LE CLUB DES VEUFS NOIRS, livre d’ISAAC ASIMOV

*Vous avez trop lu Agatha Christie, dit Rubin.
En fait, il s’avère que pour presque tous les
crimes, on s’aperçoit que la personne la plus
équivoque est celle qui est coupable…*
(extrait de RIEN QUE LA VÉRITÉ, du recueil LE CLUB
DES VEUFS NOIRS, Isaac Asimov, 10/18, 1974, éd.
num.)

Le CLUB DES VEUFS NOIRS est une incursion d’un maître de la science-fiction, Isaac Asimov dans le domaine policier. Ce recueil regroupe 12 récits évoquant les rencontres mensuelles de 6 hommes : LE CLUB DES VEUFS NOIRS. En effet, une fois par mois, ces 6 hommes, pas nécessairement veufs mais particulièrement érudits se réunissent pour diner. À chaque rencontre, un des six hommes invite une connaissance qui a une énigme complexe à résoudre ou une affaire étrange à soumettre, toujours de nature policière ou judiciaire.

Aidés par leur maître d’hôtel, Henri, particulièrement brillant, les six hommes s’emploient à résoudre l’énigme et chaque rencontre devient rapidement un marathon de déductions, de raisonnement et de concentration. Chaque nouvelle a le même cadre mais avec une situation et des acteurs différents.

Sept fois Hercule Poirot…
*J’en suis arrivé à un point où je dois en appeler
au grand principe de Sherlock Homes :
«Quand l’impossible a été éliminé, ce qui
reste, même si ça paraît improbable,
est la vérité »*
(extrait LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

D’Isaac Asimov, je connais surtout l’œuvre de science-fiction. C’est un maître dans ce type de littérature. Par exemple, ses livres mettant en scène les robots et les *positroniques* sont remarquables. J’étais curieux d’en savoir un peu plus sur la contribution d’Asimov dans l’univers du roman policier. Je me suis donc mis en quête d’un titre et un ami lecteur m’a suggéré LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

C’est un livre intéressant mais j’ai l’impression que le véritable pouvoir de la plume d’Asimov, c’est encore dans la science-fiction qu’on le trouve. Avec LE CLUB DES VEUFS NOIRS, j’avais l’impression de me retrouver en terrain connu, dans du déjà-vu. En effet le cadre me rappelle beaucoup LE CLUB DU MARDI d’Agatha Christie.

Le style et la profondeur des raisonnements n’est pas sans rappeler le grand Hercule Poirot, célèbre détective créé également par madame Christie. Il y a toutefois plus de palabres dans LE CLUB DES VEUFS NOIRS. Après tout, les limiers sont au nombre de 6, ou plutôt 7 devrais-je dire car il faut tenir compte du fameux Henri, le brillant maître d’hôtel qui, à lui seul, m’a tenu dans le coup.

Même si le livre n’est pas sans intérêt, je ne suis pas tellement amateur de ce style littéraire. Le contexte est statique. Il n’y a pas d’enquête, pas de déplacement, pas d’action. Sur les 7 principaux personnages, il y en a 6, ultra-rationnalistes, bavards et un peu machistes qui s’invectivent et s’écoutent parler.

Le septième personnage est celui qui m’a gardé captif du livre : Henri, le serviteur, estimé Maître d’hôtel des veufs noirs. C’est Henri qui, invariablement, à chaque récit, apporte les solutions, résout les énigmes et ce, avec une humilité désarmante :

*Ce n’était pas difficile dit Henry. Il se trouve que vous avez examiné toutes les possibilités qui ne pouvaient pas marcher. J’ai simplement suggéré celle qui restait.*
*…Vous êtes un détective remarquable. –Ce sont les Veufs Noirs qui le sont. Ils explorent le problème dans tous les sens. Je me contente ensuite de proposer la seule solution qui reste, dit Henry.*
(extrait de LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

Donc il faut prendre le livre pour son principal aspect positif. Chaque nouvelle du recueil est un exercice de logique, de raisonnement. Asimov imagine une intrigue, lui donne au départ un aspect banal, insignifiant qui se complexifie pendant le développement. Sa plume pousse inévitablement le lecteur à raisonner, à déduire. Pour aider le lecteur, Asimov parsème ses récits d’indices. C’est intelligent, efficace.

Et toujours, le dernier mot va à celui qui sait écouter et prendre les choses avec suffisamment de recul pour y voir clair. Ce cher Henri…il gagne à être connu.

En fin de compte, j’ai trouvé le livre agréable à lire. Je craignais de sombrer dans la monotonie parce que le cadre et l’environnement ne changent à peu près pas dans les nouvelles, mais l’auteur a apporté une variété intéressante dans la nature des intrigues.

Quoique j’aie encore une forte préférence pour l’œuvre de science-fiction d’Isaac Asimov, je vous invite à noter ce titre : LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE CYCLE DE FONDATION

Isaac Asimov (1920-1992) était chimiste, écrivain et vulgarisateur scientifique, natif de Russie et naturalisé américain en 1928. En littérature, Asimov a été extrêmement prolifique avec plus de 500 ouvrages publiés. Il a touché tous les genres, surtout la science-fiction. Dans une moindre mesure, Isaac Asimov a manifesté son intérêt pour la fiction policière. Il n’a jamais caché son intérêt pour Hercule Poirot qui est pour lui l’image parfaite du détective idéal. C’est donc en s’inspirant du célèbre limier qu’Isaac Asimov a imaginé le CLUB DES VEUFS NOIRS, véritable bijou d’ingéniosité, d’imagination et d’humour.

La carrière d’Isaac Asimov a connu un parcours tout à fait remarquable rehaussée d’une extraordinaire récolte de récompenses et de prix littéraires dont plusieurs prix LOCUS, NEBULA ET HUGO. Je signale enfin que trois films célèbres ont été réalisés d’après l’œuvre d’Asimov. LA MORT DES TROIS SOLEILS de Paul Mayersberg en 1988, L’HOMME BICENTENAIRE de Chris Columbus en 1999 et I, ROBOT d’Alex Proyas en 2004.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
août 2015

L’ANGE, le livre de MICHEL RIETSCH

*Les quelques dents qui pendaient encore aux
gencives furent éjectées par un ultime hoquet
de douleur…il était mort en catastrophe, trop
vite en tout cas pour que ses terreurs puissent
être convenablement créditées.*
(Extrait : L’ANGE, Michel Riestsch, Éditions Black-ebook,
octobre 2013, version num. 220 pages)

Dans les Vosges (France région Lorraine) un dangereux psychopathe, tueur en série, monstre sans pitié s’évade d’un hôpital où il était suivi par le docteur Sonnenfeld, un psychiatre au professionnalisme douteux. En liberté, Wilfried devient comme un fauve et s’adonne avec délectation à son activité préférée : tuer, massacrer. Parallèlement aux forces policières, Sonnenfeld décide de traquer sans relâche le tueur. Cette quête amènera le psychiatre aux sommets de l’horreur, aux limites de l’imaginable. C’est une traque contre la montre et le temps fait défaut.

Terrifiant. Rien de moins
*…la barre effectua un arc de cercle de golfeur
et arriva à toute vitesse en plein sur la
bouche qui éclata en une gerbe de sang.
Sous le choc, la tête heurta violemment le
mur arrière et l’homme perdit
connaissance.
Déjà dans les pommes? Petite nature va!
(Extrait : L’ANGE)

C’est un livre étrange, un récit noir, glauque, développé dans une écriture typique de Rietsch qui agrippe le lecteur sans lui laisser de répit ou très peu. Il est très difficile de résumer un tel livre, car dévoiler ne serait-ce qu’une bribe amènerait rapidement le lecteur à la conclusion.

Il faut le lire et se laisser aller dans ce récit aux développements imprévisibles, récit qui est aussi un voyage dans les méandres visqueux d’un esprit torturé qui ne tire jouissance que dans le meurtre et la torture autant physique que psychologique. Bref, l’esprit d’un monstre.

On ne peut pas vraiment résumer une telle descente dans l’horreur mais je peux mettre le lecteur sur le sentier en dévoilant, très partiellement, comment l’auteur dévoile la nature de Wilfried : *…car ses méfaits étaient soutenus et organisés par une intelligence structurée su service d’une perversité démoniaque.*

Ou plus habile encore : *Mais avant d’avoir été véritablement en contact avec la vie, … la beauté de la mort l’habitait déjà. Qu’y pouvait-il? C’est une des raisons qui l’avait décidé à opter pour une distraction un peu différente de l’idée qu’on s’en faisait habituellement : tuer. Un loisir qui en vaut un autre.* (Extraits)

Je pourrais aussi mettre le lecteur sur le sentier d’une compréhension partielle en disant que le titre du livre est justifié : *Les anges n’ont pas de sexe mais ils ont de l’imagination.* (Extrait) …il y a là une petite saveur de surnaturel, de fantastique et aussi de recherche sur le plan psychologique.

C’est un thriller efficace, une course contre la montre qui entraîne malgré lui le lecteur qui ne peut absolument pas imaginer la suite des évènements. L’intensité de l’écriture et le rythme parfois effréné bousculent le lecteur mais le *laisse difficilement s’échapper*.

Quant aux versions du livre : censurée et non censurée, préférant ne pas trop penser qu’on puisse me prendre pour une poire, je vous dirai que ça ne change pas grand-chose, car si vous avez l’âme sensible, je vous déconseille tout simplement la lecture de ce livre que ce soit en version censurée ou pas. Vous éviterez ainsi de tomber dans le petit piège d’une banale opération de marketing.

En conclusion, je suis bien conscient que je n’ai pas dévoilé grand-chose de l’intrigue, mais si vous êtes d’attaque et pas trop sensible, je vous recommande la lecture de ce livre qui n’est pas très long. Laissez-vous simplement guider par l’auteur dans une atmosphère opaque, bizarre, teintée d’un humour pour lequel je serais tenté d’utiliser les mêmes qualificatifs.

…un livre fort avec, au programme humour noir et mort blanche…

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

Michel Rietsch est un auteur français né à Strasbourg en Alsace (est de la France) en 1956. Dès son adolescence, il s’intéresse aux livres et aux auteurs susceptibles d’exacerber ses rêves de voyage et de liberté. C’est pendant cette période qu’il apprendra son métier de cuisinier. Par la suite il réalisera ses rêves de voyage qui l’amèneront d’aventure en aventure avant qu’il se réinstalle en Alsace, 17 ans plus tard, pour y exercer son métier de cuisinier et…pour écrire… dans différentes maisons d’édition.

Il a publié entre autres LA NOTATION, bien sûr L’ANGE en deux versions, censurée et non-censurée, parues chez Black-Ebook en 2013, je cite aussi DU SEL ET DES HOMMES qui relate la grande aventure qui a marqué l’histoire et l’économie de l’Alsace. Rietsch réside dans les Vosges en Lorraine.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015

SEVENTEEN, le livre de KENZABURÔ Ôé

*Voilà un gauchiste qui tape à côté de la cible!
dit ma sœur sur un ton moqueur. Ça m’a mis
hors de moi. En hurlant, je lui donné un coup
de pied en plein dans le front. Elle est tombée
à la renverse…son visage aux traits ingrats a
blêmi de manière effrayante…*
(extrait de SEVENTEEN de Kenzaburô Ôé, 1961,
traduit en français chez Gallimard en 2005, éd. Num.
rééd. 2011, Folio)

SEVENTEEN est une nouvelle extraite de FASTE DES MORTS de Kenzaburô Ôé. C’est le récit d’un adolescent japonais de 17 ans perturbé et accablé par l’indifférence et le laxisme de son père, les moqueries de ses camarades, obnubilé par son physique et ses désirs sexuels. Un jour, il est recruté par le Parti de droite. Sa vie va basculer dès son enrôlement dans cette organisation politique utilisant la violence et la perturbation sociale pour parvenir à ses fins. L’ado à l’esprit torturé y voit enfin la possibilité de devenir QUELQU’UN. Cette nouvelle évoque la recrudescence de l’ultranationalisme  du parti impérial japonais dans les années 60.

JEUNE CONSCIENCE À LA DÉRIVE
*L’uniforme de l’Action Impériale imitait
celui des S.S. Lorsque je marchais dans
les rues ainsi vêtu, j’éprouvais là-aussi
une vive sensation de bonheur…j’avais
la certitude que les autres ne voyaient
plus ce qu’il y avait en moi de mou, de
faible, de vulnérable, de disgracieux
et je me sentais au paradis.*
(extrait de SEVENTEEN)

Seventeen est le dur récit d’un adolescent japonais frappé de plein fouet par les travers impitoyables de l’adolescence dans un contexte culturel complexe et évolutif, et où pour beaucoup de jeunes japonais, atteindre le bonheur consiste à vivre à l’américaine. Le jeune narrateur est perturbé, son estime de soi est à peu près nulle, aussi nulle que l’attention que lui accorde son père, aussi nulle que ses relations avec ses pairs…

C’est un récit d’une grande violence empreint de rancœur, de tristesse et d’une recherche désespérée d’amour et de reconnaissance.

Ôé raconte comment l’extrême fragilité de cet adolescent à l’esprit torturé l’amènera à adhérer à un système politique mû par l’absolutisme impérial et qui utilise largement la violence pour arriver à ses fins. Notre jeune *seventeen* y voit une occasion unique d’être reconnu par les siens, d’être respecté, bref, d’être quelqu’un.

Avec une plume dramatique, Ôé décrit de façon détaillée la détresse psychologique d’un ado déjà pris dans un étau social car il faut comprendre le contexte du début des années 60 au Japon pour saisir cette détresse. Les jeunes japonais étaient piégés entre l’impérialisme, le socialisme, le communisme,  les factions de droite et le libéralisme à l’américaine. Ce sont les extrémistes qui ont eu raison de la fragilité de *seventeen*.

Ce contexte politique et social est peu développé dans le récit. Je peux comprendre car SEVENTEEN est une nouvelle. Mais comme l’auteur décrit avec un luxe de détails les pulsions sexuelles du garçon, il aurait pu je crois, sacrifier un peu cet aspect au profit d’une description plus complète du contexte social des années 60 au Japon. Le récit commence même par la croustillante description d’une séance d’onanisme qui n’apporte pas grand-chose à l’ensemble.

Tout de même, le récit est bref, il se lit vite et bien et surtout, il propose une profonde réflexion sur la fragilité de l’adolescence et les nombreuses façons dont elle peut être influencée dans une société en déséquilibre.

Suggestion de lecture : MENVATTS IMMORTEL, de Dominic Bellavance

Kenzaburô Ôé est un écrivain japonais né dans l’île Shikoku au Japon en 1935. Ses premiers textes sont publiés dans les années 50. En 1958, il reçoit le prix AKUTAGAWA, l’équivalent du prix GONCOURT français, pour GIBIER D’ÉLEVAGE adapté au cinéma par Nagisa Oshima sous le titre UNE BÊTE À NOURRIR. En 1964, la naissance de son fils, anormal, bouleverse sa vie tout comme son univers littéraire. Il écrit un livre déchirant s’inspirant de ce drame : UNE AFFAIRE PERSONNELLE.  Écrivain original, Kenzaburô Ôé  reçoit le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1961.

BONNE LECTURE
JAILU
AOÛT 2015

PANIQUE À LA MAISON BLANCHE, Clive Cussler

*Les hélicoptères de l’armée et de la marine
grouillent comme des sauterelles et on
pourrait presque traverser le fleuve à sec
tellement les garde-côtes sont nombreux.
Vous ne m’avez pas tout dit Amiral, loin de là.*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE,
Clive Cussler, t.f. Grasset et Fasquelle 1985,
463 pages en édition numérique)

Le Catawba, navire garde-côte reçoit un SOS dans le golfe de Cook, Alaska. Les garde-côtes arrivent trop tard. Tout le monde est mort à bord de l’Amie Marie. Plusieurs évènements graves vont s’enchaîner : entre autres, le Président des États-Unis disparaît et réapparaît plusieurs jours plus tard avec un comportement anarchique qui échappe à toute logique. Plusieurs autres personnalités disparaissent et les morts s’accumulent.  Ainsi commence le défi le plus dramatique de la carrière de Dirk Pitt : mettre fin à une effroyable machination destructrice qui risque de rompre irrémédiablement l’équilibre mondial. 

Implacable machination

*L’eau s’engouffra aussitôt par les énormes
brèches de la coque. Le VENICE frémit et
entama son agonie. Il ne lui fallut que
huit minutes pour mourir…*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE)

C’est du grand Cussler, fidèle à son style et la force de son écriture : intrigue solide, évolution et enchaînements rapides, action, héroïsme, nombreux rebondissements, imprévisibilité et bien sûr, l’omniprésence de la mer et des fonds marins sans oublier l’évocation d’une passion de l’auteur, et par ricochet de son personnage fétiche Dirk Pitt pour les vieilles voitures.

J’ai reconnu aussi Cussler dans son habitude de vouloir parfois trop en mettre. Ça donne de nombreux passages peu vraisemblables et plutôt arrangeants sur le plan littéraire.

Bien que ce roman n’invente pas la roue, son idée de base est intéressante et soulève une question non moins intéressante : Qu’est-ce qui arrivera à l’humanité le jour où on pourra manipuler et programmer à sa guise un cerveau humain? Pour l’instant c’est de la science-fiction mais au rythme où évoluent la science et la technologie il faut croire que rien n’est impossible.

J’ai noté une phrase en cours de lecture qui illustre bien le côté dramatique de la question…*Le secrétaire d’État pianota sur son bureau : -le président disparaît pendant 10 jours, et quand il revient, il perd les pédales*.
Il y a là une fort intéressante matière à débat.

Autre élément intéressant dans ce livre est qu’il nous met le nez dans l’incroyable complexité de l’administration américaine et de ses services secrets, de ses coulisses militaires, des relations internationales, des effets pervers de la ruse politique, de la corruption et de la recherche du pouvoir à tout prix.

L’ensemble est un peu classique, mais c’est un thriller efficace qui se lit vite et bien et dont l’évolution est très rapide ce qui a pour effet de garder le lecteur captif. Les habitués de Cussler ne seront peut-être pas surpris.

Suggestion de lecture : DÉSAXÉ, de Lars Kepler

Clive Cussler est un romancier américain né en Illinois le 15 juillet 1931. Sa passion pour la vie sous-marine, le patrimoine marin international et les épaves transparaît dans l’ensemble de son œuvre. Il a entamé sa carrière d’écrivain en 1965 avec VORTEX (difficile à vendre au départ) Puis MAYDAY, suivi de ICEBERG où il introduit un personnage qui deviendra récurent dans la suite de son œuvre : DIRK PITT l’aventurier. Le premier grand succès littéraire de Cussler fût RENFLOUEZ LE TITANNIC. Cussler est aussi réputé pour son impressionnante collection de voitures reconstituées.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015

NOIRE RÉVÉLATION, le livre de BRENDA NOVAK

trilogie de Stillwater tome 3

*Intéressant qu’elle tombe sur un magazine de
cul dans le bureau de son père, vous ne trouvez
pas? Demanda Hunter. Pour quelqu’un qui


promet l’enfer dimanche après dimanche à
ceux qui commettent le péché de chair, ça fait
un peu désordre non?*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION, le tome 3 de la
trilogie STILLWATER de Brenda Novak. Éditions
Harlequin, coll. Mira, 2010, édition. Numérique)

Vingt ans après la mystérieuse disparition de son père dans la petite ville de Stillwater, Madeline voit son existence à nouveau ébranlée par ce drame : la voiture de son père est retrouvée dans un recoin d’une carrière abandonnée. Madeline engage Hunter Solozano, un détective privé pour enquêter et remonter la piste. Ce dernier découvre de sérieux indices dans la voiture. Madeline veut pousser l’enquête et éclaircir le mystère, ce qui rend sa famille mal à l’aise. Ses proches tentent en effet de détourner Madeline de son investigation et garde un silence plutôt culpabilisant sur les mystérieux évènements d’il y a 20 ans. Il y en a semble-t-il, qui ont beaucoup à cacher.

Après NOIR SECRET et NOIRS SOUPÇONS,
NOIRE RÉVÉLATION…
Tout ce qu’il y a de plus noir…
*Norman jeta un coup d’œil vers le
cadavre ballonné et de nouvelles
gouttes de sueur se formèrent sur
son front plus pâle que jamais.*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION)

Premier point important, même si NOIRE RÉVÉLATION est le troisième volet d’une trilogie, il peut se lire indépendamment des deux autres. C’est ce que j’ai fait. Les retours dosés sur le passé sont suffisants pour nous plonger et nous maintenir dans l’atmosphère pesante du récit.

Dans ce récit, Madeline, jeune journaliste de Stillwater se morfond parce que la disparition de son père 20 ans plus tôt n’a jamais été élucidée. Son père était pasteur, un homme apprécié, aimé, respecté. Au début du récit, une voiture est retirée d’une rivière…la voiture du pasteur…l’enquête est relancée mais Madeline, ne faisant pas confiance à la police locale engage un détective privé : Hunter Solozano. Et voilà que tout le monde devient nerveux et mal à l’aise.

C’est un récit dur qui dévoile à la petite cuillère la personnalité d’un véritable monstre. C’est un roman efficace en particulier parce que dans le récit, tout le monde dans la famille de Madeline a quelque chose à cacher, et ce quelque chose a toutes les apparences d’une collusion visant à empêcher l’éclatement de la vérité. Ça complique terriblement l’enquête de Solozano. Le fil conducteur est assez serré et fige l’attention du lecteur.

Un point m’a singulièrement agacé dans le récit : c’est un cliché répandu…la belle jeune femme, à cheval sur sa pudeur et mêlée dans ses sentiments engage un détective de type adonis, récemment divorcé et…surprise…une amourette couve dès la première rencontre et se développe avec l’enquête. Les deux éléments finissent par s’imbriquer et évoluer ensemble et il est très facile de deviner comment ça va finir…c’est ordinaire et agaçant.

Heureusement, Novak garde son lecteur dans le coup et l’attire inexorablement dans l’horreur car ce qui sera révélé s’inspire de la cruauté et de la folie insoutenable.

Je vous dirai en terminant que Brenda Novak ne fait pas dans la dentelle avec NOIRE RÉVÉLATION. Plusieurs passages sont de nature à soulever le cœur. Ne lisez pas ce livre si vous avez l’âme très sensible car la brutalité, la perversité et la cruauté y sont révélées souvent de façon crue et directe.

Puisqu’il est question de pédophilie, le livre suscite une réflexion sérieuse sur une corde extrêmement sensible de la société et semble vouloir nous livrer le message classique et trop souvent oublié : ne jamais se fier aux apparences.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY de Robert Goddart

Brenda Novak est une auteure américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers. Elle publie son premier livre chez Harper Collins en 1999 : OF NOBLE BIRTH traduit en français sous le titre DE NOBLE NAISSANCE et depuis, sa notoriété est grandissante avec plus d’une trentaine de titres et de nombreuses nominations à de prestigieux prix littéraires.

Elle a affiné son art en imprégnant ses ouvrages d’une forte intensité psychologique. Brenda Novak qui a déjà vendu plus de 4 millions de livres dans le monde est mère de 5 enfants et vit à Sacramento en Californie. Elle œuvre comme bénévole dans le financement de la lutte contre le diabète.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2015

L’ILIADE ET L’ODYSSÉE, livre de HOMÈRE

*Zeus s’irrita à son tour : -Quel mal Priam et ses enfants t’ont-ils fait pour que tu sois si résolue à détruire leur belle ville? De toutes les cités du monde, Troie est la plus chère à mon cœur. -Tout ce que je te demande répondit Héra, est de permettre à Athéna de descendre sur le champ de bataille et de pousser les Troyens à rompre la trêve. (extrait d’un document conçu par Jean-Philippe Marin et basé sur L’ILIADE d’Homère, 1956, édition des Deux Coqs d’or, adap. : Jane Werner Watson, 135 pages, éd. Num.)

L’ILIADE ET L’ODYSSÉE est un document basé sur le livre du même nom, adapté du poème original d’Homère par Jane Werner Watson. Le document ainsi que le site internet qui y est associé ont été conçus et réalisé par Jean-Philippe Marin, écrivain essentiellement numérique qui a passé sa jeunesse à Athènes en Grèce, l’endroit parfait pour se lier au chef d’œuvre de la littérature grecque racontant une épopée de la Grèce antique et attribué à Homère qui prête vie à des personnages célèbres de la mythologie grecque, ainsi qu’à une forteresse à conquérir : Troie.

LE JOUET DES DIEUX
*Mais le géant au cœur sans pitié répondit :
-Tu es bien naïf si tu crois qu’ici, nous nous
soucions des Dieux. Nous sommes plus forts
qu’eux.
Là-dessus, il étendit les bras et saisit deux
des hommes. Il leur brisa la tête contre terre,
puis découpa leurs membres et en fit son souper.*
(extrait de L’ILIADE ET L’ODYSSÉE)

L’Iliade et L’Odyssée sont deux des plus belles histoires de la littérature. C’est avec Homère que je suis devenu un passionné de la littérature grecque et quand j’ai besoin d’une diversion dans mes lectures, je replonge dans le fabuleux récit épique et poétique du célèbre aède.

Il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, il y a les Dieux de l’Olympe, ces yoyos qui prennent le parti des hommes un jour et qui se retournent contre eux le lendemain. Il y a surtout des hommes qui par leur courage et leur ténacité ont bravé les Dieux afin de limiter leurs excès et leur faire comprendre que le jour où les hommes choisiront de ne plus croire aux Dieux, ceux-ci ne seront plus rien.

Et puis il y a le côté fantastique du récit qui réussit chaque fois à pousser mon esprit à la dérive, à m’imaginer que je suis aux côtés d’Ulysse bravant le cyclope, déjouant les ruses de Circée ou s’apaisant dans les bras de Calypso.

Voilà le pouvoir d’Homère. Agripper le lecteur, l’entraîner dans un univers onirique et lui faire connaître des personnages puissants, mystérieux, orgueilleux et susceptibles :  Zeus, Athéna, Apollon, Poséidon, Ulysse, Achille, Hector et plusieurs autres…il semble en effet que les Dieux soient assez *tassés* dans l’Olympe.

Je recommande chaleureusement la lecture de l’Iliade et l’Odyssée. C’est un récit enchanteur qui se lit très bien. L’écriture est fluide et les chapitres sont courts. L’Iliade s’attarde surtout à la guerre de Troie et à la célèbre ruse du Cheval de Troie et l’odyssée se concentre sur le retour d’Ulysse vers son royaume d’Ithaque : une errance dramatique qui a duré plus de 20 ans et pendant laquelle Ulysse a perdu tous ses amis et a dû affronter des créatures inimaginables et surtout des Dieux malins et capricieux.

Bien sûr, les poèmes homériques ont une connotation philosophique. Une errance de 20 ans ne pousse-t-elle pas à l’introspection…? Je crois que vous passerez un bon moment avec cette œuvre que je qualifie de magistrale.

Suggestion de lecture : PERCY JACKSON, tome 1, LE VOLEUR DE FOUDRE, de Rick Riordan

Homère est un poète grec de la fin du VIIIe siècle avant J.C. Le débat sur la réalité historique du personnage est toujours actif de nos jours, mais jusqu’à preuve du contraire, on lui attribue deux œuvres majeures de la littérature : L’ILIADE et L’ODYSSÉE, plusieurs poèmes et bien sûr, les hymnes homériques. 

On sait peu de choses sur la vie d’Homère malgré quelques biographies anciennes mais qui sont apparemment peu crédibles. Selon la tradition, Homère aurait été aveugle et il aurait été parent avec le célèbre musicien Orphée.

Jean-Philippe Marin est un écrivain essentiellement numérique. Il est aussi spécialisé dans la création de sites web créatifs. Il a créé entre autres un site basé sur l’adaptation des poèmes d’Homère : L’ILIADE ET L’ODYSSÉE, œuvre dont il est un passionné. Ce site a reçu de nombreuses récompenses partout dans le  monde et est utilisé dans de nombreuses écoles. On peut le consulter à :   http://iliadeodyssee.com

L’ODYSSÉE AU CINÉMA

La meilleure adaptation de L’ODYSSÉE au cinéma est, à mon avis, celle d’Andrei Konchalosky sortie en 2006. La performance d’Armand Assante dans le rôle d’Ulysse est remarquable.

Même si on ne voit pas tous les exploits du héros qui défie les Dieux, la reconstitution de la légende d’Homère est excellente et c’est une des rares adaptations qui nous permet de connaître un peu la belle CALYPSO, nymphe des mers et fille d’ATLAS incarnée par la superbe Vanessa Williams qui nous offre une magnifique performance.

Vanessa Williams dans le rôle de Calypso

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LES CONTES DU WHISKY, recueil de JEAN RAY

*…deux mains énormes, froides, dures comme
l’acier. Dans un silence immense, sans cri, sans
haine, avec une méthode et une sûreté de
machine, elles serraient mon cou.*
(extrait de LES CONTES DU WHISKY, LA NUIT DE
CAMBERWELL, Jean Ray, Nouvelles Éditions Oswald,
1ère édition : 1925, 134 pages, éd. Num.)

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray paru en 1925 et rééditée plusieurs fois par la suite. C’est un recueil d’histoires noires,  diaboliques, contes d’horreur, de crimes crapuleux. Ces brèves nouvelles sont inspirées du quotidien inquiétant des coins obscurs de Londres : les ports, les docks brumeux, tavernes malfamées, ruelles sombres, le tout dans une atmosphère de malfaisance, de crimes et de déchéance sociale aux limites du surnaturel. Le narrateur est plus souvent qu’autrement ivre, le whisky étant omniprésent dans les récits. 

Vapeurs éthyliques et mort
*Non mon maître. Il était au milieu des siens,
quand il s’est levé subitement en criant :
C’EST L’HEURE! Puis il partit d’un grand
éclat de rire et il est tombé mort…il était
minuit 20.
(MINUIT 20, extrait de LES CONTES DU WHISKY)

Je dois dire que j’ai passé un bon moment avec ce livre qui est présenté en deux parties : LES CONTES DU WHISKY et QUELQUES HISTOIRES DANS LE BROUILLARD. Les nouvelles sont très courtes et se déroulent dans les coins les plus sombres et les plus mystérieux de Londres ou dans le légendaire brouillard ouaté qui recouvre si souvent cette ville.

Bien sûr, les récits sont empreints de mystère, de fantastique. Le tout semble vouloir atteindre presque le surnaturel un peu à la manière d’Edgar Allen Poe. Toutefois, ce qui m’a le plus fasciné dans ce recueil, c’est l’humour particulier qu’on y retrouve…un humour édulcoré, tamisé, un peu noir et sans aucun doute rehaussé par une impressionnante adulation du divin whisky… :

*Il y a des morts galants; souvent même leurs amours portent fruit…Ce sont des mort-nés, cela va sans dire. Jusqu’ici, on s’est fort peu occupé de leur éducation. (extrait LES CONTES DU WHISKY,  MON AMI LE MORT)…C’est bon…fameux…Parmi les choses que je regretterai, il y aura le whisky…je suis trempé…Quelle horreur…un peu de whisky pour me donner du cœur…(extrait LES CONTES DU WHISKY, LA DERNIÈRE GORGÉE)

Ce qui est très spécial aussi dans ces récits, c’est que pour plusieurs d’entre eux, le narrateur est ivre, solidement imbibé de whisky, ce qui favorise le vagabondage de l’esprit du lecteur. On peut de cette façon, relire autant de fois qu’on veut un récit et lui trouver autant d’interprétations.

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray. Sa façon directe et ironique de décrire un univers mystérieux et féroce, un peu onirique, voire surnaturel lui a valu un départ fulgurant dans sa carrière littéraire. Je recommande la lecture de ce livre. Les récits sont très brefs et décrivent un monde de déchéance avec un style particulier où l’horreur, le fantastique et un humour imagé se chevauchent. Je crois que vous passerez un bon moment.

…juste en parler m’a donné une de ces soifs…

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Raymond Jean-Marie de Kremer (1887-1964) est un écrivain belge. Jean Ray est le pseudonyme qu’il s’est choisi pour écrire en français. LES CONTES DU WHISKY furent le point de départ d’une carrière fascinante : plus d’une centaine d’aventures d’ Harry Dickson, très populaire dans les années 30 et MALPERTUIS, son premier roman fantastique publié en 1943, œuvre majeure adaptée à l’écran par Ham Kümel. Je cite aussi LES CONTES NOIRS DU GOLF,  et LA GRANDE FROUSSE adapté à l’écran par Jean-Pierre Mocky. Ray a aussi écrit plusieurs livres en néerlandais sous le pseudonyme John Flanders.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE VIDE, tomes 1 et 2, livre de PATRICK SÉNÉCAL

1-VIVRE AU MAX
2-FLAMBEAUX

*Les assassins tiraient sur Nadeau et les policiers,
mais Rivard ne mourait pas sur le coup : son
ventre explosait, son visage se faisait déchiqueter
par les balles, il continuait pourtant de hurler à
l’aide…*
(extrait de LE VIDE tome 1, VIVRE AU MAX, de Patrick
Sénécal,  éditions Alire, num. 2008, 313 pages.)

LE VIDE est le récit de l’entrecroisement du destin de trois personnages : Pierre Sauvé, veuf, la quarantaine, policier qui enquête sur un quadruple meurtre. Frédéric Ferland, divorcé, psychologue à Saint-Bruno. Maxime Lavoie, célibataire, très riche, animateur de la série de téléréalité très controversée VIVRE AU MAX.

Ces trois personnages ont un point en commun : ils cherchent un sens à leur vie, une excitation qui la rendrait digne qu’on se batte pour elle… ces trois personnages convergent vers un destin commun à l’issue dramatique. Le but, combler ce qui manque cruellement à leur existence : un vide…peu importe ce qu’il en coûtera…

Du Sénécal pure laine
*Les réunions sont organisées par un certain Charles
qui incite les gens présents à se suicider. Il dit que
plus rien ne vaut la peine, que tout est vain et
que le mieux est de mourir.*
(Extrait de LE VIDE, tome 2, Patrick Sénécal, éditions
ALIRE, 2008, éd. Num.)

Pour utiliser d’entrée de jeu un cliché, Sénécal reste Sénécal. Il a le don de garder ses lecteurs et lectrices en captivité. Un peu comme King, il entretient la curiosité, un irrésistible besoin de continuer à lire pour satisfaire une curiosité qu’il a lui-même suscitée.

Dans LE VIDE, on assiste à l’installation et l’évolution graduelle de la démence dans l’esprit torturé de Maxime Lavoie, pdg milliardaire. Au départ, l’esprit de Lavoie est noble, empathique, ses buts sont de nature philanthrope, mais suite à une cruelle désillusion, son esprit se corrompt, s’avilit. Le bel altruisme du début fait place à la haine, la cruauté, la misanthropie.

Très graduellement, Lavoie met au point un plan très complexe et totalement démoniaque et pour ce faire, il utilisera des outils dont il dispose abondamment : de l’argent, une émission de téléréalité d’une brûlante insipidité qu’il produit et réalise lui-même, ce qui lui permet de rejoindre des milliers d’esprits faibles et dépressifs. Le mélange est explosif et aboutira sur un inimaginable drame humain.

Première chose à souligner (comme l’ont fait tous les critiques), les chapitres du livre sont publiés dans le désordre…33, 5, 34, 35, 18, 7, etc. Bien que n’empêchant pas la compréhension du récit, cette fantaisie impose au lecteur des sauts temporels qui peuvent être irritants. Personnellement, j’ai lu les chapitres dans le désordre, n’ayant aucune envie de passer mon temps à feuilleter.

Le fil conducteur du récit est solide et comporte trois éléments qui m’ont littéralement forcé à garder le livre ouvert : 1) la mystérieuse et dramatique aventure de Lavoie en Gaspésie, mentionnée un peu partout dans le récit et dévoilée vers la fin. C’est là semble-t-il où tout a basculé pour Lavoie.

2) Gabriel : rescapé du drame gaspésien, énigmatique adolescent d’une douzaine d’années, mentalement perturbé, muet, apathique, omniprésent dans le récit, personnage-clé.

3) Et bien sûr, le vide…le vide existentiel, c’est-à-dire l’expression d’une existence sans réalité, sans valeur. (Larousse) Si le vide est un thème plutôt abstrait au départ, l’auteur dévoile à la petite cuillère toute son horrible réalité.

C’est un roman tordu mais bien ficelé au point d’agripper le lecteur. Les personnages sont froids, aucun attachement possible. L’écriture est descriptive, le langage cru et direct autant pour les scènes sanglantes que les scènes de sexe. D’ailleurs dès le début, l’auteur fait la description fort détaillée d’une orgie assez torride merci. Ce n’est pas une diversion. D’ailleurs, il n’y a aucune diversion dans ce roman.

On aime ou on aime pas. Moi j’ai aimé.  Pas de demi-mesure avec Sénécal. Le lecteur est forcément appelé à se demander ce qui se passe dans l’esprit de l’auteur et comment les choses peuvent dégénérer à ce point. C’est dur et intense…au risque de me répéter…du Sénécal pure laine.

Suggestion de lecture : du même auteur, FAIMS

Patrick Sénécal né en 1967, est un écrivain québécois spécialisé dans le roman *noir*. Il est aussi scénariste et réalisateur. Il publie son premier roman en 1994 : 5150 rue des Ormes, adapté au cinéma en 2009. Il est détenteur de plusieurs prix littéraires importants dont le prix Boréal du meilleur roman en 2001 (Aliss) et le prix Masterton en 2006 (Sur le seuil) en plus des distinctions dans les salons du livre. Il a aussi publié deux romans pour la jeunesse. LE VIDE, est son 7e roman, le plus médiatisé de son œuvre. Consultez l’article consacré à son livre CONTRE DIEU

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE

H2G2, II

Commentaire sur le livre de
Douglas Adams

*Mesdames et messieurs…l’Univers tel que nous le
connaissons existe maintenant depuis cent soixante-
dix millions de milliards d’années et s’achèvera dans
un peu plus d’une demi-heure. Aussi, sans plus tarder,
bienvenue à tous et à chacun à Milliways, le dernier
restaurant avant la fin du monde!*
(extrait de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE
H2G2, II, Douglas Adams, Folio sf,  t.f. : éditions denoël 1982
211 pages, éd. Num.)

Nous sommes dans un futur indéterminé.  La terre a été détruite pour permettre la construction d’une voie rapide intergalactique. Un petit groupe, (un astrostoppeur, un androïde instable, un président de galaxie et deux terriens rescapés de la destruction) vadrouille de galaxie en galaxie équipé d’un guide galactique en faisant des sauts temporels, ce qui les rapproche dangereusement de la fin de l’univers : le big crunch. C’est ainsi que notre équipe, le temps d’une dernière bouffe, aboutit chez Milliways, le dernier restaurant avant la fin du monde. Il s’agit du deuxième tome de la pentalogie H2G2. 

Adams ou le futur halluciné
*Dans la crypte, les vingt-quatre joggers se
dirigèrent vers vingt-quatre sarcophages
vides alignés contre le mur, les ouvrirent,
y pénétrèrent et tombèrent dans
vingt-quatre sommeils sans rêve…*

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est un récit extrêmement original qui comporte de multiples facettes : on y trouve un peu de psychologie, de la philosophie…l’écriture rappelle parfois l’essai, l’étude de mœurs…on trouve évidemment de la science-fiction et de l’humour…beaucoup d’humour lié à la spontanéité des dialogues…

*Les Jatravartidiens de Viltevolde VI croient pour leur part que tout l’univers fut en réalité violemment éternué de la narine d’un être qu’ils nomment le Grand Archtoumtec vert…*

*…un guide touristique…mieux vendu que la théorie du trou noir, un itinéraire personnel par Teraroplopla Eccentrica (la fameuse prostituée à trois seins d’Eroticon Six) et même plus controversé que le dernier titre à scandale du philosophe Ooland Colluphid : Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le sexe tout en étant obligé de le trouver…*

*L’immeuble ne va pas tarder à atterrir. Pour sortir, ne prenez pas la porte…Sortez par la fenêtre…*

*Trin Tragula était un rêveur, un penseur, un spéculateur, un philosophe ou-comme se plaisait à le répéter son épouse-un idiot.* (extraits de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE de Douglas Adams).

Voilà pour l’humour…je ne me suis pas ennuyé à la lecture de ce livre. Pour l’aspect science-fiction, il y a plein de trouvailles que je vous laisserai découvrir. Je dirai toutefois que la question n’est pas de savoir où se situe le dernier restaurant avant la fin du monde mais plutôt  QUAND il se situe. L’auteur développe la théorie selon laquelle si l’univers a un commencement : LE BIG BANG, il aura aussi une fin : LE BIG CRUSH.

Or une bulle temporelle permet à des privilégiés d’assister à la fin de l’Univers en mangeant tranquillement…puis de revenir en arrière par saut temporel pour s’éloigner de la fin et permettre à la vie de continuer tout aussi tranquillement. L’auteur s’amuse ici à amplifier l’absurdité et le comique loufoque des clichés liés aux voyages dans le temps. Ça donne des passages très drôles et parfois même tordus et des trouvailles pour le moins farfelues.

J’ai maintes fois remarqué, dans mes lectures, que la philosophie d’apparence bon marché ou teintée d’humour cache souvent des pensées profondes et même de grandes vérités. À travers l’humour qui confine parfois à la loufoquerie, le récit d’Adams porte en lui une réflexion sur l’humanité, ses mythes religieux, ses cultures et comme il est question de fin du monde, l’histoire met en perspective des questionnements sur le sens de la vie et les buts de l’existence.

C’est un livre intéressant, bien écrit et qui va droit au but, avec un regard objectif sur notre ouverture d’esprit quant au rôle que nous jouons dans cette vie. Une lecture divertissante, agréable et même enrichissante…

Suggestion de lecture : HISTOIRES À LIRE AVANT LA FIN DU MONDE, collectif, recueil de nouvelles.

Douglas Adams (1952-2001) était un écrivain natif du Royaume-Uni. Il s’est fait connaître au départ par sa collaboration avec les Monthy Python. Mais son heure de gloire arrive avec la diffusion de la célèbre série radio H2G2 sur BBC. Quatre ans plus tard en 1979, Adams publie le premier tome du cycle H2G2 le guide du voyageur galactique. Le cycle sera complété en 1992 et comprendra cinq volumes. H2G2 sera par la suite adapté au théâtre, en série télévisée, au cinéma et même en jeu vidéo. LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est le deuxième tome de la série.

BONNE LECTURE
JAILU
MAI 2015

LE COQ DE BRUYÈRE, livre de MICHEL TOURNIER

*Car il est vrai qu’un ineffable secret l’unissait à vendredi, et ce secret, c’était une certaine petite tache verte qu’il avait fait ajouter dès son retour par un cartographe du port sur le bleu océan des Caraïbes…* (extrait de LE COQ DE BRUYÈRES, LA FIN DE
ROBINSON CRUSOÉ,  Michel Tournier, Éditions Gallimard, 1978, num. 214 pages)

LE COQ DE BRUYÈRE est un recueil de contes et nouvelles comprenant 14 récits aux formes variées. L’œuvre passe en revue quelques grands mythes (le Père Noël par exemple) en provoquant chez le lecteur différentes émotions contradictoires telles le bonheur et la tristesse, le rire et les larmes, la certitude et le scepticisme…Dans tous les récits, spécialement les plus tragiques, l’auteur fait intervenir l’humour…c’est ainsi qu’on découvre une nouvelle vertu étrange au citron, que l’ogre du Petit Poucet serait un hippie et même que le Père Noël aurait donné le sein à l’Enfant Jésus. Le titre d’un de ces récits est devenu celui du recueil : LE COQ DE BRUYÈRE.

Iconoclaste et séduisant…
*En tout cas, c’est défendu de manger
pendant la classe. Tu me copieras
cinquante fois ‘je mange des citrons
en classe’*
(extrait LA JEUNE FILLE ET LA MORT,
LE COQ DE BRUYÈRE)

LE COQ DE BRUYÈRE est un intéressant recueil de contes et de nouvelles, chaleureux et attendrissant qui attire le lecteur dans ses pages en faisant appel à un mélange d’émotions mises en valeur par un humour léger. Les récits sont quelque peu disparates.

Quelques-uns m’ont déçu, plusieurs m’ont accroché, spécialement ceux qui semblent allier les merveilles des contes classiques aux récits plus récents, de même tendance, mais qui se sont adaptés à la modernité comme LA FUGUE DU PETIT POUCET par exemple où l’auteur concède à l’ogre une nature de hippie qui évoque la recherche constante et inconditionnelle de la liberté.

LA FUGUE DU PETIT POUCET est un exemple de récit iconoclaste comme LA FIN DE ROBINSON CRUSOÉ ou LA MÈRE NOËL. Michel Tournier est un peu vandale dans son genre. À la lecture de ses récits, j’ai développé l’impression d’une tentative de sa part de redéfinir les mythes, de tirer un trait sur l’histoire et de se tourner vers l’avenir.

J’ai senti une dualité entre le concepteur et le philosophe et une merveilleuse capacité de balloter le lecteur de la tristesse à la joie, de la fragilité de l’esprit au courage et à l’abnégation.

Dans le COQ DE BRUYÈRE il y a des rebondissements, de l’inattendu, de l’originalité, de la recherche. J’ai été particulièrement surpris par LES SUAIRES DE VÉRONIQUE. Dans ce récit, Véronique est photographe et chaque photo qu’elle prend enlève une parcelle de vie à son modèle :

*…vous m’avez aussi beaucoup pris. Vingt-deux mille deux cents trente-neuf fois quelque chose de moi m’a été arraché pour entrer dans le piège à images, votre –petite boîte de nuit-…

Vous m’avez plumé comme une poule, épilé comme un lapin angora. J’ai maigri, durci, séché non sous l’effet d’un quelconque régime alimentaire,  mais sous celui de ces prélèvements effectués chaque jour sur ma substance…*(extrait LES SUAIRES DE VÉRONIQUES, LE COQ DE BRUYÈRE).

Bref, Véronique tue avec son appareil photo…un simple appareil photo qui a la particularité de *siphonner* la force vitale.

La plupart des récits sont venus me chercher mais LES SUAIRES DE VÉRONIQUE est sans doute celui qui m’a le plus surpris.

Avec la séduction de l’humour tendre, les récits sont porteurs de sagesse et d’une intéressante réflexion sur le sens de la vie et de la mort, le refus de grandir (thème développé avec brio dans le récit TUPIK où un jeune garçon projette de couper son pénis pour éviter de devenir un homme) et ça va plus loin avec des observations parfois saisissantes sur la nature humaine.

C’est tout Tournier…divertir et faire réfléchir. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, de Renaud Benoit

Michel Tournier (1924-  ) est un écrivain français né à Paris. Dès 1941, il développe un intérêt pour la philosophie. Malgré un échec au concours de l’agrégation, il gagne sa vie comme traducteur et rédacteur publicitaire, animateur et concepteur à la radio avant de joindre l’équipe du fameux éditeur PLON en 1959.

Il publie son premier roman en 1967 VENDREDI OU LES LIMBES DU PACIFIQUE, grand prix de l’Académie française. Avec ce chef d’œuvre et LE ROI DES AULNES, prix Goncourt en 1970, Tournier s’est par la suite entièrement voué à une brillante carrière littéraire tout en siégeant à l’Académie Goncourt.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015