jésus. Ce livre pourrait répondre à beaucoup de questions et son écriture est très accessible.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
FÉVRIER 2014

(En Complément…)

L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN, Bruno Tertrais

*…Qu’il s’agisse du développement, de la santé
De l’environnement ou des relations internationales,
Le monde va mieux qu’on le pense, et le futur n’est
Pas aussi sombre qu’on le dit*
(extrait de L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN, de
Bruno Tertrais, Éditions Denoel, 2011) 

L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN est un livre-documentaire qui s’appuie sur l’analyse rigoureuse d’études scientifiques et des statistiques pour dédramatiser la menace nucléaire et mettre en veilleuse les multiples scénarios d’autodestruction du monde qui circulent à l’échelle de la planète sous forme de rumeurs ou de prophéties. L’auteur adopte une vision beaucoup plus sereine du monde et explique l’importance de bannir le catastrophisme.

Les prophéties d’autodestruction humaine, d’apocalypse, bref de fin du monde ne sont pas un phénomène nouveau. Elles fleurissent depuis le milieu du XIXe siècle et malheureusement les humains leur ont accordé une crédibilité qu’elles n’ont jamais eue dans les faits. Après tout, n’ont-elles pas toujours été fausses?

Mais les prophéties continuent de pleuvoir et elles reçoivent toujours autant d’attention. L’auteur veut démontrer dans son livre que le catastrophisme est contre-productif.

J’ai choisi et lu ce livre parce qu’au départ son titre et sa présentation vont complètement à contre-courant des idées reçues. Et je n’ai pas été déçu car j’ai pu constater rapidement la crédibilité de l’ensemble.

En effet, en s’appuyant sur les dernières statistiques, une analyse rigoureuse des études scientifiques les plus pointues et sur la logique des faits, Bruno Tertrais dévoile sa compréhension des grands problèmes contemporains et de l’avenir qui nous attend.

L’auteur passe en revue tout ce qui a pu inspirer les prophètes de malheur : terrorisme et menace nucléaire, la menace djihadiste, l’effondrement du capitalisme, la prolifération des armes de destruction massive, l’épuisement des ressources naturelles, les pandémies, une démographie hors de contrôle, la dégradation du climat, la surutilisation des produits chimiques, la pollution, les guerres et j’en passe.

L’auteur ne prétend pas que tout va bien. Au contraire il pointe du doigt des défis extrêmement sérieux mais il veut expliquer de façon très rigoureuse pourquoi les prophètes de malheur ont toujours eu tort et démystifier le catastrophisme.

Tertrais propose une vision plus sereine de notre avenir et ce qui m’a séduit dans son livre, c’est qu’il le fait avec un optimisme raisonné en s’appuyant sur des recherches rigoureuses comme en témoigne une très imposante bibliographie proposée à la fin du livre et le tout, sans faire aucune prédiction.

La meilleure façon de conclure ici est de mentionner l’avertissement du grand philosophe Karl Popper publié en 1957 et cité dans le livre de Bruno Tertrais :

 *…IL NE PEUT Y AVOIR DE PRÉDICTION DU COURS DE L’HISTOIRE HUMAINE À L’AIDE DE MÉTHODES RATIONNELLES DE TYPE SCIENTIFIQUE*.

Suggestion de lecture : A COMME APOCALYPSE de Preston & Child

BONNE LECTURE
JAILU
JANVIER 2014

(En complément…)