La prophétie de Glendower

Commentaire sur le livre 1 de la série
LE CYCLE DU CORBEAU

de MAGGIE STIEFVATER

*Il n’y a que deux raisons pour lesquelles un esprit peut t’apparaître, Blue. Tu dois être soit l’amour de sa vie, soit la cause de sa mort. *

Extrait : LE CYCLE DU CORBEAU, tome 1, LA PROPHÉTIE DE GLENDOWER, de Maggie Stiefvater, Pour les formats papier et numérique : Teen spirit éditeur. Nombre de page respectivement, 472 et 352 pages.

Chaque année, Blue Sargent accompagne sa mère clairvoyante observer les esprits des futurs morts. Des esprits que Blue ne peut voir… Du moins, elle ne le pouvait pas, jusqu’à ce qu’un jeune homme lui apparaisse et s’adresse directement à elle. Il s’appelle Gansey et Blue découvre vite qu’il est étudiant à Aglionby, l’école privée locale. Or, elle a pour principe de ne pas s’approcher des jeunes hommes de l’académie ; plus connus sous le nom de « Corbeaux » , ils ne causent que des ennuis. Pourtant, Blue est irrésistiblement attirée par Gansey.

Du plus loin que remontent ses souvenirs, Blue a toujours su qu’elle causerait la mort de l’amour de sa vie. Elle n’avait pourtant jamais cru que ce serait un problème. Maintenant que sa vie se retrouve intrinsèquement liée au monde sinistre des Corbeaux, elle n’en est plus aussi certaine.

 Le premier esprit de Blue

Dans cette histoire à caractère fantastique, on suit Blue Sargent, une adolescente issue d’une famille de clairvoyantes, qui ne possède aucun don… sauf celui d’amplifier les pouvoirs des autres. Chaque année, elle accompagne sa mère pour observer les esprits des futurs morts. Mais cette fois, elle voit un esprit elle-même — celui de Gansey, un étudiant d’Aglionby, l’école privée locale. Cela ne peut signifier que deux choses : soit il est l’amour de sa vie, soit elle causera sa mort.

Gansey, lui, est obsédé par la légende du roi gallois Glendower, qu’il croit endormi quelque part en Virginie, et dont il espère obtenir un vœu. Il est accompagné de ses trois amis : Adam, le boursier déterminé ; Ronan, le rebelle tourmenté ; et Noah, le discret observateur. Ensemble, ils se lancent dans une quête ésotérique où les lignes entre le réel et le magique deviennent floues.

Ce roman est apprécié pour son atmosphère envoûtante, ses personnages profonds et son écriture poétique. Mais j’ai trouvé cette quête surnaturelle un peu longue sans trop d’action. Malgré tout, elle pose les bases d’une série riche sinon en rebondissements, au moins en émotions car si LE CYCLE DU CORBEAU est sur fond de surnaturel, c’est d’abord une histoire d’amour.

Il n’y a pas vraiment d’action. Le rythme est lent. Quoique bien travaillés, les personnages manquent de direction et le fil conducteur est difficile à saisir. Il est vrai que je ne suis pas un inconditionnel de la littérature sentimentale, mais je dois admettre que l’écriture de Stiefvater est d’une extraordinaire beauté.

Malgré tout, je n’ai pas accroché. Le roman privilégiant l’atmosphère, l’intrigue est trop stagnante et met une éternité à se pointer le bout du nez. C’est lent. Un peu plus d’action aurait avantagé le rythme. Je suppose que ça va bouger dans les tomes suivants. Il n’est pas dit que je n’y reviendrai pas car les adolescents de l’histoire sont sympathiques et attachants.

Suggestion de lecture : tout comme les tortues, de Marie-Christine Chartier


L’autrice Maggie Stiefvater

Pour explorer la série LE CYCLE DU CORBEAU, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert

le dimanche 27 juillet 2025

Le gène Atlantis

Commentaire sur le livre de 
A.G. Riddle

<Pour Karl, la scène qui se déroulait devant lui, pratiquement au ralenti, avait quelque chose d’irréel. Il se sentit s’élancer vers Steve, tandis qu’il détachait une corde d’un mousqueton à sa taille pour la lui lancer. Steve l’attrapa à la seconde même où un craquement sinistre emplissait l’air. Sous ses pieds, la glace se rompit, tandis que s’ouvrait un gouffre sans fond.>

Extrait : LE GÈNE ATLANTIS, tome 1 de la trilogie, A.G. Riddle, Bragelonne éditeur pour la présente traduction, format numérique, 1316 pages.

En Antarctique, des chercheurs ont mis au jour, enfouie dans la glace, une mystérieuse structure vieille de plusieurs milliers d’années. À l’intérieur, l’équipe fait une découverte qui va radicalement changer l’histoire de l’homme — mais qui pourrait également déclencher son extinction… parallèlement, Kate Warner, une scientifique est venue s’installer à Jakarta, en Indonésie, pour fuir son passé.

Son acharnement l’a menée à une avancée fondamentale : un traitement pour l’autisme. Or l’aboutissement de ses travaux va s’avérer infiniment plus dangereux que ce qu’elle pouvait imaginer… Le jour où deux enfants sont enlevés dans sa clinique, Kate est entraînée malgré elle dans un complot mondial aux conséquences imprévisibles.

Intéressant mélange de genres

C’est effectivement un mélange de genres : Science-fiction, suspense, espionnage, mythologie dont l’Atlantide et beaucoup de sciences : archéologie, évolution, anthropologie, génétique, ufologie et j’en passe, le tout sur fond de menaces apocalyptiques.

C’est très réchauffé comme histoire. Intéressant mais ordinaire. Le fil conducteur est instable et rend l’histoire pas facile à lire par moment à cause entre autres d’une impressionnante galeries de personnages plus ou moins aboutis.

Ce qui a stimulé mon intérêt tient sur deux facteurs : premièrement, au moment où je lisais ce livre, le Canada était dans la sixième vague de la pandémie dite du COVID 19 qui a fait des millions de morts dans le monde. Or l’apocalypse annoncée dans l’histoire est une pandémie, celle-ci déclenchée volontairement par ce qu’on appelle *le protocole de Toba* qui contient un fond de vérité historique  (en parlant du célèbre volcan) :

*Quel que soit ce <protocole de Toba>, je crois que son objectif final est de réduire la population humaine dans des proportions radicales. * (Extrait) Ce fameux protocole qui a des racines eugéniques suppose que : *…les enfants souffrant d’autisme pouvaient représenter une menace. Qu’ils étaient la prochaine étape de l’évolution humaine. *

Le deuxième facteur est une certaine somme de trouvailles dispersées dans l’ouvrage. Par exemple, une théorie assez singulière sur la grippe espagnole qui a fait de 50 à 100 millions de morts dans le monde entre 1918 et 1921. Autre exemple, une théorie visant à conforter l’hypothèse que l’Atlantide ait vraiment existé et que les Atlantes sont en dormance.

Un dernier exemple : une hypothèse élaborée sur la théorie du complot à l’origine des évènements du 11 septembre 2001. C’est sans compter l’évocation d’une distorsion temporelle, de la lance du destin, du grand déluge et j’en passe. Intéressant mais étourdissant. C’est un peu tiré par les cheveux.

C’est quand même intéressant à lire. L’écriture est fluide, les chapitres sont courts. L’ensemble est bien ventilé, il y a de bonnes idées et il est clair pour moi que l’auteur s’est bien documenté.

Je dirai simplement qu’il en a trop mis…trop de théories, trop de science, trop de personnages, une imagination débordante mais pas suffisamment canalisée. J’ai relativement aimé mais sans trop d’étincelles.

Suggestion de lecture : LA CITÉ ENSEVELIE, audio, collectif d’auteurs


L’auteur A.G.Riddle

 

LA SUITE

 

Bonne lecture
Claude Lambert

Le samedi 26 juillet 2025

 

PARALLÈLE-NEW YORK, bd

de Laval Ng et Philippe Pelaez

« Calmez-vous, Munoz. Ce n’est pas le moment de s’énerver.
– Je ne m’énerve pas, je panique. Mais où on est ?!
– A ton avis ?
– Je connais New York, et ça, c’est pas New York !! »

Extrait : PARALLÈLE, livre 1, NEW YORK, bande dessinée de Laval Ng et Philippe Pelaez, sandawe éditeur, 2016.


Extrait de la bande dessiné PARALLÈLE, tome 1
illustrateur : Ng Laval, scénariste : Philippe Pelaez

 

En 2082, un vaisseau minier s’écrase sur une planète au climat glaciaire, peuplée de créatures inhospitalières. Alors qu’ils sont en contact radio avec la présidence des Etats-Unis, les membres de l’équipage s’aperçoivent qu’ils sont bloqués dans un univers parallèle et que les monstres qu’ils affrontent ne sont autres que leurs doubles.

 

 

Monde parallèle en BD

PARALLÈLE est une série de bandes dessinées apocalyptiques qui serait suivie logiquement d’une autre série intitulée AFTER. C’était à l’état de projet au moment d’écrire cet article. Le sujet n’est pas original comme tel. Les histoires apocalyptiques et post apocalyptiques abondent en littérature même si elles sont plus rares en BD.

J’y ai trouvé toutefois de très bonnes idées comme les deux terres jumelles antagonistes qui sont des mondes parallèles avec action parallèle. Des idées comme celle-ci rendent la série enlevante et intrigante. D’ailleurs, l’intrigue se dévoile très graduellement et amène le lecteur de découverte en découverte en provoquant à l’occasion quelques frissons.

La présentation est très belle. J’ai été subjugué par le graphisme avec le bleu dominant et une foule de teintes réalisées par Daniel Florent. Les dessins de Laval Ng sont parfaitement ajustés avec le scénario de Philippe Pelaez et rendent crédibles les créatures antagonistes qui nous amènent aux côtés noirs de l’être humain.

L’aspect scientifique est assez facile à suivre et nous familiarise entre autres avec les effets des impulsions électro-magnétiques entre autres et aussi, le récit n’est pas sans nous faire réfléchir sur les effets irréversibles d’une guerre totale.

Cette BD est une découverte pour moi. Ça m’a plu. Un plus dans l’univers de la littérature-jeunesse. Sa technique narrative m’a accroché autant que les dessins. Une excellente BD immersive à souhait.


Ng Laval , illustrateur (à gauche) et le scénariste Philippe Pelaez

LA SUITE

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 20 juillet 2025

 

Ta deuxième vie commence…

Quand tu comprends que tu
n’en a qu’une

Commentaire sur le livre de
RAPHAËLLE GIORDANO
illustré par Sophie Ruffieux

Un routinologue et hop!

Après la lecture de LE JOUR OÙ LES LIONS MANGERONT DE LA SALADE VERTE, il n’était pas du tout dans mes plans de lire un autre livre de Raphaëlle Giordano. Mais j’ai été attiré par le format bande dessinée de son livre TA DEUXIÈME VIE COMMENCE QUAND TU COMPRENDS QUE TU N’EN AS QU’UNE.

Ce titre ne m’a pas vraiment impressionné. Il est long et ne veut pas dire grand-chose. J’ai toute fois été impressionné par sa qualité graphique, les belles illustrations de Sophie Ruffieux qui donne de la vie à un texte platonique.

Dans le premier livre que j’ai lu de Giordano, il était question de <burnerie>.
Le livre d’aujourd’hui développe comme sujet principal, unique devrais-je dire, la <routinologie>. Pour décrire ce néologisme, une autre trouvaille de l’auteure, je vous propose cet extrait :

<Notre méthode de routinologie puise ses sources dans les enseignements de divers courants de pensée philosophique, spirituels et même scientifiques à travers le monde…un condensé de ce que les hommes ont pensé de mieux pour évoluer en bien. Nous partirons du principe que ce n’est pas entre les murs d’un cabinet que la personne qui désire changer trouvera sa vérité, ni qu’elle comprendra quel sens donner à sa vie. Nous privilégions donc l’action, le concret et l’expérience.> Extrait

C’est le genre de discours ennuyant qui m’a toujours fait fuir les ouvrages dont le thème central est le développement de la personnalité car c’est de ça qu’il s’agit ici. Ça ne signifie pas que le message transmis est mauvais. Loin de là. L’idée de base est même bienveillante.

Mais dans ce genre de livre, on peut prendre des éléments pour soi et en laisser aux autres. C’est très vendeur, à la limite moralisateur mais ça ne m’a pas vraiment convaincu.

Quant à l’histoire, elle est simpliste, sans profondeur et frôle parfois le ridicule. Pas de rebondissements, pas d’action sinon la chronique d’une mère de famille en mal de routinologie au milieu de sa famille. Bref ce livre est un cours de routinologie.

Cependant, ça vaut la peine de lire le livre pour la finale que j’ai trouvée inattendue, originale, savoureuse… une finale qui n’est pas sans rappeler le très beau film de Mimi Leder sorti en 2 000 : PAYEZ AU SUIVANT

Enfin, sur le plan visuel, la bande dessinée est très attrayante et a quelque chose d’apaisant, peut-être à cause des couleurs aux tendances pastel. Les très belles illustrations rendent les personnages attachants et donnent du corps à l’ensemble. Un très beau travail de Sophie Ruffieux qui m’a procuré, malgré tout, du plaisir à lire ce livre.


L’auteure Raphaëlle Giordano                        Sophie Ruffieux, illustratrice

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 19 juillet 2025

 

L’enfant des livres

Commentaire sur le livre de
FRANÇOIS FOLL

< La souffrance physique est un puissant anesthésique de la souffrance morale. En revanche, dès qu’elle s’estompe, l’autre revient au galop. Ce fut le cas pour Martin qui sentit monter en lui un mascaret d’idées sombres. La semi-hébétude dans laquelle il se trouvait fut soudain balayée par un flot d’amertume. Il prit clairement conscience de la situation.

Sans appui, sans aide à attendre de qui que ce fût, elle était désespérée. Certes, il avait tenu bon. L’implacable tourmenteur dont il ne comprenait pas l’acharnement n’avait pas réussi à lui faire avouer ce qu’il n’avait pas commis, la syncope provoquée par la douleur l’avait peut-être sauvé d’un délire incontrôlable. Avec l’aide de Dieu, il avait vaincu les méchants, prouvé sa bonne foi. >

Extrait : L’ENFANT DES LIVRES, François Foll, Nouveau Monde édition pour le format numérique, 2009, 504 pages. Point éditeur 2011 pour le format papier de 576 pages.

 

Les livres qui affranchissent

C’est un tout premier roman pour François Foll et je dois dire qu’il débute sa carrière sur des chapeaux de roues. Je ne m’attendais pas du tout à un tel déploiement de talent et d’imagination. Ce livre, magnifiquement documenté m’a touché et m’a fait vibrer…une de mes plus belles lectures. Avec ce livre entre les mains, le temps s’est arrêté.

On suit un jeune garçon attachant doté d’une nature généreuse, avide de connaissances mais malheureusement écrasé par les préceptes absurdes et débilitants de la religion. Mal aimé et maltraité, Martin a 10 ans au début de l’histoire. Son destin sera d’être pris en charge par un colporteur appelé à devenir un grand Chevaler : Raymond Puységur.

Martin évoluera avec son père adoptif, dans un monde fragilisé par d’interminables guerres de religion, cruelles et meurtrières opposant les catholiques aux calvinistes. À travers toutes ses tribulations, Martin connaîtra l’amour et aura recours à un abri moral de premier ordre : les livres.

J’ai dévoré et adoré ce livre et il y a tellement de raisons que je me permets ici d’emprunter un style télégraphique :

-Les personnages sont attachants, vivants, vigoureux et travaillés. J’ai développé une exceptionnelle empathie pour Martin et j’ai été fasciné par le caractère bien trempé de Puységur. Tous les personnages ont quelque chose d’authentique.

-Un élément important qui a retenu mon attention est l’omniprésence des livres. Bien que guerrier et habile au maniement de l’épée, Martin grandira dans les livres et vieillira dans les livres. J’ai vu dans ce récit de Foll un vibrant plaidoyer sur le pouvoir des livres.

-Non seulement l’auteur parle du contenu des livres mais en explique la fabrication du contenant. Il détaille comment, au XVIe siècle, on fabriquait un livre à travers le quotidien des maîtres imprimeurs: la fabrication des pages, la reliure, l’assemblage…comment on pouvait faire d’un livre, une véritable œuvre d’art. Foll est rentré dans les détails. Sa recherche est impressionnante et ça m’a captivé.

J’ai appris et compris plusieurs aspects des guerres de religion. Entre autres, Foll fait évoluer son personnage principal à travers les évènements qui conduiront un massacre de la Saint-Barthélemy en 1572, un innommable gâchis qui a fait plus de 3000 morts dans la seule ville de Paris et plus de 10 000 en France. Il y a dans ce livre une effrayante vision de ce carnage.

L’auteur met en perspective l’absurdité du fanatisme, de l’extrémisme, de l’intransigeance religieuse, de l’ultra orthodoxie. L’ENFANT DES LIVRE est un véritable plaidoyer en faveur de la tolérance, ce qui n’était pas pour me déplaire. Je suis curieux de voir ce que Voltaire en aurait dit.

La plume est fine, parfois très directe. L’écriture est belle, d’une grande richesse et l’auteur, fait appel pour ses dialogues au français d’un autre temps : *Cornedieu ! Je conjecturai bien l’issue de ce massacre ! Des bas de poil ! Des couards ! Des parjures incapables de faire une braverie pour transformer ce royaume acéphale ! Et puis celle-là. (Il fixa l’épouse de l’apothicaire). Voyez comme elle s’est pimplochée ! D’épouse exemplaire, la voilà transformée en caillette ! N’a-t-elle pas appris que l’excès de fard et la superfluité du vêtement sont le lot des femmes perdues ? * (Extrait) Savoureux …authentique.

François Foll m’a livré, avec L’ENFANT DES LIVRES sa vision du pouvoir des livres et des vertus de la connaissance. Je recommande chaleureusement cette perle littéraire, un des meilleurs romans historiques que j’ai lus.

Suggestion de lecture : LA SCRIBE, d’Antonio Garrido

 


Ingénieur retraité et passionné d’histoire, Français Foll est membre très actif de l’association Lire et Faire lire. Il a eu l’idée d’écrire L’Enfant des livres, son premier roman, après un an de lecture aux enfants des écoles, pour témoigner de l’importance du livre, de son rôle vital dans l’éducation, mais aussi du danger de son utilisation à des fins partisanes.

 

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT