LE CRI, Nicolas Beuglet

<Comme on le pensait, cette affaire nous emmène bien plus loin que prévu.>

<Sarah croisa le regard de Christopher. L’un comme l’autre mesurait leurs très faibles chances de réussite. Mais leurs mains ne se séparèrent pas.>

Extraits : LE CRI, Nicolas Beuglet, Poscket éditeur, papier, 2018. Version audio : Audiolib éditeur, 2017. Durée d’écoute : 13 heures 52 minutes, narrateur : Olivier Prémel

Hôpital psychiatrique de Gaustad, Oslo. À l’aube d’une nuit glaciale, le corps d’un patient est retrouvé étranglé dans sa cellule, la bouche ouverte dans un hurlement muet. Dépêchée sur place, la troublante inspectrice Sarah Geringën le sent aussitôt : cette affaire ne ressemble à aucune autre… Et les énigmes se succèdent : pourquoi la victime a-t-elle une cicatrice formant le nombre 488 sur le front ? Que signifient ces dessins indéchiffrables sur le mur de sa cellule ?

Pourquoi le personnel de l’hôpital semble si peu à l’aise avec l’identité de cet homme interné à Gaustad depuis plus de trente ans ? Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va lier son destin à celui d’un journaliste d’investigation français, Christopher, et découvrir, en exhumant des dossiers de la CIA, une vérité vertigineuse…

Les dérives de la science

LE CRI est un thriller psychologique et techno-médical sur fond de religion, d’une forte intensité. L’auteur a tout mis en place pour me saisir et me garder sous son influence tout le long du récit. Tout va vite. Même très vite. Ça commence par la mort d’un patient interné dans un hôpital psychiatrique depuis 30 ans. Le directeur dit que c’est un suicide, l’inspectrice pense tout le contraire et se demande d’abord pourquoi l’homme est marqué au front du chiffre 488.

Le directeur sait des choses. Démasqué, il se sauve et met le feu à l’institution, tuant des dizaines de personnes. Il en réchappe, mais il est gravement blessé. Il est interrogé. L’inspectrice apprend des choses surprenantes et elle n’est pas au bout de ses peines car elle a mis le doigt dans un engrenage malsain et terrifiant, allant de découverte en découverte pour plonger finalement dans un cauchemar.

Tout y est et attendez-vous à avoir le vertige : des énigmes complexes à résoudre, un enfant en danger de mort, des révélations fracassantes, des poursuites effrénées, des expériences barbares et cruelles, des menaces, des morts et j’en passe…tout cela pour aboutir à la révélation d’un inimaginable secret que les êtres humains ne doivent absolument pas connaître. Ce fameux secret fait suite à une obscure recherche faite sur l’île de l’Ascension ou la CIA a déjà commandité d’obscures recherches.

L’idée centrale de ce polar est la vie après la mort qui obnubile un milliardaire tordu. C’est un thriller fortement anxiogène, développé sur des chapeaux de roues et qui ne laisse aucun répit au lecteur/auditeur. Cette fébrilité se manifeste au détriment de la profondeur malheureusement. Trop rapide, trop chronométré et par moment, abracadabrant.

On a mis de côté la psychologie des personnages, les questions d’éthique scientifique, pas beaucoup d’émotions, sauf dans le dernier quart du récit. Le fil conducteur est solide mais l’ouvrage manque définitivement de ventilation.

Je suis d’accord avec les critiques sur plusieurs points, plus particulièrement sur le fait que le thème de la vie après la mort est en surchauffe sur le plan littéraire. Mais on ne doit pas s’arrêter là. C’ici que je deviens un peu plus à contre-courant de la critique car l’auteur a déployé une imagination incroyable appuyée par une recherche sérieuse et crédible sur le plan scientifique ce qui lui a permis d’être efficace sur le plan de la fiction.

C’est ainsi que Beuglet a redéfini la nature des neutrinos et de la matière noire au bénéfice de l’intrigue. Il y a dans l’histoire de remarquables trouvailles.

Un autre fait très intéressant fortement imbriqué dans l’intrigue concerne la religion. Il ne s’agit pas ici de guerres de religion mais de LA religion peu importe l’étiquette. L’auteur propose une conclusion aussi osée que troublante sur le sort de l’âme après la mort physique et le rôle de Dieu dans le cycle. C’est à glacer le sang. Vous comprendrez alors pourquoi l’auteur a choisi LE CRI comme titre.

Donc c’est un roman très fort, addictif, très rapide, recherché et angoissant. Variation sur un thème très répandu en littérature. Impressionnant déploiement d’imagination. Récit puissant sur le plan évènementiel mais plus pauvre sur le plan psychologique. Les personnages sont peu approfondis et la question du sort de Simon, l’enfant pris en otage est plutôt sous-développé. Il n’y a pas de longueur mais quelques passages sont…disons tirés par les cheveux.

C’est un livre qui agrippe et qui ne laisse pas indifférent. J’ai beaucoup aimé. En passant, la version audio est excellente. Superbe performance du narrateur Olivier Prémel

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE, de Hans Küng



L’auteur Nicolas Beuglet

Du même auteur

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 19 mai 2024

LE CHUCHOTEUR, Donato Carrisi

*Ce qui le suivait n’était pas là sur cette route.
C’était bien plus proche. C’était la source de
ce bruit. C’était quelque chose auquel il ne
pouvait pas échapper. Cette chose était dans
son coffre. *
(Extrait : LE CHUCHOTEUR, Donato Carrisi,
éditeur Calmann-Lévy, 2010 pour la traduction
française. Édition de papier, 574 pages…Le livre
de poche.)

Depuis qu’ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe d’agents spéciaux ont l’impression d’être manipulés. Chaque découverte macabre, chaque indice les mènent à des assassins différents. La découverte d’un sixième bras, dans la clairière, appartenant à une victime inconnue, les convainc d’appeler en renfort Mila Vasquez, experte dans les affaires d’enlèvement. Gavila et ses agents vont échafauder une théorie à laquelle nul ne veut croire : tous les meurtres sont liés, le vrai coupable est ailleurs. 
Quand on tue des enfants, Dieu se tait, et le diable murmure… un thriller littéraire inspiré de faits réels

Sombre peut être l’humain
*<Billy était un bâtard un BÂTARD ! et j’ai bien fait de le
tuer je le détestais il nous aurait fait du mal parce qu’il
aurait eu une famille et pas nous…personne n’est venu
me sauver PERSONNE.> *
(Extrait)

Tout est noir dans ce livre. L’histoire, l’atmosphère, l’enquête, les personnages, y compris ceux qui portent en eux un secret terrible comme c’est le cas pour Goran Gavila, le criminologue qui traîne en lui le boulet d’un secret soupçonné par un lecteur désarçonné qui assistera, figé, à son dévoilement dans une finale ficelée serrée.

L’auteur va au-delà du thriller psychologique qui fouille à l’infinitésimale les synapses d’un tueur en série hors-série qui n’a rien contre ses victimes…visant autre chose… : * Des parents, qui pour des raisons différentes, n’avaient eu qu’un enfant, une mère qui avait passé largement la quarantaine, et qui n’étaient donc plus en mesure, biologiquement, d’espérer une autre grossesse…<Ce sont EUX ses vraies victimes. Il les a étudiés, il les a choisis. > (Extrait)

Les victimes ne sont pas les fillettes, ce sont leur famille. Comprendre la psychologie de ce tueur en série incorrectement appelé Albert sera le plus grand défi du lecteur qui aura peut-être même à relire cette sordide histoire en partie et même en tout pour en comprendre toutes les facettes.

Dès le départ, l’auteur frappe fort afin d’emprisonner le lecteur dans son intrigue : cinq petites filles disparues, cinq fosses creusées dans une clairière. Dans chaque fosse, un petit bras…puis par la suite, découverte d’un sixième bras appartenant à on ne sait qui.

Avec une intrigue pareille et les maux de tête qui s’annoncent pour les policiers, Mila Vasquez en particulier, le lecteur pourra bien découvrir que l’auteur les mène en bateau avec des longueurs et même un peu d’errance dans le texte, ce qui est singulièrement agaçant…peu importe. Donato Carrisi nous amène exactement là où il veut qu’on aille.

Comme lecteur, attendez-vous à des allers-retours car il semble que chaque découverte suppose un assassin différent. *Au centre de tout ceci, il n’y avait pas une simple chasse à l’homme, mais l’effort pour comprendre le dessein qui se cachait derrière une séquence apparemment incompréhensible de crimes atroces. La vision difforme d’un esprit malade. * (Extrait) Mais de quel esprit s’agit-il exactement? Là, une surprise attend le lecteur.

Toute l’originalité du récit repose sur le chuchoteur, un tueur en série d’une espèce rare peu ou pas développée en littérature policière : *<Mais vous n’êtes pas le seul à pouvoir entrer dans la tête des gens…Dernièrement, j’ai beaucoup appris sur les tueurs en série. J’ai appris qu’ils se divisent en quatre catégories : visionnaires, missionnaires, hédonistes et assoiffés de pouvoir…mais il y a une cinquième sorte. On les appelle tueurs en série subliminaux.>* (Extrait)

d’une main de maître et avec une plume parfaitement maîtrisée, Carrisi amène ses limiers à adopter une théorie d’apparence tirée par les cheveux mais qui finit par s’imposer inexorablement donnant au livre un caractère absolument diabolique et m’ayant donné, comme lecteur, la bizarre impression d’être manipulé. J’ai dit que l’écriture est maîtrisée, c’est vrai mais elle est aussi d’une grande complexité. Ça demande de la relecture et beaucoup de concentration.

Que penser de ce tueur qui a toujours un pas d’avance sur ses poursuivants? C’est une histoire très complexe. Trop à mon avis. L’auteur aurait pu simplifier un peu. Je suis d’accord pour qu’une lecture lance des défis et même exige une certaine recherche. Je le fais souvent. Quand ça devient un fardeau, c’est différent. Malgré tout, le caractère intriguant de l’ouvrage lui sauve la mise.

Donc Pour faire court : polar complexe mais efficace, personnages très aboutis et froids. Se lit avec un minimum de concentration. Ensemble macabre et noir. Certains passages sont répugnants. Langage cru et direct. Atmosphère oppressante, finale éclairante et bien imaginée. Étude très intéressante d’un fond humain tordu au possible évoquant au passage les travers de la société.

J’ai eu l’impression de lire quelque chose de différent. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : BILLY-ZE-KICK, de Jean Vautrin

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le  » monstre de Foligno « , un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit en 1999 pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Au moment d’écrire ces lignes, LE CHUCHOTEUR son premier roman, vendu à plus de 200 000 exemplaires en Italie, est en cours de traduction dans douze pays et a déjà remporté quatre prix littéraires.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 22 mai 2022

JE TE VOIS, livre de CLARE MACKINTOSH

*…une femme dont la photo a été publiée a été assassinée et, apparemment, tout le monde se moque de savoir qui sera la prochaine victime. -Pas moi. Moi ça m’intéresse répond fermement l’agent Swift après un silence. Dites-moi tout ce que vous savez. *

(Extrait : JE TE VOIS, Clare Mackintosh, Marabout, le livre de poche, 2016, édition de papier, 540 pages)

Comme des milliers de Londoniens, Zoe Walker emprunte quotidiennement le métro et feuillette le journal distribué sur le quai. Un matin, elle découvre sa propre photo dans les petites annonces, sous l’adresse d’un site internet. Qui a pris ce cliché à son insu ? Dans quel but ? Et puis est-ce bien elle ? Sa famille n’en est guère convaincue.

Zoe ne trouve qu’une oreille attentive : celle de Kelly Swift, un agent de la police du métro. Car une succession d’incidents étranges persuade Kelly que quelqu’un surveille les moindres faits et gestes des passagères. Chacune de leur côté, Zoe et Kelly vont lutter contre cet ennemi invisible et omniprésent.

L’EUPHORIE DE LA TRAQUE
*Pendant toutes ces années passées à m’inquiéter
que mon fils puisse être la proie d’un cyber-
agresseur, il ne m’a pas traversé l’esprit une
seule fois qu’il puisse en être un lui-même.
C’est impossible me dis-je aussitôt. Je le saurais.*
(Extrait)

JE TE VOIS est un thriller psychologique d’assez forte intensité. Pour le décrire, imaginez le scénario suivant : Vous êtes une femme, belle sans être un canon. Vous travaillez. Vous vous rendez tous les matins à votre travail. Vous suivez le même itinéraire pour vous rendre au métro. Dans l’attente, vous replacez un peu vos cheveux, inspectez votre maquillage avec un petit miroir. La rame arrive, vous vous assoyez toujours au même endroit.

Vous sortez votre livre et vous lisez jusqu’à ce que vous sortiez. De là, toujours le même itinéraire pour vous rendre au bureau. Vous arrivez dans l’édifice où vous travaillez avec arrêt à la salle de bain pour un brin de toilette. Vous faites ça tout le temps, tous les jours. Ça s’appelle une routine. Vous avez aussi vos routines de fin de semaine.

Imaginez maintenant que quelqu’un dans l’ombre note scrupuleusement chaque détail de votre routine et inscrit le tout dans un site internet en ajoutant des détails extrêmement précis sur votre physique, vos tics et vos manies. Le but de l’opération : vendre votre trajet à un client prêt à payer un bon prix pour jouer un peu avec vous.

C’est la trame de JE TE VOIS sauf qu’ici des vies basculent et le jeu inventé par trouvel-amesoeur.com fait des morts : *J’ai du mal à accepter la réalité des femmes agressées, assassinées pour certaines parce qu’on a mis en vente leur trajet quotidien. C’est grotesque, digne d’un roman de science-fiction.* (extrait)

À partir du moment ou Zoé découvre une photo d’elle non autorisée sur trouvel-amesoeur.com, la réalité rattrape vite les services policiers…*trois meurtres, six agressions sexuelles…incidents suspects tous liés au site trouvel-amesoeur.com* (extrait)

Le livre se concentre sur Zoé qui, craignant pour sa fille décide de trouver et affronter le maître de l’interface, l’ombre qui se profile derrière le site maudit. La découverte de l’ombre fera l’effet d’une bombe dans le cœur de Zoé. Mais la véritable surprise, c’est le lecteur qui l’aura dans une finale pour le moins surprenante.

Le roman est aussi puissant que son rythme est lent. L’auteur s’étend sur la psychologie de ses personnages, Zoé et sa fille Kathie, son fils Justin et son conjoint Simon. Tout le monde est suspecté. L’auteure met très bien en place, graduellement les éléments d’une intrigue incroyablement actuelle, basée sur les nouvelles technologies.

L’auteure a pris soin aussi de créer un personnage qui est vite devenu mon préféré : Kelly Swift, une tête de mule opiniâtre et sympathique, la seule au départ qui a pris le temps d’écouter Zoé. Au fil des pages, le récit devient angoissant, inquiétant et le dernier tiers de l’histoire devient délirant et carrément addictif. On peut se fier au fil conducteur du récit.

La seule faiblesse du livre est son départ qui est lent et décousu. Le premier quart accuse des longueurs qui deviennent plus rares au fil du récit. Mais dans l’ensemble, telle une araignée vigoureuse, Clare Mackintosh a tissé une toile solide qui opère une forte attraction sur le lecteur…

Une toile qui accuse la toile car le livre n’est pas sans nous faire réfléchir sur la cybercriminalité qui est tentaculaire et souvent subtile, ainsi que sur l’influence des réseaux sociaux qui me donnent souvent l’impression que tout le monde sait tout sur tout le monde.

Je recommande JE TE VOIS. Vous reconsidérerez peut-être votre opinion sur internet.

Suggestion de lecture : LE FACTEUR 119 de Lydie Baizot

Femme de lettres britannique spécialisée dans le thriller psychologique, Clare Mackintosh a passé douze ans dans les forces de police, qu’elle a quittées en 2011 pour devenir journaliste indépendante et consultante en médias sociaux avant de se consacrer à l’écriture. Elle a fondé le festival littéraire de Chipping Norton.

Son premier roman, Te Laisser partir, a été récompensé en 2016 par le prix Theakston’s Crime Novel et par le prix « Polar » du Meilleur Roman International du Festival de Cognac en octobre 2016. Son second roman, Je te vois, est paru en France le 22 mars 2017. Il s’est déjà vendu à plus de 100 000 exemplaires depuis sa sortie en Grande-Bretagne. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 mai 2021

SURTOUT N’Y ALLEZ PAS, de ANTOINE FILISSIADIS

*Voici un livre à ne pas mettre entre toutes les mains.
Sa lecture peut-être une épreuve bouleversante pour
les femmes et les hommes qui aiment trop. *
(Extrait : SURTOUT N’Y ALLEZ PAS, Antoine Filissiadis,
2005, Éditions internationales Stanké, papier, 430 p.)

Abonnée aux histoires d’amour qui finissent mal, Corinne aime trop. Sa troisième tentative de suicide l’entraîne une nouvelle fois à l’hôpital, où une femme étrange lui donne l’adresse d’un docteur tout aussi étrange, Gérard Rickson. Puis, sa meilleure amie lui prodigue un mystérieux conseil : « Seul le Docteur Rickson peut te sauver, n’y va surtout pas. » Le désir de Corinne de se libérer de la dépendance à l’amour est plus fort que tout. Corinne se porte finalement à la rencontre de ce psychiatre peu orthodoxe, qui va l’entraîner dans une thérapie de choc, la contraignant à oublier ses proches, son métier, ses biens matériels pour mieux renouer avec elle-même. Le prix est lourd à payer pour briser le cycle de la dépendance.

EN AMOUR AVEC L’AMOUR
*Les choses s’arrangeraient avec le temps.
Le temps, miroir aux alouettes des
femmes qui aiment sans vraiment savoir
aimer. *
(Extrait)

Ce livre est un roman. Un thriller psychologique qui développe le sujet spécifique de la dépendance affective, particulièrement les femmes qui aiment trop. C’est loin d’être mon genre de littérature mais j’ai été fort intrigué par le titre et comme l’ouvrage était présenté comme un thriller, alors je me suis lancé. Je suis mitigé je dois l’avouer.

Voici l’histoire de Corinne, une trentenaire psychologiquement instable, divorcée, alcoolique, mère d’une fille qu’elle ne voit plus et pour finir, suicidaire. Lors de son séjour à l’hôpital psychiatrique après sa troisième tentative de suicide, elle découvre dans sa chambre une carte portant le nom et les coordonnées d’un psychiatre appelé Gérard Rickson avec, au verso, une inscription étonnante : *n’y allez surtout pas*.

Elle cherche à savoir qui est ce psy que personne ne connait sauf sa meilleure amie et en désespoir de cause, malgré les exhortations à ne pas y aller, <*Si jamais tu y vas, accroche-toi bien : il besogne dans l’extrême. C’est tout ce que je peux te dire> (extrait) Corinne décide de le consulter.

Attendez-vous à une thérapie hors-norme, une succession de mises en scène surprenantes dans lesquelles le sexe prend le pas sur les sentiments. Une thérapie utopique avec des conditions imposées par le psy qui sentent l’arnaque : *Cet homme frappe fort. Il ne fait pas dans la dentelle. Tout ce que tu as vécu, il l’a manigancé pour ton bien. * (Extrait)

Il ne faut pas perdre de vue que ce livre est une fiction. La thérapie est au cœur de l’histoire. Elle est improbable, démesurée, mais elle tient lieu de fil conducteur et je dois dire que l’écriture est assez efficace. Ça reste une histoire divertissante, intéressante jusqu’à un certain point mais malheureusement, elle est bourrée d’irritants.

Ce livre ressemble à un vaste exercice de vente des ateliers de développement de la personnalité dans la spécialité *amour et séduction*. C’est après ma lecture que j’ai découvert que l’auteur est conférencier dans le domaine. Un adon qui m’a tapé sur les nerfs.

Deuxième point, le tableau que dresse l’auteur sur les hommes est démesurément sombre. Bien sûr, les manipulateurs existent et ils font des ravages, j’en conviens mais j’ai été irrité de cette façon qu’a l’auteur de généraliser.

J’ai trouvé aussi exagéré que Corinne fasse cession de tous ses avoirs pour payer la thérapie. De plus, l’auteur semble magnifié le sexe et lui donner une prépondérance qui débouche sur des passages d’une crudité savamment déployée. Je pourrais aussi parler de la finale, une magnifique queue de poisson qui tient sur une page.

Je n’ai pas pu vraiment adhérer à cette histoire tirée par les cheveux et parsemée d’eau de rose qui tente de cerner les pièges de la dépendance amoureuse. Les personnages sont mal développés, certains même m’ont semblé tout à fait insignifiants. L’argumentaire ne m’a pas tellement convaincu, en particulier de faire copain-copain avec les passionnés du développement de la personnalité. En fait, ce livre a à peine la note de passage.

Suggestion de lecture : LE LIVRE QU’IL NE FAUT SURTOUT, SURTOUT, SURTOUT PAS LIRE, de Sophie Laroche

Antoine Filissiadis est né en 1951. Il vit à Chypre, sur l’île d’Aphrodite. Écrivain, conférencier et formateur, il anime des stages de développement personnel depuis 1983. Une formation constante lui permet d’enrichir en permanence ses ateliers des plus récentes expériences faites en matière de relations humaines et de communication. Son niveau de compétence crée un climat de confiance dans lequel chaque participant est amené à évoluer.

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 1er octobre 2020

DÉFAILLANCES, le livre de B.A. PARIS

*Je retiens ma respiration. Suffoque en silence sous
le choc. C’est comme si on venait de me jeter un
seau d’eau à la figure pour me réveiller. Pour me
faire comprendre l’énormité de ce que j’ai fait…
Pourquoi…pourquoi ai-je fait ça ? *
(Extrait sonore :  DÉFAILLANCES, B.A. Paris, éditions
AUDIBLE studios, 2018. Narration : Maud Rudigoz,
durée d’écoute : 8 heures 55)

L’histoire est celle de Cassandra, appelée Cass et mariée à Mathew depuis un an. Tout commence une nuit d’orage sur une route isolée traversant une vaste forêt. Cette nuit-là, Cass ne s’est pas arrêtée pour offrir son assistance à la conductrice d’une voiture immobilisée au bord de la route…toujours en plein orage. Donc Cass repart sans intervenir. À ce moment, sa vie bascule…Le lendemain, Cass apprend que la conductrice a été sauvagement assassinée. Cassandra est assaillie par la culpabilité. Elle commence à recevoir des coups de fil anonymes qui la chavirent à chaque fois. Est-ce que quelqu’un l’a vu? 

Alors que les pertes de mémoire deviennent de plus en plus fréquentes chez Cass dont la mère a été emportée par une démence précoce comparable à la maladie d’Alzheimer, Cassandra commence à douter sérieusement d’elle-même et insidieusement, l’angoisse s’installe et se transforme en terreur.

AU-DELÀ DE L’OBSESSION
*Ce n’est plus de la peur mais de la terreur. *
(Extrait)
DÉFAILLANCES est un thriller psychologique intense et sombre. Son atmosphère est maintenue sensiblement oppressante. Disons que, pour planter le décor, une jeune femme, Cassandra nommée Cass se retrouve en pleine nuit d’orage sur une route traversant une forêt très dense.

En roulant, elle voit une voiture stationnée sur l’accotement. Une femme est au volant. Elle ne fait aucun signe et n’utilise pas ses clignotants. Cass décide de ne pas s’en occupée et reprend sa route. Le lendemain, Cass apprend que la femme qu’elle a aperçu la nuit dernière a été retrouvée morte, égorgée.

Dès lors, Cass développe une paranoïa. Elle a la sensation d’être épiée et même visitée par l’assassin de la femme. Cass reçoit régulièrement des appels silencieux. Elle est persuadée que c’est l’assassin. Ça devient une obsession qui l’étouffe. Elle s’en ouvre à son mari et à sa meilleure amie mais ils prennent ça avec un grain de sel et tentent de rassurer Cass.

Plus étrange encore. Cass a maintenant des blancs de mémoire. Elle oublie parfois ce qu’elle dit et ce qu’elle fait, ce qui double ses inquiétudes d’autant qu’avant de mourir, sa mère était atteinte de démence précoce. Alors que la jeune femme dépérissait, elle fit des découvertes qui lui laissèrent supposer qu’elle pouvait être l’objet d’un complot.

Était-ce une nouvelle obsession qui se pointait ajoutant ainsi à cette apparence d’hystérie? Si tel était le cas, devait-elle appliquer le vieux proverbe qui dit : *Tel est pris qui croyait prendre*? Que pouvait-elle faire alors que personne ne la prenait au sérieux? En plus, elle prenait des médicaments qui lui faisaient perdre le contact avec la réalité.

Cette histoire est celle d’une descente aux enfers. Le lecteur devient pris dans un étau psychologique qui rappelle un peu certains scénarios d’Alfred Hitchcok. L’affaissement psychologique de Cass est développé graduellement de manière à donner des sueurs au lecteur qui doit prendre un parti entre la démence et la manipulation. La tension va crescendo jusqu’à une finale que j’ai trouvée fort bien ficelée.

Le récit comporte toutefois quelques faiblesses. Il y a de nombreux passages où la suite des évènements est prévisible …Le seul fait que les appels silencieux soient faits en l’absence de Mathew m’a laissé perplexe au départ. Et puis je me suis interrogé sur l’utilité de ces appels. Les personnages n’ont pas été travaillés en profondeurs, sauf peut-être Cass que j’avais envie de prendre par la main à certains moments donnés.

Mais il reste que DÉFAILLANCE est un huis-clos qui a quelque chose d’étouffant et qui devient addictif dès le moment où le lecteur sent venir le revirement de situation…cette espèce de point de rupture qui fait que n’importe quoi peut arriver. L’Histoire comme telle n’est pas un chef d’œuvre d’originalité mais son développement s’est fait avec une exceptionnelle habilité…une marque de commerce de B.A. Paris.

Quant à la narration, je suis satisfait de la performance de Maude Rudigoz. Son ton de voix colle très bien avec l’essence du récit. Il y a des passages monocordes mais ils sont largement compensés par des déguisements de voix habiles exercés dans les dialogues surtout. Et puis elle a une harmonique vocale assez agréable. 

Donc en résumé, DÉFAILLANCES est un très bon thriller psychologique, bien monté, efficace. Récit parfois lourd et prévisible. Stressant. Très bonne narration. Le livre est classé best-seller et je verrais très bien une adaptation cinématographique.

Suggestion de lecture : AU-DELÀ DE L’IMAGINAIRE, recueil SF

B. A. Paris laisse filtrer peu d’informations sur elle. On sait qu’elle est D’origine franco-irlandaise et qu’elle a été élevée en Angleterre avant de s’installer en France. DERRIÈRE LES PORTES est son premier roman, il sera traduit dans 33 pays. Behind Closed Doors est dans la liste des finalistes du Prix Thriller Goodreads 2016. On peu en savoir plus sur la chronologie de ses publications en visitant sa page Facebook.

Bonne écoute
le samedi 22 février 2020
Claude Lambert

ANABIOSE, le livre de CLAUDINE DUMONT

*Ils nous ont choisis. C’est la première pensée claire
qui me vient lorsque j’émerge de mon sommeil. Ils.
Nous. Ont. Choisis. Je n’ouvre plus les yeux en me
réveillant. Je n’ouvre pas les yeux. Je me demande
combien de temps le corps prend avant de
s’adapter à une nouvelle réalité. Ils nous ont choisis.*

(Extrait : ANABIOSE, Claudine Dumont, XYZ éditeur, 2013,
Collection Romanichels, édition numérique, 150 pages)

ANABIOSE raconte l’histoire d’emma, une femme solitaire qui n’ose rien, ne crée aucun lien. Elle a un boulot inutile, bref elle existe sans vivre. Alors pour oublier qu’elle gaspille son existence, Emma boit et elle boit trop, plus que de raison.

Un jour, Emma se fait enlever dans sa chambre par deux hommes masqués et se réveille le lendemain dans une pièce vide, entre quatre murs de béton, avec seulement un matelas au sol et une lampe au plafond. Où est-elle exactement ? Qui l’a enlevée ?

Emma tente de comprendre ce qui se passe pendant des jours. Pendant des mois. Bon gré mal gré, elle entre dans une phase de profonde introspection et vous pouvez me croire, Emma passera par tous les questionnements possibles et imaginables entre autres sur la façon dont elle a vécu jusque-là…quand elle était encore en liberté.

Le voyage intérieur finit par s’interrompre alors qu’un jour, Emma se réveille et découvre qu’elle n’est plus seule…un homme dort à ses côtés…elle apprendra qu’il s’appelle Julien et qu’il a été enlevé…comme elle…

AVANT PROPOS :
anabiose : Retour à une vie normale après une période où les fonctions normales de l’organisme étaient suspendues, donnant une apparence de mort

litt. une anabiose consiste en la reprise d’une vie active après une diapause prolongée, en particulier après une dessication (wiktionnaire)
Autrement dit…le processus de la résurrection…

CONSCIENCE À LA DÉRIVE
Une douche. Chaude. La sensation de l’eau, l’odeur
du savon. Un détail dans le quotidien. Je me réveille
avec ce manque sur ma peau. Il n’y a pas de douche.
Il n’y a pas d’eau chaude. Il y a le silence. Et l’autre.
Je le regarde dormir. Il est paisible. Quand ses yeux
s’ouvrent, c’est autre chose.

(Extrait : ANABIOSE)

ANABIOSE est un thriller psychologique intimiste et intense. Un voyage dans les méandres d’une conscience solitaire et torturée. C’est l’histoire d’une femme, Emma, qui n’aime rien ni personne. Enlevée par des hommes masqués, elle se retrouve dans une pièce en béton, vide…vide comme sa vie. Commence alors un long voyage intérieur, une exploration introspective profonde et méthodique.

Emma passera par tous les questionnements imaginables, sur elle-même en particulier et sur la façon dont elle a vécu sa vie jusque-là. Un matin, elle se réveille et voit qu’elle n’est plus seule…il y a Julien. Elle ne tient pas à sa présence au départ mais quelque chose commence à couver dans l’âme d’Emma. Et ce n’est pas nécessairement ce qu’on pense.

La première chose que j’observe dans ce roman haletant ce sont les phrases courtes écrites en saccades, plusieurs sans verbe :

*J’émerge. Je rêvais de soleil. La sensation du soleil sur ma peau. La chaleur. L’intensité des couleurs sous le soleil de midi. Et le vent. Le vent dans mes cheveux. La caresse du vent d’été sur ma peau. Je ne veux pas ouvrir les yeux. Je veux rester au soleil. Dans le vent. Le vert. Voir du vert. Des arbres. Le bleu du ciel.* (Extrait)

Ici, quinze phrases en quatre lignes. Ces enchaînements brusques et irréguliers traduisent une plume hypernerveuse.

Avec ce style fragmenté, Claudine Dumont exploite pratiquement chaque seconde de la vie enfermée d’Emma, chaque respiration, chaque mot qui prend forme dans son esprit. Ça donne au texte une incroyable densité qui m’a littéralement emporté. Pour utiliser gentiment le style de madame Dumont, ça m’a surpris. Ça m’a étonné. Ça m’a emporté. Ça m’a rendu accro. Ça m’a plu.

L’auteure a fait en sorte que le lecteur rejoigne Emma dans son étrange captivité ainsi que Julien qui introduit dans la vie d’Emma une notion d’entraide ce qui est nouveau pour elle :

*J’y arrive Emma, mais ça va prendre du temps. Il ne faut pas que tu abandonnes. Reste avec moi. Tu es là ? Emma, tu m’écoutes ? Tu es dehors avec moi. Dehors d’accord ? Dans un grand champ. Un champ immense. Le ciel est bleu…* (Extrait)

Le récit est à la fois simple et complexe : simple parce qu’il n’y a que deux personnages dans cette histoire qui se déroule dans une seule pièce à une exception près et que je vous laisse découvrir.

Le questionnement au départ : Comment ? Pourquoi ? Pourquoi moi ? Jusqu’à quand ? Vais-je mourir ? Complexe parce que la psychologie d’Emma est décortiquée. Sa captivité est étrange. Elle est droguée et manipulée pendant son sommeil où on pourvoit à ses besoins nutritifs et hygiéniques.

À intervalles, elle est privée d’une capacité sensorielle et l’auteur dévoile à la petite cuillère tous les éléments d’une redécouverte du caractère précieux de la vie : *Je peux imaginer les notes. Je souris. Il s’arrête. Je fais «encore» avec mes lèvres. Il pianote…je peux imaginer les notes. Je souris. Il s’arrête. Il montre du doigt mon sourire. Il lève le pouce. * (Extrait)

Ira-t-elle au bout de cette découverte. Vous devez lire le roman pour le savoir. Il a 150 pages se lit bien et rapidement. Il suffit de suivre le rythme effréné de la plume de Claudine Dumont.

Maintenant, la grande question : Est-ce que Emma et Julien retrouveront leur liberté? Évidemment je ne peux pas répondre à cette question mais je peux vous dire toutefois que j’ai été sidéré par la finale. Cette finale, vous allez l’accueillir selon votre philosophie de la vie. Pour ma part, je m’attendais à tout excepté à çà.

C’est un premier roman pour Claudine Dumont et je dois dire qu’elle frappe fort. Je n’hésite pas à vous le recommander. Son deuxième livre est aussi disponible et fait l’objet d’un  commentaire sur ce site.

À SUIVRE

BONNE LECTURE

JAILU/Claude Lambert

le samedi 2 février 2019