LA TABLE DE ROBESPIERRE, de CHARLES RICHEBOURG

*Il souleva un coin du funèbre linceul…
il resta stupéfié devant le visage qu’il
venait de découvrir. Le No 16 regardait
l’éternité de ses yeux vitreux, mais sa
bouche souriait, comme si la mort avait
figé sur ses lèvres l’expression d’une
radieuse satisfaction. *
(Extrait : LA TABLE DE ROBESPIERRE,
Charles Richebourg, Éditions Oxymoron,
2017, éd. Numérique, 82 pages)

Hippolyte Plinthe, un professeur de philosophie est retrouvé égorgé sur un banc du Jardin des Plantes. Le commissaire Odilon QUENTIN apprend que le vieil homme s’était rendu, au « Café Royal » dans l’intention d’écrire une lettre capitale sur la table de Robespierre qu’occupait le célèbre politicien aux entractes du club des Jacobins durant la Révolution Française. L’  étrange client aurait griffonner un mot adressé au policier évoquant  « le baiser de la veuve ». Pourtant, la missive n’est jamais arrivée à destination. Et que signifie cette lubie de se rendre sur la table de Robespierre? Pour quelle raison le mort arborait-il un sourire radieux?…

SI MAXIMILIEN SAVAIT
*D’un invraisemblable fatras de ragots et
de cancans émergeait au moins un
renseignement précis: en quittant son
appartement pour la dernière fois, le
septuagénaire avait déclaré se rendre
au « café royal », dans l’intention bien
arrêtée d’écrire une lettre d’importance
capitale sur < la table de Robespierre. >

(Extrait)

Je parlerai d’abord d’Odilon Quentin, personnage récurrent dans l’œuvre de Richebourg. Le personnage créé par Charles Richebourg, est beaucoup flamboyant. 47 enquêtes menées par un homme prompt à résoudre les enquêtes qui lui sont proposées. J’ai pu apprécier ses talents de déduction et de synthèse.

Je crois que Richebourg a créé un personnage complet, bien creusé, solidement campé, brillant malgré ses attributs physiques : Il est gros, son apparence est terne, tête dégarnie, air empâté et il est loin d’être habillé au goût du jour mais voilà, il ne faut pas s’y fier car sa finesse d’esprit et sa perspicacité sont remarquables. Les romans mettant en vedette ce sympathique personnage sont courts, indépendants les uns des autres.

C’est ce que j’appelle des romans de gare car ils se lisent vite et bien et chacun a sa part de revirements et d’originalité. Pour ceux et celles qui apprécient les lectures aussi brèves que bien développées, je suggère fortement la collection ODILON QUENTIN. Je vous invite à consulter les titres et les premières de couverture sur le site de l’éditeur.
Cliquez ici.

Tous les attributs de Quentin se retrouvent dans le livre que je cite comme exemple aujourd’hui : LA TABLE DE ROBESPIERRE. Hypolite Plinthe, un savant de 75 ans, original et extrêmement lettré, est retrouvé égorgé. Quentin, chargé de l’affaire apprend que le professeur s’est rendu au café Royal afin d’écrire une lettre évoquant le *baiser de la veuve* sur la table utilisée jadis par Robespierre pendant ses pauses de la dictature *jacobine*  .

Pour Quentin, le baiser de la veuve évoqué dans la lettre sous-entendait la vengeance, ce qui rendait plus claire la raison pour laquelle Plinthe voulait écrire la lettre sur cette table historique :

*Conformément à ses principes, le savant estime que, pour produire un maximum d’efficacité, la lettre qui fera tomber la tête d’un homme doit être écrite à l’endroit où s’installait jadis le suppôt de la guillotine. En somme, il s’efforce de créer l’ambiance.* (Extrait)

Il faut mentionner ici qu’à l’époque décrite par cet opus, la guillotine est encore utilisée dans l’application de la peine de mort et aussi rappeler que Robespierre lui-même a été exécuté sans procès le 28 juillet 1794. Quant à savoir qui a tué Hypolite Plinthe, le commissaire Quentin a du pain sur la planche mais il a déjà une clé pour résoudre l’affaire : LA TABLE DE ROBESPIERRE.

L’idée du récit est originale et l’ensemble est développé avec une plume habile et intelligente. Le récit est aussi intriguant, surtout si on tient compte du fait que le professeur a été retrouvé mort avec un sourire béat aux lèvres. Un petit côté agaçant dans cette lecture est le rappel constant des caractéristiques physiques de Quentin qu’on appelle souvent le gros commissaire. Ça revient trop souvent et c’est irritant. Mais en général tous les éléments sont réunis pour une excellente lecture.

Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso

Quelques mots sur Robespierre

Maximilien de Robespierre s’engage dans la politique et est élu député en mai 1789. Il se fait remarquer par son éloquence en défendant la liberté de réunion, la liberté de la presse, le suffrage universel ainsi que l’instruction gratuite et obligatoire. Il milite au Club des Jacobins dont il prend la tête en avril 1790 grâce à sa réputation d’intégrité, qui lui vaut le surnom d’Incorruptible.

D’abord partisan d’une monarchie constitutionnelle, il devient, après la trahison de Louis XVI, l’un des principaux adversaires de la monarchie et s’impose comme un partisan des réformes démocratiques.

Après la chute de la monarchie, Robespierre est élu à la Convention nationale et contribue à faire voter la condamnation à mort de Louis XVI. Plus tard, il est élu membre du Comité de salut public qui cherche d’abord à éliminer les factions tels les modérés de Danton et les «Indulgents» de Camille Desmoulins puis installe le régime de «La Terreur». Robespierre atteint le sommet de sa puissance en juin 1794, en étant élu président de la Convention nationale.

L’intensification de la Terreur qui découvre toujours de nouveaux «ennemis du peuple» conduit des membres de la Convention nationale et du Club des Jacobins à organiser une conspiration. Robespierre est mis en garde à vue à l’Hôtel de Ville et meurt guillotiné le 28 juillet avec une vingtaine de ses partisans.

Maximilien de Robespierre 1758-1794

Charles Richebourg est un pseudonyme. L’auteur qui se cache derrière ce nom d’emprunt a toujours été énigmatique pour les lecteurs et les commentateurs littéraires. Dès le départ, il œuvrait en force pour les collections *AVENTURE* et *POLICE ET MYSTÈRE*.

Son personnage le plus récurent est le policier Odilon Quentin.  Richebourg s’étend très peu sur lui-même. Il évolue dans l’ombre. Je n’ai même pas trouvé une petite photo acceptable. Par contre j’aime beaucoup le petit côté énigmatique et vieillot de ses premières de couverture.

         

Bonne lecture
le vendredi 18 septembre 2020
Claude Lambert

LES GESTIONNAIRES DE L’APOCALYPSE

LA CHAIR DISPARUE

Commentaire sur le livre audio de
JEAN-JACQUES PELLETIER

*Quand le mépris pour la politique se généralise et que la confiance dans les institutions disparait quand les appartenances se dissolvent et que l’intérêt personnel devient la seule motivation, quand l’économie souterraine… alors une société est prête à tomber entre les mains de toutes les mafias…* (Extrait : LES GESTIONNAIRES DE L’APOCALYPSE, tome 1 LA CHAIR DISPARUE, réédition papier 1996, 660 pages, éditions ALIRE, publication audio : 2018, éditeur : AUDIBLE STUDIO, durée d’écoute : 20 heures 30 pour le tome 1, version intégrale. NARRATION : JEAN BRASSARD)

1996…Pour avoir démantelé Body Store, une organisation internationale de trafic d’organes, John Paul Hurtubise a subi de terribles représailles : ses enfants ont été « vidés » de tous leurs organes et ses proches, menacés de mort. 1998… Souffrant du syndrome de « personnalités multiples », Hurtubise, devenu Paul Hurt grâce à l’Institut, se terre dans la région de Québec où il tente d’oublier le passé.

Mais voilà : un journaliste offre son cœur – dans une glacière ! – à l’une de ses amies, un artiste fou se met à sculpter dans l’humain, un réseau d’extracteurs sillonne les rues de la ville… Body Store renaîtrait-il de ses cendres ? Les mafias s’unissent à l’échelle mondiale, et si personne n’intervient, elles risquent de prendre le contrôle de la planète entière.

VERS UNE MAFIA GLOBALISÉE ?
*Je sais que la dignité n’est pas indispensable
dans le métier d’ordure, que c’est même un
handicap mais bon…vous essaierez de faire
un effort*
(Extrait)

LA CHAIR DISPARUE est une longue histoire qui a nécessité plus de 20 heures d’écoute et encore, ce n’est que le premier tome d’une longue saga, une tétralogie en fait. Dans ce récit deux entités s’opposent, s’entredéchirent et s’entretuent.

D’une part, il y a le consortium : un rassemblement de groupes mafieux qui travaillent à mondialiser la mafia créant un gouvernement parallèle tellement puissant qu’il deviendrait intouchable, inatteignable : *Sans qu’ils s’en doutent, les gens se retrouveraient bientôt avec l’équivalent mondial des Nations-Unies du crime organisé.> (Extrait)

l’enjeu principal qui semble vouloir sceller les alliances est le trafic d’organes. La coordinatrice de ce jeu infernal est celle qu’on appelle LA DÉLÉGUÉE spéciale, femme froide et sans conscience également inatteignable.

D’autre part, il y a L’INSTITUT qui travaille à contrecarrer l’expansion de la mafia et qui est dirigée par une femme énigmatique et extrêmement puissante, également inatteignable appelée *f*. Le pivot de l’histoire est celui qui a démantelé BODYSTORE, une organisation internationale de trafic d’organes qui veut reprendre du service : John Paul Hurtubise.

Ce dernier ayant subi la vengeance du consortium a subi un choc et a développé le syndrome de dissociation. Une vingtaine de personnalités se bousculent en lui. L’Institut a caché Hurtubise, devenu Paul Hurt dans la région de Québec. Sans le savoir, Hurt se prépare à reprendre du service.

Le consortium se tire dans les pieds à cause de personnages cupides, ambitieux et retors. Un personnage entre autres, un médecin psychopathe, fou à lier qui a inventé L’ART ORGANIQUE en créant des expositions d’un barbarisme innommable à partir de corps humain enlevés et séquestrés : le corps-spectacle qui magnifie les corps dénaturés, désarticulés par les mutilations, les greffes chaotiques, la torture et autres horreurs.

Dans ce premier tome, l’auteur ne fait pas dans la dentelle. La description est directe, tranchante. Pas de censure, pas de ménagement. Dans le récit, il y a beaucoup d’action en parallèle. Le fil conducteur est tentaculaire et c’est un peu difficile à suivre.

L’auteur ne se gêne pas pour y aller de ses petites observations sur la capacité des humains à être pervers mais ça n’ajoute pas grand-chose à un récit déjà chargé de passages plus ou moins nécessaires comme les extraits du traité de l’art organique d’Arto, un détraqué qui valorise la dénaturation du corps humain pour réinventer l’art.

Toutefois, le volume a des points très forts; Paul Hurt qui essaie de composer avec toutes les personnalités qui sommeillent en lui. Je me suis attaché à ce personnage courageux et tout son monde…du 20 pour un. Fort, original et profond. J’ai beaucoup appris sur le syndrome de la personnalité multiple.

J’ai aussi trouvé remarquable et touchant le dialogue entre Hurt et un de ses personnages, appelé le VIEUX à la fin du récit. Pelletier a quand même réussi à faire diversion en créant des personnages un peu burlesques qui viennent alléger le récit. Par exemples, les policiers Grondin et Rondeau.

Le premier étant affublé d’une grattelle quasi permanente et l’autre qui appelle son officier supérieur le chef ordure…toléré parce qu’ici la grossièreté est induite par le syndrome de la Tourette. Ils sont drôles, attachants, pas tout à fait en accord avec l’éthique policière. Mais j’étais toujours heureux de la retrouver eux et les JONES 1, 2 3 et ainsi de suite, des anges de la bonne cause dirigés par le frère Guidon. C’est une trouvaille.

Dans l’ensemble, le roman est âpre, touffu, fil conducteur instable. Assez fluide. D’ailleurs le dernier quart du récit m’a rendu addictif.  En passant, j’ai adoré la narration de Jean Brassard à cause de son harmonique vocale particulière mais surtout à cause de sa capacité à moduler sa voix en fonction de chacun des principaux personnages. C’est parfois subtil, c’est surtout très efficace.

Détenteur d’une maîtrise en philosophie de l’Université Laval Jean-Jacques Pelletier  a enseigné la philosophie de 1970 à 2004 au cégep Lévis-Lauzon. Attentif à l’univers des médias, des arts et de l’informatique, les romans de Jean-Jacques Pelletier s’intéressent de façon particulière à l’embrigadement idéologique, à la manipulation des individus et des foules ainsi qu’aux différentes formes d’exploitation. La passion de l’auteur pour le thriller et la géopolitique ne l’a pas empêché d’explorer l’univers du fantastique – à preuve « la Bouche barbelée », nouvelle qui remportait en 1993 le concours de nouvelles de Radio-Canada.

Pour consulter la bibliographie de Jean-Jacques Pelletier, cliquez ici.

Suggestion de lecture, du même auteur : DIX PETITS HOMMES BLANCS

Voici comment est présenté Jean Brassard sur voices.com : Baryton chaud, profond, romantique, affirmé, amical, animateur sportif, sexy, ludique, jeune, acteur de caractère…, chanteur, narration… Accents français ou canadiens-français… Connaissance pratique de l’espagnol, de l’allemand…Compétences spéciales : Animation, Livres audio…Vidéo Internet, Bande annonce, Baladodiffusion, Radio, Téléphone, Télévision, Jeux vidéo. Expérience : 30 ans d’expérience dans le domaine de la voix off…

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 25 juillet 2020

LA CIBLE, de ROBERT MORCET, série LE CELTE

*Mais vous êtes fou, cria-t-elle en se débattant.
Une gifle monumentale lui arracha la tête. Pendant
quelques secondes, elle ne vit qu’un arc-en-ciel
d’étoiles filantes…Dans la voiture de devant, les
deux autres ne bronchaient pas.>
(Extrait : LA CIBLE, copyright Robert Morcet 2016,
édition numérique, 200 pages.)

Un jour, dans le ministère où elle travaille comme secrétaire, Angie verrouille son bureau à la fermeture et sort, descend vers la sortie, se rend compte qu’elle a oublié son téléphone portable, remonte à son bureau et c’est alors qu’un homme d’origine arabe tente de la tuer. Qu’a-t-elle surpris ? Elle sait maintenant quelque chose qu’elle n’aurait jamais dû savoir. Elle se confie à son amie Florence. Le Celte, héros récurrent de l’œuvre de Morcet se met sur l’affaire. Les dossiers des employés du ministère visé sont passés au crible. Il semble que certains de ces dossiers comportent des ombres. Angie est en danger…en grand danger. On ne donne pas cher de sa peau.

PASSE-MOI LE CELTE
*Le Celte attira le sac vers lui. Il était bien
lourd pour un sac de sport. Qu’est-ce
qu’il y  mettait dedans? Trois paires
d’altères? Il tira la fermeture éclair.
Bon Dieu…il se redressa. «Patron,
venez voir»*

La série LE CELTE est composée de 47 titres. J’en en lu un, simplement pour en faire l’essai. Il se trouve que c’est un des plus récents, façon de parler, LA CIBLE a été publié en 2016. J’ai passé un assez bon moment de lecture sans toutefois être emballé. Ici, LA CIBLE s’appelle Angie, une secrétaire brutalement agressée dans son bureau.

Les pisteurs soupçonnent Angie d’avoir capté une conversation pas du tout destinée à ses oreilles. Et nous voici plongés dans l’histoire classique de la femme qui en sait trop, sans saveur, sans originalité. Il y a toutefois de l’action, quelques rebondissements et des passages qui forcent l’attention :

*Le Celte attira le sac vers lui. Il était bien lourd pour un sac de sport. Qu’est-ce qu’il y mettait dedans ? Trois paires d’altères ? Il tira la fermeture éclair. Bon Dieu…il se redressa. <Patron, venez voir.>* (Extrait)

Il est à mon avis exagéré de qualifier le livre de <cocktail d’action et de suspense> du début à la fin. Certains chroniqueurs attribuent cette petite fleur à toute la série. C’est un peu fort. Même si je n’ai pas lu d’autres tomes, je suis à peu près certain qu’on peut trouver mieux dans la série.

Peut-être que j’ai choisi un tome alors que la série s’essoufflait et que j’ai été exaspéré par la qualité du format numérique que j’ai utilisé, encadré de travers avec un orthographe plus que douteux. Quant au Celte lui-même, je ne peux pas dire que j’ai trouvé Loïc très attachant et pas aussi alerte que la Presse a bien voulu nous le faire croire. Enfin je n’ai pas trop compris pourquoi la Presse littéraire a été aussi dithyrambique à l’endroit de LA CIBLE.

Dans l’ensemble, j’ai quand même aimé malgré tout mais c’est le genre de titre que je suis porté à oublier malheureusement. Sachant qu’il n’y a pas deux personnes pareilles en matière de goût, faites-en l’essai. Choisissez un titre dans la série. Au lieu d’aller vers la fin de la série comme moi, allez au début… ça pourrait être intéressant. Vous verrez bien.

Suggestion de lecture : À L’OMBRE DE LA MONTAGNE. de Kathleen Brassard

Né le 27 septembre 1949 à Saint Ouen, Robert Morcet est un ancien délinquant. Condamné à 15 ans de réclusion criminelle pour braquage de banque, respecté dans les milieux policiers et chez les voyous, il a assumé seul ses erreurs passées. Son premier livre, TENDRE VOYOU, édité en 1987 chez Carrère contient son autobiographie. Robert Morcet s’est rendu célèbre par sa série LE CELTE, qui compte 47 titres et a connu un énorme succès depuis sa lancée en 1988. LE CELTE, c’est Loïc Le Goënet, un capitaine de l’ancienne brigade antigang. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 23 mai 2020

FIN DE RONDE, le livre de STEPHEN KING

*…je vais vous dire un truc que je dirais jamais si j’étais sobre. J’aimerais que Babineau le tue. Qu’il lui injecte un truc vraiment toxique et qu’il le fasse dégager.
Parce qu’il me fait peur…il nous fait peur à tous.*
(Extrait : FIN DE RONDE, Stephen King, Albin Michel 2017 pour la traduction française, 460 pages, éd. Numérique)

Dans la chambre 217 de l’hôpital Kiner Memorial, Brady Hartsfield, AUTEUR DU MASSACRE À LA MERCÉDÈS QUI A FAIT HUIT MORT, git dans un état végétatif depuis sept ans, soumis aux expérimentations du docteur Babineau. Mais derrière son regard fixe, Brady est bien vivant et capable de commettre un nouveau carnage sans même quitter son lit. Comprenons-nous bien : QUELQUE CHOSE DANS LA CHAMBRE 217 DU SERVICE DES TRAUMATISMES CÉRÉBRAUX DE LA CLINIQUE RÉGIONALE VIENT DE SE RÉVEILLER…QUELQUE CHOSE DE MALÉFIQUE…

AVANT-PROPOS :

TÉLÉKINÉSIE : D’après le dictionnaire de l’internaute.com, la télékinésie est une faculté paranormale de déplacer un objet par la seule pensée. Wikipédia parle de psychokinèse ou psychokinésie présentée comme une hypothétique faculté métapsychique d’agir directement sur la matière, par l’esprit.

SUBLIMINAL : Une perception subliminale est une perception qui se situe en dessous du seuil de la conscience. Un message subliminal peut ainsi être transmis à une personne sans que celle-ci en ait conscience. Dans le sens strict du terme la perception subliminale est limitée au stimulus trop faible ou trop rapide pour être traité consciemment.

UN LÉGUME QUI TUE
*«Une voiture. Elle est passée sur la foule
comme une tondeuse à gazon. Le putain
de taré m’a manqué de peu. Je sais pas
combien il en a fauché…»*

En matière de lecture, j’ai plutôt tendance à élargir mes horizons avec de nouveaux auteurs, des styles différents. Il m’arrive toutefois régulièrement de revenir à mes auteurs fétiches et parmi ceux-ci : Stephen King. Mon choix s’est porté sur un titre récent : FIN DE RONDE qui vient compléter la trilogie après Mr MERCEDES et CARNETS NOIRS et qui vient fermer le cycle BILL HODGES, INSPECTEUR À LA RETRAITE.

Voyons voir d’abord le contenu. Ceux qui ont lu la trilogie se rappelleront que Brady Hartsfield, ce fou dégénéré a hérité d’une chaussette pleine de billes d’acier que Holly lui a porté en plein sur le crâne avec un maximum de force. Résultat, Brady se retrouve à l’hôpital à l’état de légume.

Tout le monde le croit fini, mais non, il se réveille le gentil monsieur avec la même idée encore plus folle qu’avant : pousser des jeunes au suicide. Il se découvre un don pour la télékinésie et un autre don, autrement plus dangereux, celui de faire migrer son esprit dans un autre corps afin d’en prendre le contrôle. Brady a beau jeu de provoquer de nombreux suicides en utilisant l’hypnose par le biais d’un jeu électronique appelé Fishin’Hole.

J’ai été un peu déçu du fait que King a versé plus dans l’intrigue policière avec une trame très complexe, pénible par moment. L’ensemble est plutôt lourd et manque de fluidité. Il y a une grande quantité de personnages et le fil conducteur souffre de précarité. Le lien entre Brady, le jeu vidéo et le joueur potentiellement suicidaire n’est pas établi clairement. Il y a des longueurs et il est facile de se perdre dans ce pavé de 500 pages.

Le livre comporte toutefois beaucoup de forces dont une des principales caractéristiques de Stephen King, celle de travailler ses personnages, de les approfondir, de leur attribuer des défauts, des qualités, un passé, une mentalité. King tend à rendre ses personnages réels avec un maximum de sincérité en particulier pour Bill Hodges dont l’état de santé a le don d’inquiéter le lecteur.

Autre force importante liée au talent de Stephen King, c’est le brassage d’émotions qui caractérise ses ouvrages. FIN DE RONDE n’échappe pas à la règle : il y a Brady dont on voudrait tordre le cou et qui échappe continuellement aux limiers, Hodges dont la santé est plus que précaire. Je n’ai pas ressenti la peur comme je la ressens habituellement dans la bibliographie de King mais il a réussi à me faire passer par une gamme d’émotions.

Je dois ajouter à tout ça, que, outre une finale digne d’un des esprits les plus imaginatifs de la littérature, FIN DE RONDE n’est pas sans nous faire réfléchir sur le caractère addictif des jeux vidéo et sur les réseaux sociaux qui à mon avis échappent à tout contrôle comme internet d’une certaine façon. Il y a aussi matière à réflexion sur le suicide : 800 000 personnes meurent chaque année par suicide dans le monde.

Une statistique frappante dit que trois québécois s’enlèvent la vie chaque jour. C’est énorme. Le suicide n’est pas inné. Comme dans FIN DE RONDE, il est provoqué. Enfin, je veux préciser que les messages subliminaux existent. L’utilisation de cette technique a été criminalisée dans plusieurs pays.

Il est vrai que cette fois, King a versé davantage dans l’intrigue policière mais il l’a fait avec finesse et intelligence même s’il est parfois un peu difficile à suivre et bien sûr il a ajouté les ingrédients qui font que King demeure King : le mystère, le pouvoir psychique et le caractère authentique de ses personnages.

Pour toutes ces raisons, et je ne tiens pas compte du destin réservé à Bill Hodges et Brady Hartsfield, je recommande sans hésiter FIN DE RONDE…on ne pouvait trouver meilleur titre.

Suggestion de lecture : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ, collectif

Pour tout savoir sur Stephen King, biographie, bibliographie, filmographie et les actualités entourant l’auteur, je vous invite à visiter le CLUB STEPHEN KING.

Je vous invite à lire les commentaires que j’ai écrit sur LA TOUR SOMBRE et 22/11/63, deux œuvres majeures de Stephen King.


BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 30 novembre 2019

LA SORCIÈRE DU PALAIS, SOPHIE BÉRUBÉ

*Aucune trace d’Édouard. Elle se dirige
vers la cuisine. Elle entend une sorte de
ronflement. Il y a du sang partout. Mais
c’est le ronflement qui égratigne les
nerfs de Julie.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS, Sophie
Bérubé,  Les Éditions Coup d’œil, 2017.
Édition de papier, 385 pages)

Dans les couloirs du palais de justice, tous connaissent Maître Julie De Grandpré, avocate redoutable, séduisante et sans merci. Surnommée «La Sorcière», elle a quitté la couronne pour représenter la défense. Mais pour l’enquêteur Mathieu Langlois, le surnom de Julie De Grandpré ne l’intéresse pas autant que le fait qu’elle a disparu depuis trois semaines. Qui peut bien en vouloir à la «sorcière» ? Au fil des découvertes étonnantes sur le passé de l’avocate, de graves révélations viendront compliquer l’affaire, mettant au jour un important scandale judiciaire. 

LE CÔTÉ OBSCUR DE LA JUSTICE
*…il ne faut pas oublier qu’on s’attaque à
gros. Au ministre de la Justice, au
procureur en chef et au président d’une
multinationale. On a pas le choix de
vérifier ce qui est écrit là-dedans.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS)

LA SORCIÈRE DU PALAIS est un thriller judiciaire qui explique un peu comment, pour faire une enquête, on peut partir d’à peu près rien et finir par résoudre l’affaire. Mais cette affaire est étrange : Une avocate, Julie De Grandpré disparait dans de mystérieuses circonstances…pas d’indices, pas de mots…et un chat éventré découvert dans sa cuisine par la femme de ménage. Le mystère est total.

Julie De Grandpré est célèbre pour avoir basculé de la Couronne à la défense sans explication. C’est une avocate redoutable qui a aussi une réputation douteuse. Tout ce que Mathieu Langlois, policier spécialisé dans les disparitions, sait de l’avocate au moment de débuter son enquête, c’est qu’on l’appelle la sorcière dans les couloirs du palais de justice. Sa tâche ne sera pas facile.

Dans une intrigue qu’elle fait évoluer très habilement, Sophie Bérubé présente un portrait pas très flatteur de la justice et très tôt dans le récit, le lecteur se demande si Julie De Grandpré était du bon côté de la justice au moment de faire basculer sa carrière. Elle doit composer avec la mafia, des gangs de rue, des criminels sans compassion. L’enquête rappelle un peu une course à obstacles qui sont autant de rebondissements pour le lecteur.

L’auteure implique aussi un personnage très important dans son intrigue : Marc Thiffaut, qui passe d’éditorialiste à journaliste aux affaires judiciaires. Il se crée, entre Thiffaut et Langlois une interaction très intéressante. Les journalistes peuvent être les pires casse-pieds mais ils peuvent être aussi d’une précieuse utilité. J’ai beaucoup apprécié ce jeu de donnant-donnant favorable à la justice. Ça m’a semblé crédible et réaliste.

Il n’y avait, pour moi, qu’un seul côté irritant dans ce récit, c’est le penchant fleur bleue ou rose bonbon du policier Mathieu Langlois. C’est classique. C’est un cliché. L’image du policier qui fait passer son travail avant sa femme, qui a le quart de la moitié d’une petite aventure avec sa *cliente* et qui vient près de perdre sa famille pour ça.

L’histoire du policier dont la vie de ménage est fragilisée et qui étale ses états d’âme, ça m’énerve et c’est malheureusement courant en littérature policière. Je dois toutefois avouer que l’auteure a donné à son personnage principal une sensibilité qui le rend attachant. En général, les personnages de l’histoire sont étoffés et bien travaillés.

Donc c’est un ouvrage au rythme enlevant, aux rebondissements multiples et à la finale qui était pour moi totalement imprévisible. Je brûle de vous en parler mais vous trouverez particulièrement satisfaisant de la découvrir vous-même. Cette finale comme telle est un revirement. J’ai été happé par le livre dans son ensemble mais je dois dire que le dernier quart fut particulièrement addictif.

L’ouvrage m’a aussi fait réfléchir sur la crasse qui obstrue la justice. Ce n’était peut-être pas son but mais c’était inévitable. En lisant le quatrième de couverture, vous avez tout de suite la puce à l’oreille : pourquoi une avocate de la couronne réputée faire des miracles passe-t-elle subitement à la défense et pourquoi est-ce qu’on l’appelle LA SORCIÈRE DU PALAIS? Je me suis laissé aller dans une lecture dont l’intrigue allait en crescendo.

On sait que l’univers littéraire policier est riche et se caractérise par l’abondance. Faire son chemin dans cette tendance ne doit pas être nécessairement facile vu la nécessité de trancher par l’originalité, la subtilité, la nouveauté, le tout pour un lectorat qui semble toujours demandé la même chose : SURPRENEZ-MOI.. À ce titre, je crois que Sophie Bérubé est une auteure à surveiller.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS, de Franz Kafka

Sophie Bérubé est une auteure québécoise. Elle a évolué dans le droit, le journalisme, l’écriture, la critique, la production et l’animation.  Avec sa passion de l’écriture,  elle a publié quatre romans : SANS ANTÉCÉDANTS, son premier roman a franchi le cap des 20 000 exemplaires vendus, le roman érotique PREMIÈRE FOIS, son petit dernier, au moment d’écrire ces lignes : sur un plateau d’argent. LA SORCIÈRE DU PALAIS est son deuxième roman. Véritable femme-orchestre, Sophie Bérubé évolue dans plusieurs domaines tous liés au monde des communications.

Pour visiter le site internet de Sophie Bérubé, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 novembre 2019

 

LÉDO, un roman sombre de PIERRE CUSSON

<Tu vas voir, salaud, lequel des deux est le plus fou…Le triangle enflammé n’est plus qu’à vingt mètres. Le moment est arrivé…> (Extrait : LÉDO, Pierre Cusson, Éditions Pratiko/ Polar presse, édition numérique, 375 pages)

La petite ville de Ste-Jasmine et l’inspecteur Réginald Simard sont aux prises avec une série de meurtres tous aussi horribles que mystérieux. Un dangereux criminel court les rues et semble insaisissable. Il s’acharne à narguer Simard en le ridiculisant par des notes laissées sur les lieux de ses méfaits. La clé de l’énigme est confinée dans les dossiers de l’éminent policier.

De nombreux rebondissements viennent compliquer l’enquête et au moment où le mystère Lédo semble résolu, surgit alors l’impensable…*Un être aussi abject, d’une perversité aussi extrême, ne peut continuer à faire partie intégrante d’une société* Extrait

PSYCHOPATHE ET PIRE…
*Recouvert d’une mince couche de frimas, le corps
de Rita Donovan gît tout au fond, sur un lit de
petits paquets de viande et de boîtes de produits
de toutes sortes.. À ses pieds l’accompagne son
caniche…*
(Extrait : LÉDO)

Comme la plupart des livres de Pierre Cusson, Lédo est un roman policier très sombre. Pour vous placer le mieux possible dans le contexte, je pourrais comparer le style de Cusson à celui de Martin Michaud (voir la chorale du diable) ou encore à celui de Chrystine Brouillet. Ces auteurs ont une capacité de montrer jusqu’où peut descendre la bêtise humaine.

Dans LÉDO, la petite ville de Sainte-Jasmine est le théâtre de meurtres aussi horribles que mystérieux. Des meurtres qui laissent supposer que les victimes ont subi une innommable torture. Un criminel dégénéré court les rues, insaisissable et pousse la provocation jusqu’à laisser des messages à l’inspecteur Réginald Simard qui enquête sur ces meurtres :

*«Que fais-tu Simard? Tu arrives trop tard. Il ne te reste plus qu’à ramasser les ordures. Comme d’habitude. Tu es un incompétent et jamais tu ne pourras m’attraper. Mais comme je suis généreux, tu auras encore ta chance. Ce petit salaud n’est pas le dernier. Alors à bientôt, Réginald. xxx.»* (Extrait)

J’ai plongé dans cette lecture et je n’ai jamais vu le temps passer. Intrigue, mystère, énigmes et beaucoup de questionnements. Il semble que plusieurs victimes étaient loin d’être des enfants de chœur. Mon attention était déjà soutenue jusqu’au milieu du récit où j’ai eu droit à un véritable coup de théâtre, l’histoire a fait un extraordinaire virage sans nuire en quoi que ce soit au fil conducteur.

N’ayant aucune idée du nombre de pages restantes, je croyais que l’histoire était terminée. Mais non. J’étais au milieu. La deuxième partie m’a catapulté dans une forte addiction qui m’amenait de surprise en surprise.

Pierre Cusson a fort bien soigné la psychologie de ses personnages et a orchestré une histoire noire dont certains passages sont à soulever le cœur et poussent le lecteur et la lectrice à se demander s’il est possible que l’homme puisse descendre aussi bas. Je vous fais grâce des détails mais en dehors des exactions humaines heureusement décrites avec une certaine retenue, nous avons ici un excellent roman policier, très bien écrit.

Le style de Cusson est très direct et le caractère haletant de l’histoire ne ménage pas le lecteur. Bavures, errance policière, traîtrise… La plume est forte. Il n’y a pas de longueurs, pas de temps morts. Le coup de théâtre au milieu du récit m’a pris par surprise et j’ai trouvé la finale fort imaginative et qui n’est pas sans laisser le lecteur avec de la matière à réflexion.

En fait, le principal questionnement ici est le fait de se faire justice soi-même. *«Se faire justice soi-même est un grave délit. Laisser errer un meurtrier parmi les innocents, c’est de la folie pure et simple», Ce sont ces phrases que Réginald Simard avait criées à Marcel Vincelette alors que ce dernier quittait sa chambre à l’hôpital de Sainte-Jasmine.* (Extrait)

Est-ce qu’on est en droit de dire que quelqu’un ne mérite pas de vivre? Que la seule façon d’empêcher une récidive de la part d’un meurtrier est de l’abattre ? Est-ce qu’on peut se substituer à la justice ?

Qui n’a pas été tenté de le faire ? La loi est claire. Il y a la justice qui est là pour ça. Elle est lente. À beaucoup, elle donne l’impression d’être détraquée. La justice est aveugle comme le dit l’expression consacrée, mais c’est la justice. Le livre pose ou peut-être devrais-je dire *expose* une question : Est-il possible qu’il se présente des circonstances qui ne donnent pas le choix ?

Plusieurs personnages ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être. C’est un beau défi de lecture car on va de rebondissement en rebondissement et l’énigme s’épaissit au fur et à mesure de la progression de l’histoire et la première conclusion tirée au milieu de l’ouvrage est surprenante. Pour ceux et celles qui aiment les lectures *hard* et *gore* pour utiliser un langage exceptionnellement familier, LÉDO est pour vous.

Suggestion de lecture : DANS L’OMBRE DE CLARISSE, de Madeleine Robitaille

Au moment d’écrire ces lignes, les notes biographiques sur Pierre Cusson étaient à peu près inexistantes. Je sais que Pierre Cusson est né en 1951 en Montérégie au Québec et que toute son enfance a été imprégnée des histoires d’Hergé, de Jules Verne et d’Henri Verne et plusieurs autres auteurs et qui ont contribué au développement de l’imagination déjà fertile de Pierre Cusson. Pour suivre cet auteur, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 novembre 2019

LE CHIFFREUR, livre de CHRISTINE BENOIT

*…Il resta immobile face au spectacle abominable
qui se jouait dans le salon. Ses jambes vacillèrent
sous l’effet d’une profonde répulsion. Il sentit son
cœur se fendre dans le gémissement qu’il poussa.*
(Extrait : LE CHIFFREUR, Christine Benoit, Les Éditions de
Mortagne, 2007, édition de papier, 480 pages)

Dans une ville provinciale de France, plusieurs meurtres sont commis plongeant la ville dans une psychose générale. À priori, il n’existe aucun dénominateur commun entre les victimes. Le tueur, perfectionniste, utilise un mode opératoire différent pour chaque victime. Seule sa signature prouve le lien entre les meurtres : un nombre tracé au feutre rouge dans la main gauche de chaque cadavre. Dans cette course contre la montre, le capitaine Nichas devra faire appel à une éminente criminologue pour dresser le profil psychologique de ce tueur aux méthodes surprenantes. Quelles sont ses motivations…?

LE TUEUR AU FEUTRE  ROUGE
*Un quart d’heure plus tard, Pierre Belcourt téléphonait
au capitaine Nichas pour lui annoncer qu’il venait de découvrir
…le cadavre de Cyril Lachaume, handicapé mental, trente-trois Ans, égorgé, puis découpé en quatorze morceaux, pièces
manquantes : Viscères et verge. Meurtrier droitier, pas
d’empreintes ni de traces du suspect. Chiffre 2 écrit au feutre
rouge dans la main gauche.*

Cette histoire développe et analyse une folie meurtrière. J’aurais été tenté de dire, l’histoire d’un homme qui se prenait pour Dieu et alors c’eut été une variation sur un thème connu : *Quant à lui, il accédait à l’autorisation merveilleuse d’enlever la vie à celui qui ne la méritait pas. *  (Extrait) mais ce n’est pas aussi simple. Donc les meurtres s’accumulent dans une petite ville de France.

Ces meurtres semblent disparates à une exception près : un chiffre écrit au feutre rouge sur la paume de la main gauche. L’inspecteur Nichas s’enligne pour une cruelle chute de cheveux tellement la pression est forte sur ses épaules : *En cet instant, il ne pouvait que constater l’avance que le meurtrier prenait sur lui…il redoutait l’accélération de sa folie meurtrière*. (Extrait)

Toute la compréhension de cette histoire repose sur la nature des chiffres inscrits au feutre rouge sur une main des victimes. Et les policiers sont très longs à décoller sur cette piste, ce que je n’ai pas très bien compris : *Son seul regret : la police pataugeait. Il regrettait la stupidité des inspecteurs. À tort, il avait pensé qu’en leur laissant des messages chiffrés les flics comprendraient son but.* (Extrait)

Au début, j’ai vraiment cru que les chiffres sur les mains représentaient un ordre chronologique des meurtres. Je me suis vite rendu compte qu’il s’agissait d’une toute autre chose. En fait, le meurtrier avait détourné à des fins personnelles la valeur symbolique universelle des chiffres.

Les policiers ont fini par comprendre, et moi aussi qu’il n’y avait qu’une façon de résoudre ces meurtres, c’est en passant par la symbolique des nombres, la kabbale et l’alchimie. C’est là que j’ai commencé à m’ennuyer un peu.

Le chiffreur est un parfait illuminé qui croit manifester la volonté céleste. Pour comprendre le récit, à la kabbale et à l’alchimie s’ajoute la compréhension d’une psychologie très complexe qui dépasse de loin l’explication classique de l’enfance difficile.

Là où je veux en venir, c’est qu’à partir du moment où les policiers s’accrochent à la piste ésotérique, vous avez au moins deux spécialistes de la question qui viennent nous faire un cours sur la symbolique des nombres, sujet très complexe pour les non-initiés et qui fait que l’ouvrage accuse une lourdeur inadmissible.

Le tarot, la voyance, l’occultisme, la symbolique, l’alchimie…tous ces sujets ultra spécialisés éloignent le lecteur du sujet, diluent l’intrigue et ont provoqué chez moi une baisse d’intérêt. Le sujet demeure original mais je crois que l’auteure aurait pu couper court ou tout au moins alléger le sujet et garder solide le fil conducteur du récit.

*Une vengeance dans un esprit simple fonctionnait sur le registre œil pour œil, dent pour dent, et ne s’encombrait pas de tout ce folklore hermétique. Un intellectuel dépressif pouvait tout à fait cacher ses actions monstrueuses sous un fatras mystico-philosophique.* (extrait)  Pas de quoi écrire un volume à l’intérieur d’un volume et distraire ainsi le lecteur qui ne sait plus où donner de la tête.

En dehors du fait que le livre est un peu trop didactique à mon goût, LE CHIFFREUR est un bon drame policier. Sa trame est lourde mais elle est tout de même originale. Les personnages ont été très bien travaillés.

L’auteure, Christine Benoit leur a donné une dimension humaine intéressante un peu comme Nora Roberts le fait dans ses drames policiers avec des détails qui prennent souvent par surprise mais qui consacrent la crédibilité des personnages. En général, c’est bien ficelé.

Je crois toutefois important de rappeler que lorsque vous arriverez dans la partie du récit qui explore à fond la piste ésotérique, il faudra jouer le jeu de la patience et essayer de vous mettre dans l’esprit du chiffreur. Revoyez les extraits de cet article pour vous mettre en piste. Moi je ne l’ai pas trop regretté car je dois admettre que l’auteure nous a ménagé une finale intéressante.

L’exploration intéressante d’un esprit tordu… à lire si vous êtes patient…

Suggestion de lecture : SI JE TE RETROUVAIS, de Nora Roberts

Christine Benoit a enseigné l’économie et le droit du travail pendant 10 ans. Depuis 1991, elle dirige une clinique médicale et occupe les fonctions de gestionnaire dans une entreprise de restauration collective ainsi qu’au sein d’une entreprise agroalimentaire, qu’elle a respectivement créées en 1993 et 1996. Jonglant d’une main de maître avec un horaire chargé, elle réussit le tour de force de prendre la plume pour publier son deuxième thriller : LE CHIFFREUR.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

le dimanche 22 septembre 2019

CRIME ACADEMY, de CHRISTIAN JACQ

<L’assassin n’en croyait pas ses yeux. Une convocation
en bonne et due forme à la télévision pour devenir la
vedette d’une émission qui fascinerait le grand public,
«CRIME ACADEMY»! De même qu’à six autres candidats,
on lui proposerait, ni plus moins, de raconter son crime
parfait…>

(Extrait : CRIME ACADEMY, Christian Jacq, 2012, J-édition pour
la version numérique, 235 pages, édition de papier)

CRIME ACADEMY est le titre d’une nouvelle émission créée par une chaîne populaire de télévision et qui se rapproche de la téléréalité. Sept assassins impunis, des criminels qui ont échappé à la justice, sont invités à l’émission pour raconter les circonstances de leur crime. Ensuite, le public est appelé à choisir son criminel préféré. Les grands pontes de Scotland Yard sont furieux et délèguent l’inspecteur  à la retraite Higgins et son remplaçant Scott Marlow pour enquêter. Ce dernier commence par rencontrer les *vedettes* . Quelque chose cloche…

CRIMINELS OU FABULATEURS?
*La forteresse qui abrite les
sept candidats de la
CRIME ACADEMY est un
marécage recouvert de
brume*
(Extrait : CRIME ACADEMY)

Je connaissais déjà la plume de Christian Jacq pour ses nombreux récits sur l’Égypte. J’étais très curieux de vérifier comment Jacq se débrouillait dans un contexte d’intrigue policière. J’ai choisi CRIME ACADEMY tout à fait au hasard. On est très loin de la perfection mais le livre présente un intéressant rapport de forces et de faiblesses. Voyons d’abord le synopsis.

L’histoire tourne autour de sept assassins potentiels, c’est-à-dire sept personnes qui avouent avoir commis le crime parfait sans jamais avoir été ennuyé par la justice. Les crimes ont été perpétrés il y a plus de trente ans, en Grande Bretagne, là où la prescription n’existe pas. Mais la justice doit remonter trop loin dans le temps pour être efficace et rendre punissables ces sept personnages.

Cecil Cadeno, animateur et organisateur d’une émission de télé-réalité à scandale réunit ces sept personnes avec une garantie de protection légale pour qu’elles racontent leur crime et concourent ainsi au titre de meilleur assassin, titre accompagné d’une somme d’argent plus que confortable.

Le superintendant Marlow de Scotland Yard se lance dans une enquête qui s’annonce fort complexe, tellement qu’il fait appel à son vieil ami Higgins pour l’aider à découvrir la vérité dans ce panier de crabe. Très vite, Higgins voit qu’il y a anguille sous roche. Et ça se complique très vite car des morts s’ajoutent pendant l’enquête. Le temps presse.

Première observation, le concept est original et rappelle les *huis-clos* de Miss Marple et d’Hercule Poirot, les brillants limiers créés par Agatha Christie. Le Crime de l’Orient-Express me vient à l’esprit aux fins de comparaisons. Même si ça rappelle Agatha Christie et même Conan Doyle, le concept est bien propre à Christian Jack.

La comparaison s’arrête là, les histoires d’Agatha Christie étant beaucoup plus approfondies et mieux finies. L’originalité de l’histoire m’a quand même plu, d’autant qu’elle vient faire un petit croche-pied à l’univers de la téléréalité, que je trouve d’une extraordinaire insipidité. Elle n’est pas rendue aussi bas, mais je ne suis pas sûr qu’elle se gênerait.

La plus belle réussite de Christian Jacq est qu’il a pu maintenir le caractère intriguant de l’histoire jusqu’à la fin. Il m’a forcé à me creuser la tête et j’ai joué le jeu : *La forteresse qui abrite les sept candidats de la CRIME ACADEMY est un marécage recouvert de brumes…* (Extrait).

J’ai trouvé la finale excellente. Elle vous réserve un magnifique bouquet de déductions et de logique policière alors que tous les suspects sont réunis pour le *speech* final et que toutes les pièces du casse-tête prennent leur place.

Le roman est relativement court, il se lit très bien. La plume est fluide et l’ensemble est très bien ventilé, les chapitres en particulier qui sont courts. C’est la principale faiblesse du roman : il est trop court, il manque de fini, de développement, d’enrobage. La psychologie des personnages est très peu développée ce qui est dommage, spécialement dans le contexte d’un roman de type huis-clos comme CRIME ACADEMY.

Il aurait été intéressant, voir nécessaire de développer davantage le schéma de pensée des assassins et surtout, d’en savoir plus sur les motivations de Cecil Cadeno, l’animateur qui a beaucoup à gagner et beaucoup à perdre aussi comme on le verra, car l’auteur nous a réservé quelques surprises.

On est très loin du chef d’œuvre mais j’ai quand même apprécié ma lecture. Je considère que CRIME ACADEMY est un très bon divertissement.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, De Martin Michaud

Né à Paris en 1947, Christian Jacq est d’abord et avant tout égyptologue et il a partagé sa passion en publiant des livres qui sont devenus autant de références sur l’Égypte. Aujourd’hui, ses ouvrages sont publiés dans une trentaine de langues. Parallèlement, il a publié des romans historiques qui ont pour cadre évidemment l’Égypte antique, ainsi que des romans policiers publiés sous pseudo et réédité par la suite sous son vrai nom.

Comme si Christian Jacq avait une corde de plus à son arc, ses romans policiers ont connu aussi un succès flatteur grâce à son personnage fétiche, l’inspecteur Higgins. Cette série : LES ENQUÊTES DE L’INSPECTEUR HIGGINS comprend 23 titres. C’est une collection à découvrir. Voici quelques titres…juste pour vous mettre l’eau à la bouche…

             
           

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 21 septembre 2019

BILLY-ZE-KICK, le livre de JEAN VAUTRIN

*« Chère Julie-Berthe. Je suis près de toi. Partout et nulle part. Je te regarde dormir. Je suis prêt à t’obéir. Un mot de toi et j’exécuterai tes ordres. Désigne-moi qui tu Veux tuer et tu verras ce sera fait. Ton dévoué Billy-Ze-Kick » * (Extrait, BILLY-ZE-KICK, Jean Vautrin, Éditions Gallimard, Série Noire, 1974, édition numérique et de papier. 145 pages num.)

Un fou dégomme au fusil à lunette une mariée à la sortie de l’église… Un horticulteur refuse le bétonnage de ses terres et piège son terrain… Des gosses s’enferment dans les caves des tours et y passent des heures… La banlieue est devenue dangereuse, la mort rôde. Julie-Berthe, dans ce décor, a sept ans, zozotte et est terriblement précoce. Elle adore les zizis et les zézettes. Oui, Julie-Berthe est un ange ! Son père, qui pensait se la couler douce au commissariat en l’absence du chef, se retrouve dépassé. Sa fille, orchestre le chaos. Billy-ze-Kick est son prince charmant : il fera ses quatre volontés… Billy serait un mythe enfantin si le sang qu’il verse n’était pas réel.

UN VRAI TUEUR IMAGINAIRE
*Billy-Ze-Kick ouvrit les yeux…Maintenant venait le temps
de la réflexion. Une sourde angoisse lui nouait l’estomac.
Avec le meurtre de la mariée (il préférait dire le coït), il
avait été totalement imprudent. Il avait obéi à une espèce
d’urgence, à une sorte de soumission inconsciente.*
(Extrait : BILLY-ZE-KICK)

C’est un récit étrange. Un roman très noir qui tourne autour d’une étrange famille : Roger Clovis Chapeau, inspecteur de police très attaché à ses prérogatives et au prestige lié à son titre. Julie Chapeau, sa femme, un peu volage et Julie-Berthe Chapeau, une petite fille à l’esprit perturbé et qui souffre d’un sévère problème langagier : elle *zozotte* :

*Papa dit que si ze développe mon intelligence, zirai loin à condition que les cochons me bouffent pas. Qui mettent pas leurs sales pattes sur mon derrière. C’est comme ça qui l’appelle mon popotin, M. Chapeau, mon papa.* (Extrait)

Clovis a pris l’habitude de raconter à sa fille des histoires policières et de meurtre ayant comme personnage central un garçon susceptible, capricieux et violent : BILLY-ZE-KICK. Or, depuis quelques temps, des meurtres sont commis dans la ville de Clovis… des meurtres calqués sur les histoires que raconte le policier à sa fille :

*Un être qu’il avait fabriqué de toutes pièces. Il venait de lui lâcher la main, de lui faire faire ses premiers pas, BILLY-ZE-KICK venait de débuter dans le monde.* (Extrait)

L’histoire est très glauque et réunit une brochette de personnages égocentriques issus de la cité-dortoir des oiseaux, un *achélème* sordide et invivable dont on développe l’envie irrésistible de sortir. Dans tout ce petit monde à la recherche d’air, il y a BILLY-ZE-KICK, personnage basé sur le légendaire Billy-The-Kid, bête et très méchant. Je vous laisse trouver qui joue le rôle de ce personnage odieux.

Mais une chose est sûre : Julie-Berthe y est très attachée : *Si tu es Billy-Ze-Kick, dit-elle, sois gentil. Tue quelqu’un pour moi veux-tu ?…Si tu es vraiment Billy-Ze-Kick…il faut que tu tues ma maman Zuliette.* (Extrait) Graduellement, la petite fille de 8 ans devient monstrueuse…*Un zour, un zour, il faudra que ze tue quelqu’un pour voir comment ça fait. C’est une sensation que ze veux connaître* (Extrait)

Ce livre a été publié au milieu des années 70 et est très lié au contexte de l’époque. Toutefois il pose une énigme intéressante au lecteur : Qui est Billy-Ze-Kick? Un gangster qui s’en sort toujours mais encore ?

Le livre propose donc un défi au lecteur, un défi particulier d’autant qu’il projette dans l’univers complexe de la maladie mentale et de plus, il m’a poussé à la réflexion ou tout au moins à me poser la question : Est-ce que tout le monde n’a pas dans son imaginaire un billy en dormance ?

Je serais curieux de voir quelle proportion de lecteurs se sont attachés à Billy parce qu’entre autres raisons, il est vulnérable. Pourtant, c’est un personnage odieux et insensible pour qui tuer est virilisant. Le livre a certaines caractéristiques de l’étude de mœurs.

Donc j’ai aimé ce livre, c’est une histoire intéressante mais elle a mis ma patience à l’épreuve à cause de son langage très argotique…un jargon poussé pas à peu près : *À c’t’heure, Chariot Bellanger refoulait du goulot et bobinait du côlon avec enflure du pancréas et tortillon dans le grêle tripou tellement son épicurien dîner s’avérait difficultueux à suc-digestiver.* (Extrait)

Autre difficulté dans la lecture de ce livre : le fil conducteur de l’histoire ne tient pas la route. Le récit prend toutes sortes de direction et occulte l’enquête policière. L’auteur a plutôt misé sur la psychologie de ses personnages, leur mal de vivre leurs mœurs et les interactions entre les acteurs du drame.

Il  ne faut pas oublier aussi bien sûr, au centre,  Julie-Berthe et sa créature : BILLY-ZE-KICK. Enfin je précise que tous les propos de Julie-Berthe sont *zozotés* dans le récit. Ça aussi c’est pas toujours facile à suivre. C’est agaçant mais j’ai pu m’y faire avant la fin.

C’est donc un livre intéressant à lire, mais lourd et centré sur une petite fille laissée à elle-même et dont l’imagination malade donne corps à Billy-Ze-Kick. Le lecteur pénètre dans un univers déjanté où les relations humaines sont mécaniques…intrigantes…curieuses, atypiques…un défi à relever.

Suggestion de lecture : LE CHUCHOTEUR, de Donato Carrisi

Jean Vautrin (1933-2015) de son vrai nom Jean Herman était un écrivain, réalisateur, scénariste et dialoguiste français. Il gagne en notoriété dans les années 1970 avec des œuvres comme BILLY-ZE-KICK et BLODY MARY après avoir commencé à écrire sous son pseudonyme : Jean Vautrin. Autre trouvaille de l’écrivain, en 1987, avec Dan Franck, il créera le fameux personnage du reporter-photographe au grand cœur : Boro dont les aventures seront adaptées à la télévision. En 1989,  Il obtient le prix GONCOURT pour son roman UN GRAND PAS VERS LE BON DIEU. En 1998, il reçoit le prix Louis-Guilloux pour l’ensemble de son œuvre.

BILLY-ZE-KICK AU CINÉMA

BILLY ZE-KICK a été adapté au cinéma par Gérard Mordillat en 1985. Dans la distribution, on retrouve François Perrin dans le rôle de l’inspecteur Chapeau. La jeune Julie-Berthe est jouée par Cérise Bloc. Les amateurs de musique se rappelleront également qu’un groupe a pris le nom de BILLY-ZE-KICK et les gamins en folie. Ce groupe a réalisé un album éponyme sorti en France en 1994. Un groupe de punk rock moins connu a pris le nom de Billy-Ze-Kick. Dans tous les cas, le caractère noir du mystérieux personnage est avéré.

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 4 août 2019

AFFAIRES PRIVÉES, livre de MARIE LABERGE

*-Le suicide, Rémy, ça se sème pas de même.
C’est pas le genre d’affaires qui s’attrape
comme un rhume. Faut souffrir pour se tuer.
À quinze ans comme à soixante. Comment
elle a fait ça? *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES, Marie Laberge,
Productions Marie Laberge 2017 pour l’édition de
papier, Éditions Martha pour l’édition numérique.
442 pages numériques.)

Quand Rémy Brisson, le directeur de l’escouade des crimes non résolus, affecte Vicky Barbeau à une enquête sur une mort fort peu suspecte, il le fait pour des raisons personnelles. Il est incapable de refuser quelque chose à la mère de cette jeune fille de quinze ans trouvée morte dans un boisé après avoir pris une dose mortelle de somnifères. Et quand Vicky s’aperçoit qu’en s’approchant des témoins de la vie de cette magnifique Ariel, elle s’expose à revoir des gens qu’elle a relégués au passé, l’enquête prend des allures de cauchemar.

CÔTÉ NOIR
*Qu’un adulte se laisse traiter comme du bétail à faire
jouir, ça le regarde. Mais qu’on contraigne un enfant,
qu’on profite de l’ascendant qu’on a sur lui pour
L’entraîner dans une violence et une subordination
inimaginables, tout cela pourquoi? Pour permettre à
Des impuissants de rêver qu’ils dominent enfin, alors
Qu’ils sont dominés par leurs peurs et leur abjection. *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES)

Il y a longtemps que je ne m’étais laissé aller à une lecture aussi addictive. Troisième essai dans le roman policier pour Marie Laberge. Elle a signé une histoire complexe et brillante. Un succès.

Voyons d’abord la trame : le directeur de l’escouade des crimes non résolus Rémy Brisson demande à Vicky Barbeau d’enquêter sur le suicide apparent d’une jeune fille nommée Ariel, retrouvée morte dans un boisé, intoxiquée par une dose massive de somnifère.

Vicky enquête effectivement, mais rien ne laisse supposer autre chose qu’un suicide. Elle apprend qu’une autre fille de l’école d’Ariel, s’est suicidée il y a deux ans Après l’étude des conclusions de l’enquête et du rapport du coroner, tout tendait à confirmer les suicides. Ce n’est qu’à l’arraché que Vicky, aidée de son collègue français Patrice trouvera quelques indices qui laisse supposer que tout ça n’est pas net.

Et s’il y avait un lien entre les deux suicides? Ça ne coûtait rien de fouiller de ce côté-là. C’est à partir de là que l’enquête prendra des allures de cauchemar et Vicky trouvera sur son chemin certaines personnes qui auraient beaucoup à se reprocher. Jamais on n’aura poussé l’opiniâtreté si loin.

Ce qui était au départ un cas simple de suicide est devenue une histoire d’horreur dont l’auteur tire une à une les ficelles avec une lenteur calculée et un incroyable don de déduction. Elle utilise le meilleur de sa connaissance de la nature humaine pour extraire des vérités dérangeantes qui n’étaient jusque-là qu’affaires privées.

Laberge signe un roman complexe développé avec une intelligence remarquable alliée à une connaissance précise de l’âme humaine. Avec une lenteur calculée, un sens précis de la déduction, des éléments d’enquête ajoutés à la petite culière, l’auteure lève le voile sur l’horreur, sur cette capacité qu’ont les êtres humains de tomber si bas. Le livre vient nous faire réfléchir sur la nature même du suicide.

Certains suicides s’annoncent, d’autres non, mais ils ne se font jamais sans raison. Il faut chercher à comprendre. J’ai beaucoup apprécié la subtilité des dialogues et de la grande sensibilité avec laquelle les enquêteurs approchent les jeunes dont le silence recouvre des secrets innommables. Par exemple, pourquoi Ariel se mutilait? Pourquoi deux suicides en deux ans et y a-t-il un rapport avec le théâtre que les deux jeunes filles adoraient?

Graduellement, l’auteur aborde avec tact la détresse des adolescentes, la souffrance de leurs parents et l’incompréhension puis, alors que les informations se recoupent,  l’auteure introduit les pointes acérées de la vérité qui n’est rien de moins qu’une descente aux enfers pour Ariel, et avant elle, Andréanne. L’auteure évoque la fragilité de l’adolescence et la subtilité des messages qu’elle peut lancer à ses pairs.

Je me doutais bien toutefois qu’un livre aussi intense allait avoir ses petites faiblesses. En fait, ce sont des personnages qui se caricaturent eux-mêmes : le metteur en scène Gilles Caron, con comme un balai, la directrice de l’école, pincée et aseptisée. Assam qui incarne le bon Roméo, le genre dernier amant romantique.

Il y a certains passages où l’auteure semble sombrer dans la facilité. Disons simplement que la psychologie de plusieurs de ses personnages est insuffisamment développée. J’ai cessé de compter le nombre de fois ou Caron passe pour bête à manger du foin. Ajoutons à tout cela la longueur de certains interrogatoires.

AFFAIRES PRIVÉES reste une excellente histoire. Marie Laberge y a mis toute sa sensibilité vu le sujet traité et y sonde avec précision la nature humaine. Le livre fait réfléchir sur la démarche du suicide ou ne serait-ce que la seule pensée effleurée.

Deux suicides qui au départ étaient sans liens. Conclusions de l’enquête : suicide simplement. La ténacité d’un enquêteur plongera le lecteur dans les abîmes immondes de la pédophilie et du masochisme. Ne vous attendez pas à des descriptions à soulever le cœur. Parfois, le non-dit est pire.

Un grand cru.

Suggestion de lecture: AFFAIRES ÉTRANGES. de Joslan F. Keller

Marie Laberge est une écrivaine, dramaturge, romancière, comédienne et metteur en scène québécoise née le 29 novembre 1950 à Québec.  Elle a à son actif une vingtaine de pièces de théâtre traduites et jouées dans de nombreux pays.

Toute sa carrière est parsemée d’honneurs, de prix et d’attributions. Par exemple, sa nomination au titre de Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1998 par le ministère de la culture de la France pour son apport à la francophonie. 

En mai et juin 1995, à la demande du premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, elle a rédigé le préambule de la Déclaration d’indépendance du Québec en collaboration avec, entre autres, Gilles Vigneault, Fernand Dumont et Jean-François Lisée.

Pour en savoir plus sur Marie Laberge, consultez son site officiel.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 22 juin 2019