BOTCHAN, le livre de NATSUMÉ SÔZEKI

*Depuis ma naissance, je suis de nature insouciante
et quoiqu’il puisse m’arriver, je ne m’en affecte pas…
il en était ainsi jusqu’à présent mais voici un mois ou
peut-être moins que je suis ici, et le monde commence
soudain à m’apparaître comme un séjour dangereux.*
(Extrait : BOTCHAN, Natsumé Sôzeki, t.f. Le serpent à Plumes
éditions, édition  numérique, 150 pages)

Fin du XIXe siècle. Alors que le Japon vient seulement de s’ouvrir au monde, une nouvelle ère débute.  Botchan est orphelin. Très jeune, il était bagarreur et risque-tout. Le garçon ne trouve d’affection que chez Kiyo, la servante de la famille, de noble lignée ruinée. Envoyé pour son premier poste comme professeur de mathématiques dans un collège de province, le jeune citadin se trouvera en butte aux tracasseries de ses élèves et aux intrigues de ses collègues. Ce court roman à caractère autobiographique et publié en 2006 est un des plus populaires du Japon. Botchan est un conte moral vigoureux et aussi drôle que critique.

DEVENU GRAND MAIS RESTÉ ENFANT
*…Une annonce pour un recrutement d’étudiants
était placardée. C’était un signe du destin, Pensai-
je ; je réclamai les formulaires d’admission et
m’inscrivis immédiatement. Lorsque j’y songe à
présent, cet acte m’apparait comme une bévue
due à mon irréflexion congénitale…*
(Extrait : BOTCHAN)

L’histoire se déroule au Japon. Nous sommes au début des années 1900, c’est donc l’époque de la restauration de l’empereur Meiji (1952-1912) qui fait reculer l’aristocratie et tue à petit feu la féodalité.

Le Japon entre ainsi dans la modernité tout en se souvenant des objets de sa fierté : la victoire du Japon sur la Russie (1904-05) et la guerre de 1894-95 contre la Chine qui s’est terminée à l’avantage du Japon. Sous l’impulsion de Meiji, la Japon devient plus tolérant et sort graduellement de l’obscurantisme.

C’est dans ce contexte que débarque dans une campagne isolée, BOTCHAN dit Petit Maître avec en poche un diplôme de physique. Il a accepté un poste d’enseignant au milieu de nulle part dans une petite école où, victime de sa franchise, sa droiture et sa naïveté, il fait l’objet de moqueries de la part des élèves et est plongé malgré lui dans les intrigues de profs et de coulisses.

Ce roman initiatique de Sôseki est un des plus populaires et des plus lus au Japon. Tous les écoliers japonais le lisent tôt ou tard pendant leur scolarité. Franchement, je ne comprends pas trop pourquoi. Il y a toujours la possibilité que BOTCHAN de par sa légèreté tranche avec la lourdeur habituelle de la littérature japonaise.

Il y a aussi le fait que Natsume Sôseki fut un des auteurs les plus adulés dans l’histoire culturelle du Japon, figure emblématique de la transition du Japon vers le modernisme. Enfin, BOTCHAN est un bon roman. Je m’attendais à beaucoup plus et beaucoup mieux mais ça reste un bon roman.

C’est peut-être une question de différences culturelles même si j’ai apprécié grandement beaucoup d’œuvres dans la littérature étrangère, mais BOTCHAN ne m’a pas accroché. Je n’ai pas pu m’attacher au personnage principal, le genre tête en l’air, risque-tout, naïf, très peu cultivé même avec un diplôme de physique en poche, épris de justice, il fait face avec courage, conviction et maladresse aux travers de son environnement social.

Bref, je l’ai trouvé plus irritant qu’attachant. J’ai toutefois apprécié le petit côté bagarreur de Botchan, ça met un peu de piquant dans un environnement qui se démarque par son conservatisme. Et puis j’ai aimé aussi sa façon de nommer ses collègues : chemise rouge, le porc-épic, le bouffon, etc.

Le principal élément qui a soutenu mon intérêt est l’omniprésence de Kiyo, la servante de la famille qui était au service de Botchan avant son départ, la seule personne qui lui offrait toute son affection. Comme Botchan pense souvent à elle, elle est donc citée souvent et ça vient attendrir et humaniser l’ensemble. Même si Kiyo est peu évoquée par les critiques, j’ai été très sensible à cette attention de l’auteur.

Voici donc un homme jeune, de 18 ans qui débarque avec sa pureté et sa puérilité dans un monde de menteurs, d’hypocrites, de profiteurs et de flagorneurs (c’est ainsi qu’on pourrait qualifier *chemise Rouge* qui est en fait l’adjoint du directeur général) C’est le choc des deux mondes qui est développé dans Botchan avec la plume forte et directe de Sôseki qui donne une petite leçon de tolérance et de respect des valeurs.

Je le répète, BOTCHAN est un très bon roman. Il est court, très direct. Le petit maître est brave et notez que les tares soulevées dans cet opus sont à l’image de toutes les sociétés. Elles sont bien humaines. Je n’ai pas vraiment accroché, peut-être à cause de la difficulté que j’ai eue de m’attacher au personnage principal et aussi à cause d’une réputation un peu surfaite du récit. Je crois toutefois que Botchan vaut la peine d’être lu.

Suggestion de lecture : 88888-LES ENFANTS PERDUS, de Céline Tanguy

Natsume Sôseki est né à Tokyo en 1867. Il était considéré comme un étudiant très doué, surtout en chinois et en anglais. Il entre à l’Université de Tokyo en 1890. Il reçoit son diplôme en 1893 et l’année suivante, il accepte un emploi de professeur à Matsuyama avant d’être envoyé en Angleterre pour deux ans grâce à une bourse de son gouvernement octroyée en 1900.

En 1907, Natsume Sôseki quitte l’enseignement pour se consacrer entièrement à sa carrière littéraire. Il commence à souffrir d’ulcère en 1910. Il frôle la mort mais continue d’écrire. Finalement il succombe à des complications liées à son ulcère en 1910. Détails intéressants et bibliographie sur lalittératurejaponaise.com

BONNE LECTURE

Claude Lambert
Le samedi 17 août 2019

Percy Jackson 3, le livre de RICK RIORDAN

LE SORT DU TITAN

*L’heure était grave. Nous perdions des pensionnaires.
Or nous avions besoin de tous les nouveaux combattants
que nous pouvions trouver. Le problème c’était que les
demi-dieux ne sont pas si nombreux que ça.*
(Extrait : LE SORT DU TITAN, troisième tome de la série
PERCY JACKSON de Rick Riordan. Publication originale :
2007,  Livre audio : Audiolib éditeur, publié en 2018. Durée
d’écoute : 8 heures 53 minutes. Narrateur : Benjamin Bollen.)

Percy et ses amis Annabeth, Grover et Thalia se retrouvent face à un horrible manticore, Une terrifiante créature légendaire au visage d’homme mais avec un corps de lion et une queue de scorpion. Ils n’ont la vie sauve que grâce à l’intervention de la déesse Artémis. Mais lorsque Annaeth disparait , une nouvelle quête semée d’embûches s’annonce : Percy devra plus que jamais se méfier des manipulations et des pièges de Cronos, le Seigneur des Titans. Les monstres sont toujours décidés à tuer les demi-dieux : Percy aura besoin de tous ses pouvoirs pour leur échapper.

LA MYTHO AU GOÛT DU JOUR
*«Qu’est-ce qui t’es arrivé? Tu as oublié
toutes ces discussions que nous avons
eues ? Toutes ces fois où nous avons
maudit les Dieux ? Nos Pères n’ont rien
fait pour nous. Ils n’ont aucun droit de
régner sur le monde.»*
(Extrait)
Depuis LE VOLEUR DE FOUDRE, notre héros Percy Jackson a beaucoup mûri.

Dans un article paru en octobre 2015 sur ce site, je présentais Percy Jackson de la façon suivante : …Un héros attachant et sympathique. Percy Jackson est un jeune garçon de 12 ans au départ de la saga. C’est un jeune un peu turbulent, énergique, curieux, imaginatif. Il est de son temps. Un jeune comme tous les jeunes…avec toutefois un gros plus…il est le fils d’un dieu et ça fait de lui un demi-dieu.

Trois ans plus tard, revoici Percy Jackson dans le troisième volet d’une pentalogie qui lui est consacrée : LE SORT DU TITAN. (voir LE VOLEUR DE FOUDRE)

Dans ce troisième volet, Les monstres sont toujours décidés à tuer les demi-dieux. Artémis part seule de son côté, chasser un des monstres les plus dangereux (qui se révélera être l’Ophiautoros, et qui sera finalement sauvé et protégé par Percy pour des raisons stratégiques d’abord et qui deviendront finalement sentimentales).

Chasseresses et demi-dieux vont alors à la Colonie des Sang-Mêlés. Artémis est enlevée à son tour. Une quête unissant demi-dieux et Chasseresses est alors lancée pour retrouver la déesse et sauver Annabeth. Le monde entier en dépend. Il semble que l’Olympe soit menacé.

Percy Jackson a maintenant 14 ans. Il a conservé toutes ses belles qualités auxquelles s’est ajouté un magnifique gain en maturité. Il demeure ombrageux mais il est devenu plus réfléchi, un peu moins spontané et sa fidélité en amitié est inébranlable. L’écriture de Rick Riordan est vraiment très efficace. Il entraîne ici le lecteur au cœur d’un crescendo qui nous rapproche graduellement et implacablement d’une guerre entre les Titans et les Dieux.

Je ne vous cache pas que j’ai toujours eu un faible pour la mythologie grecque. Riordan a dépoussiéré cette mythologie, l’a servi à la moderne et y a ajouté un brin d’humour. Ça aurait plu à Homère je crois.

Aussi, il ne faut pas s’étonner de voir Dionysos, dieu de la vigne, du vin et de ses excès, de la folie et la démesure, jouer avec son téléphone cellulaire pendant une conférence des Dieux. Je craignais que cet aspect de modernité me déçoive et c’est exactement le contraire qui s’est produit. J’ai été emballé, emporté, accroché.

Malgré quelques passages tirés par les cheveux, je considère que Rick Riordan a exploité avec intelligence l’héroïsme juvénile. Il a beaucoup travaillé sur l’équilibre, la constance. Si on ajoute à cela les nombreux rebondissements, un rythme rapide et un fil conducteur solide, ce livre pour la jeunesse a sûrement gagné un élargissement d’audience. J’ai beaucoup aimé aussi la façon dont Riordan a exploité le panthéon de l’Olympe et les personnages de la mythologie.

L’auteur a réactualisé plusieurs Dieux et personnages sur lesquels je savais peu de choses comme par exemple, le Titan Atlas, ennemi de Zeus, condamné à porter la sphère céleste sur ses épaules, Héphaïstos, le dieu de la forge, le sanglier d’érymanthe, une bête énorme, féroce et meurtrière.

Le capturer fut l’un des douze travaux d’Hercule. J’en passe bien sûr mais ça m’a fait dévorer le livre.

J’ai trouvé particulièrement brillant le conseil des dieux à la fin du volume. L’auteur semble vouloir personnaliser les dieux et ne se gêne pas pour leur donner un petit côté caricatural, définit Percy Jackson comme potentiellement dangereux pour l’Olympe et prépare le terrain pour le quatrième volet.

Les dialogues du conseil des dieux sont particulièrement savoureux avec une belle pointe d’humour. Ce troisième volet est un succès et la plume de l’auteur est plus qu’attractive.

J’ai utilisé la version audio du livre et j’ai pu profiter de la narration dynamique et entraînante de Benjamin Bollen qui a su adapter un registre vocal pour chaque personnage important. Le satyre Grover est particulièrement réussi ainsi que la chasseresse Zoé. La voix d’adolescent de Bollen a une signature qui favorise l’attention. Bref, peu importe la plateforme, je crois que vous apprécierez ce troisième opus. Vivement la suite…

Suggestion de lecture du même auteur : PERCY JACKSON, LE VOLEUR DE FOUDRE

Richard Russel Rick Riordan Jr est un auteur américain né en 1964 au Texas. Dès le début de sa carrière, il connaît une réussite fulgurante avec la TRES NAVARRE une série mystère pour adultes (7 volumes publiés de 1997 à 2007) qui a remporté plusieurs prix prestigieux, dont, le prix Edgar Allan Po.

Dès 2005,  il entreprend la série PERCY JACKSON, 5 volumes, et par la suite, LES HÉROS DE L’OLYMPE (la suite de la saga PERCY JACKSON), 5 volumes de 2011 à 2015. Riordan a aussi publié plusieurs romans, recueils, essais et séries dont LES CHRONIQUES DE KANE et la fameuse SÉRIE LES 39 CLÉS, début de publication : 2011

Le narrateur, Jeremy Bollen a une feuille de route très impressionnante. Il a fait ses débuts au théâtre dans Roméo et Juliette. Très actif dans le domaine du doublage de films et de dessins animés (Les mystérieuses Cités d’or, Sabrina, Les Nouvelles Aventures de Peter Pan…), il est notamment la voix française de Tintin dans le film de Steven Spielberg. Avec sa voix d’adolescent et son registre vocal extrêmement polyvalent, il performe avec succès.

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BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 11 août 2019

BORGIA, le livre de MICHEL ZÉVACO

*-Assassinée !… Empoisonnée !… En est-ce assez ?
Seigneurs dépouillés, princes, barons et comtes
dépossédés, faut-il encore de nouveaux crimes? …
Et c’est toujours la même main qui frappe,
infatigable, jamais rassasiée de meurtres… c’est
toujours le même homme… le même tyran qui
conçoit l’assassinat : le pape !… Et c’est toujours
le même homme… le même tigre qui se rue sur la
victime désignée à ses coups… son fils… César
Borgia !…

À partir de personnages et de faits réels, l’auteur a imaginé une formidable épopée : celle d’un chevalier français, pauvre mais plein d’audace, le jeune Ragastens qui, après s’être mis au service de César Borgia, deviendra son rival et son ennemi le plus acharné. Pour la belle Béatrix, surnommée Primevère, qui hait ouvertement le tout-puissant seigneur romain mais adore en secret le vaillant petit français dont rêve aussi Lucrèce Borgia, l’Italie sera mise à feu et à sang.

Le courage et l’astuce de Ragastens provoqueront le dépit et la chute des Borgia. La justice, le droit et la légitimité triompheront. Ainsi que l’amour de Béatrix et Ragastens, sous le regard complice d’un peintre qui se fera un prénom, Raphaël, et d’un écrivain que le pouvoir inspire, Machiavel…

UN POUVOIR SULFUREUX
«Pas un mot ! dit le vieillard d’une voix si changée
que Ragastens la reconnut à peine. J’ai tout vu,
j’ai tout entendu. Bénissez le ciel que je conserve
mon sang-froid et que, pour éviter un scandale,
une tache à mon nom, je ne vous tue pas ici
comme un chien ! Demain…chez moi…je vous
attends…*
(Extrait : BORGIA)

BORGIA est un récit historique qui amalgame la fiction et la réalité. C’est l’histoire de Ragastens, un chevalier français sans le sou mais d’une trempe exceptionnelle. Pour vivre, il se fait enrôler comme Chevalier par le fils du Pape : César Borgia en personne. Pour faire court, Ragastens tombe en amour avec la belle Primevère, de son vrai nom Béatrix. Un jour, Béatrix accepte de servir de modèle au peintre Raphaël.

En prenant connaissance du tableau ainsi produit, Le pape Alexandre VI, Rodrigue Borgia exige de rencontrer le modèle peint si magnifiquement par Raphaël. De son côté, César Borgia aperçoit Béatrix et la veut lui aussi. La sœur de César et fille du pape, Lucrèce Borgia voit tout ça d’un mauvais œil.

Une chaîne d’évènements amène Ragastens à devenir l’ennemi juré des Borgia. Il développe l’obsession de sauver Primevère des griffes des Borgia. Aidé au départ par ses amis Machiavel et Raphaël, Ragastens établira de nombreuses et précieuses alliances pour mener à bien son plan.

J’ai dévoré ce long pavé de 1000 pages. Beaucoup de choses sont en accord avec l’histoire. Rodrigue Borgia est présenté dans ce livre comme un meurtrier fourbe, hypocrite et ambitieux. L’histoire reconnait en effet la vie dissolue d’Alexandre VI et la toute-puissance de la famille Borgia pour le malheur de toute l’Italie.

J’ai particulièrement apprécié l’insertion dans l’aventure de deux personnages historiques fort attachants à leur façon : Le peintre Raphaël Sanzio et le théoricien Niccolo Machiavelli. Leur présence est relativement discrète, mais elle compte beaucoup et a attisé mon intérêt pour le récit, Raphaël et Machiavel étant des amis du Chevalier Ragastens et par la force des choses, des complices.

Deux personnages importants dans le récit

À gauche, Raphaël Sanzio (1483-1520) appelé aussi Raphaël Santi est un peintre et architecte célèbre de la renaissance. Au Vatican, Raphaël, contemporain de Michel-Ange était chargé de la décoration du palais du pape Jules II, désireux de l’habiter pour ne pas subir la néfaste influence de la puissante famille Borgia.

Nicolas Machiavel (1469-1527) est un penseur humaniste de la renaissance, théoricien versé en politique et en histoire. Il a donné naissance à plusieurs termes en français dont le plus célèbre : *machiavélisme* issu d’une interprétation soit déformée soit surfaite de son œuvre. Dans le récit de Michel Zévaco, Raphaël et Machiavel sont deux amis et complices du héros de l’histoire, le chevalier Ragastens.

BORGIA est le récit d’une guerre. Un conflit cruel et sanglant entre les Borgia et les Alma, isolés à Monteforte, le dernier rempart qui s’oppose aux Borgia. C’est une guerre d’ambitions et de pouvoir et que souhaitent ceux qui ont le pouvoir sinon plus de pouvoir. Ce qui m’a le plus frappé dans l’œuvre de Zévaco est sa structure.

Sa plume intense a rendu d’une clarté limpide une puissante chaîne d’évènements et de personnages, ce qui rend la lecture fluide avec un fil conducteur auquel le lecteur s’accroche facilement. Inspiré d’une époque où la chrétienté était carrément décadente, l’auteur a su insérer dans cette réalité un Chevalier fictif avant tout humain avec ses forces et ses faiblesses mais d’une grande adresse et d’une incroyable audace.

Évidemment, Zévaco prend des libertés avec la vérité historique. Il a introduit par exemple LA MAGA, une sorcière qui aurait été amante du pape et mère de deux monstres : Lucrèce et César. Et puis, il y a la mort du pape Alexandre VI. Dans le récit de Zévaco, il est mort empoisonné mais on n’est pas sûr des circonstances exactes de sa mort.

Enfin, avec BORGIA de Michel Zévaco, vous êtes certain d’avoir entre les mains un excellent divertissement, une lecture prenante et pleine d’émotions et surtout de rebondissements. Vous vous attacherez je crois au jeune Ragastens et devrais-je le dire? Pourquoi pas puisque ça m’est arrivé…vous vous plairez sans doute à détester les Borgia car un fait est avéré :

La famille Borgia pâtit d’une sinistre réputation en partie forgée par ses ennemis politiques qui les accusent pêle-mêle d’empoisonnement, de fratricides, d’incestes…cette légende contribue à faire des Borgia le symbole de la décadence de l’Église à la fin du moyen âge. (Wikipédia)

Je recommande donc Borgia de Michel Zevaco. Je crois que vous ne vous ennuierez pas…bien au contraire.

Suggestion de lecture : HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, collectif

Michel Zévaco (1860-1918) est avant tout un auteur de romans populaires, dont le plus connu reste la série de cape et d’épée Les Pardaillan. Journaliste d’obédience anarchiste, il se fait régulièrement emprisonner à la prison Sainte-Pélagie pour ses articles libertaires. En 1900, après avoir tenté de soutenir Dreyfus, il quitte le journalisme politique et retourne au roman-feuilleton. connaît un véritable succès. Plus de dix volumes des aventures de Pardaillan Père et Fils ont été publiés, de son vivant et après sa mort, en avril 1918 à Eaubonne.

Borgia au cinéma

Les Borgia ont largement inspiré le septième art avec une quantité impressionnante de films et de téléséries. Il serait trop long de tout énumérer ici. Je vous suggère de visiter le site cinetraffic.fr pour en savoir plus.

Voici à mon avis, l’affiche la plus représentative du mythe Borgia, celle de la série crée par Canal + en coproduction, réalisée par Tom Fontana en 2011.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 10 août 2019

BILLY-ZE-KICK, le livre de JEAN VAUTRIN

*« Chère Julie-Berthe. Je suis près de toi. Partout et nulle part. Je te regarde dormir. Je suis prêt à t’obéir. Un mot de toi et j’exécuterai tes ordres. Désigne-moi qui tu Veux tuer et tu verras ce sera fait. Ton dévoué Billy-Ze-Kick » * (Extrait, BILLY-ZE-KICK, Jean Vautrin, Éditions Gallimard, Série Noire, 1974, édition numérique et de papier. 145 pages num.)

Un fou dégomme au fusil à lunette une mariée à la sortie de l’église… Un horticulteur refuse le bétonnage de ses terres et piège son terrain… Des gosses s’enferment dans les caves des tours et y passent des heures… La banlieue est devenue dangereuse, la mort rôde. Julie-Berthe, dans ce décor, a sept ans, zozotte et est terriblement précoce. Elle adore les zizis et les zézettes. Oui, Julie-Berthe est un ange ! Son père, qui pensait se la couler douce au commissariat en l’absence du chef, se retrouve dépassé. Sa fille, orchestre le chaos. Billy-ze-Kick est son prince charmant : il fera ses quatre volontés… Billy serait un mythe enfantin si le sang qu’il verse n’était pas réel.

UN VRAI TUEUR IMAGINAIRE
*Billy-Ze-Kick ouvrit les yeux…Maintenant venait le temps
de la réflexion. Une sourde angoisse lui nouait l’estomac.
Avec le meurtre de la mariée (il préférait dire le coït), il
avait été totalement imprudent. Il avait obéi à une espèce
d’urgence, à une sorte de soumission inconsciente.*
(Extrait : BILLY-ZE-KICK)

C’est un récit étrange. Un roman très noir qui tourne autour d’une étrange famille : Roger Clovis Chapeau, inspecteur de police très attaché à ses prérogatives et au prestige lié à son titre. Julie Chapeau, sa femme, un peu volage et Julie-Berthe Chapeau, une petite fille à l’esprit perturbé et qui souffre d’un sévère problème langagier : elle *zozotte* :

*Papa dit que si ze développe mon intelligence, zirai loin à condition que les cochons me bouffent pas. Qui mettent pas leurs sales pattes sur mon derrière. C’est comme ça qui l’appelle mon popotin, M. Chapeau, mon papa.* (Extrait)

Clovis a pris l’habitude de raconter à sa fille des histoires policières et de meurtre ayant comme personnage central un garçon susceptible, capricieux et violent : BILLY-ZE-KICK. Or, depuis quelques temps, des meurtres sont commis dans la ville de Clovis… des meurtres calqués sur les histoires que raconte le policier à sa fille :

*Un être qu’il avait fabriqué de toutes pièces. Il venait de lui lâcher la main, de lui faire faire ses premiers pas, BILLY-ZE-KICK venait de débuter dans le monde.* (Extrait)

L’histoire est très glauque et réunit une brochette de personnages égocentriques issus de la cité-dortoir des oiseaux, un *achélème* sordide et invivable dont on développe l’envie irrésistible de sortir. Dans tout ce petit monde à la recherche d’air, il y a BILLY-ZE-KICK, personnage basé sur le légendaire Billy-The-Kid, bête et très méchant. Je vous laisse trouver qui joue le rôle de ce personnage odieux.

Mais une chose est sûre : Julie-Berthe y est très attachée : *Si tu es Billy-Ze-Kick, dit-elle, sois gentil. Tue quelqu’un pour moi veux-tu ?…Si tu es vraiment Billy-Ze-Kick…il faut que tu tues ma maman Zuliette.* (Extrait) Graduellement, la petite fille de 8 ans devient monstrueuse…*Un zour, un zour, il faudra que ze tue quelqu’un pour voir comment ça fait. C’est une sensation que ze veux connaître* (Extrait)

Ce livre a été publié au milieu des années 70 et est très lié au contexte de l’époque. Toutefois il pose une énigme intéressante au lecteur : Qui est Billy-Ze-Kick? Un gangster qui s’en sort toujours mais encore ?

Le livre propose donc un défi au lecteur, un défi particulier d’autant qu’il projette dans l’univers complexe de la maladie mentale et de plus, il m’a poussé à la réflexion ou tout au moins à me poser la question : Est-ce que tout le monde n’a pas dans son imaginaire un billy en dormance ?

Je serais curieux de voir quelle proportion de lecteurs se sont attachés à Billy parce qu’entre autres raisons, il est vulnérable. Pourtant, c’est un personnage odieux et insensible pour qui tuer est virilisant. Le livre a certaines caractéristiques de l’étude de mœurs.

Donc j’ai aimé ce livre, c’est une histoire intéressante mais elle a mis ma patience à l’épreuve à cause de son langage très argotique…un jargon poussé pas à peu près : *À c’t’heure, Chariot Bellanger refoulait du goulot et bobinait du côlon avec enflure du pancréas et tortillon dans le grêle tripou tellement son épicurien dîner s’avérait difficultueux à suc-digestiver.* (Extrait)

Autre difficulté dans la lecture de ce livre : le fil conducteur de l’histoire ne tient pas la route. Le récit prend toutes sortes de direction et occulte l’enquête policière. L’auteur a plutôt misé sur la psychologie de ses personnages, leur mal de vivre leurs mœurs et les interactions entre les acteurs du drame.

Il  ne faut pas oublier aussi bien sûr, au centre,  Julie-Berthe et sa créature : BILLY-ZE-KICK. Enfin je précise que tous les propos de Julie-Berthe sont *zozotés* dans le récit. Ça aussi c’est pas toujours facile à suivre. C’est agaçant mais j’ai pu m’y faire avant la fin.

C’est donc un livre intéressant à lire, mais lourd et centré sur une petite fille laissée à elle-même et dont l’imagination malade donne corps à Billy-Ze-Kick. Le lecteur pénètre dans un univers déjanté où les relations humaines sont mécaniques…intrigantes…curieuses, atypiques…un défi à relever.

Suggestion de lecture : LE CHUCHOTEUR, de Donato Carrisi

Jean Vautrin (1933-2015) de son vrai nom Jean Herman était un écrivain, réalisateur, scénariste et dialoguiste français. Il gagne en notoriété dans les années 1970 avec des œuvres comme BILLY-ZE-KICK et BLODY MARY après avoir commencé à écrire sous son pseudonyme : Jean Vautrin. Autre trouvaille de l’écrivain, en 1987, avec Dan Franck, il créera le fameux personnage du reporter-photographe au grand cœur : Boro dont les aventures seront adaptées à la télévision. En 1989,  Il obtient le prix GONCOURT pour son roman UN GRAND PAS VERS LE BON DIEU. En 1998, il reçoit le prix Louis-Guilloux pour l’ensemble de son œuvre.

BILLY-ZE-KICK AU CINÉMA

BILLY ZE-KICK a été adapté au cinéma par Gérard Mordillat en 1985. Dans la distribution, on retrouve François Perrin dans le rôle de l’inspecteur Chapeau. La jeune Julie-Berthe est jouée par Cérise Bloc. Les amateurs de musique se rappelleront également qu’un groupe a pris le nom de BILLY-ZE-KICK et les gamins en folie. Ce groupe a réalisé un album éponyme sorti en France en 1994. Un groupe de punk rock moins connu a pris le nom de Billy-Ze-Kick. Dans tous les cas, le caractère noir du mystérieux personnage est avéré.

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 4 août 2019

ANAVÉLIA, le livre de KIM FOURNELLE

Les neuf médaillons

*Lentement, elle se laissa emporter, sentant son cœur
ralentir et sa vue s’embrouiller. Les heures s’écoulèrent
sans qu’elle réagisse, puis soudain un ruban noir
couvrit son regard. Un froid humide l’engloutit, et un
bourdonnement incessant se mit à résonner autour
d’elle. Pensant que c’était la mort qui venait la chercher,
elle se mit à divaguer doucement. -Enfin…*
(Extrait: ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS, Kim Fournelle,
Éditions AdA, 2013, édition de papier, 675 pages)

Tyffanie semblait avoir la vie rêvée jusqu’à ce qu’elle trébuche dans un monde hostile…une plongée en enfer. Lentement, afin de se procurer sa drogue pour revoir ses couleurs, elle renonce à sa survie jusqu’à être acculée au pied du mur et ne voir aucune autre option que la mort. Elle pense que celle-ci est venue la délivrer quand un homme vient la surprendre. Qui est ce capitaine Inès qui lui parle d’une légende dont elle semble faire partie. Elle ne le sait pas, mais elle va embarquer dans une aventure plus grande qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. La Légende des neuf médaillons sera-t-elle sa délivrance?

Une *fantasy* sympathique
*…«Au moins je pourrai venger les miens si je les
tue et les renvoie en petites tranches au château.»
Tyffanie se mit à se secouer violemment sur le sol.
Elle voulait se défendre, elle voulait parler. «Très
bien Jordan. Attachez-les sur l’exécutoire dehors,
et nous les pendrons au coucher du jour.»

(Extrait : ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS)

 C’est un livre très volumineux dans le genre Fantasy qui développe une grande quête et qui nous fait passer d’une sous-quête à l’autre. Il y a beaucoup de personnages, des longueurs, quelques redondances mais c’est un récit riche d’aventures et de leçons.

Je résume d’abord ce que ça raconte : Alors qu’elle nage dans l’enfer de la drogue et victime d’une vie dissolue, Tyffanie est interrompue dans son attente de la mort, par un mystérieux personnage : Le capitaine Oswald Inès qui lui fait une offre étrange :

*-J’ai passé devant votre rideau et vous sembliez en pleine douleur, alors je suis entré et je vous ai vue. Et c’est là que j’ai vu votre marque et que j’ai su… – Vous avez su ? – Oui, j’ai su que vous étiez ce qui me manquait pour chercher le trésor de ces îles. J’ai su que j’étais votre guide pour empêcher une horreur.* (Extrait)

Cernée par la souffrance et la douleur, Tyffanie ne pouvait vraiment refuser. C’est ainsi qu’elle s’est lancée dans une aventure extraordinaire : la légende des 9 médaillons qui pourrait garantir à Tyffanie la rédemption. Ce n’est pas pour rien qu’Oswald l’a choisie. Elle a la marque…elle est l’élue.

C’est donc une grande aventure qui attend les lecteurs. Une aventure qui se passe en mer et aussi sur les îles qui représentent autant de sous-quêtes et sur ces îles, l’équipage s’enrichira de nouvelles alliances et tout ce beau monde affrontera l’ennemi final : Shelk.

C’est un récit typique de la fantasy : des magiciens, des sorcières, des Elfes, des monstres, il y a même un vampire, et italien encore, personnage sympathique, drôle et pas méchant pour deux sous : Émilio, le cuistot de bord. Il y a du mystère et une héroïne, Tyffanie, qui a en elle des pouvoirs qu’elle ignore mais qui sera aidée par des alliés inespérés pour les mettre en évidence et les rendre redoutables.

Ça ne réinvente pas le genre, mais l’auteur a développé avec beaucoup de savoir-faire, la transformation de son héroïne et ses interactions avec l’équipage. De plus Kim Fournelle a beaucoup travaillé sur ses personnages, imposant à chaque espèce ses qualités propres et sa psychologie, ses forces et ses faiblesses

Tyffanie est un personnage particulièrement attachant et l’auteure s’est bien gardée d’en faire une héroïne sans peur et sans reproche comme on en voit souvent en littérature. Comme vous voyez, le livre a des belles qualités. Toutefois, c’est un long pavé. Et encore, il y a une suite. Il y a des longueurs, c’est inévitable et les scénarios se ressemblent d’une île à l’autre. Il y a des redondances et bien sûr, un petit caractère prévisible.

Le récit véhicule toutefois une belle leçon de vie. D’une part, il faut savoir que nous avons en nous une force insoupçonnée qui contribue à atteindre ou maintenir l’équilibre dans notre vie, et d’autre part, retenir qu’il y a toujours de l’espoir, et voir comme une nécessité… *Le bonheur de la bonne compagnie et des moments simples de la vie qui vous remplit d’une béatitude incroyable .* (Extrait)

Pour ce qui me concerne, j’ai trouvé ce livre agréable, bien documenté, avec des bonnes idées, des personnages sympathiques. Le fil conducteur de l’histoire est parfois mince, il faut s’y accrocher mais c’est un détail parce que la plume est assez fluide. La pire faiblesse est au niveau de la structure : des chapitres qui n’en finissent pas de finir…trop long, un peu lourd. J’aurais préféré une meilleure ventilation. Mai qu’à cela ne tienne, je vous recommande ce livre et sa suite : LA QUÊTE DES DIEUX

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

KIM FOURNELLE

À LIRE AUSSI :

ANAVÉLIA, TOME 2, LA QUÊTE DES DIEUX

Maintenant en parfait contrôle de ses pouvoirs après avoir reçu l’éducation de Karmina, Tyffanie prend la mission des Dieux entre ses mains. Elle se lance dans la quête qu’ils lui ont octroyée sans se poser plus de questions, mais la vie reste une surprise…

Prisonnière de son destin, elle fait face aux épreuves qui se dressent sur son chemin sans se douter de ce qui l’attend vraiment. Sera-t-elle prête à faire ce qu’elle doit faire pour accomplir la dure et lourde tâche qui s’impose à elle ?

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 3 août 2019

 

 

Un autre nom pour l’amour de COLLEEN McCULLOUGH

*…La commission d’enquête découvrit de graves
irrégularités dans les comptes et apprécia Luc à
sa juste valeur, celle d’un individu sans scrupules
et toujours prêt à semer la discorde sur son
passage. On s’en débarrassa de la manière la
plus
simple…
*
(Extrait: UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR, Colleen
McCullough, Archipoche éditeur, 2015, papier, 500 pages)

Colleen McCullough décrit un véritable cas de conscience, celui d’une infirmière qui a en charge, dans un hôpital de campagne perdu au fond d’une île du pacifique, six soldats traumatisés par la guerre. Entre ces hommes et cette femme qui représente à la fois la mère, la sœur et l’amante que chacun veut posséder pour lui seul, vont naître des sentiments qui vont s’exacerber jusqu’au paroxysme de la jalousie et de la haine et au-delà : la tragédie. Ici, nous avons un roman d’amour bien sûr mais plus encore : une étude en profondeur du cheminement des passions chez des êtres que tout semble opposer et que tout doit finalement séparer. 

ÉMOTION À L’HORIZON
*…Elle n’avait pas honte de savoir qu’il n’avait
rien fait, rien dit pour le demander ni y
consentir. Elle le touchait, elle le caressait
amoureusement pour son seul plaisir, pour
s’offrir un souvenir. *
(Extrait)

Comme vous le savez sans doute, je ne suis pas très friand de littérature sentimentale. Toutefois, j’aime essayer des tendances différentes comme je le fais dans mes petites incursions occasionnelles dans l’Univers des grands Classiques. Alors pourquoi ne pas essayer une histoire d’amour. C’est alors que j’ai pensé à Colleen McCullough.

Je visais d’abord son œuvre majeure *LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR* mais étant peut-être trop contaminé par la série télévisée, j’ai opté pour UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR. Je ne l’ai pas regretté.

Le livre raconte l’histoire de Honora Langtry, une infirmière de vocation, née pour ça : philanthrope, altruiste et compétente. Vers la fin d’une guerre, honora exerce sa profession dans un pavillon appelé X. Elle a sous sa responsabilité cinq hommes à qui on prête une certaine déficience mentale ou intellectuelle.

Ils sont surtout là parce que les autorités militaires ne savent pas trop où les mettre. Puis arrive le petit nouveau, Michael Wilson qui, graduellement fait battre le petit cœur d’honora tout en modifiant d’une certaine façon la discipline et surtout la routine du pavillon. Puis, les sentiments d’Honora deviennent contradictoires et j’ai compris qu’elle allait s’enliser dans un amour impossible.

Compte tenu de ce caractère contradictoire et de la nature des personnages du pavillon, mon intérêt a été soutenu jusqu’à la fin. Mise à part Honora, un personnage a retenu mon intérêt en particulier Luc Dagget, homme instable et disparate, imbu, égocentrique et à l’attitude crasse :

*Tu sais Luc, tu es d’une telle bassesse que tu serais forcé de grimper à une échelle si tu voulais gratter le ventre d’un serpent, dit Nugget en faisant la grimace. Tu me donnes envie de dégueuler. * (Extrait)

C’est un exemple. Si les hommes étaient en apparence physiquement bien portants, Ils avaient tous une meurtrissure au cœur et Honora était tout pour eux : une présence, un soulagement, une mère et même une amoureuse. Le reste concerne un petit grain de sable qui s’est glissé dans l’engrenage. Michael Wilson a changé la donne.

J’ai été happé par la dimension dramatique de l’histoire. D’autant que la guerre est finie et que la démobilisation approche. Chacun aura un choix à faire et ce choix sera tragique pour plusieurs. Luc ira jusqu’au suicide, mais est-ce un suicide ? Colleen McCullough a travaillé ses personnages.

Elle les a doté d’une personnalité complexe. La psychologie de ces personnages est un élément-clé du récit. J’ai été aussi étonné par la précision de l’écriture. Pas de longueurs. Pas de mots ou d’éléments superfétatoires. Son langage est très direct et la plume est limpide.

Oui c’est une histoire d’amour. Je serais plus précis en parlant de drame d’amour. L’intensité dramatique suit un crescendo savamment pensé et travaillé, modelé pour retenir l’attention et l’intérêt du lecteur.

Pour nourrir cette dimension dramatique, Colleen McCollough a inséré un peu de tout dans son récit : de la peur, de la folie, de l’introversion, les blessures infligées par la recherche d’un amour impossible. Il y a même quelques épisodes qui laissent suggérer l’homosexualité. Il y a donc un brassage d’émotions parfois de forte densité.

Ne vous attendez pas à un fulgurant *happy ending*. Au contraire, la finale est la conclusion logique d’une chaîne d’évènements induits par l’arrivée de Michaël Wilson. Ça rappelle un peu le chien dans le jeu de quille mais ça va plus loin. C’est un très bon roman, profond, recherché, avec des personnages authentiques dans le sens de profondément humains. Je le recommande sans hésiter.

Suggestion de lecture : LE GAZON…PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA CLÔTURE, d’Amélie Dubois

Après des études en médecine, Colleen McCullough (1938-2015) s’engage  dans un laboratoire de Sydney avant de gagner les États-Unis où elle a séjourné un long moment, exerçant la profession de neurophysiologue à l’Université de Yale. Romancière émérite, elle a obtenu un succès mondial avec LES OISEAUX SE CACHENT POUR MOURIR, où elle évoque pour l’essentiel, sa famille et sa propre enfance en Australie.

Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 2 août 2019

AGATHA RAISIN ENQUÊTE : LA QUICHE FATALE

Commentaire sur le livre de
M.C. Beaton

*Quoiqu’il en soit, j’espère que vous ne vous
êtes pas mis en tête de devenir la Miss Marple
de Carsely, et que vous n’essayez plus de
montrer que cet accident était un assassinat.*

(Extrait: LA QUICHE FATALE de la série
AGATHA RAISIN ENQUÊTE, M.C. Beaton,
t.f. Éditions Albin Michel, 2016, Numérique,
250 pages)

Voici le premier tome de la série Agatha Raisin : une miss Marple moderne qui n’a pas froid aux yeux, fume comme un pompier et boit sec. Dans LA QUICHE FATALE : Agatha Raisin coule une retraite anticipée dans un paisible village des Costwolds, où elle ne tarde pas à s’ennuyer ferme. Elle participe au concours de cuisine de la paroisse croyant que ça la rendrait populaire. Mais à la première bouchée de sa quiche, l’arbitre de la compétition s’effondre et Agatha doit révéler l’amère vérité : elle a acheté la quiche fatale chez un traiteur. Pour se disculper, une seule solution : mettre la main à la pâte et démasquer elle-même l’assassin.

AVANT-PROPOS :
En 2016, Marion Chesnay initie, sous son nom de plume M.C. Beaton, une nouvelle série intitulée AGATHA RAISIN ENQUÊTE. Bien sûr, Agatha Raisin est un petit clin d’œil à Agatha Christie qui elle-même a créé un personnage ayant plusieurs points en commun avec Agatha Raisin. Je parle bien sûr de Miss Marple.

Madame Raisin est une spécialiste de la communication et des relations publiques. Après plusieurs années à la direction de sa propre entreprise, elle décide de prendre une retraite anticipée, vendre sa compagnie et s’installer dans la campagne anglaise.

Quant à la personnalité de madame Raisin, disons que c’est une femme difficile d’approche, plutôt froide, égocentrique. Elle n’a pas la langue dans sa poche mais elle franche et loyale. Elle n’a pas beaucoup d’amis à part un ancien de sa boîte, Roy, un homosexuel extraverti.

L’auteure met tout en place dans ce premier opuscule pour *humaniser* Agatha Raisin et lui donner des ailes car faut-il le mentionner, son installation dans le *cottage raisin* va lui apporter des maux de tête mais va surtout lui apprendre à se connaître elle-même. Elle se découvre entre autre une capacité de déduction qui fait la barbe aux policiers.

UN PLAT QUI SE MANGE CHAUD !
*John Cartwright est  le mari d’Ella Cartwright, qui avait
une liaison avec Cummings-Browne. Qui aurait pu penser
qu’il savait cuisiner ? C’est une sorte de gros gorille
dégoûtant. Tu vois. C’est tout à fait possible. Quelqu’un
a très bien pu remplacer ma quiche par la sienne.*
(Extrait)

Donc, dans ce premier volet de la série, Agatha Raisin s’installe à Carsely, petit village au cœur des Cotswolds. Elle ne l’aura pas facile car ces petits hameaux sont souvent comparables à des cercles fermés. C’est long avant d’y être accepté…

*Dans un roman d’Agatha Christie, elle aurait non seulement reçu la visite du pasteur mais aussi celle de quelque colonel à la retraite et de son épouse. Tandis que là, toute conversation se limitait «’jour», «’soir» et quelques mots sur la météo* (Extrait) Elle décide donc de faire quelque chose pour s’intégrer à la communauté.

Elle a eu l’idée de participer à un concours culinaire avec toutefois une petite tricherie que je vous laisse découvrir et qui fera toute la différence dans le récit et plus précisément l’enquête. Le plat proposé est une quiche aux épinards…elle ne manquera pas de faire de l’effet car le juge qui en fait la dégustation en meure.

On a trouvé dans la quiche de la cigüe aquatique, une plante mortelle. Agatha devra travailler très fort pour se sortir de cette situation dramatique. Comme on dit souvent que la meilleure défense est l’attaque, Agatha décide d’enquêter étant donné que les policiers obtiennent peu de résultats.

Je trouve l’idée de cette série intéressante. Le lien avec Miss Marple m’a frappé malgré sa discrétion. Je dois toutefois dire que nous sommes très loin ici de la rigueur des romans policiers d’Agatha Christie. Malgré une certaine capacité de Beaton à entretenir l’intrigue, le récit manque de fini et ce qui pourrait passer pour des rebondissements n’est en fait qu’un enchaînement de fausses pistes qui mettent en perspective l’opiniâtreté d’Agatha Raisin.

L’acharnement de celle-ci vise à prouver qu’il y a eu  meurtre et donc qu’il ne s’agit pas d’un simple accident. C’est une faiblesse dans le récit car la cigüe ne s’est pas trouvée là par hasard. Il m’a semblé évident dès le départ que ça ne pouvait pas être un accident. La police ne pouvait pas être bête au point de ne pas tirer cette première conclusion.

Donc, sur le plan policier, ce premier opuscule manque de rigueur. Je ne m’en fais pas outre mesure. Je n’ai pas lu les autres tomes de la série, mais je suis sûr que M.C. Beaton ne faisait que préparer le terrain avec la QUICHE FATALE. Elle a commencé par creuser les personnages dont Roy que j’ai trouvé extrêmement sympathique et bien sûr Agatha Raisin à qui elle attribue finalement une direction arrêtée.

Donc dans ce premier volet, je dirais que l’auteure est en mode *installation*, *mise en contexte*, début d’une nouvelle vie pour madame Raisin : la retraite…faut bien s’occuper. L’auteure nous fait aussi faire la connaissance du village et de ses habitants. On y trouve quelques corniauds et surtout beaucoup de chipies, dont la voisine d’Agatha…voisine qui sera remplacée à la fin par quelqu’un de beaucoup plus intéressant.

Qu’il me suffise de dire en conclusion qu’on est très loin du chef d’œuvre. Je ne m’attendais pas à un chef d’œuvre de toute façon et ce n’est pas ce que je cherchais, sachant très bien que LA QUICHE FATALE n’est que le premier volet d’une longue série appelée à se peaufiner et à s’améliorer.

Le simple non d’Agatha Raisin ne démontre-t-il pas qu’il ne faut pas prendre ses aventures trop au sérieux. C’est une lecture légère et divertissante et j’espère avoir bientôt l’occasion d’y revenir.

Suggestion de lecture : LE BILLETS GAGNANT, recueil de nouvelles de Mary Higgins Clark

QUELQUES *AGATHA RAISIN*

        

LISTE COMPLÈTE

AGATHA RAISIN À LA TÉLÉ

Ashley Jensen joue le rôle d’Agatha Raisin dans la série Britannique créée en 2016

Née en 1936 à Glasgow, Marion Chesney alias M.C. Beaton a été libraire et journaliste avant de devenir un des auteurs de best-sellers les plus lus de Grande-Bretagne avec ses deux séries de romans policiers : Hamish MacBeth et surtout Agatha Raisin (plus de 15 millions d’exemplaires vendus dans le monde). Elle a aussi à son actif plusieurs romans d’amour et historiques. Livreonline.com publie entre autre sur cette auteure prolifique une très intéressante revue de presse. Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 28 juillet 2019

AFTER PARTY, le livre de DARYL GREGORY

*Mon esprit a commencé à s’éteindre, zone par
zone, comme une ville durant un black-out dont
des quartiers entiers sont privés de courant. Ma
conscience s’est cristallisée sur une unique
pensée : je vais mourir.*
(Extrait : AFTER PARTY, Daryl Gregory, Éditions Le
Bélial, 2016, édition numérique, 325 pages)

Une église émergente met la main sur une drogue appelée LE NUMINEUX, une molécule qui décuple le sentiment du divin, qui rend la présence de Dieu tangible, presque palpable et enracine chez son consommateur une foi inébranlable menant à l’extrémisme sans parler des crises mystiques et de très fortes hallucinations. Cette drogue neurochimique se répand rapidement dans Toronto et pourrait bien être distribuée dans le monde entier créant des légions de fanatiques.

Une seule personne peut calmer le jeu : Lyda Rose qui a contribué à la création du Numineux ce qui l’a presque anéantie. Si elle accepte, son programme sera chargé : d’abord s’échapper de l’asile psychiatrique où elle est internée, chercher de l’aide, trouver des amis, percer le secret de l’église qui vénère le Dieu hologrammatique et mettre hors d’état de nuire et soigner tous ces nouveaux fanatiques… Un vrai chemin de croix…

UNE DROGUE QUI MÈNE À DIEU
*Je ne savais pas ce qui m’arrivait. Des crampes
m’ont assailli l’estomac…J’étais au-delà de
L’hilarité, perdue dans un état émotionnel
inconnu, bruyant et chaotique. Le genre de
truc qu’éprouve une vague en s’écrasant sur
la plage ?*
(Extrait : AFTER PARTY)

Sans être un chef d’œuvre, AFTERPARTY développe un sujet qui détonne, qui tranche. Voyons un peu le synopsis, mais à ma façon : Une grande fête est organisée. Pendant ce party on fait l’essai d’une nouvelle drogue qu’on appelle LE NUMINEUX. Si on se rapporte au dictionnaire français de l’internaute, le numineux est un phénomène mystérieux qu’on ne parvient pas à expliquer rationnellement. Il laisse à penser qu’il peut-être divin.

Dans AFTERPARTY, le Numineux est une drogue qui décuple la foi en Dieu et le rend physiquement accessible : *Cette drogue te donne l’impression d’entrer en contact avec une force supérieure…l’être surnaturel se trouve dans la pièce avec toi, tu peux le voir, il est intégré à ton champ de vision. Parfois il te parle.* (Extrait)

Maintenant, vous allez comprendre toute la portée et la gravité du titre : cette grande fête a envoyé dans les ailes psychiatriques plusieurs expérimentateurs de la NEM110 qui est l’appellation disons scientifique du numineux et qui développe l’addiction avec une extrême rapidité. Entre temps, par le biais d’une église émergente, la drogue se répand dans toute la ville et risque de se répandre sur toute la planète.

Pour éviter ce fléau on demande l’aide d’une des internées, Lyda Rose qui serait la seule à pouvoir remonter la filière et éviter le pire. Elle accepte, s’échappe de sa résidence avec d’autres personnages aussi mal pris qu’elle et se met à l’œuvre. Elle peut faire la différence car elle a participé à la création du numineux et connait beaucoup de monde.

Donc le livre se concentre surtout sur *l’après-party* et ses conséquences : de graves traumatismes liés à la NEM110. Je ne suis pas spécialement amateur de techno-thrillers mais j’ai trouvé celui-ci assez bien fait. Il n’y a pas de charge contre la religion ni contre l’église, mais l’enquête de Lyda-Rose et de ses amis nous fournit suffisamment de matière pour nourrir une réflexion sur les coûts sociaux et humains des addictions aux drogues.

Si le rythme du récit est assez élevé et farci de nombreux rebondissements, l’histoire accuse quand même quelques faiblesses. J’ai souvent parlé du fil conducteur d’une histoire. Je trouve important que les auteurs ne se mettent pas trop en marge de ce fil pour ne pas perdre ou décourager le lecteur.

Voilà la principale faiblesse du récit : un fil conducteur en dents de scie. L’auteur se disperse, le rythme casse. J’ai tenu bon car la finale en vaut la peine. Il faut savoir toutefois qu’un récit en déséquilibre peut amener des lecteurs/lectrices à se décourager.

Par contre, les personnages sont attachants, quelques-uns sont plutôt originaux. Je pense à la docteure Gloria, un personnage imaginaire issu de la schizophrénie de Lyda-Rose. Au départ, elle devait toujours dire ce que Lyda avait besoin d’entendre. Au final, c’est plus que ça mais c’est tout en douceur et en intelligence.

Gloria vient apporter un peu de légèreté dans un monde lourd et malade. Le tout évolue dans le futur. Imaginez, une drogue qu’on imprime…avec une imprimante spéciale produisant une sorte de papier buvard. Est-ce que Lyda Rose empêchera la propagation mondiale de cette cochonnerie qui grafigne dangereusement le cerveau ?

Malgré une tendance à l’éparpillement, je pense que Darryl Gregory a pondu un bon suspense, intriguant avec plusieurs personnages au caractère bien trempé. Le tout est crédible et porte à réflexion. Donc à lire : AFTER PARTY.

Suggestion de lecture : DUNE, de Frank Herbert

Daryl Gregory est un auteur américain de romans et de bandes dessinées. Il a été diplômé de l’Illinois State University. C’est un grand adepte de la Science-Fiction et de la Fantasy et naturellement, ça transpire dans l’ensemble de son œuvre. Son succès est consacré depuis plusieurs années. Il a remporté le Crawford Award pour PANDEMONIUM publié en 2008. Il est lauréat des prix Shirley Jackson et World Fantasy en 2015.

Pour en savoir plus sur les activités littéraires et la carrière de Daryl Gregory, consultez son site internet : http://darylgregory.com/ (en anglais)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 30 juin 2019

 

VATICANUM, de JOSÉ RODRIGUES DOS SANTOS

*Enimont ? L’auditrice respira profondément,
presque déprimée d’avoir évoqué ce nom
maudit. –Il s’agit d’un immense scandale de
corruption, dit-elle en insistant sur le mot
«immense»*
(Extrait : VATICANUM,  José Rodrigues Dos Santos,
traduction française aux Éditions Hervé Chopin, 2017,
éditions numériques et de papier, 504 pages num.)

Depuis des siècles, trois prophéties annoncent la mort du pape et la chute du Vatican. Des documents de première importance sont volés dans la cité pontificale, le pape fait appel à Tomás Noronha pour les retrouver. Celui-ci commence son enquête dans les catacombes de la basilique Saint-Pierre, mais sa mission prend très vite une nouvelle tournure. Le pape vient d’être enlevé, il est menacé de mort. Le compte à rebours commence et le chaos menace. Les attentats s’enchaînent et plusieurs pays se préparent à entrer en guerre. Noronha doit retrouver le pape et mettre fin à cette situation en voie de devenir apocalyptique.

AVANT-PROPOS

Banco Ambrosiano est une banque italienne qui a fait l’objet d’une des plus retentissantes faillites de l’histoire en 1982, suscitant ainsi un énorme scandale impliquant la Mafia et la banque du Vatican, son premier actionnaire. Ce scandale aussi spectaculaire que complexe ouvrira la voie à l’opération MAI PULITE qui mettra au jour dans les années 90 des vérités troublantes.

Ainsi, Roberto Calvi, membre de la loge *Propaganda Due*, une loge maçonnique appelée *P2*, et aussi directeur de la banque Ambrosiano, a été retrouvé pendu sous un pont de Londres le 17 juin 1982.

En 2006, dans la foulée du procès Calvi, le grand-maître de la loge P2 est arrêté après 3 mois de cavale à Cannes. En 1978, alors qu’il fait une tentative d’assainissement des finances du Vatican, Jean-Paul premier est retrouvé mort. On a lié le décès au scandale de la banque Ambrosiano car cette dernière venait d’être accusée de transférer secrètement des fonds au syndicat polonais SOLIDARNOSC et aux Contras du Nicaragua soutenus par Washington contre le régime sandiniste.

Pour l’histoire générale, cliquez ici, Suggestion de lecture spécifique ici.

LE CÔTÉ OBSCUR DU VATICAN
 *L’heure était extrêmement grave…le
délai fixé par les ravisseurs était sur

      le point d’expirer et il ne restait plus
assez de temps pour découvrir le
lieu où ils retenaient le chef de l’église.
*
(EXTRAIT: Vaticanum)

En cours de lecture de ce pavé qui fait près de 600 pages, j’ai fait une recherche pour m’assurer que je départageais correctement la fiction de la réalité. On y parvient aisément mais ça fait peur un peu. On trouve ici tout ce qui touche le tripotage des finances du Vatican, le cambriolage du palais des congrégations, les relations du Saint-Siège avec la mafia, le blanchiment d’argent, le sabotage systématique des enquêtes judiciaires de la part du Vatican, le célèbre scandale de la banque Ambrosiano et j’en passe…

tout cela constitue malheureusement une triste réalité. Ce qui concerne la fiction vise surtout la piste Islamique et l’enlèvement du pape. Même les prophéties présentées dans ce roman concernant la mort du pape sont authentiques. Je fais références aux prédictions de Malachie, Pie X et de Fatima.

L’histoire commence alors que le Pape fait appel au célèbre cryptologue Tomas Norona pour retrouver des documents très importants volés au Palais des congrégations. Puis tout s’enchaîne : le pape est enlevé et menacé de mort, le monde est menacé de chaos et la situation devient presqu’apocalyptique. Le temps est compté et dans son enquête, Norona fait d’obscures découvertes de nature à faire frémir d’horreur le monde…et les lecteurs…

Ce livre me rappelle un peu un énorme dossier de presse. La recherche documentaire est impressionnante. Entre les éléments d’action le livre comporte trois parties : un long dialogue avec le pape au début, un très long dialogue avec Catherine, la principale auditrice du Vatican et une longue conclusion qui n’est rien d’autre qu’un spectaculaire exercice de logique, de la part d’un simple historien qui vient mystifier les policiers chargés de l’enquête.

Trop beau pour être vrai dans les faits. Ça m’a rappelé un peu Da Vinci Code. Toutefois, Dos Santos est plus crédible et son histoire beaucoup mieux construite. Le problème majeur de Vaticanum tient sur le fait que le récit est long, répétitif, redondant jusqu’à l’ennui.

Donc le texte est lourd et les interminables dialogues, bâtis comme des articles de presse, diluent beaucoup l’action. Au moins, la crasse bancaire vaticane qui en ressort est un fait avéré. L’information livrée est vulgarisée et claire. Il y a quand même des éléments importants qui font que le lecteur et la lectrice ont de la difficulté à lever le nez de ce livre.

En fait, Dos Santos a le don de finir chaque chapitre par un élément qui rend le lecteur captif et qui l’oblige pratiquement à passer rapidement au chapitre suivant : un rebondissement, un fait nouveau, une révélation spectaculaire…c’est comme ça pour chaque chapitre. Moi qui ai toujours apprécié les livres ventilés avec des chapitres courts, j’ai été servi.

Voilà…on peut bien pardonner un peu les longueurs, la redondance et certains éléments comme la petite condition sentimentale de tomas que j’ai trouvée passablement insignifiante, car le récit ne laisse pas indifférent et même…il choque, remue, secoue, provoque la colère. L’émotion n’est pas imprégnée dans le récit qui est au contraire plutôt froid. C’est le récit qui crée l’émotion dans l’esprit du lecteur et le laisse grandir.

En conclusion, vous avez ici un récit dont l’aspect thriller alterne avec l’aspect journalistique. Les deux sont intéressants mais le rythme est altéré. Ça se lit vite malgré tout et je vous assure que votre patience sera récompensée.

Suggestion de lecture : LA FORMULE DE DIEU, de J.R. Dos Santos

José Rodrigues dos Santos est un journaliste, reporter de terrain, correspondant et écrivain portugais d’origine africaine. Il est né à Beira au Mozambique le 1er avril 1964. Pour CNN et la BBC, Dos Santos a parcouru le monde pour couvrir les plus grands conflits. Il a tiré de cette expérience de terrain des romans majeurs traduits dans près d’une vingtaine de langues. Il a un vécu très intense qui se répercute dans son œuvre littéraire. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 23 juin 2019

AFFAIRES PRIVÉES, livre de MARIE LABERGE

*-Le suicide, Rémy, ça se sème pas de même.
C’est pas le genre d’affaires qui s’attrape
comme un rhume. Faut souffrir pour se tuer.
À quinze ans comme à soixante. Comment
elle a fait ça? *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES, Marie Laberge,
Productions Marie Laberge 2017 pour l’édition de
papier, Éditions Martha pour l’édition numérique.
442 pages numériques.)

Quand Rémy Brisson, le directeur de l’escouade des crimes non résolus, affecte Vicky Barbeau à une enquête sur une mort fort peu suspecte, il le fait pour des raisons personnelles. Il est incapable de refuser quelque chose à la mère de cette jeune fille de quinze ans trouvée morte dans un boisé après avoir pris une dose mortelle de somnifères. Et quand Vicky s’aperçoit qu’en s’approchant des témoins de la vie de cette magnifique Ariel, elle s’expose à revoir des gens qu’elle a relégués au passé, l’enquête prend des allures de cauchemar.

CÔTÉ NOIR
*Qu’un adulte se laisse traiter comme du bétail à faire
jouir, ça le regarde. Mais qu’on contraigne un enfant,
qu’on profite de l’ascendant qu’on a sur lui pour
L’entraîner dans une violence et une subordination
inimaginables, tout cela pourquoi? Pour permettre à
Des impuissants de rêver qu’ils dominent enfin, alors
Qu’ils sont dominés par leurs peurs et leur abjection. *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES)

Il y a longtemps que je ne m’étais laissé aller à une lecture aussi addictive. Troisième essai dans le roman policier pour Marie Laberge. Elle a signé une histoire complexe et brillante. Un succès.

Voyons d’abord la trame : le directeur de l’escouade des crimes non résolus Rémy Brisson demande à Vicky Barbeau d’enquêter sur le suicide apparent d’une jeune fille nommée Ariel, retrouvée morte dans un boisé, intoxiquée par une dose massive de somnifère.

Vicky enquête effectivement, mais rien ne laisse supposer autre chose qu’un suicide. Elle apprend qu’une autre fille de l’école d’Ariel, s’est suicidée il y a deux ans Après l’étude des conclusions de l’enquête et du rapport du coroner, tout tendait à confirmer les suicides. Ce n’est qu’à l’arraché que Vicky, aidée de son collègue français Patrice trouvera quelques indices qui laisse supposer que tout ça n’est pas net.

Et s’il y avait un lien entre les deux suicides? Ça ne coûtait rien de fouiller de ce côté-là. C’est à partir de là que l’enquête prendra des allures de cauchemar et Vicky trouvera sur son chemin certaines personnes qui auraient beaucoup à se reprocher. Jamais on n’aura poussé l’opiniâtreté si loin.

Ce qui était au départ un cas simple de suicide est devenue une histoire d’horreur dont l’auteur tire une à une les ficelles avec une lenteur calculée et un incroyable don de déduction. Elle utilise le meilleur de sa connaissance de la nature humaine pour extraire des vérités dérangeantes qui n’étaient jusque-là qu’affaires privées.

Laberge signe un roman complexe développé avec une intelligence remarquable alliée à une connaissance précise de l’âme humaine. Avec une lenteur calculée, un sens précis de la déduction, des éléments d’enquête ajoutés à la petite culière, l’auteure lève le voile sur l’horreur, sur cette capacité qu’ont les êtres humains de tomber si bas. Le livre vient nous faire réfléchir sur la nature même du suicide.

Certains suicides s’annoncent, d’autres non, mais ils ne se font jamais sans raison. Il faut chercher à comprendre. J’ai beaucoup apprécié la subtilité des dialogues et de la grande sensibilité avec laquelle les enquêteurs approchent les jeunes dont le silence recouvre des secrets innommables. Par exemple, pourquoi Ariel se mutilait? Pourquoi deux suicides en deux ans et y a-t-il un rapport avec le théâtre que les deux jeunes filles adoraient?

Graduellement, l’auteur aborde avec tact la détresse des adolescentes, la souffrance de leurs parents et l’incompréhension puis, alors que les informations se recoupent,  l’auteure introduit les pointes acérées de la vérité qui n’est rien de moins qu’une descente aux enfers pour Ariel, et avant elle, Andréanne. L’auteure évoque la fragilité de l’adolescence et la subtilité des messages qu’elle peut lancer à ses pairs.

Je me doutais bien toutefois qu’un livre aussi intense allait avoir ses petites faiblesses. En fait, ce sont des personnages qui se caricaturent eux-mêmes : le metteur en scène Gilles Caron, con comme un balai, la directrice de l’école, pincée et aseptisée. Assam qui incarne le bon Roméo, le genre dernier amant romantique.

Il y a certains passages où l’auteure semble sombrer dans la facilité. Disons simplement que la psychologie de plusieurs de ses personnages est insuffisamment développée. J’ai cessé de compter le nombre de fois ou Caron passe pour bête à manger du foin. Ajoutons à tout cela la longueur de certains interrogatoires.

AFFAIRES PRIVÉES reste une excellente histoire. Marie Laberge y a mis toute sa sensibilité vu le sujet traité et y sonde avec précision la nature humaine. Le livre fait réfléchir sur la démarche du suicide ou ne serait-ce que la seule pensée effleurée.

Deux suicides qui au départ étaient sans liens. Conclusions de l’enquête : suicide simplement. La ténacité d’un enquêteur plongera le lecteur dans les abîmes immondes de la pédophilie et du masochisme. Ne vous attendez pas à des descriptions à soulever le cœur. Parfois, le non-dit est pire.

Un grand cru.

Suggestion de lecture: AFFAIRES ÉTRANGES. de Joslan F. Keller

Marie Laberge est une écrivaine, dramaturge, romancière, comédienne et metteur en scène québécoise née le 29 novembre 1950 à Québec.  Elle a à son actif une vingtaine de pièces de théâtre traduites et jouées dans de nombreux pays.

Toute sa carrière est parsemée d’honneurs, de prix et d’attributions. Par exemple, sa nomination au titre de Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1998 par le ministère de la culture de la France pour son apport à la francophonie. 

En mai et juin 1995, à la demande du premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, elle a rédigé le préambule de la Déclaration d’indépendance du Québec en collaboration avec, entre autres, Gilles Vigneault, Fernand Dumont et Jean-François Lisée.

Pour en savoir plus sur Marie Laberge, consultez son site officiel.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 22 juin 2019