L’archipel du Goulag, 2

Commentaire, 2e partie
sur le livre d’ALEXANDRE SOLJENITSYNE

Pour revenir sur la première partie, cliquez ici.

L’ARCHIPEL DU GOULAG est un très long pavé (2 000 pages et plus selon les éditions) chargé de noirceur, de mort et de désespoir, cri du cœur de la réalité historique décriée froidement par Soljenitsyne. Plusieurs passages m’ont fait frémir et même, glacer d’horreur :
*Il y a un ordre du GPU : <Ne gaspillez pas de munitions ! Pas un seul coup qui ne soit pour le prisonnier ! >* (extrait)

*Entrez dans le socialisme en renforçant les prisons au maximum ! Ce n’était pas une blague dans un magazine humoristique, cela a été déclaré par le procureur général de l’Union Soviétique ! * (extrait)

*À Serpentika, 30 à 50 personnes étaient abattues par jour à quelques pas de la cellule au secret; puis les cadavres ont été entassés sur des traîneaux, et un tracteur les a emmenés de là. * (extrait)

*La mort est la principale production de l’archipel, une production ininterrompue qui n’a pas besoin de règles ou de règlements. * (extrait)

Il est pratiquement impossible de critiquer un tel ouvrage car les témoignages sont les cris du cœur de personnes déportées qui ne savent pas trop ce qui leur arrive, encore moins que le goulag n’est qu’un soutien de l’économie soviétique. Plutôt que de chercher un sens à la vie, les témoignages donnent un sens à la mort.

Je crois avoir bien saisi l’esprit de l’auteur et ce qui réactualise le livre à mon avis est l’Ukraine. En effet, au moment d’écrire cet article, l’Ukraine et la Russie sont en guerre. La Russie veut récupérer l’Ukraine.

Il faut croire que la grande histoire a ses contradictions…* Lénine a signé cette paix avec Hetman Skoropadski, ce faisant, il a montré qu’il était pleinement satisfait de la séparation de l’Ukraine…* (extrait)

Je vous avertis d’aiguiser votre patience. L’ARCHIPEL DU GOULAG est un livre très long, très dur et quelque peu indigeste à cause de nombreux palabres pas toujours utiles, de nombreux termes russes, une phénoménale quantité de notes renvoyées à la fin de l’ouvrage et une traduction douteuse. La grande force du livre tient dans le fait que Soljenitsyne couvre absolument tous les aspects de la vie concentrationnaire.

C’est un témoignage rude et sans compromis sur un système despotique qui a fait des millions de morts. *… dans le monde de la concentration, l’homme est pour l’homme un rat et un cannibale…* (extrait)

Je crois que L’ARCHIPEL DU GOULAG demeure un incontournable, un puits de réflexion sur la capacité humaine à tuer et détruire, sur la folie de dirigeants instables et sur les inimaginables débordements du pire système concentrationnaire de l’histoire. Ce livre vient nous rappeler qu’il ne faut jamais oublier.

*Il faut haïr son propre pays, il faut lui être totalement étranger pour tirer sur la fierté de la nation, l’essence de son savoir, son énergie et son talent… * (extrait)


Joseph Staline (1878-1953)


L’auteur Alexandre Soljenitsyne (1918-2008)

 

LE GOULAG À L’ÉCRAN

L’ARCHIPEL DU GOULAG a fait l’objet de nombreuses adaptations. Je vous recommande le film documentaire de Jean Crépu réalisé en 2008.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 10 mai 2025

L’archipel du Goulag, 1

COMMENTAIRE partie 1
Sur le livre d’ALEXANDRE SOLJÉNITSYNE

*Au camp, ce n’est pas comme dans la vie ordinaire. Dans la vie ordinaire, chacun s’efforce imprudemment de s’exprimer et de se mettre en valeur extérieurement. On voit plus facilement à quoi prétend celui-ci ou celui-là. En détention, contraire, tous sont dépersonnalisés, mêmes cheveux tondus, mêmes visages non rasés, mêmes bonnets, mêmes cabans. L’expression spirituelle est défigurée par les vents, le hâle, la saleté, le dur travail. Pour arriver, sous l’apparence humiliée, dépersonnalisée, à discerner la lumière de l’âme, il faut un entraînement. *

Extrait : L’ARCHIPEL DU GOULAG, d’Alexandre Soljenisyne. Publication originale : 1973 chez Seuil éditeur. Réédité plusieurs fois dont 2014 chez Points éditeur, 912 pages, poche. Format Numérique chez David Lion éditeur.

Immense fresque de l’univers concentrationnaire soviétique, dont Soljenitsyne fut l’une des nombreuses victimes, L’Archipel du Goulag est un livre de témoignage et de combat. À texte exceptionnel, destin d’exception : rédigé entre 1958 et 1967 dans la clandestinité, il fut publié pour la première fois en France en 1974 et censuré en U.R.S.S. jusqu’en 1989. Puissance d’évocation, éloquence tumultueuse : l’ouvrage, qui a ébranlé les fondements du totalitarisme communiste, continue de brûler les mains.

Introduction

L’ARCHIPEL DU GOULAG n’est pas une oeuvre autobiographique. Elle ne développe pas non plus l’histoire du Goulag. Elle se contente de décrire le quotidien des victimes du régime totalitaire et cruel dans le système carcéral soviétique, appelé goulag, un réseau de camps de travail forcé. Ce réseau, composé de nombreuses unités est évoqué dans le titre sous le nom d’ARCHIPEL.

Ce livre, entamé dès la sortie (1) de son auteur du goulag et dans le plus grand secret, réunit plus de 225 témoignages de prisonniers politiques astreints aux travaux les plus bas d’une organisation concentrationnaire, génocidaire et exterminatrice, parfaitement intégrée à l’économie soviétique car elle fournissait une main d’œuvre gratuite, jetable et remplaçable, selon le bon plaisir de ce parfait paranoïaque qu’était Staline.

Wikipédia décrit L’ARCHIPEL DU GOULAG comme une œuvre en sept parties. La première partie décrit la construction et le développement de l’industrie pénitentiaire russe. La deuxième partie traite de la colonisation de ce qui est maintenant convenu d’appeler l’archipel créé par les flux de prisonniers.

La troisième partie traite du travail et de l’extermination des *travailleurs-prisonniers* par la malnutrition, l’épuisement, la maladie, des gardes sadiques, un irrespect total de la vie comprenant toutes sortes de privations des nécessités de base dont l’hygiène.

Dans les cinquième et sixième parties, l’auteur décrit la psychologie des habitants du goulag. Enfin, la septième partie jette un regard critique sur l’*après-Staline*

1- Une rare exception. En général, les prisonniers qui entraient au goulag y mouraient.


Le quotidien d’un goulag dans le froid sibérien

Le vampirisme stalinien


Alexandre Soljenitsyne…itinéraire
la rançon de l’expression

Si ce livre n’est pas une autobiographie, ce n’est pas un roman non plus. En fait, il est classé *essai d’investigation littéraire*. Moi je le décris comme une fresque, recueil de témoignages et d’histoires écris par Soljenitsyne qui a aussi goûté au Goulag alors qu’il croulait sous la correspondance des *goulagiens* qui attendaient de lui LE livre qui deviendrait devant l’histoire, témoin de la déchéance soviétique : *…sur la planète entière et dans toute l’histoire, il n’y avait pas eu de régime plus mauvais et plus sanglant…* (extrait)

Tous ces témoignages ont été colligés alors que l’union Soviétique était dirigée Par Staline, un tyran secondé par un petit cheptel de moutons. Staline était paranoïaque au point d’avoir divisé la société Soviétique en deux grandes familles distinctes : les traîtres et les trahis : 

*pendant les années qui ont précédé, et pendant l’emprisonnement, j’ai aussi longtemps été d’avis que Staline avait donné à l’état soviétique une orientation fatale… Le cachet que sa personnalité a imprimé sur les évènements était une brutalisation déconcertante, un despotisme rigide … * (extrait)

Staline fut une malédiction de plus pour la Russie : *Toute l’histoire de la Russie est une succession de tyrannies. * (extrait)

Le goulag a commencé à s’intensifier sur les îles Solovetski. Un camp à la fois, lentement mais sûrement. Soljenitsyne appelait ces camps *métastase* : *Ainsi les îles de l’archipel se sont pétrifiées, sans cesser de continuer à faire des métastases. * (Extrait) Ainsi, cette malédiction a grossi jusqu’à plus de 15 millions de prisonniers détenus simultanément. Et ce n’est pas le pire… :

 


*…tous sont emprisonnés pour des absurdités. Surtout, cela semble ridicule à l’accusé lui-même. * (extrait)

*…car seuls les médecins nous diront comment, quelques mois dans une telle prison, transforment un homme en infirme à vie. * (extrait)

Je poursuivrai ce dossier sur L’ARCHIPEL DU GOULAG lors de la prochaine publication sur biblio.com

Bonne lecture

Claude Lambert
le vendredi 9 mai 2025

 

Tout comme les tortues

Commentaire sur le livre de
MARIE-CHRISTINE CHARTIER

Les choses seraient restées simples si nous n’avions pas grandi ; si, dans l’année de notre cinquième secondaire, Sam et moi ne nous étions pas rendus compte que le lien qui nous unissait était différent. Qu’il y avait plus entre nous. Le genre de sentiment aussi envoûtant que l’étaient les feux de camp dans ma cour ces étés-là. Aussi dangereux, quand on ne fait pas attention. Extrait : TOUT COMME LES TORTUES, Marie-Christine Chartier, Hurtubise éditeur, 2019, 232 pages. Version audio : Audible studio éditeur, 2020, durée d’écoute : 5 heures 2 minutes. Narratrices : Ève Lemieux et Rachel Gratton

Samuel et Ariane sont amis depuis leur enfance, amoureux depuis presque aussi longtemps. Cependant, certaines décisions déchirantes peuvent ébranler la fondation d’un couple, même le plus solide. Malgré toute leur volonté, leur amour n’a pu faire oublier des blessures trop profondes. Bouleversée, Ariane a fui en Amérique du Sud, où elle a tenté tant bien que mal d’oublier Samuel.  

Un an plus tard, Samuel s’est refait une vie du mieux qu’il a pu avec Anaïs, une fille douce, aimante et, surtout, à l’opposé de son ancienne blonde. Il sait bien qu’elle ne remplacera jamais Ariane, mais il essaie tout de même de se convaincre que ça lui suffit.  Anaïs aime Samuel. Sûrement trop, en fait. Au fond d’elle, elle sent que leur relation a une date de péremption, mais elle choisit de vivre sur ce temps emprunté.  

Comme chaque cours d’eau finit par rejoindre l’océan, Ariane revient de son périple. Et son retour chamboulera leur vie à tous les trois.  

Patience du cœur
et
Force du temps

 

TOUT COMME LES TORTUES est une histoire d’amour qui suit trois personnages avec des amours torturés puis recomposés un peu comme un triangle amoureux mais qui se joue à deux…une forme de huis-clos dans lequel l’amour et l’amitié s’imbriquent. L’histoire est simple au fond même si les relations sont complexes.

Arianne fuit son amour déçu en Amérique du sud, puis un an plus tard, revient dans son nid. Si je me réfère au titre et sans vouloir trop en dévoiler le mystère, disons qu’Arianne est la tortue. J’ai trouvé le lien intéressant et l’idée bonne. J’ai utilisé la version audio du livre, une narration à trois voix en alternance, une pour chacun des principaux personnages.

Je n’ai jamais été un grand amateur de littérature sentimentale mais de cette tendance <histoires d’amour> extrêmement répandue en littérature, je sais tout de même apprécier une histoire bien construite avec des personnages attachants et un bel équilibre entre les sentiments et le quotidien de la vie. Pour être honnête, je n’ai pas très bien compris pourquoi ce livre a été autant encensé par la critique.

C’est une histoire assez intense mais sans chaleur. Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages. De plus, les personnages expriment leur pensée après les évènements. Ce choix ne vient pas vraiment me chercher même si je le préfère aux sauts temporels.

Le développement est intéressant parce que le sujet est complexe et j’ai senti de la part de l’auteure une belle sensibilité mais les personnages ne m’ont pas fait vibrer. Je n’ai pas pu m’identifier aux acteurs, même à Samuel dont les motivations sont sous-exploitées.

Même s’il n’est pas porteur de beaucoup d’émotions, le roman reste intéressant à suivre car il est très actuel parce qu’il développe certains facteurs qui rendent parfois les histoires de couple difficiles, voire éprouvantes : communications embrouillées, amour mal entamé ou interrompu avant d’être terminé, indécision, fuite, et surtout le pardon qui est abordé quand même avec une grande délicatesse.

Bref, c’est une écoute, une lecture légère, loin d’être désagréable mais qui ne m’a pas vraiment atteint.

Suggestion de lecture : UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR, de COLLEEN McCULLOUGH


L’auteure Marie-Christine Chartier

À LIRE AUSSI, DE LA MÊME AUTEURE :

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 4 mai 2025

Anne… la maison aux pignons verts

Commentaire sur le livre de
LUCY
MAUD MONTGOMMERY

*De sémillants châteaux en Espagne surgissaient des brumes et des arcs-en-ciel de son imagination fertile ; des aventures nouvelles et exaltantes l’entraînaient dans leur sillage merveilleux, aventures dont elle demeurait jusqu’à la fin l’héroïne triomphale et qui ne la voyaient surtout jamais sombrer dans ces misérables pétrins qui marquaient sa vie réelle. *

(Extrait : Anne la maison aux pignons verts, livre 1, Lucy-Maud Montgomery, version papier, Québec Amérique 2001, 374 pages. Version audio : Voolume éditeur, version intégrale, 2021, durée d’écoute : 10 heures 46 minutes. Narratrice : Émilie Moget.

Anne, une petite orpheline rousse à l’imagination débordante, est envoyée par erreur chez les Cuthbert, qui attendaient plutôt un garçon pour les aider aux travaux de leur ferme. Mathew ne se résigne pas à la renvoyer et l’emmène à sa maison aux pignons verts. Impulsive, volubile et gaffeuse, mais surtout brillante, optimiste et généreuse, Anne réussira-t-elle à gagner leur cœur?

 Du terroir littéraire canadien

Un bon matin, dans la gare ferroviaire d’une campagne de la majestueuse Île-du-Prince-Édouard, Mathew Cuthbert, homme d’âge mûr, attend avec impatience l’arrivée d’un solide garçon orphelin que lui et sa sœur, Maryla, ont décidé d’adopter pour les aider dans l’exploitation de leur ferme aux Pignons Verts.

À leur grande surprise, c’est une fille qui leur est envoyée. Elle s’appelle Anne, 10 ans. La première idée des fermiers est de la retourner à l’orphelinat et de clamer leur mécontentement. Mais il se produit un rapide revirement.

Au départ, Anne est un inépuisable et étourdissant moulin à parole, attribut qui m’a énervé pendant une bonne partie du récit. Comme j’ai écouté la version audio, livrée sans chaleur ni émotion, j’ai vite constaté que le qualificatif *moulin à parole* est un euphémisme.

Comme je tenais à voir où voulait me conduire l’autrice Lucy-Maud Montgomery j’ai patienté et enduré plusieurs autres irritants. En effet, en plus d’être volubile à l’excès, Anne a un caractère bien trempé. Elle est un peu hautaine, s’exprime à la *british*, elle est très intelligente, imaginative mais elle est un peu gauche et l’humilité n’est pas sa tasse de thé.

Comme Mathew et Maryla Cuthbert, moi aussi j’ai connu un revirement dans mes sentiments. Je me suis surpris à développer de l’empathie pour cette jeune fille qui avait les cheveux roux en passant. C’était loin d’être un avantage au tournant du XXe siècle. Je suis tombé sous le charme, mais beaucoup plus tard dans le récit.

Ce livre est le premier d’une saga évolutive qui conduit doucement Anne vers la sagesse, l’empathie, la connaissance dont elle est avide et l’amour qui la fera marcher sur le fil fragile qui sépare le rêve de la réalité. Elle conservera toujours dans cette grande chronique une espèce de langage d’un autre temps (ce qui fut pour moi un irritant exacerbé par la version audio).

Vous avez compris que pour moi, ça a été long avant d’embarquer dans l’histoire mais le texte s’enrichit au fur et à mesure de son développement avec finesse et intelligence. Anne devient moins fébrile, plus ouverte aux autres et demeure résolument attachée aux Pignons verts. C’est une jeune fille graffignée dans son enfance que l’autrice fait cheminer lentement vers l’âge adulte. Une très belle évolution.

L’émotion et la chaleur s’installent au fil du récit et tout au long de l’histoire j’ai été intrigué par l’évolution de ce qui semblait au départ, la naissance d’une petite amourette entre Anne et Gilbert Blythe.

ANNE LA MAISON AUX PIGNONS VERTS est le dévoilement en douceur d’une personnalité riche et attachante. Au final, j’ai aimé ce roman porteur d’ondes positives, de sourires et d’émotion, le tout dans un contexte historique réaliste. C’est un roman coloré et riche en leçons de vie.

Je vous recommande ce roman, spécialement le format papier.

Suggestion de lecture : CHARLES LE TÉMÉRAIRE d’Yves Beauchemin


L’autrice Lucy-Maud Montgommery

 

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 3 mai 2025



Tueurs de l’occulte

Commentaire sur le livre de 
CHRISTIAN PAGE

*Il suffit que des disques de musique heavy metal ou des lires sur l’occulte soient découverts au domicile de l’assassin pour que les médias brandissent de facto le spectre du meurtre <satanique>. Si en lieu et place l’assassin écoutait du gospel et lisait les évangiles, devrait-on qualifier ce meurtre de crime chrétien ? *

Extrait : TUEURS DE L’OCCULTE, de Christian Page, pour les supports numérique et papier : Guy Saint-Jean éditeur, 2019, 368 pages. Version audio : Vues et voix éditeur, 2021, durée d’écoute, 9 heures 13 minutes, narrateur : Christian Page.

Depuis la fin des années 1960, les crimes à caractère occulte connaissent une progression foudroyante. À tel point que des corps policiers ont mis sur pied des unités d’élites spécialisées; en effet, la vision intime du monde de ces meurtriers est souvent peuplée de démons, de vampires et de goules. Ici, nous ne parlons plus de meurtres ou de modus operandi, mais de rituels et de sacrifices. Mais qui sont ces «tueurs de l’occulte»? Par quelle «logique» tordue en viennent-ils à croire qu’ils sont les messagers de quelque divinité? Qu’ils doivent tuer au nom d’un gourou ou de Satan? C’est ce que l’auteur tente d’expliquer.

En sa qualité de journaliste spécialisé dans le domaine, Christian Page a bénéficié d’un accès privilégié aux archives judiciaires. Il a donc parcouru le monde afin de documenter les meurtres les plus insolites, est retourné sur les scènes de crime et a rencontré une foule de témoins, policiers, avocats, procureurs et juges. Il présente ici 13 histoires parmi les plus étranges et dérangeantes et les reconstitue avec minutie en suivant, pas à pas, l’évolution perturbante de ces «tueurs de l’occulte»: leur passé trouble, leurs croyances déformées et leurs crimes monstrueux. Ce livre se lit comme 13 nouvelles policières, sauf qu’ici tout est vrai. Même les noms n’ont pas été changés.

Dans les bas-fonds de la nature humaine

C’est un livre intéressant pour les amateurs d’histoires judiciaires juteuses, dérangeantes voire perturbantes. Christian Page est un journaliste spécialisé dans ce genre d’histoire. Il a documenté les meurtres les plus insolites, les plus étranges et après une imposante recherche, a reconstitué le modus operandi de chaque tueur. Vous avez compris qu’il s’agit ici d’histoires vraies.

Je dois dire que le terme <occulte> est un peu galvaudé. À ce sujet, l’extrait suivant n’est pas tout à fait en accord avec le titre : <Les experts désignent par crimes ou meurtres « occultes » des actions illicites motivées principalement par des croyances mystiques, ésotériques ou faisant appel à l’univers du surnaturel.> Extrait…introduction

Je veux préciser que dans ce livre, il n’y a aucune manifestation surnaturelle ou paranormale. L’auteur explique en détail l’œuvre de psychopathes à l’esprit tordu, affublé de toutes sortes de troubles de la paranoïa à la schizophrénie en passant par la bipolarité, la double personnalité, etc.

Le point commun de ces affaires est que les tueurs, qui possèdent un talent certain pour la mise en scène, sont inspirés par certains thèmes occultistes, surtout le satanisme et c’est sans compter l’influence de la musique heavy metal.

Je me doutais bien que de crime sordide en crime crapuleux, le livre allait devenir rapidement redondant. Ce qui fut le cas. Je me suis lassé assez vite. J’ai terminé l’ouvrage et j’ai bien fait car vers la fin, l’auteur détaille l’affaire de L’ordre du temple solaire qui avait fait la manchette et m’avait particulièrement intrigué dans les années 1990.

Sinon, beaucoup de sang et des bouts de cervelles et l’impression d’entendre un présentateur me lire des articles d’Allo Police. Un peu trop croustillant à mon goût. Je conçois toutefois qu’il y a une vaste clientèle pour ce genre de lecture.

Pour mieux apprécier la lecture, il faut exploiter l’angle de la psychologie des meurtriers. Celle-ci n’est pas développée de façon égale mais elle nous fait entrer dans le champ des motivations. C’est à peu près le seul élément qui a retenu mon attention.

C’est un livre qui en dit long sur les dérives de la nature humaine. À lire ou écouter si vous avez le cœur solide. J’en sors passablement mitigé.

Suggestion de lecture : SI JE SERAIS GRANDE, d’Angelina Delcroix


L’auteur Christian Page


DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 27 avril 2025

Le chien jaune

Commentaire sur le livre de
GEORGE SIMENON

Une enquête de Maigret

<Le regard de Maigret tomba sur un chien jaune, couché au pied de la caisse. Il leva les yeux, aperçut une jupe noire, un tablier blanc, un visage sans grâce et pourtant si attachant que pendant la conversation qui suivit, il ne cessa de l’observer. Chaque fois qu’il détournait la tête, d’ailleurs, c’était la fille de salle qui rivait sur lui son regard fiévreux. >

Extrait : LE CHIEN JAUNE, Georges Simenon, version papier : Le livre de poche éditeur, rééd. 2003, 190 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute, 3 heures 47 minutes, narrateur : Bruno Solo

À Concarneau, des faits troublants mettent la ville en émoi. On tente d’assassiner M. Mostaguen, au sortir de sa partie de cartes quotidienne à l’Hôtel de l’Amiral. Le sort s’acharne sur ses partenaires, car, deux jours après l’arrivée de Maigret, Jean Servières, rédacteur au Phare de Brest, disparaît ; le siège avant de sa voiture est maculé de sang. M. Le Pommeret meurt chez lui, empoisonné. Le docteur Michoux pense être le suivant.

Le commissaire Maigret est désigné pour résoudre cette affaire qui accumule les cadavres.

Le cas à part de Simenon

Pour apprécier LE CHIEN JAUNE, il faut connaître un peu l’inspecteur Maigret. Le gros Maigret, Jules de son prénom. Un limier aux antipodes des Colombo, Cherlock Holmes et Hercule Poirot. Maigret est un personnage singulier, énorme, dense, consistant doté d’un incroyable flair et d’un instinct exceptionnel.

Son instinct prend souvent le pas sur la logique des faits. Il parle peu, agit seul et entre avec aisance dans l’environnement d’un crime avec son éternel petit carnet. Son art est de tenter de comprendre la psychologie du coupable en se mettant à sa place. C’est un intraverti. Ce n’est évident pour personne, mais il sait où il s’en va.

Pas étonnant que l’imposant Jules soit le héros de plus de 75 romans de George Simenon. Et tous ces attributs se retrouvent dans LE CHIEN JAUNE alors que les cadavres s’accumulent, qu’il y a de la peur dans l’air et de la strychnine dans les verres. Pour résoudre cette affaire, Maigret s’obstine à se mettre dans la peau d’un chien jaune omniprésent à proximité des scènes de meurtres.

Les circonstances sont très étranges. Aussi, fidèle à sa façon de faire, qui énerve parfois tout le monde, Maigret va s’intégrer aux habitués d’un café dans lequel il s’installe. Sa méthode appelle à la patience : Écouter, observer, ressentir et se concentrer pour comprendre la présence et les agissements d’un chien jaune, élément-clé de son enquête.

Par rapport aux romans policiers modernes, LE CHIEN JAUNE est plutôt dépaysant. C’est une qualité que j’apprécie. C’est un roman très bien écrit, superbement structuré car malgré sa brièveté, il dit tout, n’omet rien. Son seul défaut réside je crois dans l’absence d’indices. Quand il y a des indices, le lecteur travaille, quand il n’y en a pas, il mijote. Fidèle à son héros, l’auteur a caché son jeu jusqu’à a fin.

C’est un roman original. Pas de longueur, pas de superflu. Le principal témoin des scènes de meurtre: un chien. C’est du vrai Simenon. Plus le roman est court, plus il est peaufiné. LE CHIEN JAUNE EST un régal.


L’auteur Georges Simenon

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 26 avril 2025

Le chant d’Achille

Commentaire sur le livre de 
MADELINE MILLER

Il rouvrit les yeux.
— Trouve-moi un héros qui ait été heureux.
Je réfléchis. Héraclès était devenu fou avant de tuer sa famille ; Thésée avait perdu son épouse et son père ; les enfants de Jason et sa nouvelle femme avaient été assassinés par la précédente ; et si Bellérophon avait tué la Chimère, il était resté estropié après être tombé du dos de Pégase.
— Tu vois, tu ne peux pas.

Il s’était rassis, penché en avant.
— C’est vrai.
— Je sais. On ne te laisse jamais être à la fois célèbre et heureux, constata-t-il en arquant un sourcil.

<Extrait : LE CHANT D’ACHILLE, de Madeline Miller, Pocket 2015, édition de papier, 482 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2022, 1Go 014, Durée d’écoute : 11 heures 58 minutes, narrateur : Benjamin Jungers.

Ce ne sont encore que des enfants : Patrocle est aussi chétif et maladroit qu’Achille est solaire, puissant, promis par sa déesse de mère à la gloire des immortels. En grandissant côte à côte, l’amitié surgit entre ces deux êtres si dissemblables. Indéfectible. Quand, à l’appel du roi Agamemnon, les deux jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l’un et la colère de l’autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre… Au risque de faire mentir l’Olympe et ses oracles.

La Parole est à Patrocle

Les personnages :

Patrocle : Héros grec originaire de Locride, ami d’Achille, qu’il accompagna à Troie. Lorsque Achille se retira sous sa tente, il consentit à prêter ses armes à Patrocle, mais celui-ci fut tué par Hector

Achille : Achille est un héros légendaire de la guerre de Troie, fils de Pélée, roi de Phthie en Thessalie, et de Thétis, une Néréide

Pélée : Pélée est, dans la mythologie grecque, le fils d’Éaque, roi d’Égine, et de la nymphe Endéis. Il est roi de Phthie, en Thessalie, et le père d’Achille.

Intéressant ce livre. Original même si je tiens compte du fait que l’auteure a donné la parole à Patrocle, personnage un peu timoré évoluant dans l’ombre de L’Iliade. C’est vrai, j’ai toujours trouvé le personnage un peu effacé par rapport à son acte héroïque qui va sceller le destin de Troie en se substituant à Achille pour affronter les Troyens avant de finalement mourir aux mains d’Hector.

LE CHANT D’ACHILLE est une réécriture qui s’éloigne beaucoup de l’Iliade originale. Sa principale force est le narrateur. Patrocle est jeune et attachant mais il cadre un peu étrangement dans l’Iliade comme s’il n’avait pas été créé par Homère. Les historiens et mythologistes se contredisent un peu à ce sujet.

Ce qui est avéré toutefois, c’est l’intimité entre Achille et Patrocle. Les deux garçons étaient amants. Cette liaison homosexuelle n’est pas une surprise. Elle est évoquée par nombres de mythologistes dans une foule d’essais et d’exégèses. Mais Homère a plutôt tendance à occulter cette liaison dans l’Iliade.

Malheureusement, plus des trois quarts du récit reposent sur la liaison amoureuse entre Achille et Patrocle. On sait pourquoi les grecs se sont retrouvés à Troie et comment et pourquoi Patrocle est mort mais c’est tout. On oublie Paris, Hélène, le cheval de Troie et même, partiellement du moins, l’extrême violence à laquelle Homère nous a habitué.

Mais la grande faiblesse de l’histoire est l’insignifiance des personnages. Ils sont superficiels et d’une légèreté à laquelle la mythologie ne nous a pas du tout habitué. Peu approfondis, pas très travaillés, aboutis. C’est ce qui m’a le plus déçu je crois dans cette aventure, la banalité des personnages.

La grande force du livre repose sur le narrateur. J’ai eu beaucoup de satisfaction à saisir tout le ressenti de Patrocle qui est sans doute le personnage le plus authentique de la distribution. Toute la grâce de l’écriture de Miller et la délicatesse de sa plume passent par l’émotion que transmet Patrocle. J’ai été très sensible à cette force d’attraction du récit.

Je trouve seulement dommage que tout le récit repose presqu’essentiellement sur les désirs de deux jeunes hommes dans un cadre aussi singulier.

Malgré tout, on peut, je crois, tirer beaucoup de satisfaction de cette histoire si on la prend pour ce qu’elle est : une tragédie sentimentale en complète dérive par rapport à l’Iliade mais porteuse d’émotion et racontée par un personnage pas héroïque mais pourtant fier et très attachant : Patrocle.

Suggestion de lecture : LA MYTHOLOGIE, ses dieux, ses héros, ses légendes, d’Édith Hamilton

L’auteure Madeline Miller

À LIRE AUSSI

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
Le vendredi 25 avril 2025

LES PASSAGERS, John Marrs

<Claire inspira plusieurs fois profondément pour se calmer et contempla, mal à l’aise, sa propre voiture. Ben avait signé le contrat pour l’acheter à crédit trois semaines plus tôt, et elle avait encore du mal à s’habituer à ses multiples fonctionnalités nouvelles. La plus grande différence avec leur précédente voiture, c’est que celle-ci n’avait plus ni volant, ni pédales, ni possibilité de passer en contrôle manuel. Elle était totalement autonome, et ça effrayait Claire.>

Extrait : LES PASSAGERS, John Marrs, Hugo roman éditeur, 2020, édition de papier, 448 pages. Aussi en format numérique.

Les voitures sans conducteur ? Un réel progrès pour la sécurité de tous, nous dit-on. Mais quand un hacker prend le contrôle de huit d’entre elles, le progrès devient une menace. Mortelle. Les huit véhicules et leurs passagers sont programmés pour rouler vers une collision aussi spectaculaire que fatale.

Tous vont mourir. Tous, sauf celui ou celle que le public décidera de sauver via les réseaux sociaux. Chaque passager doit plaider sa cause pour influencer les votes. Mais le hacker connaît aussi leurs secrets Les plus sombres…

Qui sont les huit passagers ?

Libby : Une femme ordinaire qui devient la voix du public dans cette crise.
Jude : Un homme avec un passé sombre, cachant des secrets.
Sofia : Une immigrée qui lutte pour sa survie et celle de sa famille
Sam : Un vétéran de guerre avec des blessures physiques et émotionnelles.
Claire : Une femme enceinte, symbole d’espoir et de vulnérabilité
Shabana : Une politicienne controversée avec des ambitions personnelles.
Jack : Un influenceur des réseaux sociaux, obsédé par sa popularité
Victor : Un homme âgé, représentant une génération passée.

Huit piégés…
Qui survivra ?

Nous sommes dans un futur pas si lointain dans une Angleterre régie par les nouvelles technologies. Tout est intelligence, depuis le grille-pain en passant par la tondeuse jusqu’aux voitures qui ne requièrent plus de conducteurs.

Un jour, huit passagers deviennent otages dans leur propre voiture, un mystérieux hacker ayant pris le contrôle de tous les systèmes. Impossible de fuir. Le pirate annonce froidement que les huit voitures vont entrer en collision et que tout le monde devrait en mourir.

C’est un roman qui m’a époustouflé et même giflé d’une certaine façon. LES PASSAGERS est un thriller-chorale, une forme littéraire qui exige une parfaite maîtrise de la technique d’écriture. À ce titre, je considère John Marrs comme un artiste.

C’est une histoire aussi sordide que glaçante car elle évoque une société trompée, désinformée, exploitée et manipulée, ce qui est en fait, très proche de la Société d’aujourd’hui. Le livre dénonce aussi le pouvoir des hackers, le piratage informatique et la corruption politique qui sous-tend toute l’intrigue.

Le plus grand pouvoir de cette histoire à faire frémir est de pénétrer profondément dans les dérives technologiques et l’inimaginable puissance des réseaux sociaux. Car il faut bien le dire, le malheur des huit passagers terrorisés fera l’objet d’un spectacle. Je parle bien sûr de cette plaie de l’univers médiatique qu’on appelle la téléréalité.

Sur le parcours des voitures piégées, la foule est hystérique : *Quand les gens deviennent partie d’une foule, ils cessent d’être des individus, leurs inhibitions disparaissent, ils ne suivent plus leurs règles morales habituelles* (Extrait) L’auteur a tout prévu, y compris un profil psychologique de chaque passager et un jugement de nature à nous rappeler qu’il ne faut pas se fier aux apparences.

C’est un roman coup de poing, spectaculaire. Le rythme est haletant. La lecture est vite devenue addictive. Quoique très intrigant, L’épilogue est long et sensiblement embrouillé et je n’ai pas été très surpris de la finale.

Mai dans l’ensemble, ce livre fut pour moi un vrai coup de cœur qui n’est pas sans faire réfléchir sur la corruption politique et le dangereux pouvoir qu’exerce l’intelligence artificielle sur nos vies. En principe c’est un roman d’anticipation mais son actualité m’a pris de court.

C’est une histoire développée avec génie. Malgré sa ventilation, elle ne m’a laissé aucun répit. J’espère voir ce livre adapté au cinéma. Ce n’était pas le cas au moment d’écrire cet article.  Si l’éventuel réalisateur y met autant de talent que l’auteur, la production battrait des records.

Je pourrais en parler encore longtemps mais en conclusion, je dirai que c’est un livre à lire absolument et que John Marrs est un auteur à surveiller.

Suggestion de lecture : NOA, de Marc Levy


L’auteur John Marrs

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 13 avril 2025

 

LES NOMBRILS, tome 1

POUR QUI TU TE PRENDS

Commentaire sur la BD de
DELAF et DUBUC

Extrait : LES NOMBRILS, tome 1, POUR QUI TU TE PRENDS par Dubuc et Delaf, Dupuis éditeur, 2006, bande dessinée de 48 pages.

Si vous les aimez autant qu’elles s’aiment, vous allez les adorer ! Jenny et Vicky sont les pires chipies que la Terre ait portées. Elles se prennent pour le nombril du monde et pour peu, elles le seraient vraiment. Avec leurs vêtements sexy, leur maquillage provocateur et leur coiffure toujours impeccable, partout où elles vont, les regards sont hypnotisés, la musique s’arrête. On ne voit et on n’entend plus qu’elles.

Et heureusement ! Parce que Jenny et Vicky sont prêtes à tout pour être le centre d’attraction. Leur amie, la trop grande Karine, l’apprend à ses dépens lorsqu’un certain Dan s’intéresse à elle. Jenny et Vicky ne sont pas du genre à accepter la compétition ! Les lettres de Dan n’arriveront jamais à destination, ses invitations tomberont toutes mystérieusement à l’eau.

Pauvre Karine !

Dans un monde qui privilégie l’enveloppe plutôt que son contenu, elle ne peut qu’être le souffre-douleur des deux autres. Et si un jour Karine s’émancipait ? Qu’adviendrait-il de ce trio dépareillé ?

 

Une collection de clichés

Première observation, ce n’est vraiment pas une bande dessinée à proposer aux enfants. Elle s’adresse surtout aux ados, et encore… aux ados capables de comprendre l’énormité des clichés qu’on y trouve. Il y a de l’humour, acide par moment. Personnellement, je n’ai pas accroché à cette BD à cause du déploiement d’égocentrisme, de cruauté et de clichés que j’y ai trouvé.

La série suit deux adolescentes sans trop de cervelle. Ce sont des chipies qui utilisent leur copine Karine, dessinée comme une grande échalotte, comme tête de turc, ou souffre-douleur si vous préférez. Étrangement, Karine se remet des coups bas, un peu gelée par sa naïveté et sa candeur et nettement désavantagée par son physique sur lequel elle a tendance à se faire quelque illusion.

Chaque album est à raison d’un sketch par page et chaque page nous réserve son déploiement de méchanceté et de malveillance incrustée. C’est répétitif et redondant sur le plan comportemental. Rien ne change d’un sketch à l’autre sauf le thème abordé et c’est là que se trouve, à mon avis, le côté positif, la force de la série.

La série aborde des thèmes qui sont proches des ados comme l’amitié, l’estime de soi, la confiance, la famille, le coup de foudre, le rejet, la mode et les apparences et j’en passe. La bande n’est pas forcément moralisante comme telle, mais elle m’a surtout aiguillé sur ce qu’il ne fait pas faire. Ici, l’intelligence est démystifiée grâce à l’absurde.

L’humour a aussi sa place. Il est parfois caustique, noir, souvent subtil et on sait bien que c’est une qualité que recherchent les ados en littérature. Quant au graphisme, il ne m’a vraiment pas impressionné.

Je suis sûr que beaucoup d’ados apprécieront cette série. Elle est déjà d’ailleurs très connue si j’en juge par le volume impressionnant de ventes. Quant à moi, j’ai lu deux albums et j’ai arrêté là. Peu d’éléments sont venus me chercher et je n’ai pas pu m’attacher aux personnages bien que j’aie développé de l’empathie pour Karine malgré sa personnalité empâtée.

Il paraît que les derniers numéros sont meilleurs. Peut-être que j’y reviendrai un jour.

Suggestion de lecture : YUL ET SA CLIQUE, Une bd de Julien Mariole


Les auteurs de la série : Delaf, de son vrai nom Marc de la Fontaine, illustrateur et coloriste et Dubuc, de son nom complet Maryse Dubuc, scénariste de la série LES NOMBRILS.


Pour parcourir la série, cliquez ici

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 12 avril 2025

Minuit dans l’univers

Commentaire sur le livre de
LILY BROOKS-DALTON

*…cette nuit-là, les constellations n’étaient qu’une banale toile de fond pour la cascade de l’aurore boréale qui ruisselait dans l’air : coulées de lumière dansante, irisées de vert, de violet, de bleu. *

(Extrait : MINUIT DANS L’UNIVERS, Lily Brooks-Dalton, Les Presses de la Cité 2017, version papier, 275 pages. Version audio : Audible Studios éditeur, 2021, durée d’écoute : 7 heures 34 minutes. Narrateur : Éric Chantelauze.

Augustin, un brillant astronome, est en mission dans l’Arctique lorsque sa base est évacuée. Alors que les militaires rapatrient ses collègues, il refuse de quitter l’Observatoire. Quel que soit le danger, il veut finir ses jours ici, les yeux dans les étoiles. La rencontre avec une fillette de huit ans change ses plans : il doit reprendre contact avec le monde pour qu’elle soit sauvée. Mais toutes ses tentatives restent sans réponse…

Alors qu’une jeune astronaute, Sully, quitte Jupiter pour regagner la Terre avec son équipage, elle perd tout contact avec Houston. Augustin capte son appel. Au fil des échanges, ils vont se découvrir et se rapprocher, malgré l’immense vide qui les sépare. Ensemble, ils affrontent leurs peurs et leur solitude, réfléchissent sur leurs choix passés et affrontent le futur qui les attend.

 NUANCES D’INFINI

L’histoire suit en parallèle deux personnages principalement. Augustin, un astronome sur la fin de ses soixante-dix ans qui refuse de quitter sa base d’observation arctique malgré l’ordre d’évacuation. Il y a aussi Sully, une jeune astronaute qui tente de quitter l’orbite de Jupiter pour regagner la terre mais perd tout contact avec Houston.

S’ajoute un troisième personnage qui restera pour moi énigmatique du début à la fin du récit : Iris, qui a trouvé refuge dans l’observatoire, à la grande surprise d’Augustin.

De son observatoire, Augustin capte l’appel de détresse de Sully. Un dialogue s’installe et quelque chose de fort se développe entre les deux solitudes. Un lien qui pourrait peut-être les préparer à ce qui les attend.

C’est une belle histoire mais elle souffre de sous-développement. Il n’y a pas d’action comme telle, peu de suspense. Le rythme est lent mais un léger caractère fantastique vient toutefois enrichir le récit. Le quatrième de couverture laisse à penser qu’il s’agit d’un drame apocalyptique mais ce n’est pas le cas. Ici, l’apocalypse est très secondaire.

Pour faire simple, disons que MINUIT DANS L’UNIVERS est la rencontre de deux solitudes alors que la vie telle qu’on la connait pourrait toucher à sa fin, d’où le titre. Le dialogue plonge dans le passé et il en découle une nostalgie, de la tristesse. S’attacher aux personnages relève vraiment du ressenti de chaque lecteur-lectrice.

Le roman comme tel, méditatif et introspectif ne m’a pas vraiment emballé mais j’ai été fasciné par la beauté de l’écriture, de son pouvoir descriptif qui a aisément rejoint mon imagination. La façon dont Lily Brooks-Dalton décrit le vide arctique et le vide spatial et de les lier avec la solitude des personnages est majestueuse. L’expression d’une poésie qui ne m’a pas laissé indifférent.

La plume et l’imagination font la force du livre, les faiblesses étant dans le développement de l’histoire, Iris qui est un personnage énigmatique plus ou moins défini et la finale m’a laissé sur ma faim. Intéressant rapport de forces et de faiblesses. Je n’ai aucun regret.

Suggestion de lecture : SÉCESSION, de Julien Centaure

Extrait du film MINUIT DANS L’UNIVERS, sorti en 2020, réalisé par Georges Clooney, adaptation du livre de Lily Brooks-Dalton. En général, le film a reçu un accueil plutôt froid de la Presse et des critiques.


L’autrice Lily Brooks-Dalton

Bonne lecture

Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 11 avril 2025