PANIQUE À LA MAISON BLANCHE, Clive Cussler

*Les hélicoptères de l’armée et de la marine
grouillent comme des sauterelles et on
pourrait presque traverser le fleuve à sec
tellement les garde-côtes sont nombreux.
Vous ne m’avez pas tout dit Amiral, loin de là.*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE,
Clive Cussler, t.f. Grasset et Fasquelle 1985,
463 pages en édition numérique)

Le Catawba, navire garde-côte reçoit un SOS dans le golfe de Cook, Alaska. Les garde-côtes arrivent trop tard. Tout le monde est mort à bord de l’Amie Marie. Plusieurs évènements graves vont s’enchaîner : entre autres, le Président des États-Unis disparaît et réapparaît plusieurs jours plus tard avec un comportement anarchique qui échappe à toute logique. Plusieurs autres personnalités disparaissent et les morts s’accumulent.  Ainsi commence le défi le plus dramatique de la carrière de Dirk Pitt : mettre fin à une effroyable machination destructrice qui risque de rompre irrémédiablement l’équilibre mondial. 

Implacable machination

*L’eau s’engouffra aussitôt par les énormes
brèches de la coque. Le VENICE frémit et
entama son agonie. Il ne lui fallut que
huit minutes pour mourir…*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE)

C’est du grand Cussler, fidèle à son style et la force de son écriture : intrigue solide, évolution et enchaînements rapides, action, héroïsme, nombreux rebondissements, imprévisibilité et bien sûr, l’omniprésence de la mer et des fonds marins sans oublier l’évocation d’une passion de l’auteur, et par ricochet de son personnage fétiche Dirk Pitt pour les vieilles voitures.

J’ai reconnu aussi Cussler dans son habitude de vouloir parfois trop en mettre. Ça donne de nombreux passages peu vraisemblables et plutôt arrangeants sur le plan littéraire.

Bien que ce roman n’invente pas la roue, son idée de base est intéressante et soulève une question non moins intéressante : Qu’est-ce qui arrivera à l’humanité le jour où on pourra manipuler et programmer à sa guise un cerveau humain? Pour l’instant c’est de la science-fiction mais au rythme où évoluent la science et la technologie il faut croire que rien n’est impossible.

J’ai noté une phrase en cours de lecture qui illustre bien le côté dramatique de la question…*Le secrétaire d’État pianota sur son bureau : -le président disparaît pendant 10 jours, et quand il revient, il perd les pédales*.
Il y a là une fort intéressante matière à débat.

Autre élément intéressant dans ce livre est qu’il nous met le nez dans l’incroyable complexité de l’administration américaine et de ses services secrets, de ses coulisses militaires, des relations internationales, des effets pervers de la ruse politique, de la corruption et de la recherche du pouvoir à tout prix.

L’ensemble est un peu classique, mais c’est un thriller efficace qui se lit vite et bien et dont l’évolution est très rapide ce qui a pour effet de garder le lecteur captif. Les habitués de Cussler ne seront peut-être pas surpris.

Suggestion de lecture : DÉSAXÉ, de Lars Kepler

Clive Cussler est un romancier américain né en Illinois le 15 juillet 1931. Sa passion pour la vie sous-marine, le patrimoine marin international et les épaves transparaît dans l’ensemble de son œuvre. Il a entamé sa carrière d’écrivain en 1965 avec VORTEX (difficile à vendre au départ) Puis MAYDAY, suivi de ICEBERG où il introduit un personnage qui deviendra récurent dans la suite de son œuvre : DIRK PITT l’aventurier. Le premier grand succès littéraire de Cussler fût RENFLOUEZ LE TITANNIC. Cussler est aussi réputé pour son impressionnante collection de voitures reconstituées.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015

NOIRE RÉVÉLATION, le livre de BRENDA NOVAK

trilogie de Stillwater tome 3

*Intéressant qu’elle tombe sur un magazine de
cul dans le bureau de son père, vous ne trouvez
pas? Demanda Hunter. Pour quelqu’un qui


promet l’enfer dimanche après dimanche à
ceux qui commettent le péché de chair, ça fait
un peu désordre non?*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION, le tome 3 de la
trilogie STILLWATER de Brenda Novak. Éditions
Harlequin, coll. Mira, 2010, édition. Numérique)

Vingt ans après la mystérieuse disparition de son père dans la petite ville de Stillwater, Madeline voit son existence à nouveau ébranlée par ce drame : la voiture de son père est retrouvée dans un recoin d’une carrière abandonnée. Madeline engage Hunter Solozano, un détective privé pour enquêter et remonter la piste. Ce dernier découvre de sérieux indices dans la voiture. Madeline veut pousser l’enquête et éclaircir le mystère, ce qui rend sa famille mal à l’aise. Ses proches tentent en effet de détourner Madeline de son investigation et garde un silence plutôt culpabilisant sur les mystérieux évènements d’il y a 20 ans. Il y en a semble-t-il, qui ont beaucoup à cacher.

Après NOIR SECRET et NOIRS SOUPÇONS,
NOIRE RÉVÉLATION…
Tout ce qu’il y a de plus noir…
*Norman jeta un coup d’œil vers le
cadavre ballonné et de nouvelles
gouttes de sueur se formèrent sur
son front plus pâle que jamais.*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION)

Premier point important, même si NOIRE RÉVÉLATION est le troisième volet d’une trilogie, il peut se lire indépendamment des deux autres. C’est ce que j’ai fait. Les retours dosés sur le passé sont suffisants pour nous plonger et nous maintenir dans l’atmosphère pesante du récit.

Dans ce récit, Madeline, jeune journaliste de Stillwater se morfond parce que la disparition de son père 20 ans plus tôt n’a jamais été élucidée. Son père était pasteur, un homme apprécié, aimé, respecté. Au début du récit, une voiture est retirée d’une rivière…la voiture du pasteur…l’enquête est relancée mais Madeline, ne faisant pas confiance à la police locale engage un détective privé : Hunter Solozano. Et voilà que tout le monde devient nerveux et mal à l’aise.

C’est un récit dur qui dévoile à la petite cuillère la personnalité d’un véritable monstre. C’est un roman efficace en particulier parce que dans le récit, tout le monde dans la famille de Madeline a quelque chose à cacher, et ce quelque chose a toutes les apparences d’une collusion visant à empêcher l’éclatement de la vérité. Ça complique terriblement l’enquête de Solozano. Le fil conducteur est assez serré et fige l’attention du lecteur.

Un point m’a singulièrement agacé dans le récit : c’est un cliché répandu…la belle jeune femme, à cheval sur sa pudeur et mêlée dans ses sentiments engage un détective de type adonis, récemment divorcé et…surprise…une amourette couve dès la première rencontre et se développe avec l’enquête. Les deux éléments finissent par s’imbriquer et évoluer ensemble et il est très facile de deviner comment ça va finir…c’est ordinaire et agaçant.

Heureusement, Novak garde son lecteur dans le coup et l’attire inexorablement dans l’horreur car ce qui sera révélé s’inspire de la cruauté et de la folie insoutenable.

Je vous dirai en terminant que Brenda Novak ne fait pas dans la dentelle avec NOIRE RÉVÉLATION. Plusieurs passages sont de nature à soulever le cœur. Ne lisez pas ce livre si vous avez l’âme très sensible car la brutalité, la perversité et la cruauté y sont révélées souvent de façon crue et directe.

Puisqu’il est question de pédophilie, le livre suscite une réflexion sérieuse sur une corde extrêmement sensible de la société et semble vouloir nous livrer le message classique et trop souvent oublié : ne jamais se fier aux apparences.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY de Robert Goddart

Brenda Novak est une auteure américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers. Elle publie son premier livre chez Harper Collins en 1999 : OF NOBLE BIRTH traduit en français sous le titre DE NOBLE NAISSANCE et depuis, sa notoriété est grandissante avec plus d’une trentaine de titres et de nombreuses nominations à de prestigieux prix littéraires.

Elle a affiné son art en imprégnant ses ouvrages d’une forte intensité psychologique. Brenda Novak qui a déjà vendu plus de 4 millions de livres dans le monde est mère de 5 enfants et vit à Sacramento en Californie. Elle œuvre comme bénévole dans le financement de la lutte contre le diabète.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2015

L’ILIADE ET L’ODYSSÉE, livre de HOMÈRE

*Zeus s’irrita à son tour : -Quel mal Priam et ses enfants t’ont-ils fait pour que tu sois si résolue à détruire leur belle ville? De toutes les cités du monde, Troie est la plus chère à mon cœur. -Tout ce que je te demande répondit Héra, est de permettre à Athéna de descendre sur le champ de bataille et de pousser les Troyens à rompre la trêve. (extrait d’un document conçu par Jean-Philippe Marin et basé sur L’ILIADE d’Homère, 1956, édition des Deux Coqs d’or, adap. : Jane Werner Watson, 135 pages, éd. Num.)

L’ILIADE ET L’ODYSSÉE est un document basé sur le livre du même nom, adapté du poème original d’Homère par Jane Werner Watson. Le document ainsi que le site internet qui y est associé ont été conçus et réalisé par Jean-Philippe Marin, écrivain essentiellement numérique qui a passé sa jeunesse à Athènes en Grèce, l’endroit parfait pour se lier au chef d’œuvre de la littérature grecque racontant une épopée de la Grèce antique et attribué à Homère qui prête vie à des personnages célèbres de la mythologie grecque, ainsi qu’à une forteresse à conquérir : Troie.

LE JOUET DES DIEUX
*Mais le géant au cœur sans pitié répondit :
-Tu es bien naïf si tu crois qu’ici, nous nous
soucions des Dieux. Nous sommes plus forts
qu’eux.
Là-dessus, il étendit les bras et saisit deux
des hommes. Il leur brisa la tête contre terre,
puis découpa leurs membres et en fit son souper.*
(extrait de L’ILIADE ET L’ODYSSÉE)

L’Iliade et L’Odyssée sont deux des plus belles histoires de la littérature. C’est avec Homère que je suis devenu un passionné de la littérature grecque et quand j’ai besoin d’une diversion dans mes lectures, je replonge dans le fabuleux récit épique et poétique du célèbre aède.

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il y a les Dieux de l’Olympe, ces yoyos qui prennent le parti des hommes un jour et qui se retournent contre eux le lendemain. Il y a surtout des hommes qui par leur courage et leur ténacité ont bravé les Dieux afin de limiter leurs excès et leur faire comprendre que le jour où les hommes choisiront de ne plus croire aux Dieux, ceux-ci ne seront plus rien.

Et puis il y a le côté fantastique du récit qui réussit chaque fois à pousser mon esprit à la dérive, à m’imaginer que je suis aux côtés d’Ulysse bravant le cyclope, déjouant les ruses de Circée ou s’apaisant dans les bras de Calypso.

Voilà le pouvoir d’Homère. Agripper le lecteur, l’entraîner dans un univers onirique et lui faire connaître des personnages puissants, mystérieux, orgueilleux et susceptibles :  Zeus, Athéna, Apollon, Poséidon, Ulysse, Achille, Hector et plusieurs autres…il semble en effet que les Dieux soient assez *tassés* dans l’Olympe.

Je recommande chaleureusement la lecture de l’Iliade et l’Odyssée. C’est un récit enchanteur qui se lit très bien. L’écriture est fluide et les chapitres sont courts. L’Iliade s’attarde surtout à la guerre de Troie et à la célèbre ruse du Cheval de Troie et l’odyssée se concentre sur le retour d’Ulysse vers son royaume d’Ithaque : une errance dramatique qui a duré plus de 20 ans et pendant laquelle Ulysse a perdu tous ses amis et a dû affronter des créatures inimaginables et surtout des Dieux malins et capricieux.

Bien sûr, les poèmes homériques ont une connotation philosophique. Une errance de 20 ans ne pousse-t-elle pas à l’introspection…? Je crois que vous passerez un bon moment avec cette œuvre que je qualifie de magistrale.

Suggestion de lecture : PERCY JACKSON, tome 1, LE VOLEUR DE FOUDRE, de Rick Riordan

Homère est un poète grec de la fin du VIIIe siècle avant J.C. Le débat sur la réalité historique du personnage est toujours actif de nos jours, mais jusqu’à preuve du contraire, on lui attribue deux œuvres majeures de la littérature : L’ILIADE et L’ODYSSÉE, plusieurs poèmes et bien sûr, les hymnes homériques. 

On sait peu de choses sur la vie d’Homère malgré quelques biographies anciennes mais qui sont apparemment peu crédibles. Selon la tradition, Homère aurait été aveugle et il aurait été parent avec le célèbre musicien Orphée.

Jean-Philippe Marin est un écrivain essentiellement numérique. Il est aussi spécialisé dans la création de sites web créatifs. Il a créé entre autres un site basé sur l’adaptation des poèmes d’Homère : L’ILIADE ET L’ODYSSÉE, œuvre dont il est un passionné. Ce site a reçu de nombreuses récompenses partout dans le  monde et est utilisé dans de nombreuses écoles. On peut le consulter à :   http://iliadeodyssee.com

L’ODYSSÉE AU CINÉMA

La meilleure adaptation de L’ODYSSÉE au cinéma est, à mon avis, celle d’Andrei Konchalosky sortie en 2006. La performance d’Armand Assante dans le rôle d’Ulysse est remarquable.

Même si on ne voit pas tous les exploits du héros qui défie les Dieux, la reconstitution de la légende d’Homère est excellente et c’est une des rares adaptations qui nous permet de connaître un peu la belle CALYPSO, nymphe des mers et fille d’ATLAS incarnée par la superbe Vanessa Williams qui nous offre une magnifique performance.

Vanessa Williams dans le rôle de Calypso

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LES CONTES DU WHISKY, recueil de JEAN RAY

*…deux mains énormes, froides, dures comme
l’acier. Dans un silence immense, sans cri, sans
haine, avec une méthode et une sûreté de
machine, elles serraient mon cou.*
(extrait de LES CONTES DU WHISKY, LA NUIT DE
CAMBERWELL, Jean Ray, Nouvelles Éditions Oswald,
1ère édition : 1925, 134 pages, éd. Num.)

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray paru en 1925 et rééditée plusieurs fois par la suite. C’est un recueil d’histoires noires,  diaboliques, contes d’horreur, de crimes crapuleux. Ces brèves nouvelles sont inspirées du quotidien inquiétant des coins obscurs de Londres : les ports, les docks brumeux, tavernes malfamées, ruelles sombres, le tout dans une atmosphère de malfaisance, de crimes et de déchéance sociale aux limites du surnaturel. Le narrateur est plus souvent qu’autrement ivre, le whisky étant omniprésent dans les récits. 

Vapeurs éthyliques et mort
*Non mon maître. Il était au milieu des siens,
quand il s’est levé subitement en criant :
C’EST L’HEURE! Puis il partit d’un grand
éclat de rire et il est tombé mort…il était
minuit 20.
(MINUIT 20, extrait de LES CONTES DU WHISKY)

Je dois dire que j’ai passé un bon moment avec ce livre qui est présenté en deux parties : LES CONTES DU WHISKY et QUELQUES HISTOIRES DANS LE BROUILLARD. Les nouvelles sont très courtes et se déroulent dans les coins les plus sombres et les plus mystérieux de Londres ou dans le légendaire brouillard ouaté qui recouvre si souvent cette ville.

Bien sûr, les récits sont empreints de mystère, de fantastique. Le tout semble vouloir atteindre presque le surnaturel un peu à la manière d’Edgar Allen Poe. Toutefois, ce qui m’a le plus fasciné dans ce recueil, c’est l’humour particulier qu’on y retrouve…un humour édulcoré, tamisé, un peu noir et sans aucun doute rehaussé par une impressionnante adulation du divin whisky… :

*Il y a des morts galants; souvent même leurs amours portent fruit…Ce sont des mort-nés, cela va sans dire. Jusqu’ici, on s’est fort peu occupé de leur éducation. (extrait LES CONTES DU WHISKY,  MON AMI LE MORT)…C’est bon…fameux…Parmi les choses que je regretterai, il y aura le whisky…je suis trempé…Quelle horreur…un peu de whisky pour me donner du cœur…(extrait LES CONTES DU WHISKY, LA DERNIÈRE GORGÉE)

Ce qui est très spécial aussi dans ces récits, c’est que pour plusieurs d’entre eux, le narrateur est ivre, solidement imbibé de whisky, ce qui favorise le vagabondage de l’esprit du lecteur. On peut de cette façon, relire autant de fois qu’on veut un récit et lui trouver autant d’interprétations.

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray. Sa façon directe et ironique de décrire un univers mystérieux et féroce, un peu onirique, voire surnaturel lui a valu un départ fulgurant dans sa carrière littéraire. Je recommande la lecture de ce livre. Les récits sont très brefs et décrivent un monde de déchéance avec un style particulier où l’horreur, le fantastique et un humour imagé se chevauchent. Je crois que vous passerez un bon moment.

…juste en parler m’a donné une de ces soifs…

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Raymond Jean-Marie de Kremer (1887-1964) est un écrivain belge. Jean Ray est le pseudonyme qu’il s’est choisi pour écrire en français. LES CONTES DU WHISKY furent le point de départ d’une carrière fascinante : plus d’une centaine d’aventures d’ Harry Dickson, très populaire dans les années 30 et MALPERTUIS, son premier roman fantastique publié en 1943, œuvre majeure adaptée à l’écran par Ham Kümel. Je cite aussi LES CONTES NOIRS DU GOLF,  et LA GRANDE FROUSSE adapté à l’écran par Jean-Pierre Mocky. Ray a aussi écrit plusieurs livres en néerlandais sous le pseudonyme John Flanders.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE VIDE, tomes 1 et 2, livre de PATRICK SÉNÉCAL

1-VIVRE AU MAX
2-FLAMBEAUX

*Les assassins tiraient sur Nadeau et les policiers,
mais Rivard ne mourait pas sur le coup : son
ventre explosait, son visage se faisait déchiqueter
par les balles, il continuait pourtant de hurler à
l’aide…*
(extrait de LE VIDE tome 1, VIVRE AU MAX, de Patrick
Sénécal,  éditions Alire, num. 2008, 313 pages.)

LE VIDE est le récit de l’entrecroisement du destin de trois personnages : Pierre Sauvé, veuf, la quarantaine, policier qui enquête sur un quadruple meurtre. Frédéric Ferland, divorcé, psychologue à Saint-Bruno. Maxime Lavoie, célibataire, très riche, animateur de la série de téléréalité très controversée VIVRE AU MAX.

Ces trois personnages ont un point en commun : ils cherchent un sens à leur vie, une excitation qui la rendrait digne qu’on se batte pour elle… ces trois personnages convergent vers un destin commun à l’issue dramatique. Le but, combler ce qui manque cruellement à leur existence : un vide…peu importe ce qu’il en coûtera…

Du Sénécal pure laine
*Les réunions sont organisées par un certain Charles
qui incite les gens présents à se suicider. Il dit que
plus rien ne vaut la peine, que tout est vain et
que le mieux est de mourir.*
(Extrait de LE VIDE, tome 2, Patrick Sénécal, éditions
ALIRE, 2008, éd. Num.)

Pour utiliser d’entrée de jeu un cliché, Sénécal reste Sénécal. Il a le don de garder ses lecteurs et lectrices en captivité. Un peu comme King, il entretient la curiosité, un irrésistible besoin de continuer à lire pour satisfaire une curiosité qu’il a lui-même suscitée.

Dans LE VIDE, on assiste à l’installation et l’évolution graduelle de la démence dans l’esprit torturé de Maxime Lavoie, pdg milliardaire. Au départ, l’esprit de Lavoie est noble, empathique, ses buts sont de nature philanthrope, mais suite à une cruelle désillusion, son esprit se corrompt, s’avilit. Le bel altruisme du début fait place à la haine, la cruauté, la misanthropie.

Très graduellement, Lavoie met au point un plan très complexe et totalement démoniaque et pour ce faire, il utilisera des outils dont il dispose abondamment : de l’argent, une émission de téléréalité d’une brûlante insipidité qu’il produit et réalise lui-même, ce qui lui permet de rejoindre des milliers d’esprits faibles et dépressifs. Le mélange est explosif et aboutira sur un inimaginable drame humain.

Première chose à souligner (comme l’ont fait tous les critiques), les chapitres du livre sont publiés dans le désordre…33, 5, 34, 35, 18, 7, etc. Bien que n’empêchant pas la compréhension du récit, cette fantaisie impose au lecteur des sauts temporels qui peuvent être irritants. Personnellement, j’ai lu les chapitres dans le désordre, n’ayant aucune envie de passer mon temps à feuilleter.

Le fil conducteur du récit est solide et comporte trois éléments qui m’ont littéralement forcé à garder le livre ouvert : 1) la mystérieuse et dramatique aventure de Lavoie en Gaspésie, mentionnée un peu partout dans le récit et dévoilée vers la fin. C’est là semble-t-il où tout a basculé pour Lavoie.

2) Gabriel : rescapé du drame gaspésien, énigmatique adolescent d’une douzaine d’années, mentalement perturbé, muet, apathique, omniprésent dans le récit, personnage-clé.

3) Et bien sûr, le vide…le vide existentiel, c’est-à-dire l’expression d’une existence sans réalité, sans valeur. (Larousse) Si le vide est un thème plutôt abstrait au départ, l’auteur dévoile à la petite cuillère toute son horrible réalité.

C’est un roman tordu mais bien ficelé au point d’agripper le lecteur. Les personnages sont froids, aucun attachement possible. L’écriture est descriptive, le langage cru et direct autant pour les scènes sanglantes que les scènes de sexe. D’ailleurs dès le début, l’auteur fait la description fort détaillée d’une orgie assez torride merci. Ce n’est pas une diversion. D’ailleurs, il n’y a aucune diversion dans ce roman.

On aime ou on aime pas. Moi j’ai aimé.  Pas de demi-mesure avec Sénécal. Le lecteur est forcément appelé à se demander ce qui se passe dans l’esprit de l’auteur et comment les choses peuvent dégénérer à ce point. C’est dur et intense…au risque de me répéter…du Sénécal pure laine.

Suggestion de lecture : du même auteur, FAIMS

Patrick Sénécal né en 1967, est un écrivain québécois spécialisé dans le roman *noir*. Il est aussi scénariste et réalisateur. Il publie son premier roman en 1994 : 5150 rue des Ormes, adapté au cinéma en 2009. Il est détenteur de plusieurs prix littéraires importants dont le prix Boréal du meilleur roman en 2001 (Aliss) et le prix Masterton en 2006 (Sur le seuil) en plus des distinctions dans les salons du livre. Il a aussi publié deux romans pour la jeunesse. LE VIDE, est son 7e roman, le plus médiatisé de son œuvre. Consultez l’article consacré à son livre CONTRE DIEU

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE

H2G2, II

Commentaire sur le livre de
Douglas Adams

*Mesdames et messieurs…l’Univers tel que nous le
connaissons existe maintenant depuis cent soixante-
dix millions de milliards d’années et s’achèvera dans
un peu plus d’une demi-heure. Aussi, sans plus tarder,
bienvenue à tous et à chacun à Milliways, le dernier
restaurant avant la fin du monde!*
(extrait de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE
H2G2, II, Douglas Adams, Folio sf,  t.f. : éditions denoël 1982
211 pages, éd. Num.)

Nous sommes dans un futur indéterminé.  La terre a été détruite pour permettre la construction d’une voie rapide intergalactique. Un petit groupe, (un astrostoppeur, un androïde instable, un président de galaxie et deux terriens rescapés de la destruction) vadrouille de galaxie en galaxie équipé d’un guide galactique en faisant des sauts temporels, ce qui les rapproche dangereusement de la fin de l’univers : le big crunch. C’est ainsi que notre équipe, le temps d’une dernière bouffe, aboutit chez Milliways, le dernier restaurant avant la fin du monde. Il s’agit du deuxième tome de la pentalogie H2G2. 

Adams ou le futur halluciné
*Dans la crypte, les vingt-quatre joggers se
dirigèrent vers vingt-quatre sarcophages
vides alignés contre le mur, les ouvrirent,
y pénétrèrent et tombèrent dans
vingt-quatre sommeils sans rêve…*

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est un récit extrêmement original qui comporte de multiples facettes : on y trouve un peu de psychologie, de la philosophie…l’écriture rappelle parfois l’essai, l’étude de mœurs…on trouve évidemment de la science-fiction et de l’humour…beaucoup d’humour lié à la spontanéité des dialogues…

*Les Jatravartidiens de Viltevolde VI croient pour leur part que tout l’univers fut en réalité violemment éternué de la narine d’un être qu’ils nomment le Grand Archtoumtec vert…*

*…un guide touristique…mieux vendu que la théorie du trou noir, un itinéraire personnel par Teraroplopla Eccentrica (la fameuse prostituée à trois seins d’Eroticon Six) et même plus controversé que le dernier titre à scandale du philosophe Ooland Colluphid : Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le sexe tout en étant obligé de le trouver…*

*L’immeuble ne va pas tarder à atterrir. Pour sortir, ne prenez pas la porte…Sortez par la fenêtre…*

*Trin Tragula était un rêveur, un penseur, un spéculateur, un philosophe ou-comme se plaisait à le répéter son épouse-un idiot.* (extraits de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE de Douglas Adams).

Voilà pour l’humour…je ne me suis pas ennuyé à la lecture de ce livre. Pour l’aspect science-fiction, il y a plein de trouvailles que je vous laisserai découvrir. Je dirai toutefois que la question n’est pas de savoir où se situe le dernier restaurant avant la fin du monde mais plutôt  QUAND il se situe. L’auteur développe la théorie selon laquelle si l’univers a un commencement : LE BIG BANG, il aura aussi une fin : LE BIG CRUSH.

Or une bulle temporelle permet à des privilégiés d’assister à la fin de l’Univers en mangeant tranquillement…puis de revenir en arrière par saut temporel pour s’éloigner de la fin et permettre à la vie de continuer tout aussi tranquillement. L’auteur s’amuse ici à amplifier l’absurdité et le comique loufoque des clichés liés aux voyages dans le temps. Ça donne des passages très drôles et parfois même tordus et des trouvailles pour le moins farfelues.

J’ai maintes fois remarqué, dans mes lectures, que la philosophie d’apparence bon marché ou teintée d’humour cache souvent des pensées profondes et même de grandes vérités. À travers l’humour qui confine parfois à la loufoquerie, le récit d’Adams porte en lui une réflexion sur l’humanité, ses mythes religieux, ses cultures et comme il est question de fin du monde, l’histoire met en perspective des questionnements sur le sens de la vie et les buts de l’existence.

C’est un livre intéressant, bien écrit et qui va droit au but, avec un regard objectif sur notre ouverture d’esprit quant au rôle que nous jouons dans cette vie. Une lecture divertissante, agréable et même enrichissante…

Suggestion de lecture : HISTOIRES À LIRE AVANT LA FIN DU MONDE, collectif, recueil de nouvelles.

Douglas Adams (1952-2001) était un écrivain natif du Royaume-Uni. Il s’est fait connaître au départ par sa collaboration avec les Monthy Python. Mais son heure de gloire arrive avec la diffusion de la célèbre série radio H2G2 sur BBC. Quatre ans plus tard en 1979, Adams publie le premier tome du cycle H2G2 le guide du voyageur galactique. Le cycle sera complété en 1992 et comprendra cinq volumes. H2G2 sera par la suite adapté au théâtre, en série télévisée, au cinéma et même en jeu vidéo. LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est le deuxième tome de la série.

BONNE LECTURE
JAILU
MAI 2015

LE COQ DE BRUYÈRE, livre de MICHEL TOURNIER

*Car il est vrai qu’un ineffable secret l’unissait à vendredi, et ce secret, c’était une certaine petite tache verte qu’il avait fait ajouter dès son retour par un cartographe du port sur le bleu océan des Caraïbes…* (extrait de LE COQ DE BRUYÈRES, LA FIN DE
ROBINSON CRUSOÉ,  Michel Tournier, Éditions Gallimard, 1978, num. 214 pages)

LE COQ DE BRUYÈRE est un recueil de contes et nouvelles comprenant 14 récits aux formes variées. L’œuvre passe en revue quelques grands mythes (le Père Noël par exemple) en provoquant chez le lecteur différentes émotions contradictoires telles le bonheur et la tristesse, le rire et les larmes, la certitude et le scepticisme…Dans tous les récits, spécialement les plus tragiques, l’auteur fait intervenir l’humour…c’est ainsi qu’on découvre une nouvelle vertu étrange au citron, que l’ogre du Petit Poucet serait un hippie et même que le Père Noël aurait donné le sein à l’Enfant Jésus. Le titre d’un de ces récits est devenu celui du recueil : LE COQ DE BRUYÈRE.

Iconoclaste et séduisant…
*En tout cas, c’est défendu de manger
pendant la classe. Tu me copieras
cinquante fois ‘je mange des citrons
en classe’*
(extrait LA JEUNE FILLE ET LA MORT,
LE COQ DE BRUYÈRE)

LE COQ DE BRUYÈRE est un intéressant recueil de contes et de nouvelles, chaleureux et attendrissant qui attire le lecteur dans ses pages en faisant appel à un mélange d’émotions mises en valeur par un humour léger. Les récits sont quelque peu disparates.

Quelques-uns m’ont déçu, plusieurs m’ont accroché, spécialement ceux qui semblent allier les merveilles des contes classiques aux récits plus récents, de même tendance, mais qui se sont adaptés à la modernité comme LA FUGUE DU PETIT POUCET par exemple où l’auteur concède à l’ogre une nature de hippie qui évoque la recherche constante et inconditionnelle de la liberté.

LA FUGUE DU PETIT POUCET est un exemple de récit iconoclaste comme LA FIN DE ROBINSON CRUSOÉ ou LA MÈRE NOËL. Michel Tournier est un peu vandale dans son genre. À la lecture de ses récits, j’ai développé l’impression d’une tentative de sa part de redéfinir les mythes, de tirer un trait sur l’histoire et de se tourner vers l’avenir.

J’ai senti une dualité entre le concepteur et le philosophe et une merveilleuse capacité de balloter le lecteur de la tristesse à la joie, de la fragilité de l’esprit au courage et à l’abnégation.

Dans le COQ DE BRUYÈRE il y a des rebondissements, de l’inattendu, de l’originalité, de la recherche. J’ai été particulièrement surpris par LES SUAIRES DE VÉRONIQUE. Dans ce récit, Véronique est photographe et chaque photo qu’elle prend enlève une parcelle de vie à son modèle :

*…vous m’avez aussi beaucoup pris. Vingt-deux mille deux cents trente-neuf fois quelque chose de moi m’a été arraché pour entrer dans le piège à images, votre –petite boîte de nuit-…

Vous m’avez plumé comme une poule, épilé comme un lapin angora. J’ai maigri, durci, séché non sous l’effet d’un quelconque régime alimentaire,  mais sous celui de ces prélèvements effectués chaque jour sur ma substance…*(extrait LES SUAIRES DE VÉRONIQUES, LE COQ DE BRUYÈRE).

Bref, Véronique tue avec son appareil photo…un simple appareil photo qui a la particularité de *siphonner* la force vitale.

La plupart des récits sont venus me chercher mais LES SUAIRES DE VÉRONIQUE est sans doute celui qui m’a le plus surpris.

Avec la séduction de l’humour tendre, les récits sont porteurs de sagesse et d’une intéressante réflexion sur le sens de la vie et de la mort, le refus de grandir (thème développé avec brio dans le récit TUPIK où un jeune garçon projette de couper son pénis pour éviter de devenir un homme) et ça va plus loin avec des observations parfois saisissantes sur la nature humaine.

C’est tout Tournier…divertir et faire réfléchir. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, de Renaud Benoit

Michel Tournier (1924-  ) est un écrivain français né à Paris. Dès 1941, il développe un intérêt pour la philosophie. Malgré un échec au concours de l’agrégation, il gagne sa vie comme traducteur et rédacteur publicitaire, animateur et concepteur à la radio avant de joindre l’équipe du fameux éditeur PLON en 1959.

Il publie son premier roman en 1967 VENDREDI OU LES LIMBES DU PACIFIQUE, grand prix de l’Académie française. Avec ce chef d’œuvre et LE ROI DES AULNES, prix Goncourt en 1970, Tournier s’est par la suite entièrement voué à une brillante carrière littéraire tout en siégeant à l’Académie Goncourt.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015

FANTÔME EN HÉRITAGE, livre d’ANNIE JAY

*J’étais si terrifié que j’ai essayé en vain de crier,
j’étais comme paralysé. Et elle, elle me regardait
d’un air calme. Moi aussi je la regardais, et même
que je voyais au travers de son corps.*
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE, Annie Jay,
Hachette Livre, 1997, 2003 et 2006, éd. Num.
70 pages, Hachette jeunesse)

Ce récit est l’histoire de Brice, un jeune garçon de 12 ans qui s’installe avec sa mère dans une très ancienne maison, héritage de l’arrière- grand –oncle Joseph. En héritant de la maison, Brice se rend compte très vite qu’il a aussi hérité d’un fantôme qui l’habite : elle s’appelle Constance, tuée par Joseph pour son héritage et enterrée en secret. Ce fantôme frustré, capricieux, malin et têtu est bien décidé à mener la vie dure à Brice jusqu’à ce qu’elle obtienne justice ainsi qu’un enterrement digne du titre.

Brice accepte (a-t-il le choix?) d’aller au fond de cette affaire ne serait-ce que pour se débarrasser de cette peste. Il sera aidée par sa grand-mère, Blanche, appelée à juste titre Mamie Bazooka, une drôle de femme, farfelue et extravagante. Premier objectif pour Brice : surmonter sa peur. Ensuite, trouver le corps de Constance…rien de facile…

LA PESTE TRANSPARENTE
*-Je les ai hantés du soir au matin et
du matin au soir, fit en riant
l’intéressée. L’avantage pour les
fantômes, c’est qu’il n’existe ni
jour, ni nuit!
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE)

Comme tous les humains sont confrontés tôt ou tard à des histoires de fantômes, dans les livres, à la télé, au cinéma ou dans la tradition orale, et même paraît-il dans la vraie vie, autant commencer de bonne heure avec délicatesse, sensibilité et même, pourquoi pas, de l’humour. C’est ce que propose Annie Jay aux jeunes à partir de 8 ans.

Les parents peuvent se rassurer, c’est tout à fait sans danger. Le seul risque est celui de vous faire poser beaucoup de questions. À vous de satisfaire l’insatiable curiosité des jeunes avec discernement et faites comme madame Jay…ajoutez-y de l’humour.

Dans ce petit livre de moins de 75 pages, aisé à lire, tous les ingrédients sont réunis pour faire passer de bons moments aux enfants : des jeunes personnages attachants, une mamie extravertie et extravagante avec des cheveux rouges et des vêtements aux agencements de couleurs plutôt loufoques (et c’est pas pour rien qu’elle se fait appeler MAMIE BAZOOKA…imaginez…une grand-mère d’âge très respectable…en mini-jupe) et surtout, le fantôme d’une jeune fille d’une quinzaine d’années…

Le fantôme dont il est question dans cette petite histoire n’est pas vraiment méchant, mais c’est une peste, capricieuse, entêtée et collante. Il faudra un bel esprit d’équipe de Brice, le jeune personnage principal de l’histoire, et de ses amis, y compris l’excentrique Mamie Bazooka pour se débarrasser de cette peste.

Annie Jay est surtout spécialisée dans les romans historiques pour la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est un essai dans le vaste domaine littéraire du fantastique pour les jeunes lecteurs et lectrices. Mon avis est que c’est bien essayé. Elle a bien saisi tout l’état d’esprit d’un enfant, son goût en éveil pour le mystérieux, les petites intrigues, l’aventure.

FANTÔME en héritage est une belle petite histoire écrite avec sensibilité,  pleine de rebondissements et de rythme et développant des thèmes précieux pour les jeunes : l’esprit d’équipe, l’amitié et le courage qui consiste d’abord à surmonter sa peur.

Un bon ptit livre.

Suggestion de lecture : GHOST STORY, de Peter Straub

Annie Jay (1957-) est une auteure française spécialisée dans les romans historiques destinés à la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est une petite déviation dans la carrière de l’auteure qui tente un essai dans le mystère et le fantastique. Annie Jay est le passionnée d’histoire et motivée par l’objectif de transmettre aux jeunes le goût de la lecture. À ce jour, elle a publié 14 romans LA FIANCÉE DE POMPÉI, publié en 2013. Pour en savoir plus sur Annie Jay, consultez son site officiel : http://anniejay.com

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015

DES CLIQUES ET DES CLOAQUES, Jim Thompson

*Je lui expédie un crochet du droit, puis un
crochet du gauche : coup sur coup. Je la
laisse s’affaler au pied de l’escalier. Son
cou a l’air d’avoir allongé de dix
centimètres, et sa tête ballotte comme
une citrouille sur un cep de vigne.*
(extrait de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES,
Jim Thompson,  t.f.  Éditions Gallimard, 1967,
éd. Num. 160 pages)

Voici l’histoire de Frank Dillon, un raté,  du moins en apparence, qui partage sa vie entre sa femme, Joyce, une maritorne impossible et Stapple, son patron à l’esprit cruel et méchant pour qui il vend de la camelote de porte en porte. Un jour, alors qu’il croit réussir à vendre des couverts de table à une vieille femme, celle-ci offre à Dillon de se faire payer en nature en couchant avec sa nièce Mona. Dillon refuse et par bonté, laisse les couverts sur place et sort. Stapple menace de le congédier s’il ne rembourse pas. Entre  temps, la belle Mona offre à Dillon de l’aider à se débarrasser de sa vieille tante et mettre la main sur sa fortune. Dillon, ne réfléchis pas longtemps et élabore un plan machiavélique…

Noir, très noir…

*Je lui expédie six balles dans la tête et
dans la nuque. Il pique du nez et c’est
rideau pour Pete. Avant de partir, je
m’assure qu’il a passé. Sa figure ne
ressemble plus à grand-chose, mais
j’ai l’impression qu’il est mort
heureux. Il sourit.
(extrait de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES)

DES CLIQUES ET DES CLOAQUES est un récit extrêmement sombre…*les aventures véridiques d’un homme en proie à la poisse et aux mauvaises femmes* (titre du chapitre 22)…le récit de Frank Dillon, surnommé Dolly, dont la vie est une prise en étau entre *ses femmes*, de véritables poufiasses qu’il appelle *roulures* dans le texte, et son patron Stapple, un exploiteur cruel.

Dolly, un raté, sympathique au départ, devient un parfait salaud, menacé par un plus salaud que lui…les meurtres s’accumulent…

Ne vous attendez pas à des élans de joie de vivre dans ce récit très noir qui explore les bas-fonds de l’esprit humain. La plume est crue et directe : *Si je suis noir, plus noir qu’un trou à charbon…* (extrait)…*Ce soir, tue-la ce soir Dolly…* (extrait) .

Ce roman est développé un peu en dents de scie et pourtant on s’y accroche même si les personnages n’ont rien d’attachant. Comme le récit m’a amené à me demander comment on pouvait tomber aussi bas, je suis devenu comme accroché au texte.

Le petit côté décevant est que Thompson a très peu développé la relation entre Dolly et Mona (la fille exploitée par une vieille femme avec qui elle vivait) et qui devient elle aussi une roulure comme les autres. La finale, tout de même assez solide tient très peu compte de son destin. En revanche, l’auteur exploite à fond son personnage principal : Frank Dillon, un pauvre raté, exploité, qui devient paranoïaque, meurtrier et finalement suicidaire.

Malgré certaines longueurs, pardonnables à mon avis,  question de respirer un peu, le caractère sombre du récit va en s’intensifiant. Thompson nous entraîne dans un univers de folie et d’horreur. Sans être un chef d’œuvre, c’est un très bon roman qui décrit une clique de personnages douteux et dont l’esprit est moralement corrompu, ce qu’on appelle, sur le plan littéraire un cloaque. C’est un bon livre… qui porte bien son titre.

Suggestion de lecture : EN SACRIFICE À MOLOCH, d’Asa Larsson

Jim Thompson (1906-1977) est un écrivain américain. Son premier livre paraît en 1942 : NOW ON EARTH, inspiré du travail que Thompson faisait dans une usine d’aviation au début de la 2e guerre mondiale.  L’empreinte autobiographique de ce livre se retrouvera à des degrés divers dans l’ensemble de son œuvre.

La notoriété de Jim Thompson prend forme en 1956 alors qu’il écrit le script d’un des plus beaux films de Stanley Kubrik : LES SENTIERS DE LA GLOIRE. Ce travail amènera Thompson à s’installer à Hollywood où il continue d’écrire.

Son œuvre comprend plus d’une trentaine de  romans dont plusieurs sont devenus des classiques de la littérature américaine. La notoriété de l’auteur ne s’est installée que très graduellement et n’atteindra son apogée qu’après sa mort grâce, entre autres, à l’adaptation au cinéma de certains de ses romans.

C’est ainsi qu’Alain Corneau réalise SÉRIE NOIRE en 1979, adaptation cinématographique de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES. Plusieurs adaptations suivront dont LES ARNAQUEURS en 1990, nominé aux Oscars.

Affiche du film SÉRIE NOIRE réalisé par Alain Corneau en 1979, adaptation du roman de Jim Thompson DES CLIQUES ET DES CLOAQUES avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant et Bernard Blier.

BONNE LECTURE
JAILU
MAI 2015

CHIMÈRE, le livre de TESS GERRITSEN

*…Elle regardait l’abdomen de Kenichi, dont la peau semblait se plisser et se rider comme en proie à une ébullition intérieure. -Il y a quelque chose qui bouge…sous
sa peau…
(extrait de CHIMÈRE de Tess Gerritsen, t.f. Presses de la Cité, 2000, éd. Num. 436 pages)

Emma Watson,  est désignée pour une mission : étudier des organismes vivants dans l’espace,  observer en apesanteur l’évolution d’archéobactéries rapportées des profondeurs marines et dont la nature mortelle n’a jamais été révélée à la NASA. Dès son arrivée à bord de la station spatiale internationale, tout tourne mal.

Sous l’effet de la microgravité, les cellules contaminent chaque membre de l’équipage qui agonise dans d’horribles souffrances. S’engage alors une angoissante course contre la montre pour stopper la fureur de la Chimère et empêcher sa prolifération…compte à rebours médical d’une tension poussée à l’extrême d’autant que ces cellules peuvent absorber  l’ADN de leurs victimes…

Pas de quartiers…
*Nathan Helsinger avait enfin cessé de bouger.
Ce qui restait de sa tête gisait dans un lac de sang.
Il y en avait une telle quantité que, pendant un
moment, Roman ne vit rien d’autre. Puis, il
réussit à poser son regard sur le visage du mort.
Sur la masse bleu-vert frémissante qui adhérait
à son front. Des kystes. La Chimère.
(extrait de LA CHIMÈRE)

Je dois dire d’entrée de jeu qu’il est très difficile d’abandonner ce livre une fois qu’on en a entrepris la lecture. À partir du moment où la toxine est libérée dans la station spatiale internationale, le récit devient une suite pratiquement ininterrompue de catastrophes, de conséquences dramatiques…un implacable effet domino…une course haletante contre la montre.

LA CHIMÈRE est un thriller médical puissant, dans la lignée de Robin Cook et qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur l’incroyable pouvoir de l’infiniment petit…les micro-organismes.

Ce que j’appelle le fil conducteur de l’histoire est simple, facile à suivre. L’histoire commence au fond de l’océan où des chercheurs découvrent des archéobactéries qu’ils remontent en surface et soumettent par la suite à des expériences en microgravité dans l’espace à bord de la station spatiale internationale.

Ces micro-organismes, au départ inoffensifs pour l’être humain, et passant d’une condition extrême à l’autre, vont devenir un effroyable cauchemar et le lecteur est captif de ce cauchemar car dans le récit,  tout dégénère rapidement. Ça va vite…ça va très vite.

On dirait qu’à travers toute cette escalade, l’auteure s’est arrangée, par la force de son imagination et de sa plume, pour pousser le lecteur à s’interroger : Comment les choses font-elles pour en arriver là? Vont-ils s’en sortir? Y a-t-il de l’espoir?

Est-ce vrai que la vie trouve toujours son chemin? Gerritsen le précise bien dans son récit : *depuis le commencement des temps, les plus redoutables ennemis de l’humanité ont toujours été les plus petites formes de vie*. Le lecteur est pris et bien pris dans une infernale chaîne d’évènements jusqu’à la toute fin du récit…car la Chimère n’est rien d’autre qu’une branche à part de la vie…une abomination.

CHIMÈRE est un thriller haletant, percutant, extrêmement efficace, pas forcément original mais très habile et plongeant le lecteur dans des moments de forte tension. Une petite amourette allège à peine le tout et c’est tant mieux.

L’idée développée par Gerritsen dans son roman est loin d’être nouvelle, mais la logique qu’elle y déploie est tellement implacable qu’elle a réussi à me *figer*. En fait, je place CHIMÈRE dans une courte liste de livres qui m’ont fait passer par toute une gamme de fortes émotions et qui m’ont arracher des frissons (phénomène assez rares en ce qui me concerne).

Suggestion de lecture : CHIMAERIS, d’Éric Tourville

Tess Gerritsen est une écrivaine américaine née en 1953. Elle exerce la médecine à Hawaii. Parallèlement, elle s’adonne à l’écriture. Un jour elle envoie une nouvelle à un concours littéraire mis sur pied par le Honolulu magazine. Elle gagne le premier prix. Emballée par cette reconnaissance, elle quitte la médecine et se met à l’écriture à plein temps, des suspenses romantiques d’abord, mais c’est son premier thriller médical, DONNEUR SAIN qui lui apportera succès et notoriété. Entre autres distinctions, Tess Gerritsen a reçu le Nero Ward du meilleur roman policier en 2006 avec AU BOUT DE LA NUIT.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2015