LES FILLES DE CALEB, d’ARLETTE COUSTURE

LES FILLES DE CALEB
tome 1 : Le chant du coq

-Ben, vous savez…son rhume qui traîne depuis
le commencement de l’hiver… Ben… le docteur
a dit que c’est pas un rhume ordinaire…Ça l’air
que… Ben nous autres on pensait que C’était
une pneumonie… Mais le docteur a dit que ça
l’air d’être plus grave…*
(Extrait : LES FILLES DE CALEB, Tome 1 de 3, LE CHANT
DU COQ, Arlette Cousture, Éditions Québec/Amérique,
Édition de papier, 540 pages.)

Cette oeuvre nous fait connaître une héroïne forte et passionnée, Émilie Bordeleau, dont nous suivons le destin de 1892 à 1946. Institutrice dans une humble école de rang de Saint-Tite, Émilie s’éprend d’un de ses élèves, Ovila Pronovost, à qui elle finit par unir sa vie, pour le meilleur et pour le pire. Leur amour, leurs défis, leurs épreuves, voilà ce qui nous est raconté dans ce roman qui n’a cessé d’embraser l’imagination des lecteurs depuis bientôt deux décennies. Cette trilogie une chronique dans laquelle on suit le quotidien de Caleb, Célina et de leurs filles dans le décor grandiose de la Mauricie. 

ENTRE BONHEUR ET MALHEUR
LE DÉFI D’UNE VIE
*Il se rendit à peine compte qu’elle
avait enlacé ses épaules de ses
bras tant son âme l’avait
quitté pour rejoindre la voie
lactée*
(Extrait : LES FILLES DE CALEB)

Mon idée au départ était de lire ce classique d’Arlette Cousture pour me faire une idée de la qualité d’adaptation à l’écran. Jamais je n’aurais cru être autant imprégné d’une télésérie. Chaque fois que je lisais une réplique d’ovila, je revoyais Roy Dupuis incarner l’éternel enfant qui affectionnait la liberté et…la bouteille.

Chaque fois que je lisais un passage impliquant Caleb, je revoyais Germain Houde jouer le rôle du père à la fois timide et inquisiteur et chaque fois que la parole était à Émilie, je revoyais Marina Orsini jouer le rôle d’une jeune fille un peu en avant de son temps avec un caractère bien trempé. Je me rends compte que la télé a occulté le livre. En effet, cette télésérie a été une des plus populaires dans l’histoire de la télévision canadienne.

Toutefois, avec le recul du temps, le livre pourrait bien sortir de l’ombre car il commence à être en demande à nouveau. Quoiqu’il en soit, j’ai adoré ma lecture à cause de la spontanéité de ses personnages et parce qu’il dépeint un portrait extrêmement réaliste de l’histoire du Québec, fin des années 1800, début des années 1900.

Et puis je peux bien le dire, j’avais un préjugé favorable au départ car l’histoire se déroule dans ma belle Mauricie, à Saint-Tite, Saint-Stanislas et Shawinigan qui est ma ville natale. Arlette Cousture dépeint avec émotion la difficile survie des familles québécoises dans les campagnes, un taux de mortalité élevé, une économie en dents de scie.

L’auteure développe aussi l’autre côté de la médaille : le caractère précieux de la famille, l’entraide, sans compter une magnifique description de la nature et des superbes paysages de la Mauricie. Autre aspect intéressant, Émilie Pronovost était une pionnière étant une des premières femmes laïques à devenir enseignante devant affronter ainsi continuellement le caractère misogyne de son époque, reflet de l’histoire du Québec.

Arlette Cousture brille par son caractère direct. En effet, l’histoire couvre une longue période, elle comprend trois livres et pourtant, il n’y a pas de longueurs pas de redondances mises à part la récurrence inhérente à l’histoire : les nombreuses *brosses* d’Ovila et comme c’était courant à l’époque, un enfant attend pas l’autre.

LES FILLES DE CALEB est essentiellement une histoire d’amour, triste avec une intensité dramatique addictive qui comprend une bonne dose d’émotion. Le fil conducteur est précis et solide donc le livre se lit très bien et vite. L’écriture est soignée et forte. L’ensemble est bien structuré et se détache par la richesse du langage. Il y a en  effet un bel étalage de jargon québécois mais pas à outrance. Pour moi, ça demeure limpide tout au long du récit.

Même si le style va droit au but avec des phrases courtes, ça ne nuit pas à la compréhension des sentiments qui animent les principaux personnages. En lisant, j’avais souvent la télésérie en tête ce qui répond peut-être à une de vos interrogations : oui, j’aurais dû lire le livre avant de regarder la télésérie. C’est ce que je fais habituellement.

Ici je croyais que tout ce temps écoulé allait me permettre de lire sans influence et en toute indépendance le livre d’Arlette Cousture. Ce ne fût pas le cas.  Mais je crois sans l’ombre d’un doute que LES FILLES DE CALEB est un chef d’œuvre de la littérature québécoise adapté jusqu’en France. À lire ou relire.

Suggestion de lecture : RUE PRINCIPALE, de Rosette Laberge

À LIRE AUSSI

     

Née à Saint-Lambert en 1948, Arlette Cousture a pratiqué plusieurs métiers avant de se consacrer entièrement à l’écriture. Elle a été animatrice pour différents magazines culturels, recherchiste, journaliste et même relationniste. C’est en 1985 qu’est publié le premier tome de la série Les Filles de Caleb – Le chant du coq. Le deuxième, Le cri de l’oie blanche, sort à peine un an plus tard. 

Le dernier volet de la trilogie, L’abandon de la mésange, paraît en 2003. L’œuvre a été adaptée à la télévision au début des années 1990 et, plus récemment, en comédie musicale. En 2010, pour souligner les vingt-cinq ans de la série, les trois tomes sont réédités aux Éditions Libre Expression.

L’œuvre d’Arlette Cousture a séduit des centaines de milliers de lecteurs de par le monde.

En haut à gauche, Marina Orsini incarne Émilie Bordeleau. En haut à droite, Germain Houde dans le rôle de Caleb Bordeleau. En bas à l’avant-plan, Roy Dupuis incarne Ovila Pronovost, soupirant d’Émilie Bordeleau. Le téléroman est en vingt épisodes réalisés par Jean Beaudin. Il a été diffusé par Radio-Canada d’octobre 1990 à février 1991 et par France 3 de décembre 1992 à avril 1993.

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 27 juin 2020

LE COMPLOT MALONE, de STEVE BERRY

*« Dites-leur bien que je ne suis pas encore mort ! » répliqua le président avec un de ses célèbres sourires. Mais personne n’ignorait qu’il déclinait, et qu’aucune puissance au monde n’y pouvait rien* (Extrait : LE COMPLOT MALONE, Steve Berry, trad. Fr. : Éditions Le Cherche Midi, 2015, édition de papier, pocket, 610 pages)

Un employé du Trésor américain a dérobé de mystérieux documents relatifs à un secret d’état qui, s’il était révélé, risquerait de changer la face du monde. Cotton Malone, est sollicité pour les récupérer. Et il n’est pas seul à vouloir mettre la main sur les fameux papier… Des mystères des Pères Fondateurs des États-Unis jusqu’à une énigmatique entrevue clandestine entre  Roosevelt et son secrétaire d’État au Trésor, une nuit de 1936, en passant par les signes ésotériques cachés dans les symboles de l’Amérique, Cotton Malone va ainsi aller de révélation en révélation. 

AU BORD DE LA CATASTROPHE
*Il était impossible de prévoir la tournure qu’allaient
prendre les évènements, et cette incertitude était ce
qu’il y avait de plus pénible. Mais elle avait confiance :
Ils trouveraient le moyen de gérer la situation.>
(Extrait : LE COMPLOT MALONE)

Nous retrouvons ici un héros récurrent dans l’œuvre de Steve Berry : Harold Earl Malone, appelé affectueusement Cotton, un libraire scandinave installé à Copenhague. C’est surtout un agent à la retraite de la division Magellan, la redoutable unité des services secrets du département américain de la Justice. Dans LE COMPLOT MALONE, Cotton reprend du service avec une investigation complètement différente : une enquête fiscale.

Il faut être très attentif au début de l’histoire, plus précisément au prologue qui raconte une mystérieuse rencontre secrète, une nuit de 1936 entre le président américain de l’époque, Théodore Roosevelt et son secrétaire au Trésor, Andrew Mellon. Ces deux personnages se détestent singulièrement. Mellon finit par poser une énigme au président.

Entre temps des documents importants sont volés, susceptibles d’ébranler le système politique et financier américain. Un fonctionnaire est poursuivi parce qu’il ne paye pas ses impôts. Il prétend que l’impôt américain est illégal. Tout est en lien. Il existe semble-t-il des preuves à l’effet que le 16e amendement établi en 1936 est truffé d’irrégularités rendant l’impôt illégal ce qui mettrait les États-Unis en faillite et bouleverserait l’économie mondiale.

Entre temps, le président de la Coré du Nord, Kim Yong-jin, un monstre assoiffé de pouvoir tente l’impossible pour mettre la main sur la preuve de l’illégalité du 16e amendement dans l’unique but de détruire les États-Unis par l’intérieur, une implosion pure et simple. Vu la complexité de l’affaire, on appelle Cotton et des agents du Trésor Américain.

Dans ce livre, il faut bien saisir toute la portée du prologue et y revenir au besoin. LE COMPLOT MALONE est un récit complexe dans lequel intervient une grande quantité de personnages. Par rapport aux autres livres de Berry, Cotton Malone est plutôt effacé dans LE COMPLOT MALONE mais son rôle demeure crucial.

Il y a du monde, beaucoup de monde…trop je crois. Les agents se bousculent d’une certaine façon. La plupart des personnages sont plus ou moins bien travaillés et j’ai un peu l’impression que Berry a compliqué l’histoire inutilement.

Mais si on a bien compris qui fait quoi, si on a bien saisi l’importance de cette discussion entre Roosevelt et son secrétaire au Trésor ainsi que les motivations des belligérants, en particulier le dictateur coréen et Howell, il nous reste le plaisir de se *frotter* aux forces du récit : il est vif, intense et fertile en rebondissement.

La principale force du roman est son caractère intrigant. Ce roman a comme toile de fond l’impôt sur le revenu. Essayons de nous imaginer qu’est-ce qui se passerait si dans notre pays, quelqu’un réussissait à prouver que l’impôt sur le revenu est illégal depuis son entrée en vigueur.

Ça ferait un sacré remboursement au contribuable. Ça pousserait surtout le système à la faillite et s’ensuivrait chaos et anarchie. Bref, il y a des choses sur lesquelles il vaut mieux fermer les yeux.

LE COMPLOT MALONE n’est pas à proprement parlé un roman historique. Il faut juste bien comprendre ce qui s’est passé en 1936. Le livre est très bien documenté et dans une postface extrêmement pertinente, l’auteur sépare la réalité de la fiction. La plume est un peu lourde et redondante mais le caractère intrigant du récit m’a gardé captif. J’ai fini par dévoré ce livre…donc je vous le recommande.

Suggestion de lecture : LE PRÉSIDENT A DISPARU, de Bill Clinton et James Patterson

Steve Berry est un avocat et auteur américain vivant dans l’état de Géorgie. Il s’est spécialisé dans les thrillers sur fond d’énigmes historiques. Il a publié plusieurs romans aux Éditions Le Cherche Midi dont LE TROISIÈME SECRET (2006),  LA PROPHÉTIE CHARLEMAGNE (2010), LE CODE JEFFERSON (2012) et L’HÉRITAGE OCULTE (2014).

La plupart des titres sont disponibles chez Pocket. Traduits dans une quarantaine de langues, les thrillers de Berry ont figuré sur la liste des best-sellers dès leur parution aux États-Unis. Vous pouvez retrouver toute l’actualité de Steve Berry en visitant
www.steveberry.org  (site en anglais)

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 29 mai 2020

L’HOMME QUI MIT FIN À L’HISTOIRE, de KEN LIU

*(1931) Nous sommes à la périphérie de Harbin, dans le district de Pingfang… L’unité 731 de l’armée impériale japonaise y a mené durant la guerre d’atroces expériences sur des milliers de chinois et Alliés captifs pour permettre au Japon de créer des armes biologiques et de conduire des recherches sur les limites de l’endurance humaine. * (Extrait : L’HOMME QUI MIT FIN À L’HISTOIRE, Ken Liu, origine 2011, présente édition, numérique, Le Bélial, collection une heure-lumière)

Deux scientifiques mettent au point un procédé permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée, sans interférer avec l’objet de son observation. Une révolution qui promet la vérité sur les périodes les plus obscures de l’histoire. Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, l’Unité 731 se livra à l’expérimentation humaine à grande échelle entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d’un demi-million de personnes…

L’Unité 731, à peine reconnue par le gouvernement japonais en 2002, passée sous silence par les forces d’occupation américaines pendant des années, est la première cible de cette invention révolutionnaire. La vérité à tout prix. Quitte à mettre fin à l’Histoire.

LA VÉRITÉ À TOUT PRIX
*Ce que je souhaite vraiment, c’est que
ce que j’ai vu ne se soit jamais produit.
Mais personne ne peut m’exaucer…*
(Extrait : L’HOMME QUI MIT FIN À L’HISTOIRE)

C’est un livre très original, un documentaire présenté sous diverses formes narratives. Des scientifiques réussissent à isoler des particules subatomiques appelées BOHM-KIRINO. Adéquatement manipulées, ces particules permettent un voyage dans le temps, essentiellement le passé, une seule fois par endroit visité par une seule personne qui ne pourra jamais interférer dans ce qu’il voit et entend.

Évidemment, c’est très limité mais ça permet de résoudre des mystères et les énigmes du passé et ça permet aussi de connaître la vérité sur des évènements pénibles, longtemps cachés par les gouvernements, couverts d’abjection, d’opprobre et de honte.

Le livre cite un de ces évènements : les basses œuvres de l’unité 731, une section japonaise de recherches qui, pendant la deuxième guerre, s’est livrée à d’indescriptibles et innommables expérimentations avec des hommes, femmes et enfants vivants :

*Il arrivait qu’un médecin tire une balle dans le ventre d’un prisonnier pour simuler une blessure de guerre sur laquelle nous perfectionner. Après les opérations, l’un des officiers décapitait le sujet chinois ou l’étranglait. Les vivisections servaient parfois pour les stagiaires de leçons d’anatomie et de distractions. * (Extrait)

J’ai été captivé par ce livre même si j’ai senti que les particules BOHM-KIRINO ne sont qu’un prétexte pour rappeler les méfaits de l’Unité 731 et tenter de leur donner une finalité afin de forcer les gouvernements impliqués à s’excuser. Ce qui m’a surtout fasciné dans ce livre qui ne fait qu’une centaine de pages, c’est la matière à réflexion qu’il induit.

Par exemple, un gouvernement doit-il reconnaître les erreurs d’un passé dont il n’est pas responsable. Il y a trop de responsabilités qui s’imbriquent et de changements dans les juridictions.

Est-ce qu’on peut mettre fin à l’histoire, est-il sain d’avoir le dernier mot à l’histoire. Qu’est-ce qu’on ferait de toute cette crasse enterrée par l’histoire. En plus d’être fasciné par la réflexion et la recherche que Ken Liu me pousse à faire, le livre contient beaucoup d’idées intéressantes.

Mais que faire d’une vérité qui fait aussi mal que celle sur les boucheries de l’Unité 731 et comment limiter les responsabilités au Japon quand on sait que le général américain MacArthur, commandant en chef des forces alliées, a préservé les membres de l’Unité 731 de toutes poursuites judiciaires pour crimes de guerre afin de récupérer les résultats de leurs expériences et de soustraire les dites données à l’Union soviétique.

Plus de 3000 personnes sont mortes dans les laboratoires de l’horreur de l’Unité 731. Vous avez compris que ce livre est venu me chercher. Les abominations décrites dans ce livre sont une négation de la vie et le livre comme tel est une dénonciation du négationnisme.

Malgré tout, je n’ai pas senti chez l’auteur de haine ou de désir de vengeance. L’aspect science-fiction du livre permet à l’auteur de pointer sévèrement le doigt sur un épisode sanglant et honteux de l’histoire. Ça sent le prétexte.

C’est un livre qui m’a ébranlé, choqué et qui m’a fait réfléchir. Le sujet est difficile, mais il est traité avec une remarquable intelligence. L’auteur réussit à imbriquer avec finesse la science-fiction dans la réalité historique. Il en découle un caractère philosophique subtil, dépourvu de lourdeur et de langage compliqué.

L’auteur ne condamne pas, mais se demande plutôt qu’est-ce qu’on peut faire pour que ces horreurs ne se reproduisent pas. Je vous avertis, il y a des passages à soulever le cœur. Je ne crois pas qu’il s’agisse de sensationnalisme prémédité. C’était tout simplement inévitable. Bref, je vous recommande L’HOMME QUI MIT FIN À L’HISTOIRE…un petit livre qui ne manque pas de grandeur. Il est très fort et ne vous laissera pas indifférent.

Suggestion de lecture : L’HOMME QUI N’AVAIT PAS DE NOMBRIL, de Michel Leboeuf

Ken Liu est un écrivain américain d’origine chinoise né en 1976. Il est aussi informaticien juriste et traducteur de science-fiction spéculative. D’ailleurs, il a déjà reçu un prix pour l’excellence de ses traductions en science-fiction et fantasy. Ses nouvelles et textes ont été publiés dans de nombreux magazines prestigieux. Les œuvres de Liu ont été récompensés par de nombreux et prestigieux prix littéraires. Il continue son œuvre dans le domaine des nouvelles et romans courts.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche mai 2020

L’ESPIONNE, le livre de PAULO COELLHO

*J’avais été baptisée avec le sang de la femme d’Andreas, et, grâce à ce baptême,
j’étais libre pour toujours, bien que nous ne sachions, ni lui ni moi, jusqu’où cette
liberté nous mènerait.
(Extrait : L’ESPIONNE, Paulo Coellho, Flammarion 2016. Édition de papier, t.f. 200 pages)

Arrivée à Paris sans un sou en poche, Mata Hari, s’impose rapidement comme une danseuse vedette. Elle a un charisme extraordinaire. Elle séduit le public, ensorcèle les hommes les plus riches et les plus puissants de l’époque. Aurait-elle accumuler des secrets monnayables ? Toujours est-il que son mode de vie flamboyant fait scandale et attire bientôt les soupçons tandis que la paranoïa s’empare du pays en guerre. Arrêtée en 1917, elle est accusée d’espionnage au profit de l’empire allemand Elle fut reconnue coupable et exécutée. Paulo Coelho nous conte l’histoire inoubliable d’une femme qui paya de sa vie son goût pour la liberté.

INSAISISSABLE ET INDÉPENDANTE
*…il n’avait qu’un but et il n’avait pas besoin
de me dire lequel : coucher avec moi. J’étais
immensément embarrassée avec cet homme
laid, mal élevé, aux yeux écarquillés, et qui
se jugeait le plus grands d’entre les grands.*
(Extrait : L’ESPIONNE)

Dans une longue lettre à son avocat, Maître Clunet, Mata Hari raconte et explique la chaîne d’évènements qui a précédé son exécution à Vincennes en 1917 pour espionnage et trahison.

C’est donc Mata Hari qui a la parole : une femme courageuse, résolument libre mais dont le mode de vie flamboyant a attiré les soupçons à une époque instable où la guerre fait rage. Elle a couché avec beaucoup d’hommes influents. Est-ce que ça fait d’elle une espionne ? Une chose est sûre, Mata Hari n’a pas vu venir le panier de crabes dans lequel elle devait s’enliser. Mais toujours, elle garde la tête haute.

L’Histoire laisse à penser que Mata Hari a été reconnue coupable d’espionnage et de trahison sur des preuves plus que douteuses. Il fallait absolument un coupable pour assoir le jeu de pouvoir d’un personnage important et haut placé….Pourquoi pas…on l’a bien fait avec le soldat Dreyfus…tant qu’à sombrer dans la crasse et l’incompétence.

J’ai trouvé ce livre bien écrit, passionnant à lire. Il débute avec l’exécution de Mata Hari, fusillée la tête haute parce qu’elle tapait sur *le système du système*. Puis on peut lire la longue lettre à son avocat, un pantin désarticulé et dépassé, puis, une longue lettre de ce même avocat à Mata Hari…une lettre qu’elle ne lira jamais.

Même si ce sont les mœurs qui devancent son temps qui ont amené Mata Hari devant le peloton d’exécution et sans doute aussi son incapacité de *regarder où elle mettait les pieds*, l’écriture de Coelho pousse le lecteur et la lectrice vers un sentiment d’injustice.

Tout le long du récit, j’ai senti l’investissement de Coelho en authenticité et en sensibilité et j’ai réalisé dans la deuxième moitié du récit que Mata Hari aimait l’argent et le luxe, autre élément soi-disant incriminant poussant l’artiste vers sa chute.

Espionne ? Vraiment ? : *ce qu’il voulait dire, sans avoir le courage de le prononcer, c’était le mot : espionne. Quelque chose que je ne ferais jamais de ma vie. Comme vous devez vous le rappeler, excellentissime Maître Clunet, j’ai dit cela dans cette farce de procès : «Prostituée, oui. Espionne, jamais. * (Extrait)

Bien que ce livre soit le témoignage d’une femme hors du commun, il ne s’agit pas d’une biographie en tant que telle. Quoique la vie de Mata Hari s’inspire de faits réels dans les grandes lignes aux dires de l’éditeur et que l’auteur a tenté de reconstituer la vie de Mata Hari à partir de données historiques, ce livre demeure une œuvre de fiction. Il est poignant, il rend captif, il se lit vite, son contenu est crédible et plausible.

Mata Hari aura été victime autant d’elle-même que d’une parodie de justice. Mais toutes les versions s’entendent pour dire que l’artiste aura gardé la tête haute, même quelques minutes avant d’apparaître devant les fusilleurs :

*Je sais ce que je vais faire maintenant, avant d’entendre les pas dans le couloir et l’arrivée du Petit-déjeuner. Je vais danser. Je vais me rappeler chaque note de musique et je vais bouger mon corps au rythme des mesures, parce que cela me montre qui je suis : une femme libre* (Extrait)

Une belle écriture…un excellent moment de lecture

Suggestion de lecture : UNE FORÊT OBSCURE, de Fabio M. Mitchelli

Paulo Coelho est un romancier et interprète brésilien né à Rio de Janeiro. Il a vendu plus de 210 millions de livres à travers le monde, traduits en plusieurs dizaines de langues. Son premier livre, LE PÈLERIN DE COMPOSTELLE a été publié en 1987, mais c’est le livre suivant L’ALCHIMISTE qui vaudra à Coelho une notoriété internationale. 

En novembre 2014, Paulo Coelho a achevé de mettre en ligne près de 80 000 documents – manuscrits, journaux, photos, lettres de lecteurs, coupures de presse – créant ainsi une vitrine sur le net pour la Fondation Paulo Coelho qui est basée à Genève.

Mata Hari (1876-1917)

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le vendredi 15 mai 2020

LES ROIS MAUDITS, la série de MAURICE DRUON

LES ROIS MAUDITS

Tomes
1-LE ROI DE FER (1955)
2-LA REINE ÉTRANGLÉE (1955)
3-LES POISONS DE LA COURONNE (1956)
4-LA LOI DES MÂLES (1957)
5-LA LOUVE DE France (1959)
6-LE LIS ET LE LION (1960)
7-QUAND UN ROI PERD LA France (1977)

           

*Pape Clément !… Chevalier Guillaume !… Roi Philippe !… Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! *
(Extrait : LES ROIS MAUDITS, Maurice Druon, 1955, éditions Mondiales, Plon pour de multiples rééditions. L’édition intégrale de papier a 2100 pages.)

           

LES ROIS MAUDITS est une saga historique fictive, un collectif dirigé par Maurice Druon. L’histoire repose sur une légende imaginée par le chroniqueur italien Paolo Emilio:  le dernier grand maître de l’Ordre des Templiers, Jacques de Molay, alors qu’il brulait sur le bucher aurait lancé une malédiction à l’encontre du Roi de France Philippe IV Le Bel, du pape Clément V, de Guillaume de Nogaret gardien du sceau et de leurs descendants pendant 13 générations. L’histoire se développe dans un contexte d’intrigues, de complots et de lutte pour la succession au trône. On se dirige lentement mais sûrement vers la guerre de 100 ans.

OMBRE ET SANG SUR LE TRÔNE
*Eh bien ! mon frère, dit Monseigneur de Valois, avec un
mauvais sourire ; vous voici content, je pense ?
Philippe le Bel se retourna.
Non mon frère, dit-il. Je ne le suis point. J’ai commis
une erreur.»
Valois se gonfla, déjà prêt à triompher. «Vraiment,
vous en convenez ?»
«Oui mon frère, dit le roi. J’aurais dû leur faire
arracher la langue avant de les brûler.*
(Extrait : LES ROIS MAUDITS, tome 1, LE ROI DE FER)

Philippe IV le Bel (1268-1314) fut le onzième roi de France de la dynastie des Capétiens de 1285 à 1314. Il est réputé pour ses politiques progressistes et centralisatrices. Comme les finances de son royaume étaient hors de contrôle, Philippe Le Bel a été conduit à abattre l’ordre du Temple qui était très riche, expulser les juifs et rétablir une monnaie d’or qui restera stable pendant plus de cent ans.

J’ai lu avec intérêt, voire avidité la grande saga LES ROIS MAUDITS qui constitue une fresque historique d’une remarquable précision. Il faut ici souligner l’extraordinaire travail de documentation réalisé par une équipe de rédacteurs soucieux du détail avec la supervision et la touche finale du célèbre écrivain et homme politique Maurice Druon (1918-2009).

Comme nous l’avons vu plus haut, au début du XIVe siècle, la monarchie française intente le plus vaste procès de l’histoire contre le grand Maître des templiers Jacques de Molay qui lance une malédiction contre les grands responsables de la chute du temple. À partir de ce moment, une ombre sinistre s’abat sur la France. Entre autres, les quatre derniers capétiens meurent en moins de 15 ans.

Adultère, complots, intrigues de cour, procès expédiés, meurtres, trahison, mensonges, incompétence, avidité du pouvoir, détournements…les travers de la monarchie mettront en place lentement mais sûrement les éléments qui déclencheront la guerre de cent ans. Ça n’a pas tellement contribué à me faire copain copain avec les grands principes de la monarchie.

Je me contenterai ici de dire ce que j’ai ressenti en lisant ce pavé de plus de 2000 pages. Premièrement, je n’ai jamais été un adepte de la monarchie. Tous les livres d’histoire que j’ai lus à ce sujet mettent en perspective les abus de ce système. Un jour les français en ont eu marre et on fait rouler la tête de Louis XVI.

Le livre de Druon m’a démontré encore une fois à quel point la royauté avec ses *Votre Majesté*, ses *messires* ses *Chevaliers*, son *sang noble* et autres appellations hautement cossues, était loin des besoins et des misères du peuple. J’ai toujours été choqué par le mépris des nobles pour un peuple brimé par des impôts lourds et injustes, les pillages, la guerre.

Toutefois, après la recherche que j’ai faite parallèlement à la lecture des *ROIS MAUDITS*, je dois admettre que Philippe le Bel, malgré sa froideur hautaine était un roi progressiste qui a travaillé à sortir son pays de la féodalité alors vieillotte, encrassée et étouffante pour le peuple.

Ensuite, la lecture des ROIS MAUDITS que je considère documenté de façon très crédible m’a appris beaucoup de choses sur l’histoire de la France des XIV et XVe siècle et sur ses nombreuses subtilités. On sent que l’État veut émerger au détriment de l’Ordre Féodal. Malheureusement, la monarchie n’a jamais sur faire le ménage dans sa propre cour. J’ai aussi appris beaucoup de sur les forces et les faiblesses des roi de la dynastie capétienne.

La plume d’une exceptionnelle richesse m’a littéralement enlevé et rendu addictif. Forcément, sur 2100 pages il y a des longueurs. Elles concernent surtout les intrigues de cour et l’influence de certaines femmes dans le système dont celle de la redoutable comtesse Mahaut.

J’ai tout absorbé avec un intense plaisir. LES ROIS MAUDITS est une de mes meilleures lectures à vie. C’est une fresque extraordinaire qui nous entraîne dans les coulisses de l’histoire d’une France à la croisée des chemins.

Le cadre historique est respecté avec minutie et rigueur. J’ai savouré aussi la profondeur des personnages, leur psychologie, leur caractère trempé, en particulier Robert D’Artois et Mahaut…Préparez-vous à la détester celle-là. Bref LES ROIS MAUDITS est un chef d’œuvre. Ne vous laissez pas impressionner par le nombre de pages. Lisez-le…vous verrez, le temps passe vite. Il y a de l’émotion dans chaque page.

Suggestion de lecture : 1630 LA VENGEANCE DE RICHELIEU, de J.-M. Riou

Maurice Druon (1918-2009) est né à Paris. Démobilisé pendant la guerre, il devient journaliste pour la BBC. Il est coauteur avec son oncle Joseph Kessel du Chant des partisans. En 1946 Maurice Druon se consacre temps plein à la littérature. Il supervise la série historique LES ROIS MAUDITS, reçoit le prix Goncourt pour Les Grandes Familles en 1948 et le prix Pierre de Monaco pour l’ensemble de son oeuvre.

Sur le plan politique, Maurice Druon devient ministre des Affaires culturelles sous la présidence de Georges Pompidou en 1973-1974 et député de Paris de 1978 à 1981. Dans toutes ses fonctions, il se signalera par un conservatisme qui le rendra aussi célèbre que ses fresques romanesques.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

le vendredi 8 mai 2020

 

LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR, CHRISTOPH ERNST

*…une trentaine environ ont été pendus, les autres
jetés en prison. En plus de cela, Goebbels a encore
fait arrêter cinq cents juifs en représailles. La moitié
ont été exécutés sur-le-champ, les autres envoyés
en camp de concentration». Apparemment, je suis
devenue pâle.*
(Extrait : LES MORTS RENAÏTRONT UN JOUR, Christoph
Ernst, édition originale : Pendragon 2012, t.f. : Piraanha
2015, édition numérique, 300 pages)

Plus de cinquante ans après avoir fui l’Allemagne, Käthe, d’origine juive, est de retour à Berlin pour récupérer un immeuble ayant appartenu à sa famille avant d’être confisqué par les nazis. Peu après son arrivée, son corps sans vie est retrouvé au pied d’un mémorial de la déportation. Sa petite nièce, Maja, ne crois pas à la thèse du suicide. Elle va devoir plonger dans les méandres d’un passé douloureux. L’intrigue revisite le sort des juifs sous le nazisme allemand et les exactions de la RDA mais dresse surtout le portrait d’hommes et de femmes confrontés à un choix impossible.

SURVIVRE À LA FOLIE
*La porte d’entrée se referme derrière elle dans
un bruit mat. Je suis trop effrayée pour réagir
et crier qu’ils ne doivent en aucun cas me
laisser seule avec ce type. Il grimace un
sourire bouffi. «Ca va mieux ?»
(Extrait : LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR)

À la suite du décès de sa tante Käthe, Maja se rend à Berlin pour régler la succession Pendant les formalités, Maja découvre certains secrets qui attisent sa curiosité comme le fait que la maison de sa tante ait été confisquée par un SS au cours de la 2e guerre mondiale et d’autres secrets bien gardés qui rendent la mort de sa tante très suspecte.

La police retient la thèse du suicide mais Maja sent que tout ça n’est pas net et décide d’enquêter, mais elle n’a aucune idée des dangers qui la guettent au fur et à mesure qu’elle pousse son investigation.

Malgré l’originalité du sujet, j’ai trouvé l’ensemble un peu pénible. C’est un mélange plus ou moins habile de fiction et de réalité. Dans la première moitié du livre, ce qui est quand même assez long, je ne savais pas à quoi m’accrocher tellement le récit prenait toutes sortes de directions…beaucoup de longueurs, pas de fil conducteur, une grande quantité de personnages pour la plupart sans grande profondeur.

Ce qui m’a fait tenir le coup dans la première moitié, c’est l’opiniâtreté avec laquelle Maja conduit ses recherches. Dans la deuxième moitié, le sujet se précise et se resserre. Le fil conducteur devient plus solide et nous dirige vers une finale malheureusement sans saveur.

La présentation du livre parlait du rythme endiablé d’un thriller et d’une intrigue policière haletante…c’est très exagéré. Mais tout n’est pas noir, le livre a certains mérites car il revisite des pans méconnus de l’histoire.

En effet, le récit expose, sous un angle différent, des évènements et des agissements qui ont constitué une énorme tache sur le bulletin de conduite des hommes : le sort des juifs allemands sous le régime nazi et peut-on encore exagérer quand on parle des incroyables bassesses et des sauvageries exécutées par les SS.

À travers les investigations de Maja, l’auteur met en perspective le portrait d’hommes et de femmes confrontés à leur mort ou à quelque choix impossible. Il y a bien quelques passages un peu pénibles, mais dans l’ensemble, Ernst fait preuve d’une belle retenue.

Les faits historiques entourant la guerre en général, le caractère monstrueux du nazisme, le mur de Berlin avec les alliés d’un côté et la sorcière communiste de l’autre…tous ces faits sont rapportés avec le souci du détail et de la précision. Donc,  l’ouvrage est crédible, mettant  en lumière la situation des juifs allemands sur laquelle l’Histoire est plus discrète.

La plume est belle mais malheureusement, elle s’étend à n’en plus finir. De plus, le caractère historique du récit met dans l’ombre son caractère intriguant : la guerre, la situation des juifs, la création d’Israël, la situation des Palestiniens , les excès de la RDA, le mur de Berlin, entre autres. On ne peut donc pas parler de thriller même si le fond de l’histoire est dramatique et c’est le moins que je puisse dire.

Si l’auteur avait mis autant d’ardeur à développer l’intrigue qu’il l’a fait sur le plan historique, on aurait eu un livre un peu plus long mais passionnant à tous les points de vue et le livre aurait été inoubliable. Malheureusement, il accuse un important déséquilibre entre l’histoire et l’intrigue.

Le livre a quand-même un petit côté intéressant comme je l’ai expliqué plus haut mais sans qu’il soit nécessairement question de naïveté, disons que, comme beaucoup de lecteurs je suis comme qui dirait tombé dans le piège du quatrième de couverture.

Suggestion de lecture : JEU DE MORTS, de Jean-Sébastien Pouchard

Il y a très peu d’informations disponibles sur le parcours littéraire de Christophe Ernst. LES MORTS RENAÎTRONT UN JOUR est son seul livre traduit en français pour l’instant. On sait qu’il est né en 1958. Il a étudié l’histoire à New-York puis est devenu gestionnaire culturel dans son pays d’origine, l’Allemagne plus précisément à Berlin. Il a été aussi journaliste et conférencier. Après quelques années à ce rythme, il est retourné vivre dans sa ville natale : Hambourg.

BONNE  LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 2 mai 2020

 

 

HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, ouvrage collectif

Commentaire sur le collectif dirigé
par YVES-MARIE HILAIRE

*Cette histoire de la papauté n’est ni une apologie
ni une présentation partisane de la papauté, c’est
vraiment une histoire accessible à tous et
solidement documentée de deux millénaires. Car à
travers l’histoire de la papauté, c’est l’histoire du
monde qui s’offre à nous, avec ses heures de gloire
et de peine, ses ombres et ses lumières*
(Extrait : HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, citation du Cardinal
Paul Poupard dans sa préface du livre, œuvre collective
dirigée par Yvea-Marie Hilaire, Éditions Tallandier, 2003,
édition de papier, 580 pages)

Yves-Marie Hilaire dirige un collectif d’universitaires, professeurs et historiens pour offrir une grande histoire synthétique de la papauté, dépourvue de fantasmes et de jugements. Héritière de la Rome impériale, la papauté est devenue, au fil du temps, le centre nerveux du catholicisme. Son magistère moral deviendra international au XXe siècle.

L’histoire de la papauté montre comment cette institution, porteuse de renaissance culturelle à travers l’Histoire, a facilité le passage de l’Antiquité au monde médiéval et comment, aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, elle tente de faire face aux nombreux défis du XXIe siècle.

2000 ans de jeu
théologico-politico-ecclésiastique

*La papauté est l’héritière d’une longue histoire, d’un « principe de continuité et d’identité d’un esprit à travers la succession des générations » (Y.-M. Congar)… elle est appelée à un nouveau rôle dans le cadre d’une ecclésiologie de communion, …avec les églises sœurs, portée par le mouvement œcuménique* (Extrait)

À gauche, Pierre, premier pape en l’an 1.
Au centre, Sylvestre II, pape régnant en l’an 1000.
À droite, Jean-Paul II, pape régnant en l’an 2000.

C’est un livre rare, un ouvrage aussi complexe que complet. Cet ouvrage ne juge pas, se met à l’écart de toute partisannerie, évite les rumeurs, histoires obscures ou secrètes. Il n’est pas question non plus des abus de plusieurs papes relatifs au sexe, à l’argent et à la violence.

Le collectif dirigé par monsieur Hilaire s’est essentiellement appliqué à à réunir les éléments qui ont présidé à l’évolution de l’Église Catholique. Autrement dit, comment l’Église et la papauté sont passé de Pierre à Jean-Paul II*, au prix de quelles peines et il faut bien le dire, d’intrigues, de trahison, d’hypocrisie.

J’ai trouvé ce livre intéressant. C’est vrai. Il ne prend pas parti. Il ne juge pas. Il rapporte des faits, vérifiables le plus possible. Notez que pour des raisons évidentes de déformation dans la transmission orale et écrite de l’antiquité au Moyen-Âge, le premier millénaire porte à confusion.

Les auteurs ont donc travaillé très fort à recouper les informations issues des manuscrits, procéder à de multiples vérifications et révéler l’essentiel par la logique des faits. Cette constatation fait de *HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ* une fresque majeure et crédible.

emblème de la papauté

Ce qui m’a le plus frappé dans ce livre, c’est qu’il couvre 2000 ans de mésententes, de chicanes, de schismes, de papes et d’anti-papes, de tractations politiques obscures, de querelles théologiques et j’en passe.

Il est remarquable que l’Église ait survécu à autant de tribulations surtout si on ajoute les conséquences qui ne résistent pas aux analyses : fourberie, manigances politiques, jeux de pouvoir et d’influence, violence, intimidation, assassinats, exécutions et j’en passe.

Il n’est pas facile de comprendre pourquoi l’histoire de l’Église est si agitée. Pourquoi autant de mésententes théologiques. Le message de Jésus n’était-il pas simple : Aimez-vous les uns les autres, Croyez en Dieu. La mission de Pierre n’était-elle pas simple : Faire passer le message de Jésus.

Peut-être me voyez-vous venir…la principale faiblesse du livre et c’est une grande déception pour moi, réside dans la fragilité de sa dimension intellectuelle et spirituelle. Le passage de plusieurs papes mystiques qui ont travaillé fort à définir le rôle spirituel et de guide de l’Église a été pratiquement occulté. Dommage.

J’ai quand même appris des choses intéressantes. Par exemple, comment est né le conclave et comment il a évolué. Comment le Vatican est devenu un état? Comment fonctionne un concile (et Dieu sait que ce n’est pas simple) avec un chapitre intéressant sur le concile le plus complexe de l’histoire, le concile de Trente.

J’ai trouvé très intéressant quoique très choquant le passage sur les Borgia et sur le silence de Pie XII pendant la deuxième guerre mondiale.

Vous voyez donc que le livre répond à beaucoup de questions mais sur chaque question, il ne s’étend que très brièvement. Par conséquent, le livre pousse à la recherche. Mais ces questions abordent très peu la dimension spirituelle qui ne préoccupe les auteurs qu’à partir de la restauration amorcée au XIXe siècle.

Le livre couvre 2000 ans d’histoire. C’est quand même un défi extraordinaire du collectif qui tend à démontrer physiquement, comment l’Église a fait pour survivre jusqu’à nos jours. À ce titre, c’est un ouvrage remarquable. Il me reste à vous prévenir que le récit est lourd, complexe, plutôt mal ventilé. La complexité de l’œuvre exige de la patience.

Suggestion de lecture : BORGIA, de Michel Zévaco

Yves-Marie Hilaire (1927-2014) est un historien français, spécialiste d’histoire des religions. Sa thèse de 1976 sur La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras a contribué à élargir de manière significative le champ d’étude du fait religieux en France. Yves-Marie Hilaire a aussi dirigé et contribué à de nombreuses publications collectives portant sur la vie chrétienne dont HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 21 mars 2020

MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE, EVA BARONSKY

*Quelque chose n’allait pas. Il n’était plus
à la maison. Sa couche était différente,
plus molle et inégale, plus souple en fait;
un parfum subtil, féminin s’y trouvait. Où
l’avait-on amené? Qui pouvait donc bien
être ces méchants bougres?*
(Extrait : MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE, Eva
Baronsky, Édition Piranha pour la présente
version électronique, aussi en version papier,
200 pages sur liseuse, 2009 original, t.f. : 2014)

Il s’appelle Wolfgang Mozart et hier soir encore, il était étendu sur son lit de mort. À son réveil, il ne trouve aucune explication à ce monde différent, étrange, où la lumière ne provient pas des bougies, où les carrosses se déplacent sans chevaux…Tout ce qui lui arrive ne peut avoir qu’une seule raison : il a la mission divine de terminer l’œuvre de sa vie, son Requiem. Et le voici, anachronisme vivant déambulant dans les rues survoltées de la Vienne du début du XXIe siècle. Tant de nouveaux compositeurs, tant de sonorités inédites ! Mais, plus le temps passe, plus il se demande ce qu’il adviendra de lui, une fois son chef-d’œuvre terminé…

LE TEMPS D’UN REQUIEM
*Avec respect, presque tendrement, il passa
la main sur la fine écriture. En voilà un qui
était à la hauteur du requiem de Mozart,
qui savait l’achever et…qui damait le pion
au génie de Mozart avec une légèreté qu’
il n’aurait jamais cru possible.
(Extrait : MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE)

L’idée n’est pas nouvelle en littérature : réveiller un mort célèbre, lui laisser tous ses souvenirs et en faire un anachronisme vivant dans un but précis. Pourtant, j’ai trouvé le livre de Baronsky extrêmement bien construit. Il m’a fait rire et surtout, il m’a ému. Quand un livre parvient à ce résultat avec moi, je suis comblé. Alors imaginez un peu.

Deux cents ans après sa mort. Mozart se réveille avec le même esprit, dans un environnement étrange. Il faut dire qu’au départ Mozart ne comprenait pas qu’il venait de sauter deux cents ans d’évolution : *Il comprit par la suite que derrière la plupart des miracles ne se cachait rien d’autre qu’une nouvelle forme d’énergie…* (Extrait)

Au début, ce fut une dure épreuve : Où se loger ? Comment se nourrir ? Restait à comprendre le but de ce miracle : *Chez soi, ce ne pouvait être qu’un petit endroit, au plus profond de soi…tout au fond de son cœur, au plus profond de lui-même, il y avait la musique, rien que la musique et il n’y aurait jamais rien d’autres.* (Extrait)

Mozart comprit qu’il devait finir le célèbre requiem, œuvre majeure mais inachevée au moment de sa mort. La chose la plus difficile pour Mozart dans ce récit était d’établir son identité et ça devenait urgent car son talent s’imposait. Chose difficile voire impossible. Personne ne comprenait :

*Wolfgang Musterman. Il n’avait pas été le seul à remarquer ce nom singulier, la presse l’avait fait aussi. Un pianiste surgi du néant, sans parcours de vie, sans que quiconque ait pu apprendre quelque chose sur lui. Un phénomène ! * (Extrait)

Un jour, le musicien miraculé en a eu marre et a fini par dévoiler son véritable nom à un impresario qui avait besoin d’une preuve d’identité : *Oui, reconnut Wolfgang à voix basse. Joannes Chrysostomus Wolfgangus Théophilus Mozart. Né à Salzbourg le 27 janvier 1756. Puis-je m’en aller maintenant ?* (Extrait) Cette explosion de sincérité a fini par amené Mozart dans un hôpital psychiatrique.

J’ai adoré cette histoire parce qu’elle m’a émue. Elle m’a émue parce que l’auteure Eva Baronsky a réveillé Mozart en lui conservant toutes ses qualités de corps, de cœur et d’esprit. Mozart était un être bon, généreux mais aussi brouillon, désordonné et insouciant, sans le sou et pas toujours facile à vivre. Pour Mozart, tout n’était que musique. La musique est partout dans le récit qui est profondément imprégné de l’esprit de Mozart.

J’ai trouvé aussi le récit drôle parce qu’après un sommeil de deux-cents ans, Mozart se débrouillait plutôt mal avec la modernité ce qui a donné lieu à beaucoup de situations cocasses. Enfin, j’ai trouvé le récit touchant pour plusieurs raisons : la qualité des personnages, la profondeur de leur psychologie.

Par exemple, l’auteur a mis sur le chemin de Mozart un personnage appelé Piotr, musicien violoniste polonais qui a pris Mozart en amitié car Piotr a compris qu’au-delà des qualités de cœur, Mozart était un génie de la musique avec un talent qui avait quelque chose de surnaturel.

Autre personnage un peu plus intriguant celui-là : c’est Anju, l’amour de la nouvelle vie de Mozart, celle qui a touché son cœur et qui apportera une contribution extraordinaire jusqu’à la finale qui est particulièrement poignante.

C’est donc un livre que je recommande. On sent bien que l’auteure admire Mozart. Elle a imprégné son récit du cœur et de la musique de Mozart et avec humour car elle a exploité les anachronismes qui ne manquaient pas d’ébranler le génie musical.

Par exemple, pouvez-vous imaginer comment Mozart a interprété le nom AC/DC trouvé sur un chandail ? Ne se doutant pas qu’il s’agissait d’un des groupes rock les plus populaires de l’heure. Mozart lui, a trouvé une toute autre interprétation : *AC/DC. Il se tortilla le sourcil : Adorate, Cherubim, Dominum Cantu. Adorez le Seigneur avec vos chants. Oui, ça devait être cela* (Extrait)  Un récit magnifique, profondément humain…un coup de cœur.

Suggestion de lecture : LE PETIT MOZART, la BD de William Augel

Wolfgang Mozart est né le 27 janvier 1756 à Salzbourg. Il écrit son premier opéra à l’âge de 11 ans ! Mozart devient de plus en plus connu . Puis, il se marie avec Constance Weber et travaille comme professeur de musique particulier auprès de familles riches. Mais, s’il gagne beaucoup d’argent, il ne sait pas le gérer. Mozart passe des années difficiles avec la mort de son père, la maladie et des dettes.

En 1791, il compose tout de même deux chefs-d’œuvre : la Flûte enchantée et le Requiem. Mozart meurt à Vienne, en Autriche, le 5 décembre 1791 à seulement 35 ans, en laissant plus de 600 œuvres à la postérité. Le REQUIEM est une œuvre inachevée de Mozart. L’idée de Baronsky était de donner du temps à Mozart pour achever lui-même le REQUIEM.

Eva Baronsky est une auteure allemande née en 1968. Après des études de marketing et de communication, elle a été tour à tour consultante en communication, graphiste, vendeuse de confiture et journaliste. MONSIEUR MOZART SE RÉVEILLE est son premier roman, publié en 2009. Avant sa traduction en français plusieurs années plus tard, l’œuvre de Baronsky a reçu le prix Friedriech Hölderlin, un prix d’encouragement de renommée internationale.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le samedi 15 février 2020

Que s’est-il vraiment passé ? Collectif

Commentaire sur le Collectif de
SÉLECTION DU READER’S DIGEST

*Sainte-Beuve disait qu’il y a des façons
infinies d’écrire l’histoire. Il en est une qui
privilégie les épisodes mystérieux, sujets à
controverse; en même temps qu’elle pique
la curiosité, elle donne à penser. C’est celle
que nous proposons.*

(Extrait : introduction de QUE S’EST-IL VRAIMENT
PASSÉ ? Édition originale, SÉLECTION du Reader’s
Digest, Traduction Canadienne-Française, les
publications Modus Vivendi, 2014, réed. 2017.
Collectif, édition de papier, 350 pages)

Que s’est-il vraiment passé depuis la nuit des temps ? Les mystères et les drames entourant les évènements historiques et les personnages célèbres, ceux qui piquent la curiosité tout en donnant à réfléchir…Sélection du reader’s digest a réuni 116 énigmes appartenant à différents moments de l’humanité.

Des énigmes comme celles issues de la théorie du complot dont la mort de John F Kennedy, des mythes comme Robin des bois et le roi Arthur et les mystères actualisés par le nouveau millénaire comme la possibilité d’une vie sur d’autres planètes. Une impressionnante collection des mystères les plus intrigants de l’histoire.


À gauche en haut, « L’une des énigmes posées par le nazisme réside dans l’envoûtement qu’Hitler exerça sur les foules allemandes. » (Extrait : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ)
À droite en haut, «L’identité de Jack L’éventreur a obsédé de nombreux détectives amateurs et professionnels, mais elle reste un mystère. » (Extrait) En bas, l’arche de Noé. Le déluge n’a jamais été prouvé hors de tout doute, mais les scientifiques continuent de rassembler des éléments qui tendent à démontrer qu’il a bel et bien eu lieu.

MYSTÈRES HISTORIQUES
À ces énigmes passionnantes, les avancées de
sciences comme l’astronomie, la paléontologie
et l’archéologie commencent à proposer des
réponses.
(Extrait : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ?)

QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ ? réunit les grands mystères non élucidés de l’histoire de l’humanité. En tout, 116 énigmes qui défient l’imagination. L’ouvrage est présenté en sept parties qui sont autant de grandes époques historiques : l’Aube des temps, le Monde Antique, le Moyen-âge, l’Époque Moderne, le XXe siècle en deux parties et les Énigmes du IIIe millénaire.

Tout y passe, de la naissance de l’art à la recherche de la vie extra-terrestre en passant par l’assassinat de de John F Kennedy et le naufrage du Titanic. Le livre tente aussi de séparer les mythes de la réalité en parlant par exemple de Robin des bois, du Roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde et du suaire de Turin…

Le collectif comprend de nombreuses photos et illustrations, je ne les ai pas comptées mais il y en a plus de 400. Enfin, initiative que j’apprécie au plus haut point, le livre se termine par un index substantiel. L’ouvrage est d’une présentation magnifiquement soignée et publie de nombreuses photographies d’œuvres d’art pour appuyer le propos.

Évidemment, ce livre dit tout mais n’explique rien, c’est classique dans ce genre de livre. Mais le genre a évolué en même temps que la science et on trouve plusieurs pistes d’explications, des observations pertinentes ajustées aux connaissances actuelles, des hypothèses qui semblaient farfelues au XXe siècle mais qui sont revisitées de façon plus rigoureuse en ce IIIe millénaire. On y trouve aussi bien thèses, conjectures et postulats.

Le livre m’a fourni ce que j’en attendais : une collection de ce que l’histoire a de plus énigmatiques, des photos couleurs abondantes avec une magnifique mise à contribution de l’art pictural, des explications et analyses plausibles, ajustées à la science moderne.

Dès les premières pages, le collectif a piqué ma curiosité à cause, en particulier, des drames entourant les personnages célèbres. Il y a Kennedy bien sûr, mais si on remonte le temps jusqu’aux *superstars* de l’antiquité, j’ai réussi à en savoir plus sur Jules César, Cléopâtre, le roi Salomon, Marco Polo, Moïse et j’en passe.

Mon article préféré est celui consacré à la Tour de Babel car il vient nourrir une question que je me suis posée : D’où viennent les langues et dialectes ? Il doit bien avoir une explication qui transcende les aspects culturels et environnementaux. Pour faire une histoire courte, les descendants de Noé (Très nombreux et éparpillés sur la terre d’orient) qui ne parlent qu’une seule langue, décident de construire une tour tellement haute qu’elle toucherait le ciel.

Pour punir les hommes de leur orgueil, Dieu leur a fait perdre la possibilité de se comprendre en créant plusieurs langues et en les dispersant sur la terre. C’est finalement une forme de décadence qui serait à l’origine des langues. Il s’agit d’une explication essentiellement biblique. La science n’a pas encore de réponses Pour l’instant, ça reste une question de foi.

On ne peut pas vraiment critiquer un tel livre. C’est un long argumentaire en photos, en textes et en anecdotes. Moi j’ai aimé. C’est un ouvrage de collection qui sera sans doute dépassé dans quelques années mais j’y ai appris beaucoup de choses et j’ai compris que plus que jamais, l’homme cherche à comprendre, à percer les mystères emprisonnés dans l’histoire, pour mieux se connaître, tendre vers le savoir et prendre sa place dans l’univers.

C’est un bon livre. Il serait même le cadeau parfait pour l’insatiable curieux…

Suggestion de lecture : NON RECONNU, de Steven M. Greer

On ne peut pas vraiment parler d’une collection de mystères s’il n’est pas question de la catastrophe du Titanic.

Sélection du Reader’s digest est un magazine mensuel qui touche un peu à tout. Il est d’un petit format qui rappelle les livres de poches. Reader’s digest est aussi un club de livres comparables à Québec Loisirs et qui diffuse des succès d’éditeurs sous sa propre couverture et bien sûr des ouvrages conçus pour le club. Dans les deux cas on retrouve des ouvrages de références, des atlas, des guides, des enquêtes et des compilations.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 26 janvier 2020

MALA VIDA, le livre de MARC FERNANDEZ

*Franco est mort, pas les franquistes. Les
électeurs ont la mémoire courte et
quarante-cinq ans de dictature n’ont pas
suffi. Le peuple a choisi de donner le
bâton pour se faire battre de nouveau.*
(Extrait : MALA  VIDA, Marc Fernandez, Préludes
éditions, librairie générale française, 2015,
édition numérique et papier, num. : 200 pages)

En Espagne, la droite dure est élue après 12 ans de pouvoir socialiste. Une majorité absolue pour les nostalgiques de Franco dans un pays qui a la mémoire courte. Au milieu de ce renversement, une série de meurtres est perpétrée à travers le pays. Les victimes : un homme politique, un notaire, un médecin, un banquier et une religieuse. Rien ne semble relier ces crimes… un journaliste radio spécialisé en affaires criminelles, Diego Martin, décide d’enquêter sans se douter que son enquête va le mener au plus près d’un scandale national qui perdure depuis des années, celui dit des *bébés volés* de la dictature franquiste.

AVANT-PROPOS :
Les bébés volés de l’Espagne

En Espagne, sous le régime de Franco, entre 1939 et 1975, plus de 30 000 enfants sont retirés à leur mère, pour des raisons idéologiques, basées sur les thèses controversées d’un psychiatre lui-même proche de Franco, le docteur Antonio Vallejo Nagera. Complètement dépourvu de fondement scientifique, le rapport du docteur déclare:

*…Les relations intimes existant entre le marxisme et l’infériorité mentale sont évidentes et concluent, sur base de ce postulat, que la mise à l’écart des sujets, dès l’enfance, pourrait affranchir la société de cette idéologie.* 

Les enfants étaient déclarés mort-nés puis placés dans des familles franquistes. Les estimations relatives au nombre réel de ces enlèvements sont sous-évaluées et pourraient même atteindre 300 000 victimes. Après la mort de Franco, les enlèvements, prenant des allures de commerce, se sont poursuivis jusqu’aux années 1980. Cette affaire qui entache l’histoire espagnole est toujours d’actualité.

LE RÈGNE DE LA HONTE
*Ils nous ont indiqué une tombe dans le cimetière
non loin de l’hôpital, où ils disaient avoir enterré
mon  enfant. Je suis sûre qu’elle est vide. Que mon
fils ne s’y trouve pas pour la simple raison qu’il ne
s’y trouve pas…Ils ont volé mon bébé…*
(Extrait : MALA VIDA)

C’est dans le contexte expliqué en avant-propos que se développe le récit de Marc Fernandez. Il est difficile de séparer les faits historiques avérés des éléments de fiction. Donc il ne s’agit pas d’un roman historique. Le roman ne brille pas non plus par les techniques policières.

Appelons cela une intrigue avec un fort penchant pour le roman noir. Y a-t-il en effet plus cauchemardesque pour une mère de se faire voler son bébé alors que le cordon ombilical vient à peine d’être coupé ? Voilà donc la véritable signification du titre : MALA VIDA : Mal de vivre. Quelle mère peut s’en remettre.

Marc Fernandez ne se gêne pas pour dévoiler les détails de l’opération la plus sordide réalisée sous l’ère de Franco, le tout sur fond de vendetta. Cinq meurtres qui ne sont apparemment pas liés mais qui ont un point en commun : une balle dans la tête…genre *règlement de compte*.

Entre temps, un parti d’extrême droite vient de prendre le pouvoir laissant à penser que le peuple d’Espagne n’a retenu aucune leçon de la dictature encore récente d’un monstre. Évitant presque miraculeusement la purge médiatique, un journaliste, Diego Martin veut élucider ces meurtres. Il ne se doute pas qu’il s’approche d’un scandale national d’une incroyable ampleur. Parallèlement, une avocate, Isabelle Ferrer fonde l’Association Nationale des Enfants Volés et réveille la douleur de l’Espagne.

Même s’il est difficile de séparer le vrai du faux dans ce récit, j’ai quand même senti une certaine précision dans la plume de Fernandez qui dévoile le scandale à la petite cuillère, lentement, graduellement. Ça donne au récit un caractère haletant et bien sûr ça garde le lecteur chaud.

Et puis Fernandez sait quand même de quoi il parle ayant travaillé longtemps au COURRIER INTERNATIONAL comme spécialiste de l’Espagne et de l’Amérique latine. C’est crédible, bien documenté. Mais pour bien séparer l’intrigue du caractère historique, j’ai dû faire une recherche sur le scandale des bébés volés. Cette recherche, brève et précise m’a permis de mieux apprécier le livre.

C’est vrai, l’histoire est haletante et choquante. Les détails sont dévoilés au compte-goutte avec un exceptionnel savoir-faire. Ça compense pour le style plutôt froid des personnages. Ils sont peu attachants et pas tous crédibles. Leur psychologie est peu développée, en particulier celle du tueur ou de la tueuse en série (je vous laisse découvrir).

Il y a toutefois un personnage intéressant pour son profil de femme active, débrouillarde, imaginative et efficace : Ana, une transsexuelle, ancienne prostituée devenue détective privée et qui semble avoir un carnet de contact très bien fourni. J’aime bien ce genre de personnage coloré sur qui on peut compter pour faire bouger les choses.

Dans l’ensemble, MALA VIDA n’est pas un roman d’une grande profondeur. Son style est plutôt journalistique, parfois télégraphique. Je comprends ce type de développement. Aller au fond des choses aurait nécessité des milliers de page. Mais le récit évoque la douleur profonde de milliers de mères privées sur le coup de leur raison de vivre, une douleur d’autant pénible qu’encore de nos jours, elle fait grimacer l’Espagne.

Donc MALA VIDA est un roman actuel au rythme très élevé. Pas de temps morts, excellente ventilation. La réalité chevauche la fiction, mais en revanche, il vient chercher le lecteur par les questions qu’il pose et qui sont de grands classiques : comment dénoncer et éviter les exactions et abus de pouvoir d’un gouvernement.

Est-ce que la justice devrait dépénaliser le fait de se faire justice soi-même, Est-ce que la communauté internationale devrait intervenir dans une dictature et est-ce que le principe de l’amnistie est acceptable. Beaucoup de matière à réflexion quoi…

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème


Marc Fernandez, cofondateur et rédacteur en chef de la revue Alibi consacrée au polar, est journaliste depuis plus de quinze ans. Il a longtemps été chargé de suivre l’Espagne et l’Amérique latine au Courrier international. Il est également coauteur de plusieurs livres d’enquêtes (La ville qui tue les femmes, Hachette Littératures). Mala Vida est son premier roman en solo

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 2 novembre 2019