TROIS, le livre thriller de Sarah Lotz

*Nous savons par Mathieu, chapitre 24, que «Une nation
s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un
royaume, et il y aura, en divers lieux, des famines et des
tremblements de terre. Tout cela ne sera que le
commencement des douleurs.»…Et nous savons que ces
douleurs signifient l’ouverture des quatre premiers sceaux.*
(Extrait : TROIS, Sarah Lotz, Fleuve éditions, Pocket, 2014,
édition de papier, 570 pages.)

La terre vit la plus troublante coïncidence de son histoire alors que quatre avions de ligne s’écrasent presqu’au même moment sur quatre continents différents. Sur trois des sites de crash, les secouristes découvrent un rescapé : un enfant, chaque fois. Des fanatiques religieux voient en eux l’incarnation des Cavaliers de l’Apocalypse. Sauf que…les Cavaliers de l’Apocalypse étaient…quatre. Des familles recueillent les petits rescapés mais deviennent vite confrontées à des évènements étranges. Elspeth martins enquête et tente de répondre à deux questions : Qui sont ces enfants et qu’est-ce qu’ils veulent?

CHOCS POUR LIVRE-CHOC
*La suite s’est déroulée très vite mais aussi
comme au ralenti…Le mec bizarre a sorti
un flingue…Et il s’est mis à traverser la rue
sans s’occuper de la circulation. Je n’ai pas
réfléchi. J’ai couru droit vers lui, j’ai fait
sauter le couvercle de mon gobelet de café
et j’en ai balancé le contenu sur cet enculé.
En pleine face. Il a quand même eu le temps
de tirer une fois…*
(Extrait : TROIS)

C’est le quatrième de couverture qui m’a convaincu de lire ce livre mais je n’ai pas tardé à réaliser que le quatrième de couverture est complètement dans le champ et ne remplit pas ses promesses. En fait, c’est l’originalité du sujet qui sauve les meubles. Nous avons ici quatre accidents d’avion qui se produisent à peu près au même moment, sur quatre continents différents.

Pour trois des crashs, il y a un rescapé : en tout trois rescapés, et ce sont trois enfants. Pour les habitants de la planète, il est très difficile de croire au hasard. Alors des églises et sectes religieuses décrètent que ces enfants sont les Cavaliers de l’Apocalypse. Dans l’Apocalypse de Jean comme on le sait, il y a quatre cavaliers. Alors qu’à cela ne tienne, les fanatiques religieux inventent un quatrième rescapé pour faire le compte.

Avec un tel sujet, l’auteure avait tout ce qu’il faut pour bâtir un thriller de premier ordre, haletant, intense, palpitant, bref, bâtir quelque chose que le lecteur aurait gardé en mémoire longtemps.

J’ai même imaginé à un moment donné que Sarah Lotz travaillait pour faire le contraire de ce que propose un bon thriller en choisissant un support littéraire douteux dans les circonstances. En effet, le récit est présenté sous forme de compte-rendu journalistique de témoignages et d’interviews. Avec un style pareil, rien ne m’a permis de m’accrocher à l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce roman à part ce qui est rapporté dans les articles de journaux qui forment le roman. Donc le lecteur est témoin de l’action par un tiers. Donc, il n’est témoin de rien du tout. Puisque le récit est bâti dans un style journalistique, télégraphique et froid, il n’y a pas de fil conducteur dans l’histoire.

Le récit souffre de longueurs et d’incohérences et c’est très long avant de pouvoir s’accrocher à quelque chose, comme si l’histoire ne démarrait pas vraiment.

Mais tout n’est pas noir. Malgré son aspect documentaire, le récit comporte quelques forces dont celle de mettre en perspective l’incroyable appétit de la Presse, de certaines églises, sectes et des télévangélistes dont l’auteure ne donne pas une très bonne image, sentiment que je partage.

Ce sont ces hommes soi-disant de foi qui ont vu dans les enfants rescapés un signe évident en lien avec les Cavaliers de l’Apocalypse qui n’ont de Cavaliers que le nom finalement. Le récit évoque également le besoin très humain de croire à quelque chose. Les messages livrés par les prédicateurs de malheur sont souvent agressifs et persuasifs. C’est n’importe quoi comme le démontre le récit.

L’écriture est quand même fluide et les chapitres, qui sont des articles ou des interviews, sont brefs et se lisent assez bien. Si L’auteure a pu se concentrer davantage sur le sort des enfants au milieu du récit, elle nous laisse malheureusement sur une finale peu vraisemblable, sans conclusion vraiment satisfaisante, allant jusqu’à étriller le personnage principal, la journaliste Elspeth Martins :

*Vous avez publié tous ces récits incendiaires sur les changements de personnalité des enfants, vous avez lâché la bombe et vous êtes partie. Vous n’avez pas cherché plus loin : vous étiez persuadé que tout avait une explication rationnelle et vous pensiez naïvement que vos lecteurs seraient aussi de cet avis. (Extrait)

Ma déception m’appartient évidemment. Les différentes critiques que j’ai lues sur TROIS sont passablement disparates. Il est très possibles que vous aimiez ce livre, à cause par exemple, de son sujet qui est quand même original. Mais il y a une chose sur laquelle je ne crois pas me tromper : ne vous fiez pas au quatrième de couverture. Il en promet beaucoup trop pour ce que le livre donne en réalité.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Sarah Lotz est une auteure et scénariste originaire du Royaume-Uni. Elle a écrit sous plusieurs pseudonymes bizarres dont des romans d’horreur urbaine sous le pseudonyme SL GRIS et des romans érotiques avec Helene Moffet et Paige Nick sous le pseudo Helena S Paige. Après une série à l’écriture étrange et peu engageante, Lotz sort son premier thriller en 2014 : TROIS, suivi de JOUR QUATRE en 2016, des ouvrages nettement supérieurs qui consacrent leur auteur sur la scène littéraire internationale.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
LE 17 SEPTEMBRE 2016

OPÉRATION HADÈS, Robert Ludlum, Gayle Lynds

*Jon tenta de réprimer la vague de terreur qui
le submergeait au souvenir de la description
que lui avait faite Jerzy Domalewski du complexe
souterrain de six étages où on pratiquait la torture
et les exécutions. Il échangea un regard avec Randi…
elle aussi savait. On ne survivait pas à cet enfer.*
(Extrait : OPÉRATION HADÈS, Robert Ludlum, Gayle Linds,
t.f. Éditions Grasset et Fasquelle, 2001, 325 pages)

Aux États-Unis, trois morts, provoqués par un virus inconnu se produisent en trois lieux différents. On confie à une biologiste une analyse en laboratoire mais elle meurt à son tour, victime du mystérieux virus. Son fiancé, médecin militaire et chercheur assiste impuissant à l’agonie et la mort de Sophia. Malgré les conclusions médicales, Jon est persuadé que Sophia a été assassinée et décide d’entreprendre avec d’anciens amis une enquête clandestine. Le commando a développé la conviction qu’un homme possède le virus et compte s’en servir pour déclencher une pandémie. 

LE FRUIT DE LA MÉGALOMANIE
*Pourquoi se soucier de ces millions de gens sans
visage? Ils mourraient de toute façon…en outre,
la terre était surpeuplée…en conséquence, la
nature se vengerait, comme toujours à coups de
famines, fléaux…quel inconvénient à ce que lui,
Victor et la société s’enrichissent sur la mort de
millions de gens?
(Extrait : Opération Hadès)

Le livre est intéressant, l’intrigue est bien menée. Toutefois, à plusieurs reprises au cours de ma lecture, j’avais une impression de déjà vu avec des passages clichés et un thème un peu éculé, c’est-à-dire la lutte de l’agent secret intègre, lui-même médecin empathique et humaniste contre un homme à la puissance et à l’ambition démesurées, prêt à sacrifier des millions de vies pour satisfaire son intarissable soif de profits. L’instrument de sa convoitise : un virus mortel menaçant la terre entière.

Il y a cependant des variantes intéressantes. Le développement de l’intrigue relève du style plus personnel de Robert Ludlum : beaucoup de rebondissements, une touche d’imprévu et la façon dont le héros de l’histoire Jon Smith traque les bandits pendant qu’il est lui-même traqué donnent à l’ensemble un rythme élevé et comme le fil conducteur du récit est assez solide, mon attention a été assez soutenue.

J’ajoute que dans le récit, le risque de perdre le contrôle du virus mortel est omniprésent et concerne autant les héros que les criminels. Tout le monde a un désir commun : survivre. Ce fait, bien ancré dans le développement est une force du livre.

Du côté des faiblesses, disons que certains éléments m’ont agacé : des passages rocambolesques parfois surréalistes, des personnages un peu archétypiques à l’exception peut-être du génie de l’informatique, Marty que j’ai trouvé drôle et attachant. Certains passages m’ont semblé aussi bâclés.

Enfin, j’aurais souhaité que les auteurs ajoutent une touche de réalisme au récit. La propagation à dessein d’un virus mortel dans le monde est techniquement possible mais il y a trop d’invraisemblances dans l’histoire pour s’y projeter totalement.

Peut-être bien que OPÉRATION HADÈS a un petit caractère expérimental. Robert Ludlum est mort en 2001 mais je suis à peu près certain qu’il aurait fait de Jonathan Smith un personnage récurrent dans son oeuvre, comme spécialiste de la lutte contre les attaques épidémiologiques d’origine humaine, à la tête du Réseau Bouclier. Je ne doute pas que Ludlum aurait fait des ajustements pour rendre l’œuvre encore plus attractive.

Il est très rare que je chiffre mon appréciation pour un livre, mais dans ce cas-ci, je donnerais 70% à cause surtout du style marqué de Ludlum et du rythme de son écriture. OPÉRATION HADÈS reste un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LA 5e VAGUE, de Rick Yancey

Robert Ludlum (1927-2001) est un écrivain, metteur en scène et comédien américain. Il s’est tourné vers l’écriture à l’âge de 40 ans. Son premier roman L’HÉRITAGE SCARLATTI publié en 1971 obtient un succès immédiat et l’imposera comme un des grands maîtres du suspense d’espionnage. Vingt-cinq autres romans suivront qui sont autant de chefs d’œuvre dans le genre. Il a vendu plus de 200 millions de livres dans le monde, traduits en plus d’une trentaine de langues.

Ancienne journaliste, éditrice et conseillère militaire, Gayle Lynds a elle aussi versé dans l’écriture de romans d’espionnage. Son nom figure dans le prestigieux NEW-YORK TIMES BEST-SELLING AUTHORS.  Elle s’est vue attribuée plusieurs prix prestigieux et fait partie du TOP 10 des romans d’espionnage de tous les temps du PUBLISHER’WEEKLY. Avec Robert Ludlum, elle a coécrit trois romans qui ont obtenu un succès fulgurant : OBJECTIF PARIS, LE CODE ALTMAN et bien sûr OPÉRATION HADÈS.

En complément, je signale qu’OPÉRATION HADÈS a été adapté à la télé sous forme de mini-série.
La série réalisée en 2006 par Mick Jackson met en vedette Stephen Dorf, Mira Sorvino, Sophia Myles et Blair Underwood

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le 11 septembre 2016

MOTS D’EXCUSE, livre de PATRICE ROMAIN

*Des mots méprisants ou condescendants (un peu), des mots d’excuse ou de justification (beaucoup), des mots qui photographient le milieu familial (passionnément), des mots qui racontent, ou plutôt résument l’amour des
parents pour leur enfant et leur angoisse face au risque d’échec scolaire (à la folie), des mots insignifiants (pas du tout)*
(Extrait de l’avant-propos de MOTS D’EXCUSE de Patrice Romain, 2011, François Bourin éditeur, num. 55 pages)

Retards, absences, difficultés scolaires, contestations de notes… autant d’occasions pour les parents d’écrire au maître de leurs petites progénitures. Patrice Romain qui a été professeur, principal et directeur d’école pendant plus de 20 ans a recueilli, au fil des ans,  ces perles drôles ou émouvantes. Au-delà du sourire, ces billets sont également le reflet d’une société. Bien sûr, ces *mots* viennent de France mais vous allez voir qu’ils ont un évident caractère universel, de sorte que tous les parents du monde pourraient bien se reconnaître, et probablement en rigoler….des fautes d’orthographe entre autres.

ESSAYEZ DONC DE CHANGER LES PARENTS!
*Monsieur
excuser moi pour se Matin.
Car le petit frère à Sassia à
été Malade toute la nuit et
il a chié partou.
Merci d’avance.*
(Extrait : MOTS D’EXCUSE,
transcription intégrale)

L’EXCUSE EST HUMAINE…
MOTS D’EXCUSE est un opuscule de Patrice Romain qui a constitué comme un intermède dans mes lectures. C’est court, c’est drôle et ça porte un peu à réfléchir.

On ne peut pas vraiment critiquer MOTS D’EXCUSE. L’auteur a simplement réuni des mots de parents pour excuser leurs rejetons d’un retard à l’école par exemple, d’un devoir pas fait ou pour se plaindre d’une injustice dont ils pourraient être victimes.

On dirait que les raisons pour écrire un mot au prof sont aussi nombreuses qu’il y a d’élèves dans le monde. Romain a précédé son petit recueil d’un avant-propos dans lequel il explique qu’il en a vu de toutes les couleurs, laissant à penser que les parents comprennent peu le petit côté *missionnaire* du métier d’enseignant.

Je précise ici que Patrice Romain a publié intégralement les messages des parents. Pas de censure, pas de correction d’orthographe, pas de ponctuation. C’est du *mot pour mot*. Le résultat : c’est bourré de fautes.

Mais il faut aller au-delà de l’orthographe et se rappeler que les parents qui ont écrit ces messages sont issus du siècle dernier et ont connu une enfance encadrée par un contexte culturel et économique très différent. Et puis on peut aussi se poser cette question : est-ce que les ados d’aujourd’hui font mieux?

Je recommande aux parents de lire ce petit ouvrage pour rigoler bien sûr, mais aussi pour faire un petit exercice auquel je me suis moi-même livré : tenter de se reconnaître. Les mots sont tellement variés et touchent tellement de possibilités que par moment, le livre avait sur moi l’effet d’un miroir. Il faut se rappeler que le ridicule ne tue pas.

Un bref mais agréable moment de lecture. Je vous laisse sur cette perle :

*Madame, puisque vous voulez un mot d’excuse pour le retard de ma fille, Le voilà. Au revoir.*

Suggestion de lecture : LES COLLECTIONS DU CITOYEN, collectif

Inspiré par sa longue carrière dans le monde de l’enseignement, Patrice Romain a publié plusieurs livres sur les évènements et les situations qui l’ont marqué. L’aventure a commencé en 1993 avec la publication de MON ÉCOLE, SES MAÎTRESSES, SES MAÎTRES : livre dans lequel il dresse un portrait de ses collègues enseignants du primaire vus par un élève.

Bien sûr, MOTS D’EXCUSE a suivi avec près de 100 000 exemplaires vendus. Patrice Romain est même allé jusqu’à exposer son expérience de sapeur-pompier volontaire dans son livre CHRONIQUES D’UN POMPIER VOLONTAIRE, paru en 2012 chez François Bourin. Je vous invite à consulter les notes biographiques et la bibliographie ici.

BONNE LECTURE
JAILU
28 AOÛT 2016

MONSIEUR PAPA, le livre de PATRICK CAUVIN

*Je suis sûr que j’ai l’air dur. Ce que
je voudrais, c’est un imperméable,
avec une ceinture et le col qui se
relève. Ça, j’aimerais mais ça se fait
pas pour les 10 ans. Encore un truc
con.*
(Extrait : MONSIEUR PAPA de Patrick
Cauvin, Éditions Jean-Claude Lattès,
1976, numérique, 150 pages.)

Frank Lanier est un papa qui est très proche de son petit garçon, Laurent qui a 10 ans. Un jour, le père Frank, comme il se fait appeler par son fils, s’organise des vacances à Bangkok où il pourra prendre du bon temps, mais sans Laurent. Ce dernier n’est pas d’accord et imagine un moyen à la fois drôle et désespéré, en tout cas pas banal du tout pour trouver l’argent qui lui permettrait de se payer un billet d’avion afin de rejoindre son père. Même s’il aura besoin d’un petit coup de pouce, son plan lui paraît simple quoi qu’audacieux : organiser un hold-up dans un bureau de tabac, s’emparer de la recette, acheter son billet d’avion et filer à Bangkok. 

UN P’TIT MALIN SYMPATHIQUE
*Vraiment rien à ajouter lorsqu’on entend des
choses pareilles. Je n’ai plus qu’à lire le journal,
et personnellement, je déteste LE MONDE. Jamais
une image, rien pour les enfants, et ça parle du
produit national brut et je ne sais pas ce que c’est.
Une fois pour voir j’ai essayé de lire un article sur le
produit national brut, j’ai failli devenir aveugle!*

Avec MONSIEUR PAPA, j’ai passé un très bon moment de lecture. C’est une histoire sympathique mais surtout drôle. Je n’avais jamais lu Cauvin et j’ai remarqué très vite dans la lecture de son livre de la spontanéité et même de la verdeur. L’écriture est simple, fluide et directe. En fait l’auteur prête sa plume au jeune Laurent Lanier, 10 ans, le héros de l’histoire qui se raconte, dans un langage tout à fait rafraîchissant.

En réalité, Laurent nous explique tout ce que sa débordante imagination lui dicte de faire pour accompagner son père à Bangkok pour les vacances. Je veux juste signaler ici que Laurent vit avec son père qui est séparé et que sa mère ne veut rien savoir de cette escapade. Jusqu’où Laurent est capable d’aller? Plus loin qu’on pense….

J’ai beaucoup aimé ce petit livre. Laurent est très attachant et dans la poursuite de son objectif, il accumule les bêtises qu’on finit d’ailleurs par lui pardonner. L’histoire n’est pas sans nous rappeler ce que nous les adultes étions prêts à faire quand on voulait vraiment avoir quelque faveur étant enfants.

Ce qui m’a un peu agacé tient dans le personnage de Laurent. Je l’ai trouvé un peu surréaliste, et ça vaut aussi pour sa relation avec son père. Il n’a que 10 ans…son principal objectif dans la vie est devenir gangster, il joue au poker avec son père qu’il appelle par son prénom : Frank ou le père Frank. Le mot *papa* n’est présent nulle part dans l’histoire.

Il a une façon particulière de décrire les femmes en parlant de leur air *sexuel*. Avec son père, il mange assis par terre. Un jeune garçon précoce c’est très possible mais malgré tout, sa répartie m’a semblé trop brillante ou si vous voulez trop expérimentée pour son âge. Heureusement, l’auteur lui a ménagé suffisamment de naïveté pour tendre vers l’équilibre.

Mais cette petite faiblesse ne m’a pas empêché de rire et de savourer ma lecture d’autant qu’entre les lignes, Laurent nous livre son opinion sur la vie, les adultes et même sur les femmes. Ça fait toujours réfléchir un peu sur notre propre positionnement face à la vie quand on avait cet âge. Est-ce qu’on faisait autant de bêtises? C’est à chacun de voir.

Bref, c’est une belle histoire très sympathique, celle d’un jeune garçon qui croit sincèrement ce qu’il faut faire pour aller au bout de son rêve. J’ai beaucoup apprécié.

Suggestion de lecture : MONSIEUR ENDORMI, de Roger Hargreaves (littérature jeunesse)

Patrick Cauvin (1932-2010), de son vrai nom Claude Klotz est un écrivain et scénariste français originaire de Marseille. Installé à Paris en 1938, il développe un goût prononcé pour la philosophie et décroche une licence à la Sorbone. Il devient enseignant et commence à écrire des romans noirs sous son vrai nom. Il se laisse convaincre par l’éditeur Jean-Claude Lattès de changer de nom pour mieux vendre L’AMOUR AVEUGLE. C’est un succès et plusieurs autres suivront dont bien sûr MONSIEUR PAPA adapté au cinéma par Philippe Monnier en 1977. Son œuvre comprend plus d’une soixantaine de titres.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
21 AOÛT 2016

LOUIS DE FUNÈS, de BRIGITTE KERNEL

RÉCIT BIOGRAPHIQUE

*Ses mimiques sont mots et phrases.
Ses tics, qualificatifs et silences.
Ses énervements, onomatopées et
digressions.
Quel créateur!*
(Extrait de la préface de LOUIS DE FUNÈS
par Brigitte Kernel, Éditions du Rocher,
rééd. 2004, édition de papier. 220 pages)

Dans ce récit biographique, Brigitte Kernel passe en revue les grands moments de la vie personnelle et professionnelle, intimement liées, d’un des acteurs les plus prolifiques d’Europe : Louis De Funès. L’ouvrage comprend de nombreux témoignages d’acteurs qui ont côtoyé De Funès tels Jean-Claude Brialy, Michel Galabru, Jean Lefèbvre, Darry Cowl,

Des photos, une filmographie forte de 128 titres, une vidéographie et de nombreuses anecdotes. Brigitte Kernel nous invite à faire connaissance ou renouer avec un personnage aussi énergique qu’extraverti et rendu célèbre par ses tics et ses mimiques souvent spectaculaires devenus la signature d’un acteur phénoménal.

Un comique fait de contradictions
C’est ainsi que Jean-Claude Brialy parle de
Louis de Funès. *On peut penser qu’à
l’écran, Louis de Funès se servait de l’ensemble
de ses qualités et de ses défauts. C’est de
cette manière qu’il était le même Louis De Funès
dans ses différents films, mais que, véritablement,
il n’était jamais le même…*
(Extrait : Louis De Funès)

Récemment de passage chez un ami qui est aussi un lecteur passionné, je disais à ce dernier que ces temps-ci, j’avais le goût de m’offrir une bonne biographie. Il m’offrit gracieusement de m’en choisir une dans sa bibliothèque qui, soit dit en passant est fort bien garnie.

Je regarde donc dans sa section biographie où sont réunis des politiciens, scientifiques, libres penseurs…je fouille…je sors quelques livres, je les replace et subitement, mon regard est attiré par un nom, une photo…la promesse d’un bon moment passé avec le *magicien du rire* qui a marqué mon adolescence en matière de cinéma : LOUIS DE FUNÈS.

J’ai été fasciné par ce récit biographique rigoureux et bien documenté et je dois dire qu’il m’a remis les pendules à l’heure. N’ayant pas connu personnellement De Funès, j’ai fait comme la plupart des cinéphiles…je l’ai idéalisé. Mais en fait, De Funès, que l’actrice Alice Sapritch qualifiait de *génie de l’improvisation relâchée maîtrisée* n’avait pas de seconde nature.

Que ce soit devant la caméra, dans son salon ou à l’épicerie, Louis de Funès était toujours le même : un homme qui avait des doutes, mû par une incroyable volonté de toujours mieux faire, ce qui le rendait très exigent. Il était agité, intense, homme-orchestre toujours à imaginer un rythme qui lui donnerait l’air d’aller.

C’était un travailleur infatigable, perfectionniste souvent à l’excès. L’acteur protégeait aussi farouchement sa vie privée…

Je doute fort que j’aurais apprécié vivre dans l’entourage d’un tel personnage. Mais ces révélations ne m’ont jamais empêché d’aimer l’acteur car il était plus qu’un simple comique. Il était, selon Kernel, l’auteur de ses personnages, un maître du burlesque, une bête de cinéma, moins soucieux de sa propre image que de faire rire et de créer de l’effet.

Plus le film était profond et recherché, plus j’aimais. C’est ainsi que je ne compte plus le nombre de fois où j’ai savouré le visionnement de LA GRANDE VADROUILLE,  LES AVENTURES DE RABBI JACOB, L’AILE OU LA CUISSE et j’en passe.

C’est un livre sensible, crédible et juste qui m’a surpris et même émerveillé parfois, de par son caractère anecdotique. Il couvre donc la vie d’un des acteurs qui a le plus tourné dans le cinéma français d’après-guerre de 1945 jusqu’à ce qu’il nous quitte, le cœur usé par autant de travail acharné et d’extraversion, en 1983.

Je crois qu’avec ce récit, tout a été dit sur la légende : FUFU comme l’appelait affectueusement le public français.

Suggestion de lecture : GEORGE LUCAS UNE VIE, de Brian Jay Jones

Brigitte Kernel est une écrivaine et journaliste française née en 1959 à Rambervillers. Pendant 10 ans, elle a écrit les feuilletons radiophoniques hebdomadaires CADAVRE-EXQUIS . Elle a écrit plusieurs livres incluant des biographies : Louis Chedid, Michel Jonasz, Véronique Sanson et bien sûr Louis De Funès.

Dans la présentation qu’elle fait d’elle-même sur son site Internet, Brigitte Kernel déclare avoir deux pays de cœur : La Mongolie et le Québec, ayant un faible entre autres pour les grands espaces et les voyages par moins 20 degrés.

En complément, Louis de FUNÈS a joué dans près de 135 films dont plusieurs sont devenus de grands classiques… d’abord, L’AILE OU LA CUISSE réalisé en 1976 par Claude Zidi avec De Funès bien sûr, Coluche et Julien Guiomar.

Ensuite, LA GRANDE VADROUILLE réalisé en 1966 par Gérard Oury avec De Funès et Bourvil.

Puis, LES AVENTURES DE RABBI JACOB réalisé en 1973 par Gérard Oury avec Louis De Funès et Henri Guybet.

…Et bien sûr, l’hexalogie LE GENDARME,  réalisée par Jean Giraud sur une période de 18 ans à partir de 1964 avec LE GENDARME DE SAINT-TROPEZ. Louis de Funès joue le rôle de Ludovic Cruchot et évolue aux côtés de Michel Galabru :  l’adjudant  Gerber.

Pour consultation : la filmographie complète de Louis de Funès

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
14 AOÛT 2016

L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS, Bernard Boudeau

*Il chercha dans le modeste appartement un objet qui puisse convenir. Une bouteille? Non! Son choix se porta sur une bombe de laque. Plus appropriée. Il se pencha sur Jane Waltam, l’allongea. Il souleva la jupe, fit glisser la culotte. Il lui écarta les jambes
franchement…*
(Extrait : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS, Bernard Boudeau, In Octavo Éditions, 2010, num. 390 pages)

Un tueur très habile sévit sans préméditation. Seul le hasard détermine qui sera sa victime, mais dans ce cas, l’instrument du hasard, ce sont des dés et plus précisément des dés de *donjon et dragon*. De plus, pour commettre ses meurtres, le tueur prend comme modèle les plus célèbres criminels américains. Ce sont les seules pistes sérieuses que possède au départ le jeune commissaire Sylvain Macarie pour traquer le tueur. Macarie, n’a pas le choix de faire aboutir cette enquête pour retrouver son équilibre. Ce qui pourrait l’aider est l’intervention d’un spécialiste du profilage. C’est ainsi que Sheldon fera équipe d’une certaine façon avec l’instable commissaire en utilisant sa connaissance de la psychologie des criminels.

JE NE SERAI PAS UN CRIMINEL,
JE LES SERAI TOUS
*…j’ai essayé d’être lui, celui que je traque,
de le comprendre de l’intérieur. Je, je
m’y détruis, j’y découvre du plaisir à
torturer, humilier. C’est horrible. C’est
plus que ça, je ne sais pas si je vais en
sortir.*
(Extrait : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS)

Je n’étais pas certain de mon intérêt pour ce livre avant de l’aborder. J’avais l’impression de me lancer dans une lecture abritant un thème usé à la corde, celui des tueurs en série. Je me suis alors fié au titre : L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS en supposant qu’il cachait une certaine originalité : un homme qui aime les tueurs, spécialement les plus célèbres, au point d’imiter leur façon de penser…et de tuer…je n’ai pas été déçu. C’est effectivement un récit original, un polar qui oscille entre le thriller policier et le drame psychologique.

Donc nous avons un tueur démoniaque qui choisit ses victimes selon un système de hasard élaboré et les exécute à la façon des grands criminels de l’histoire. Ce tueur est traqué par un policier psychologiquement instable, Sylvain Macarie, jadis détruit par une enquête non résolue sur le meurtre d’une petite fille et dont il se sent toujours profondément responsable.

Dans cette histoire, Macarie consacre son temps à deux activités : rencontrer souvent et régulièrement son psy et fouiller inlassablement les archives afin de trouver un fil conducteur dans l’enquête sur les meurtres en série. Tous les collègues de Macarie le croient fou et fini et certains, comme le policier Nerac, croient même qu’il fait un excellent suspect dans cette affaire.

Donc d’une part nous avons ici un très bon thriller, haletant, avec un suspense bien ficelé qui évolue en crescendo, un fil conducteur solide et crédible. Et d’autre part, nous avons un drame psychologique qui nous fait plonger dans l’introspection du héros de l’histoire car il m’est apparu évident que Macarie se lançait dans une quête difficile : combattre et vaincre ces démons. C’est un aspect de l’histoire qui m’a beaucoup plu.

L’intrigue est bien menée. Il m’a été impossible de découvrir qui était le tueur. J’ai eu beaucoup de soupçons, mais avec une grande maîtrise narrative et un style spontané, l’auteur me les a fait rejetés un après l’autre.

Principale force du livre : la psychologie des personnages en particulier Sylvain Macarie dans sa recherche constante afin de se pardonner lui-même et évidemment, le tueur en série dont l’esprit est aussi détraqué que génial. Principale faiblesse du livre : une finale un peu bâclée, expédiée je dirais et certaines longueurs dans le développement.

Je précise que la plume demeure fluide mais les passages de Macarie chez son psy accusent une certaine lourdeur. Cette faiblesse est très insuffisante pour empêcher le lecteur d’apprécier le talent de l’auteur.

Je n’irais pas jusqu’à dire que ce livre est le chef d’œuvre d’un auteur passé maître dans le polar noir comme le laisse supposer le quatrième de couverture, mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

Bernard Boudeau est parti du thème complètement éculé du meurtrier en série pour pondre une histoire originale avec tout ce qui est nécessaire pour garder le lecteur captif. Un excellent moment de lecture.

Suggestion de lecture : UNE FORÊT OBSCURE, de Fabio M. Mitchelli

Bernard Boudeau est un écrivain né à Tunis en 1949. Sa plume est multidisciplinaire : polars, études, essais, ouvrages pédagogiques, contes. Plusieurs de ses livres ont été sélectionnés pour des prix prestigieux dont L’HOMME QUI AIMAIT LES TUEURS (sélection officielle au prix Polar à Cognac et à Reims en 2011 entre autres.) Il a obtenu le prix du roman policier en 2013 avec LES MÂCHOIRES DU PASSÉ.  Boudeau est aussi passionné de musique et de photo et l’ensemble de son œuvre laisse supposer qu’il adore l’Amérique, mettant en relief les différences culturelles entre les nations.

À visiter : http://www.romanpolicier.net/ 

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
7 AOÛT 2016

L’EXÉCUTEUR, le livre de CATHERINE DORÉ

*Tu pensais avoir tout compris hein salope?…
J’ai des petites nouvelles pour toi ma beauté.
C’est moi qui dirige! Moi! Michel L’exécuteur!
Je suis le bras armé de Dieu!…J’exécute sa
volonté, et, aujourd’hui, sa volonté réside
dans ton exécution!*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR, Catherine Doré, Éditions de
Mortagne, 2005, édition de papier, 500 pages)

Désirant fuir l’agitation des grandes villes, Marie-Paule et Pierre se portent acquéreurs d’une maison de campagne pour y couler des week-ends paisibles. Malheureusement, la paix ne sera pas au rendez-vous car en plus d’avoir des voisins pour le moins étranges et son énigmatique ancien propriétaire qui est souvent sur son chemin, une chaîne d’évènements amène Marie-Paule à se pencher sur le mystérieux passé de la région.

Il y a des disparitions, morts suspectes et même des exorcismes en plus du troublant suicide de la mère d’un enfant jadis rejeté par la communauté. La curiosité et les recherches de Marie-Paule l’amènent à rencontrer Simon Bernard, un détective rebelle à l’autorité qui suit la piste d’un tueur en série. Un genre de collaboration s’installe entre Simon et Marie-Paule mais cette collaboration pourrait bien précipiter la jeune femme vers un destin dramatique.

PASSÉ TROUBLE
*Oh Michel! Michel! Qu’as-tu fait? Ton obsession déraisonnable
pour cette femme! Tes colères incontrôlées…Cette funeste
rencontre avec cette incroyable femme. Les cloisons ne sont
plus étanches…! La terre sacrée a été profanée! Michel est
hors de contrôle. L’enfant se cache, terrorisé par les
évènements. Le porteur commence à se douter de quelque
chose. Nous devons agir…*
(Extrait : L’EXÉCUTEUR)

 L’exécuteur est le premier roman de Catherine Doré et je crois que c’est un bon départ. C’est un thriller intéressant qui amalgame efficacement l’intrigue, les énigmes et l’action. Le rapport de forces et de faiblesses est positif, la principale faiblesse étant que l’histoire est un peu prévisible. C’est dans l’originalité que réside la principale force. L’auteure n’a pas choisi la facilité car elle a attribué à son tueur psychopathe le syndrome dissociatif de la personnalité.

Ce syndrome, appelé aussi *trouble de la personnalité multiple* a toujours été pour la psychiatrie un défi de taille et pas facile du tout à soigner. À une certaine époque où le syndrome n’était pas formellement identifié, on parlait de possession démoniaque. Rien de moins. Le défi pour le lecteur, et c’est là que je me suis régalé, est de démêler toutes les personnalités de l’assassin qui ont chacune leur caractère propre.

Pour que le tout se tienne et amène le lecteur à la compréhension des motivations du psychopathe, l’auteure a du faire une sérieuse recherche, non seulement sur le trouble identifié comme tel mais aussi sur la psychopathologie, la psychiatrie, la parapsychologie et même sur l’exorcisme car cet art est évoqué dans l’histoire.

Le défi était autant intéressant qu’une des personnalités du tueur n’était rien d’autre que le bras vengeur de Dieu. L’Église et des prêtres sont donc impliqués dans cette fiction ce qui n’est pas sans nous inciter à nous questionner sur tout ce que l’église a à cacher. C’est une fiction bien sûr, mais elle a un petit quelque chose de très actuel sur les plans scientifique, psychologique, social et judiciaire.

Donc ça fait beaucoup d’éléments à démêler mais le fil conducteur est solide et la tension dramatique est palpable, spécialement dans le dernier quart du livre ou je réussissais à me mettre à la place du détective Simon Bernard qui naviguait d’énigme en énigme alors que les secondes était comptées. L’ensemble est bien dosé et l’action monte en crescendo.

L’histoire est d’autant intéressante qu’elle m’a fait réfléchir un peu sur les interactions existantes entre le domaine judiciaire et la psychiatrie. Ce n’est pas simple. Disons que dans L’EXÉCUTEUR, un meurtrier reste un meurtrier et rien ne l’excuse. C’est à la cour de trancher et je vous laisse découvrir si on se rendra là.

Bref, j’ai savouré un scénario développé avec intelligence dans lequel on trouve des personnages dotés de caractère fort et où on est appelé à essayer de comprendre ce qui se passe dans un corps qui semble abriter plusieurs âmes…

Divertissant…ça se lit vite et bien.

Suggestion de lecture : AFTER PARTY, de Daryl Gregory

NOTE BIOGRAPHIQUE SUR CATHERINE DORÉ

Malheureusement, au moment de rédiger cet article, je n’ai pu trouver aucune photo acceptable de l’auteure.

Catherine Doré est une écrivaine québécoise. Elle a évolué comme professionnelle de la recherche au département de psychologie de l’UQAM. Son intérêt pour la lecture s’est manifesté dès la préadolescence. Dans la jeune quarantaine, elle se met à l’écriture et produit un recueil expérimental de nouvelles mais le produit fini se transforme en fin de compte par un roman de 450 pages : L’EXÉCUTEUR.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
10 JUILLET 2016

 

LES CHRONOLITHES, livre de ROBERT-CHARLES WILSON

*Lorsque l’expédition s’est approchée du cœur de la cité, le chronolithe a commencé à apparaître dans chaque plan. De loin, dominant le fleuve, ou de près, imposant dans la mi-journée tropicale. Le monument était d’une propreté ahurissante. Les oiseaux et les insectes eux-mêmes l’évitaient.*(extrait de LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson, Folio, t,f, Éditions Denoël, 2003, 295 pages, num.)

En Thaïlande, un américain est témoin de l’apparition d’un énorme et mystérieux obélisque venu d’on ne sait où. Cette structure parfaite qu’on appellera CHRONOLITHE est faite d’une matière inconnue, apparemment impénétrable. Dans les années qui suivent, les apparitions de Chronolithes se multiplient partout dans le monde  et graduellement rendent l’équilibre de la planète extrêmement précaire. La vie de Warden bascule lorsqu’une femme ayant développé une expertise des  Chronolithes lui apprend qu’il aura un rôle à jouer dans cette histoire et qu’il pourrait peut-être éviter le cataclysme final.

CAUCHEMAR…UN PRÉSENT DU FUTUR

*La présence du monument à cet endroit-là
était en soi d’une étrangeté aveuglante,
et pourtant, on ne pouvait se méprendre
sur sa solidité ni sur son poids, sa taille ou
sa stupéfiante incongruité…*
(extrait : LES CHRONOLITHES)

LES CHRONOLITHES est le récit de Scott Warden qui, à 70 ans, fait un retour sur les évènements dramatiques qui ont marqué sa vie : l’apparition, la multiplication dans le monde de mystérieux et énormes monuments commémorant les victoires à venir (20 ans plus tard) d’un mystérieux personnage, conquérant et guerrier, appelé KUIN, ainsi que le chaos géopolitique qui va s’ensuivre et bouleverser l’ensemble de l’humanité.

Bien que les sauts et les paradoxes temporels et la lente évolution de l’effet Papillon vers la théorie du chaos soient des thèmes très répandus et très chers à la littérature de science-fiction, le sujet du livre est très original et développé de façon intelligente et crédible en plus de véhiculer des questionnements aussi sérieux que complexes : comment le futur peut venir influencer le présent? Peut-on changer le futur? Les coïncidences et le hasard sont-ils plausibles?

Toute la richesse du récit repose à mon avis sur le bouleversement social engendré par l’apparition dramatique de ces monuments appelés CHRONOLITHES, ce qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur les influences qui modèlent les courants de pensée et les comportements de masse.

Par exemple, dans ce récit, il se développe autour des chronolithes et de l’effigie de Kuin une philosophie, un mode de pensée et de vivre et surtout une déstabilisation à l’échelle mondiale de l’ordre établi.

L’humanité se divise en deux grandes factions : PRO-KUIN et ANTI-KUIN. Comme il est impossible de ne pas prendre position, le tout prend l’allure d’une guerre de religion, sans même savoir vraiment qui est Kuin et ça c’est un élément qui a monopolisé mon attention. Voici un extrait qui exprime parfaitement ma pensée :

*Il semble évident que c’était justement parce qu’on ignorait qui était KUIN que cela le rendait dangereux. Son programme se réduisait à la conquête, son idéologie à la victoire ultime. En ne promettant rien, il promettait tout.* (extrait de LES CHRONOLITHES) Le fait que KUIN soit devenu graduellement une idée, une mythologie, un symbole universel est l’élément qui fait toute la richesse et la complexité du récit.

Donc LES CHRONOLITHES est un livre riche et passionnant et dont le réalisme, sur le plan social frappe l’esprit de façon parfois effrayante. Il a une petite faiblesse, du moins en ce qui me concerne : l’histoire n’est pas suffisamment développée sur le plan scientifique.

On y évoque des théories avérées comme la relativité et les déplacements temporels et on y trouve des théories pour les besoins du récit, un peu pâteuses comme la Turbulence Tau, mal définie et peu expliquée. Mais c’est très personnel comme opinion et il est très possible et même probable que ce soit tout à fait voulu par l’auteur.

Je vous recommande donc LES CHRONOLITHES en particulier pour les interrogations que l’ouvrage soulève. Par exemple, comment la croyance profonde d’un futur défini peut-elle pousser celui-ci à se réaliser. Vu l’état actuel de la situation sur la terre, quelle sorte de futur sommes-nous en train de préparer? Que sera demain compte tenu de la logique des faits actuels?

C’est un roman profondément humain qui pose les bonnes questions.

Suggestion de lecture : L’odyssée du temps, d’Arthur C. Clarke

Robert-Charles Wilson (1953-    ) est né en Californie. Il écrit ses premières nouvelles dans les années 70 et ses premiers romans dignes d’intérêt sont livrés à la fin des années 90 : Darwinia et Mysterium. Wilson est lauréat de nombreux prix. LES CHRONOLITHES s’est vu décerné le prix John W Campbell en 2002. SPIN, écrit en 2007,  son œuvre la plus remarquable s’est vue remettre le prix HUGO du meilleur roman en 2006 et le grand prix de l’imaginaire en 2007.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
3 JUILLET 2016

MISSION PAS POSSIBLE 2, de NADINE POIRIER

(POUR LES 7 À 10 ANS)

*Ce soir, ma grand-mère et moi, on s’ennuie
toutes les deux devant une émission de télé
réalité…alors, je lui propose de jouer avec
moi à un jeu vidéo. –Allez Mamie, c’est facile!
Ma belle Samuelle, je ne dis pas non. Mais
tu sais que je ne connais rien à tout çà.*
(Extrait : MISSION PAS POSSIBLE No 2, Nadine
Poirier, Les Éditions Héritage, 2016, collection
Grand Roman Lime, Dominique et Compagnie,
littérature jeunesse, 7 à 10 ans, édition de
papier, 109 pages)

MISSION PAS POSSIBLE raconte les aventures de Samuelle, 10 ans, une petite fille intrépide et astucieuse, toujours prête à remplir une mission pas possible. Samuelle adore sa grand-mère, Mamie Marion : une super-mamie qui a passé sa vie à faire des activités risquées comme le moto-cross et le ski nautique, mais là, il semble que Mamie Marion ait bien changé. Un soir où elles s’ennuyaient toutes les deux, Samuelle décide d’initier sa grand-mère aux jeux vidéo. Mais voilà, Mamie passe de plus en plus de temps à ces jeux. Deviendrait-elle accro? Samuelle se confie à sa meilleure  amie, et se lance dans une nouvelle mission pas possible.

Y’A PAS D’ÂGE!
*Elle est devenue folle des jeux vidéo.
-Génial! Je le savais que ta grand-
mère était encore cool. -Tu veux rire?
Elle est complètement accro. Grrr*
(Extrait : MISSION PAS POSSIBLE No 2)

Il n’y a pas de plus beau défi que d’amener un enfant à aimer les livres et la lecture. Encore faut-il que l’enfant soit bien servi dans ce domaine. Heureusement, la littérature-jeunesse québécoise est abondante, variée et vigoureuse.

Cette littérature couvre toutes les étapes de l’apprentissage en matière de lecture, la première étant les petits livres qui développent l’abécédaire, la seconde étant les petites histoires qui sont de nature à stimuler l’imagination, créer des émotions et écrites d’une façon qui permet aux enfants d’en tirer une petite leçon à la fois instructive et amusante comme c’est le cas pour MISSION PAS POSSIBLE.

Les enfants de 7 à 10 ans vont se reconnaître dans les petites histoires de Nadine Poirier. On retrouve Samuelle, bien sûr, sa meilleure amie, Marilie, on sait que l’amitié naissante est une pierre précieuse chez les enfants,  il y a aussi Fannie, la fatigante de la classe, papa, maman et évidemment Mamie Marion, une grand-mère pas comme les autres et qui en a long à raconter.

Ce petit livre a plus d’une centaine de pages, mais les lettres sont très grosses, les chapitres très courts et le tout est agrémenté par les superbes illustrations de Géraldine Charrette qui a le don de mettre un texte en valeur et contribuer à rendre l’histoire vivante. Ce petit livre peut-être lu seul par un enfant bien sûr mais il se prête très bien aussi à une belle interaction entre l’enfant et un raconteur comme maman, papa, mamie ou papi.

Avec ce livre on peut passer une belle petite demi-heure avec son enfant et il se prête très bien aussi à des séances de lecture animée pour petits groupes, dans une garderie par exemple.

Ajoutons à tout cela que MISSION PAS POSSIBLE No2 développe un sujet très actuel qui concerne la plupart des enfants, pré-ados, ados et beaucoup d’adultes aussi : l’addiction à ce générateur de plaisir que sont les jeux vidéo.

Notez bien qu’il n’y a rien de moralisateur dans cette histoire, bien au contraire mais elle peut faire réfléchir sur les risques, les dangers et les conséquences d’un *accrochage* aux jeux vidéo, tablettes, smartphone et autres gadgets électroniques que les jeunes expérimentent de plus en plus tôt. L’auteure pointe du doigt la cyberdépendance mais sans juger, au contraire, la finale du livre est tellement mignonne.

Évidemment, j’ai lu ce petit opus en moins de 15 minutes. J’ai fait diversion dans mes lectures habituelles (et je le ferai encore) pour attirer votre attention sur l’importance de la lecture comme outil d’apprentissage pour introduire les enfants dans un univers d’émotions et de belles découvertes.

On a tout ce qu’il faut au Québec pour garnir une bibliothèque d’enfants d’autant qu’on y ajoute maintenant un nouveau fleuron : MISSION PAS POSSIBLE. J’ai adoré…

Nadine Poirier est une écrivaine québécoise née à Bonaventure en Gaspésie. Détentrice d’un baccalauréat en récréologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, elle organise pendant 15 ans les loisirs socioculturels dans une école secondaire avant de se plonger dans l’écriture et de publier son premier titre en 2006 : OLGA LA FILLE AUX PELURES D’OIGNON.

Elle devient écrivaine à temps plein en 2010. Elle ne fait pas qu’écrire, elle met beaucoup de cœur et de temps pour faire la promotion de la lecture dans les écoles et bibliothèques partout à travers le Canada francophone.  Elle a obtenu en 2014, le prix AQPF-ANEL pour son roman ADIOS.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
26 juin 2016

LE WAGON, de Philippe Saimbert et Isabelle Muzart

*La lumière aveuglante, les sons terrifiants et
L’aspect des apparitions plaidaient pour une
rencontre du troisième type…Cette lumière,
poursuivit Hunt, comme dans tous ces films
de science-fiction…croyez-vous que…enfin…*
(Extrait : LE WAGON de Philippe Saimbert et
Isabelle Muzart, Éditions Asgard, 2011, num.
245 pages.)

Dans un voyage organisé, en pleine nuit, le wagon se détache du train, laissant les voyageurs seuls au milieu de nulle part entourés d’une inquiétante forêt recouverte d’un épais brouillard. S’ensuit une chaîne d’évènements qui plongent les voyageurs dans un effroyable cauchemar : bruits insolites, apparitions étranges dans un environnement devenu hostile et surnaturel et finalement, les morts brutales  qui s’enchaînent. Malgré cette atmosphère qui leur glace le sang, les voyageurs s’interrogent : s’agit-il d’une rencontre du troisième type ou peut-être quelque chose de pire encore? Et qui d’entre nous pourra survivre à cet horrible cauchemar?

EFFROI AU MILIEU DE NULLE PART
*Il vit avec horreur ses enfants précipités dans
le vide, jambes en avant. Il se propulsa vers
eux, bras tendus pour les attraper dans ses
bras, quand leur chute fut brutalement stoppée
à un mètre du sol. Une autre corde était passée
autour de leur cou. Elle venait de se tendre et de
briser leur nuque en un insoutenable craquement
de vertèbres…*
(Extrait : LE WAGON)

C’est une histoire très étrange, imprégnée d’un puissant caractère onirique. Elle n’est pas facile à suivre et à comprendre car il y a des ruptures dans le fil conducteur et la psychologie qui sous-tend l’ensemble suscite plus de questions que de réponses.

Toutefois, si on se donne la peine de porter attention et de se concentrer, on ne peut qu’admirer le talent de Saimbert et Muzart qui nous entraînent dans un monde fantastique, bizarre et mystérieux aux frontières du rêve et du surnaturel.

Quoique l’ensemble soit complexe, l’idée de départ est simple : un voyage organisé, en train, dans le but d’assister aux évènements surnaturels annoncés dans les journaux et qui se déroulent en pleine forêt traversée par le chemin de fer. Il faut dès le départ bien saisir le but du voyage et surtout, saisir la psychologie des personnages, disparates, tantôt sympathiques, tantôt méprisables. C’est indispensable pour bien apprécier leurs réactions aux évènements qui les attendent.

Je le rappelle, l’histoire est complexe. Mais pour le peu qu’on se livre à une lecture attentive, avec l’esprit ouvert, la plume des auteurs nous entraîne irrésistiblement à nous mettre à la place des personnages qui, une fois seuls, abandonnés au milieu de nulle part s’enlisent graduellement dans un cauchemar indescriptible dans lequel l’angoisse devient omniprésente mettant au grand jour les pires faiblesses humaines.

Tout au long de la lecture, je me suis questionné sur la nature des évènements décrits et le pourquoi d’une violence parfois aussi démesurée. Car c’est violent…très violent avec des passages à soulever le cœur.

Mais cette violence devait être exprimée pour tendre à la compréhension du récit et là-dessus, il faut être patient jusqu’à la finale qui est, soit dit en passant, totalement imprévisible et pas simple du tout…j’ai dû la relire plusieurs fois pour me rendre compte que ça valait vraiment la peine de se rendre jusqu’au bout.

Ce livre m’a imposé une réflexion sur l’incroyable complexité de l’esprit humain, le passé qui nous rattrape, le futur qui nous angoisse et les effets de l’introspection souvent imposée par l’horreur d’une situation complexe telle que celle qui est décrite dans l’histoire.

Je recommande ce roman fantastique aussi fluide que complexe mais bien bâti, un peu dérangeant, violent à en atteindre le malaise et qui devrait toucher de plein fouet le cœur et l’esprit de tous lecteurs attentifs.

Suggestion de lecture, du même auteur : 11 SERPENTS

Philippe Saimbert est un romancier, scénariste et spécialiste de la bande dessinée né en France en 1962. Il a à son actif plusieurs albums dans les tendances fantastique et science-fiction, mais il a touché aussi à l’humour avec entre autres OBJECTIF RENCONTRES publié chez Joker. Ses polars ont aussi contribué à sa notoriété comme sa série LES ÂMES D’HÉLIOS publiée chez Delcourt. Un de ses grands objectifs est de tenter l’adaptation de son roman LE WAGON au cinéma écrit avec la complicité d’Isabelle Muzart. 

J’espère bien que le projet d’adaptation du livre au cinéma se réalisera.

Isabelle Muzart est une écrivaine française née à Alençon en 1966. Très jeune, elle développe rapidement un goût pour la lecture et bien sûr, l’écriture va suivre, prélude à une très belle aventure littéraire. J’ai été impressionné en particulier par son livre L’INAVOUABLE SECRET, un excellent thriller policier. Je lisais récemment une citation de l’auteure publiée en 2009 sur ladepeche.fr : *Moi j’aime lire. La lecture ouvre l’esprit sur d’autres vies.*

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
12 JUIN 2016