LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ARSÈNE LUPIN

COMMENTAIRE SUR LE RECUEIL
L’AIGUILLE CREUSE et autres histoires

De Maurice Leblanc

*Est-ce qu’il ne s’agit pas d’Arsène Lupin ? Est-ce que nous ne devons pas, avec lui, nous attendre justement à ce qui est invraisemblable et stupéfiant. Ne devons-nous pas nous orienter vers l’hypothèse la plus folle ? Et quand je dis la plus folle, le mot n’est pas exact. * (Extrait :  Les aventures extraordinaires d’Arsène Lupin, tome II, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2012, édition de papier, 370 p.)

Arsène Lupin évoque des énigmes, des secrets enfouis et des cachettes mystérieuses, des machinations, des courses-poursuites et des coups de théâtre. Un héros désinvolte et raffiné, cambrioleur mais gentleman, hors-la-loi autant que justicier, Arsène Lupin, en passionnant des générations de lecteurs par sa verve et ses exploits, figure en bonne place au panthéon de la littérature populaire. »

Le voleur honnête

Je me suis finalement décidé à lire LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES d’Arsène Lupin dans leur version originale. Sur le personnage lui-même, je suis un peu mitigé en ce sens que j’ai eu de la difficulté à m’y attacher. Lupin est une légende plus grande que nature, presque trop parfait, arrogant, mufle à ses heures, prétentieux, manipulateur et imbu mais tellement brillant, subtil, intelligent et malin.

Ce sont les histoires qui m’on subjugué, la plume incroyablement maîtrisée de Maurice Leblanc qui a créé un *gentil bandit* tellement magnétique, travaillé en profondeur et si génial qu’il est devenu un monstre sacré, un immortel incontournable de la littérature et de l’écran. Le tome 2 des aventures de Lupin est particulièrement important car on y retrouve un chef d’œuvre de la littérature policière : L’AIGUILLE CREUSE, un roman phare qu’il faut absolument lire si on veut pénétrer en profondeur l’âme de Lupin et saisir l’esprit de l’auteur.

J’ai beaucoup aimé L’AIGUILLE CREUSE pour plusieurs raisons. Il est question, dans ce récit, d’un épais mystère comportant un secret que les rois de France se transmettaient et dont Arsène Lupin s’est approprié. La fameuse « aiguille » contient le plus fabuleux trésor jamais imaginé. Voilà qui explique, en partie seulement, la puissance du personnage et ses moyens d’agir.

J’ai trouvé le récit aussi particulièrement captivant parce qu’il introduit un personnage à la fin de son adolescence : Isidore Beautrelet, élève de rhétorique surdoué, ce qui est incongru au départ. Il se trouve qu’Isidore est devenu mon héros dans cette aventure parce qu’il a tenu tête à Lupin et a fait la barbe à un policier obsédé par la capture du célèbre voleur : le détective Ganimard.

L’ouvrage comporte plusieurs petites curiosités. J’en citerai une dernière, qui donne une saveur particulière à L’AIGUILLE CREUSE : Leblanc parodie Sherlock Holmes. L’antihéros devient Herlock Sholmès, un détective particulièrement antipathique et imbu. J’ai adoré.

L’œuvre, parue entre 1908 et 1909 n’a pas vieilli. Ça se lit sans prendre conscience du temps qui passe et j’ai compris très vite pourquoi, à travers les mystères, revirements et rebondissements, par sa manière d’être et sa psychologie, Arsène Lupin est devenu le GENTLEMAN CAMBRIOLEUR, terme qui sera consacré d’ailleurs par la célèbre chanson de Jacques Dutronc et qui deviendra le thème de la célèbre télésérie.

Je vous souhaite sincèrement de lire ces aventures avec le même enchantement que je celui que j’ai ressenti et les émotions qui l’accompagnent évidemment.

C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanEt chaque femme à son heureRêve de voir son visage
De l’actrice à la danseuseÀ l’épouse la meilleureGentleman cambrioleurA gagné le cœur
C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanIl s’empare de vos valeursSans vous menacer d’une arme
Quand il détrousse une femmeIl lui fait porter des fleursGentleman cambrioleurEst un vrai seigneur
Extrait de la chanson GENTLEMAN CAMBRIOLEUR : Yves Dessca/Jean-Pierre Bourtayre/Frank Harvel
 
Suggestion de lecture : LE CHIEN DES BASKERVILLE, d’Arthur Conan-Doyle
 

Explorez la biographie de Maurice Leblanc ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 27 août 2023

DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

*…Ici, tout est clean…pas de zombie, pas de cadavres
à tous les coins de rue, juste des gens…des vrais…*
(Extrait : DERNIÈRE TERRE, LE PILOTE, Clément Rivière,
production celestory studio, captation Audible éditeur.
Narration multiple, durée d’écoute : 4 heures 10 minutes).

Au cœur d’une France envahie par les zombies, Dernière Terre raconte le voyage insolite de quatre jeunes prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre. Thomas, David, Laura et la petite Sophie vont côtoyer une série d’univers aussi bien mystique, surnaturel que médiéval. Pour traverser la Manche, notre quatuor de bras cassés va ainsi croiser une galerie de survivants aussi terrifiants qu’excentriques.

Chaque étape de l’aventure permet de comprendre les origines de l’infection et le rôle primordial que les quatre personnages vont devoir tenir. Auront-ils assez de courage, de culot et d’inconscience pour parvenir à sauver l’Europe ? DERNIÈRE TERRE est un road movie burlesque et… particulièrement sanglant ! Avec, dans les rôles principaux : Donald Reignoux, Pierre Lacombe, Audrey Pirault & Mathilde Cerf.

Aventure incongrue
D’un quatuor déjanté
*Si on déterre quelques corps, et ben on peut
les attirer par l’odeur. Une fois massés à
L’intérieur, y’a plus qu’à tout faire péter…*
(Extrait)

Au-delà d’un possible cafouillage scientifique, au départ, il ne faut pas chercher à comprendre. Nous sommes dans une époque du futur où la France est entièrement parasitée par des morts vivants: des zombies. Au cœur de cet enfer, quatre jeunes personnes tentent de gagner l’Angleterre qui, apparemment, n’est pas touchée par cette tragédie.

Il y a Thomas, David et Laura et une petite fille qu’ils amènent in-extrémis : Sophie, 10 ans. Cette petite a un don particulier, elle ne se fait pas mordre, n’a pas peur des zombies et peut communiquer avec eux. Elle leur est tellement sympathique qu’elle est enlevée et enfermée dans le château de Vincennes avec des zombies à qui elle raconte des tas d’histoires. Reste à savoir qui est vraiment Sophie, d’où vient-elle ? Pourquoi et comment résiste-t-elle aux zombies. Pourrait-elle être la source d’un précieux vaccin?

C’est une série époustouflante qui, même avec un côté gore, parodie les histoires de zombies. Les passages humoristiques ne manquent pas. Les dialogues sont pétillants. Et la petite Sophie jouée par Mathilde Serre est particulièrement brillante même si sa petite voix aigüe peut parfois devenir énervante. La distribution est excellente.

Pour ce qui est de l’histoire, elle n’a pas ce que j’appellerais le prix de l’originalité…du réchauffé auquel on a ajouté de la fraîcheur: des bruitages et des effets spéciaux parfois saisissants, des dialogues parfois dynamiques et souvent burlesques.

Le scénario qui a un petit quelque chose de médiéval, serait digne d’un film et ce qui m’a particulièrement plu, ce sont des trouvailles intéressantes dont plusieurs sont rattachées à l’actualité européenne, des passages qui évoquent cette vieille rivalité entre la France et l’Angleterre.

Autre exemple : lorsqu’ils recherchent un zombie géant caché sous les combles de la bibliothèque nationale de Paris, Lara, David et Thomas tombent sur des *gilets jaunes* perdus depuis des mois dans ces sous-sols, pas du tout au courant de la *zombisation* de la France.

[Laura] : ………..Qui êtes-vous ?
[Inconnu] :. ……Euh… Vous pouvez baisser votre arme ? Euh… Moi, c’est Marc et voilà ma femme, Diane.
[Sir William] :…. Vous cherchez le Némésis ?
[Marc] : …………Euh… non. Nous on cherche la sortie.
[Diane] : ………..On sait pas ce que c’est votre truc de psoriasis
[Bérenice] : ……NE ME SIS
[Marc] : …………Eh ben nous on s’est perdu paumer dans les catacombes.
[Laura] : ………..Depuis quand ?
[Diane] : ………..Ah… euh… quelques mois…
[Laura] : ………..Quelques mois ?!!!
[Marc] : …………Peut-être plus… c’est mal indiqué aussi…
[Thomas] : ……..Pourquoi vous porter un gilet jaune ? Vous avez peur de vous faire renverser ?
[Diane] : ………..Mais non. Le gilet jaune c’est pour la manif.
[Marc] : …………Ben ouais voilà. On était venu manifester et quand les CRS ont chargés…
[Diane] : …………..Et pourtant on leur avait rien fait…
[Marc] : …………C’est vrai ça ! On avançait les bras en l’air…
[Diane] : … ……..et ils ont quand même tirés…
[Marc] : .. ……….comme quoi les Droits de l’Homme, ça ne leur créé pas des insomnies…

Voilà qui nous rapproche d’une actualité pas si ancienne et qui vient rafraîchir et stimuler un sujet élimé. J’ai adoré ça.

Parmi les petites faiblesses, appelons ça des irritants mineurs qui pourraient bien être voulus par les auteurs, car c’est évident que tout le monde a pris un plaisir fou à créer cette production, sans trop se prendre au sérieux et pourtant désireux de faire quelque chose de professionnel. Les dialogues sont déclamés et rappellent un peu le ton utilisé sur les planches d’un théâtre. Le tout est sensiblement caricatural, grossi, expressions souvent gonflées.

Le réalisme est dans l’ombre d’un jeu parfois exagéré. Par exemple, les sons produits par les zombies me rappellent ceux des cartoons. Ça m’a fait sourire mais au final, certains dialogues sont tellement tordus que j’ai carrément éclaté de rire. Dans cette création, l’horreur chevauche la comédie et l’humour souvent spontané n’est pas sans me rappeler FRANKESTEIN JUNIOR, célèbre comédie hilarante réalisée par Mel Brooks en 1974.

DERNIÈRE TERRE est en fin de compte un bon divertissement, très proche de la littérature jeunesse, une production de qualité, multisonore, essentiellement audio.

Suggestion de lecture : PASSEPEUR TRIO, de Richard Petit

Clement Rivière est scénariste et directeur artistique français. Il travaille sur des fictions interactives en format jeu vidéo, spectacle vivant et audio. Il est auteur, formateur en sciences de l’information et des bibliothèques, narrative designer.
En parallèle, il enseigne l’écriture et le théâtre dans plusieurs écoles en Europe.

À lire aussi, du même auteur

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 février 2023

LE FABULEUX MAURICE et ses rongeurs savants

Commentaire sur le livre de
TERRY PRATCHETT

*Les rats ! Ils pourchassaient les chiens et mordaient les chats, ils… Mais il n’y avait pas que ça. Comme le disait le fabuleux Maurice, ce n’était qu’une histoire de rats et d’hommes. Et le plus difficile, c’était de définir qui étaient les hommes et les rats. *
(Extrait : LE FABULEUX MAURICE ET SES RONGEURS SAVANTS, Terry Pratchet, 2001. T.F. : 2004 par Librairie L’Atalante. Format numérique, 188 pages.)

Les déchets magiques de l’Université de l’Invisible ont transformé le chat Maurice et les rats des environs en créatures super intelligentes, dotées de parole et d’une conscience du monde très aiguë. Maurice est devenu le roi de l’arnaque. Avec sa bande de rats (Pur-Porc, le dominant, Pistou, le rat albinos, ou encore Sardines, pro des claquettes), il parcourt les cités qu’il pille joyeusement en simulant des invasions, grâce à un complice benêt, le joueur de flûte. Mais arrivés à Bad Igoince, la petite bande tombe sur un os. Un village sans rats où vivent pourtant des chasseurs de rats, voilà qui est étrange. Voire carrément malsain…

 

Les couleurs de l’imaginaire
*<N’importe qui peut attacher ensemble des queues de rats
s’il en a envie…je suis sûre que je pourrais, moi. –Avec des
rats vivants ? Tu dois d’abord les prendre au piège, ensuite,
tu de débats avec des espèces de bouts de ficelle glissants
qui gigotent sans arrêt pendant que l’autre extrémité des
bestioles continue de te mordre ! Huit rats ? Vingt ? Trente-
deux ? Trente-deux rats enragés ? > *
(Extrait)

J’ai été attiré par le titre bien sûr mais spécialement pas l’image de couverture. Attention toutefois car vous pourriez avoir la même impression que moi. En effet, l’image laisse à penser que Maurice est un chat savant qui fait des tours extraordinaires avec des rats dans un cirque. On est très loin du compte. Je dirais même que Terry Pratchett a tranché par son originalité.

Il a imaginé Maurice, un chat plutôt égocentrique et impudent, d’apparence en tout cas, et une bande de rats, tout ce beau monde ayant séjourné trop longtemps et trop proches d’une haute école de mage. Le résultat est extraordinaire car nos amis parlent maintenant. Ils peuvent penser.

Avec ce magnifique nouveau don d’intelligence, Maurice et les rats décident de parcourir les campagnes environnantes et d’arnaquer les habitants en simulant des invasions de rats et chargeant un complice humain, Keith de faire semblant de dératiser avec une flute. Mais, dans un village au bout de la route, la petite troupe trouvera chaussure pour chaque petit pied.

Cette façon qu’a Pratchett de faire fondre la nature des humains dans celle des rats est très spéciale et donnera lieu à des moments très drôles spécialement en mettant à la jonction des deux dimensions un chat : qui n’a jamais voulu être fabuleux et qui n’aime pas spécialement les rats. Il est aussi spécial que tout ce petit monde mette à profit ce don soudain d’intelligence en volant et en trompant.

Enfin On est humain ou on l’est pas et puis, tant qu’à penser…*-Ho, tu penses aussi hein ? fit Pur-Porc. Tout le monde pense ces temps-ci. Je pense que ça pense beaucoup trop, voilà ce que moi je pense. On ne pensait pas à penser. Quand j’étais jeune…* (Extrait) Ça donnera lieu à des moments parfois très émouvants, mais aussi cocasses voir drôles.

J’ai trouvé les dialogues avec les humains savoureux d’autant que ce sont des rats qui ont reçu l’intelligence et comme on le sait, le rat n’est pas spécialement le meilleur ami de l’homme. Le récit n’est pas seulement drôle, il est sensible, coloré, léger. C’est un livre-jeunesse mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

La dimension humoristique du récit a été bien pensée en commençant par les noms donnés aux rats, suffisamment drôles pour changer un simple rictus en fou rire : Pure-porc, Pistou, Nutritionnelle, sardines, grosseremise, datlimite, saumure, pêches, offrespéciale, noir-mat et j’en passe.

Tout ce beau monde est dirigé, c’est une façon de parler, par celui qui a un nom bien humain, MAURICE, le fabuleux Maurice, le gentleman arnaqueur qui va entraîner le lecteur et la lectrice d’une péripétie à l’autre avec, au programme rater, dératiser, et encaisser.

*« On va leur en mettre plein la vue, conclut Maurice. Des rats ? Ils s’imaginent avoir connu des rats dans leur ville ? Après notre passage à nous, ils en feront des romans ! » (Extrait) Il y a dans ce livre un peu les caractéristiques d’un conte ce qui n’est pas sans rappeler les frères Grimm.

Il y a aussi un aspect légende, entre autres les rois des rats, attachés par la queue et à qui on prête des pouvoirs surnaturels. Je veux noter au passage les belles illustrations de David Whyatt. Elles sont trop discrètes à mon goût mais elles rehaussent le récit avec l’omniprésence de monsieur Lapinou qui rappelle Wish et les mangas des années 90.

Tout ceci donne à l’ensemble une richesse extraordinaire même si ça s’est déjà vu. Rappelez-vous LE JOUEUR DE FLUTE DE HAMELIN. Le livre de Pratchett en est la parodie.

Enfin, vous avez en présence un chat, des rats et des hommes. La violence est inévitable et il y a en a. Même Maurice meure dans cette histoire mais heureusement, il lui reste des vies dans son lot de 9. Il y a aussi dans le récit des longueurs. Quelques dialogues qui se ressemblent sensiblement.

Il faut surtout ne pas perdre de vue que la parole ne suffit pas nécessairement à prouver l’intelligence d’une part et que si les rats ont reçu le don de parole et de pensées, ils demeurent des rats avec des mœurs de rat. C’est un aspect du récit qui ne plaira pas à tout le monde. C’est un livre-jeunesse oui, mais avec certaines limites.

Dans l’ensemble, c’est un livre bien écrit, bien imaginé et surtout bien documenté. Pratchett n’a pas lésiné sur la recherche. Le tout est crédible.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE POST-APOCALYPTIQUE D’UNE ENFANT SAGE, d’Annie Bacon

AVANT-PROPOS
Le Disque-monde est un univers imaginaire de fantasy burlesque développé à partir de 1983 par l’écrivain britannique Terry Pratchett dans la suite de romans Les Annales du Disque-monde et adapté depuis sur divers supports. La série de romans du Disque-monde comporte quarante-et-un volumes (trente-cinq annales et six romans dédiés à un public jeune), tous traduits en français. Il existe également un certain nombre d’ouvrages « hors-série ». La série a été adaptée en téléfilms, film d’animation, jeux vidéos et même en jeux de société.

 

Terry Pratchett est né en 1948 dans le Buckinghamshire. Voilà un écrivain dont l’humour donnera du fil à retordre à ses biographes ! Sa vocation fut précoce : il publia sa première nouvelle en 1963 et son premier roman en 1971. D’emblée, il s’affirma comme un grand parodiste : La Face obscure du soleil (1976) tourne en dérision L’Univers connu de Larry Niven ; Strata (1981) ridiculise une fois de plus la hard S.-F. en partant de l’idée que la Terre est effectivement plate.

Mais le grand tournant est pris en 1983. Pratchett publia alors le premier roman de la série du Disque-Monde, brillant pastiche héroï-comique de Tolkien et de ses imitateurs.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 12 novembre 2022

DEUX NUANCES DE BROCOLI, de Marie Laurent

*Oui, que peut-il me trouver, cet homme riche, jeune
et beau comme un acteur de séries pour ados ? Un
coup d’œil à la glace au-dessus du buffet me renvoie
à mon insignifiance : front, yeux, nez et bouche
moyens, cheveux réfractaires au brushing; voilà pour
le haut. Le bas n’est pas plus inspirant : des seins
banalement en pore, une taille grassouillette et un
derrière qui a une fâcheuse tendance à frôler le
gazon.*

(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI, Marie Laurent,
éditions NL, 2017, édition numériques,  140 pages num.)

Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard  Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amalia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés. Mais à la longue, les positions inconciliables des deux héros risquent de rendre leur relation difficile. Il s’agit d’une parodie légumineuse de 50 NUANCES DE GREY. En plus d’être dominée par la couleur verte, la relation entre les deux protagonistes deviendra très singulière.

DEUX NUANCES DE BROCOLI est une parodie de CINQUANTE NUANCES DE GREY qui  est une romance érotique. L’histoire d’Anastasia Steel, étudiante en littérature qui accepte d’interviewer Christian Grey, un homme d’affaires de Seattle. Dès le premier regard, Anastasia est à la fois séduite et intimidée. Jugeant cette rencontre désastreuse, elle tente de l’oublier jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille pour lui proposer un rendez-vous. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, elle découvre son pouvoir érotique ainsi que le côté obscur qu’il tient à dissimuler.

Nouvelle tendance en littérature
LE SEXE LÉGUMIER
*Le cuni nature, je connaissais pour l’avoir expérimenté
une fois avec Gérard…le cuni avec Nutella, confiture
ou miel, je connaissais aussi, par ouïe dire. Par contre
je ne soupçonnais pas l’existence d’un cuni bio jusqu’à
ce moment.*
(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI)

Le seul intérêt de ce livre est qu’il est magnifiquement ajusté avec CINQUANTE NUANCES DE GREY qui est probablement le livre le plus insipide que j’ai lu…près de 550 pages de platitudes. Le livre n’a pour moi à peu près aucune valeur littéraire. Je suis très étonné que la trilogie se soit vendu à 125 millions d’exemplaire dans le monde.

Comme dans CINQUANTE NUANCES DE GREY, DEUX NUANCES DE BROCOLI raconte la petite aventure de deux personnages caricaturés : d’une part, un cruchon sexuellement tordu et végétarien jusque dans la couchette : Édouard Green, un nom très recherché puisque tout est vert dans sa vie d’autant qu’il a un faible pour…le brocoli.

D’autre part, une nounoune de première classe : *Le chemin d’Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard celui d’Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amélia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés .* (Extrait)

Et voilà, nous assistons à l’entrée triomphale du sexe brocolien en littérature. Le poireau a même été invité…ça doit être la deuxième nuance : *Je crains que vous n’ayez pas très bien compris, Amalia. Pour moi, le sexe est inséparable des légumes. Sans leur intervention, je le trouve d’un ennui mortel .* (Extrait)

 Évidemment, vous vous doutez sans doute qu’Amalia finit par déchanter : *Pointilleux me paraît faible pour qualifier Green. Tyrannique serait plus adapté, ou chiant, pour un vocabulaire moins soutenu .* (Extrait)

Et bien sûr, l’humour s’en mêle…*Je jette un regard de biais à son zizi, si impérial tout à l’heure et à présent, réduit à un macaroni Barilla…À défaut de faire l’amour, Green fait la moue, tel un enfant boudeur. Il est irrésistible ainsi : tout nu avec son brocoli dans la main et sa zigounette taille XXS.* (Extrait)

En entreprenant la lecture de ce livre, j’ai pris un risque craignant de tomber sur un désastre comme CINQUANTE NUANCES DE GREY. Mais non, DEUX NUANCES DE BROCOLI m’a fait rire, comblant d’une certaine façon le vide qui caractérise (selon moi) le livre de EL James.

Les ressemblances avec l’œuvre parodiée sont poussées à la limite de la caricature. J’ai trouvé les scènes sexuelles très drôles d’autant qu’elles sont commentées d’une façon légèrement vitrioliques par Amalia qui tient le rôle de narratrice.

Côté faiblesse, le live accuse des rebondissements sous-exploités et une finale expédiée. Dans le dernier quart du livre, subitement, je me retrouve avec un récit d’Amélia qui vient de laisser *Brocoli man* sans avertissement. C’est l’histoire du cheveu dans la soupe qui laisse à penser que l’auteure commençait à manquer d’inspiration ou en avait marre.

Quant à la finale, comme ça se produit souvent dans les parodies, elle est rapide, sous forme de lettres ou de réflexion écrite et se termine par une narration. Cette façon de faire contraste avec la trame de l’histoire et surtout les répliques parfois hilarantes d’Amalia. Malgré tout, ce livre m’a déridé. Il m’a fait rire et j’ai apprécié sa fraîcheur et sa spontanéité. J’ai aussi trouvé Amalia particulièrement attachante et drôle avec ses remarques et ses observations vigoureuses et truculentes.

Ce livre n’aura peut-être pas 125 millions de lecteur, mais je lui en souhaite un maximum. Ce n’est pas l’idée du siècle mais elle est originale, son développement est sarcastique. Il a des petits côtés coquins mais pas à outrance. L’histoire a le mérite d’être moins ridicule que CINQUANTE NUANCES DE GREY. Et surtout, le livre est drôle. À essayer avec ou sans légumes.

Suggestion de lecture : LES PETITES CULOTTES de Géraldine Collet

Marie Laurent est une auteure française qui se spécialise dans les romans historiques comme L’AVENTURIÈRE EN DENTELLES, une romance napoléonienne. Sa période préférée est le 19e siècle. Mais il lui arrive aussi d’écrire des nouvelles et des poèmes.  DEUX NUANCES DE BROCOLI ne fait pas bande à part dans l’œuvre de l’auteure. J’ai découvert que sa production est d’une très grande variété. Pour en savoir plus, l’idéal est encore de consulter sa pages FACEBOOK. Cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 octobre 21