GORE STORY, le livre de GILLES BERGAL

*Le commandant était dans un piteux état…
-Commandant ! Je vous croyais à l’agonie.
-Eh bien, tu t’es trompée, et c’est à ton tour
de crever, comme tous ceux que tu as
rassemblés ici… elle chercha une issue, mais
il n’y en avait pas…*
(Extrait : GORE STORY, Gilbert Gallerne, Édition
Objectif Noir, 2015. Édition numérique 115 pages
numériques)

C’est dur de tuer un personnage de roman. Surtout quand le personnage en question est une…tueuse. Fabien Chevriez, auteur de la série BLOODY MARY en fait l’expérience quand, après 37 épisodes sanglants, il décide de se débarrasser de ce personnage et de passer à autre chose. C’est alors qu’un mystérieux fanatique commence à tuer des personnes proches de Chevriez en copiant les manières de BLOODY MARY. Chevriez l’a compris mais il a la tête dure. L’étau se resserre. Avec de l’aide, Fabien tente de résoudre l’énigme pendant que les assassinats s’enchaînent.

Avant-propos

Avant de commenter GORE STORY je veux juste préciser la différence entre deux genres littéraires cousins. D’abord le GORE : d’après l’internaute, le gore est un genre qui privilégie les scènes dans lesquelles le sang coule. Le gore est issu de l’horreur.

À ce sujet, Wikipédia est beaucoup plus direct et inspiré en disant que le gore est un sous-genre caractérisé par des scènes extrêmement sanglantes et très explicites dont l’objectif est d’inspirer au spectateur le dégoût, la peur, le divertissement ou le rire.

Le genre TRASH est différent. TRASH est un terme familier emprunté à l’anglais qui désigne quelque chose de sale, similaire à un déchet ou une ordure. Par extension, une histoire trash est plus que médiocre, de très mauvaise qualité ou vulgaire. D’après Wikipédia, une action, une œuvre, voire une personne, sale, répugnante ou moralement malsaine. Je vous ai déjà parlé de la littérature neurasthénique du Marquis de Sade.

Son livre LES 120 JOURNÉES DE SODOME est un excellent exemple d’œuvre TRASH, tout comme 18 MEURTRES PORNO DANS UN SUPERMARCHÉ de Philippe Bertrand, ou encore comme le nullissime BAISE MOI au cinéma, le désormais célèbre navet de Virginie Despentes et Coralie Thrin Thi.

GORE STORY est un livre du genre GORE comme LE RÉVEIL DES MORTS VIVANTS de John Russo, ou HERBERT WEST RÉANIMATEUR du grand HP Lovecraft… encore étonnant qu’à l’origine, GORE STORY ait été édité aux éditions TRASH.

UN AUTEUR TUE SA TUEUSE
*-Hier un type est venu me reprocher davoir
fait mourir mon personnage. Il m
a menacé,
Noémie est intervenue, ils se sont disputés,
et il a fini par se mutiler avant de disparaître.*
(Extrait : GORE STORY)

Je n’ai jamais été un amateur de gore et ce n’est pas le livre de Bergal qui m’a réconcilié avec le genre. Je trouve toutefois intéressant de voir évoluer une histoire dans laquelle un romancier tue son personnage principal, Bloody Mary, après lui avoir fait couler le sang aux gallons sur 37 livres. Je m’attendais à une touche d’originalité, je n’en ai pas trouvé. J’y ai noté toutefois certaines qualités qui plaisent dans les circonstances.

Par exemple l’humour…il sera soit noir soit coquin, mais on en trouve beaucoup dans GORE STORY : *…Marguerite voyait tout et son cerveau fonctionnait à merveille. Il y avait longtemps qu’elle avait repéré la complicité entre l’auteur et l’attachée de presse et elle avait eu vite fait d’additionner deux et deux pour trouver soixante-neuf.* (Extrait)

Dans ce livre l’humour noir arrache des sourires et peut aussi générer des frissons : *En deux ou trois coups, la tête partit vivre sa vie de son côté tandis que le reste du corps demeurait allongé façon Louis XVI sur la table LOUIS XV.* (Extrait)

Intéressante aussi est la façon dont Bergal insère l’humour en tournant les phrases de façon rythmique à grand renfort de jeux de mots : *La nuit noyait les lieux comme une nappe de néant où n’entrait nul néon mais quelques noctambules noctambulaient néanmoins nonobstant la noirceur nocturne…* (Extrait) Autant de tournures de phrases qui sont rythmiques en effet mais qui ne veulent pas dire grand-chose.

En général, les livres du genre GORE ne sont pas très longs et sont extrêmement violents, le sang coulant à flot. Dans Gore story, ne manquerait qu’un vampire pour tout nettoyer (si je veux prendre mon tour de faire une blague douteuse).

L’auteur aurait pu innover tout en restant dans le genre. Malheureusement, ce n’est pas le cas, sur le plan littéraire Gore story présente beaucoup de lacunes comme d’ailleurs les autres histoires gore que j’ai lues dans les dernières années. L’aspect policier/enquête est sous-développé. D’ailleurs la trame en général est sous-développée.

Une fois qu’un meurtre est commis, on dirait que l’auteur expédie sa petite cuisine pour passer plus vite au meurtre suivant. À partir des trois quarts du livre, on sent l’essoufflement de l’auteur jusqu’à la finale qui est carrément catapultée sans oublier l’écrivain Fabien Chevriez qui fait copain-copain avec la commandant de police. C’est d’un kitch absolu.

Enfin, il n’y a pas d’émotion dans cette histoire comme dans Jason ou Freddy au cinéma. Dans GORE STORY, Fabien Chevriez perd ses amis un par un avec un détachement choquant. Je ne crois pas vraiment que le gore soit hermétique au changement. C’est l’auteur qui en décide. GORE STORY est saturé de rouge et ça s’arrête là. Heureux de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : DREAMWALKERS, d’Alain Lafond

Gilles Bergal est un Pseudonyme de Gilbert Gallerne. Il est né en 1954, est un écrivain français de roman policier, lauréat du Prix du Quai des Orfèvres 2010. Banquier de profession, il a été critique littéraire et a traduit plusieurs best-sellers américains. Le fantastique est son genre littéraire préféré. Sous son pseudonyme, il a publié plusieurs nouvelles, des romans d’horreur et sous le nom de Milan, il a publié le cycle ANTICIPATION. Il publie maintenant sous son vrai nom chez Fleuve Noir. Il collabore régulièrement à une revue consacrée à l’écriture. Dans sa chronique intitulée ÉCRIRE, il donne de judicieux conseils aux jeunes auteurs émergents.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 14 décembre 2019

 

LA SORCIÈRE DU PALAIS, SOPHIE BÉRUBÉ

*Aucune trace d’Édouard. Elle se dirige
vers la cuisine. Elle entend une sorte de
ronflement. Il y a du sang partout. Mais
c’est le ronflement qui égratigne les
nerfs de Julie.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS, Sophie
Bérubé,  Les Éditions Coup d’œil, 2017.
Édition de papier, 385 pages)

Dans les couloirs du palais de justice, tous connaissent Maître Julie De Grandpré, avocate redoutable, séduisante et sans merci. Surnommée «La Sorcière», elle a quitté la couronne pour représenter la défense. Mais pour l’enquêteur Mathieu Langlois, le surnom de Julie De Grandpré ne l’intéresse pas autant que le fait qu’elle a disparu depuis trois semaines. Qui peut bien en vouloir à la «sorcière» ? Au fil des découvertes étonnantes sur le passé de l’avocate, de graves révélations viendront compliquer l’affaire, mettant au jour un important scandale judiciaire. 

LE CÔTÉ OBSCUR DE LA JUSTICE
*…il ne faut pas oublier qu’on s’attaque à
gros. Au ministre de la Justice, au
procureur en chef et au président d’une
multinationale. On a pas le choix de
vérifier ce qui est écrit là-dedans.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS)

LA SORCIÈRE DU PALAIS est un thriller judiciaire qui explique un peu comment, pour faire une enquête, on peut partir d’à peu près rien et finir par résoudre l’affaire. Mais cette affaire est étrange : Une avocate, Julie De Grandpré disparait dans de mystérieuses circonstances…pas d’indices, pas de mots…et un chat éventré découvert dans sa cuisine par la femme de ménage. Le mystère est total.

Julie De Grandpré est célèbre pour avoir basculé de la Couronne à la défense sans explication. C’est une avocate redoutable qui a aussi une réputation douteuse. Tout ce que Mathieu Langlois, policier spécialisé dans les disparitions, sait de l’avocate au moment de débuter son enquête, c’est qu’on l’appelle la sorcière dans les couloirs du palais de justice. Sa tâche ne sera pas facile.

Dans une intrigue qu’elle fait évoluer très habilement, Sophie Bérubé présente un portrait pas très flatteur de la justice et très tôt dans le récit, le lecteur se demande si Julie De Grandpré était du bon côté de la justice au moment de faire basculer sa carrière. Elle doit composer avec la mafia, des gangs de rue, des criminels sans compassion. L’enquête rappelle un peu une course à obstacles qui sont autant de rebondissements pour le lecteur.

L’auteure implique aussi un personnage très important dans son intrigue : Marc Thiffaut, qui passe d’éditorialiste à journaliste aux affaires judiciaires. Il se crée, entre Thiffaut et Langlois une interaction très intéressante. Les journalistes peuvent être les pires casse-pieds mais ils peuvent être aussi d’une précieuse utilité. J’ai beaucoup apprécié ce jeu de donnant-donnant favorable à la justice. Ça m’a semblé crédible et réaliste.

Il n’y avait, pour moi, qu’un seul côté irritant dans ce récit, c’est le penchant fleur bleue ou rose bonbon du policier Mathieu Langlois. C’est classique. C’est un cliché. L’image du policier qui fait passer son travail avant sa femme, qui a le quart de la moitié d’une petite aventure avec sa *cliente* et qui vient près de perdre sa famille pour ça.

L’histoire du policier dont la vie de ménage est fragilisée et qui étale ses états d’âme, ça m’énerve et c’est malheureusement courant en littérature policière. Je dois toutefois avouer que l’auteure a donné à son personnage principal une sensibilité qui le rend attachant. En général, les personnages de l’histoire sont étoffés et bien travaillés.

Donc c’est un ouvrage au rythme enlevant, aux rebondissements multiples et à la finale qui était pour moi totalement imprévisible. Je brûle de vous en parler mais vous trouverez particulièrement satisfaisant de la découvrir vous-même. Cette finale comme telle est un revirement. J’ai été happé par le livre dans son ensemble mais je dois dire que le dernier quart fut particulièrement addictif.

L’ouvrage m’a aussi fait réfléchir sur la crasse qui obstrue la justice. Ce n’était peut-être pas son but mais c’était inévitable. En lisant le quatrième de couverture, vous avez tout de suite la puce à l’oreille : pourquoi une avocate de la couronne réputée faire des miracles passe-t-elle subitement à la défense et pourquoi est-ce qu’on l’appelle LA SORCIÈRE DU PALAIS? Je me suis laissé aller dans une lecture dont l’intrigue allait en crescendo.

On sait que l’univers littéraire policier est riche et se caractérise par l’abondance. Faire son chemin dans cette tendance ne doit pas être nécessairement facile vu la nécessité de trancher par l’originalité, la subtilité, la nouveauté, le tout pour un lectorat qui semble toujours demandé la même chose : SURPRENEZ-MOI.. À ce titre, je crois que Sophie Bérubé est une auteure à surveiller.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS, de Franz Kafka

Sophie Bérubé est une auteure québécoise. Elle a évolué dans le droit, le journalisme, l’écriture, la critique, la production et l’animation.  Avec sa passion de l’écriture,  elle a publié quatre romans : SANS ANTÉCÉDANTS, son premier roman a franchi le cap des 20 000 exemplaires vendus, le roman érotique PREMIÈRE FOIS, son petit dernier, au moment d’écrire ces lignes : sur un plateau d’argent. LA SORCIÈRE DU PALAIS est son deuxième roman. Véritable femme-orchestre, Sophie Bérubé évolue dans plusieurs domaines tous liés au monde des communications.

Pour visiter le site internet de Sophie Bérubé, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 novembre 2019

 

MALA VIDA, le livre de MARC FERNANDEZ

*Franco est mort, pas les franquistes. Les
électeurs ont la mémoire courte et
quarante-cinq ans de dictature n’ont pas
suffi. Le peuple a choisi de donner le
bâton pour se faire battre de nouveau.*
(Extrait : MALA  VIDA, Marc Fernandez, Préludes
éditions, librairie générale française, 2015,
édition numérique et papier, num. : 200 pages)

En Espagne, la droite dure est élue après 12 ans de pouvoir socialiste. Une majorité absolue pour les nostalgiques de Franco dans un pays qui a la mémoire courte. Au milieu de ce renversement, une série de meurtres est perpétrée à travers le pays. Les victimes : un homme politique, un notaire, un médecin, un banquier et une religieuse. Rien ne semble relier ces crimes… un journaliste radio spécialisé en affaires criminelles, Diego Martin, décide d’enquêter sans se douter que son enquête va le mener au plus près d’un scandale national qui perdure depuis des années, celui dit des *bébés volés* de la dictature franquiste.

AVANT-PROPOS :
Les bébés volés de l’Espagne

En Espagne, sous le régime de Franco, entre 1939 et 1975, plus de 30 000 enfants sont retirés à leur mère, pour des raisons idéologiques, basées sur les thèses controversées d’un psychiatre lui-même proche de Franco, le docteur Antonio Vallejo Nagera. Complètement dépourvu de fondement scientifique, le rapport du docteur déclare:

*…Les relations intimes existant entre le marxisme et l’infériorité mentale sont évidentes et concluent, sur base de ce postulat, que la mise à l’écart des sujets, dès l’enfance, pourrait affranchir la société de cette idéologie.* 

Les enfants étaient déclarés mort-nés puis placés dans des familles franquistes. Les estimations relatives au nombre réel de ces enlèvements sont sous-évaluées et pourraient même atteindre 300 000 victimes. Après la mort de Franco, les enlèvements, prenant des allures de commerce, se sont poursuivis jusqu’aux années 1980. Cette affaire qui entache l’histoire espagnole est toujours d’actualité.

LE RÈGNE DE LA HONTE
*Ils nous ont indiqué une tombe dans le cimetière
non loin de l’hôpital, où ils disaient avoir enterré
mon  enfant. Je suis sûre qu’elle est vide. Que mon
fils ne s’y trouve pas pour la simple raison qu’il ne
s’y trouve pas…Ils ont volé mon bébé…*
(Extrait : MALA VIDA)

C’est dans le contexte expliqué en avant-propos que se développe le récit de Marc Fernandez. Il est difficile de séparer les faits historiques avérés des éléments de fiction. Donc il ne s’agit pas d’un roman historique. Le roman ne brille pas non plus par les techniques policières.

Appelons cela une intrigue avec un fort penchant pour le roman noir. Y a-t-il en effet plus cauchemardesque pour une mère de se faire voler son bébé alors que le cordon ombilical vient à peine d’être coupé ? Voilà donc la véritable signification du titre : MALA VIDA : Mal de vivre. Quelle mère peut s’en remettre.

Marc Fernandez ne se gêne pas pour dévoiler les détails de l’opération la plus sordide réalisée sous l’ère de Franco, le tout sur fond de vendetta. Cinq meurtres qui ne sont apparemment pas liés mais qui ont un point en commun : une balle dans la tête…genre *règlement de compte*.

Entre temps, un parti d’extrême droite vient de prendre le pouvoir laissant à penser que le peuple d’Espagne n’a retenu aucune leçon de la dictature encore récente d’un monstre. Évitant presque miraculeusement la purge médiatique, un journaliste, Diego Martin veut élucider ces meurtres. Il ne se doute pas qu’il s’approche d’un scandale national d’une incroyable ampleur. Parallèlement, une avocate, Isabelle Ferrer fonde l’Association Nationale des Enfants Volés et réveille la douleur de l’Espagne.

Même s’il est difficile de séparer le vrai du faux dans ce récit, j’ai quand même senti une certaine précision dans la plume de Fernandez qui dévoile le scandale à la petite cuillère, lentement, graduellement. Ça donne au récit un caractère haletant et bien sûr ça garde le lecteur chaud.

Et puis Fernandez sait quand même de quoi il parle ayant travaillé longtemps au COURRIER INTERNATIONAL comme spécialiste de l’Espagne et de l’Amérique latine. C’est crédible, bien documenté. Mais pour bien séparer l’intrigue du caractère historique, j’ai dû faire une recherche sur le scandale des bébés volés. Cette recherche, brève et précise m’a permis de mieux apprécier le livre.

C’est vrai, l’histoire est haletante et choquante. Les détails sont dévoilés au compte-goutte avec un exceptionnel savoir-faire. Ça compense pour le style plutôt froid des personnages. Ils sont peu attachants et pas tous crédibles. Leur psychologie est peu développée, en particulier celle du tueur ou de la tueuse en série (je vous laisse découvrir).

Il y a toutefois un personnage intéressant pour son profil de femme active, débrouillarde, imaginative et efficace : Ana, une transsexuelle, ancienne prostituée devenue détective privée et qui semble avoir un carnet de contact très bien fourni. J’aime bien ce genre de personnage coloré sur qui on peut compter pour faire bouger les choses.

Dans l’ensemble, MALA VIDA n’est pas un roman d’une grande profondeur. Son style est plutôt journalistique, parfois télégraphique. Je comprends ce type de développement. Aller au fond des choses aurait nécessité des milliers de page. Mais le récit évoque la douleur profonde de milliers de mères privées sur le coup de leur raison de vivre, une douleur d’autant pénible qu’encore de nos jours, elle fait grimacer l’Espagne.

Donc MALA VIDA est un roman actuel au rythme très élevé. Pas de temps morts, excellente ventilation. La réalité chevauche la fiction, mais en revanche, il vient chercher le lecteur par les questions qu’il pose et qui sont de grands classiques : comment dénoncer et éviter les exactions et abus de pouvoir d’un gouvernement.

Est-ce que la justice devrait dépénaliser le fait de se faire justice soi-même, Est-ce que la communauté internationale devrait intervenir dans une dictature et est-ce que le principe de l’amnistie est acceptable. Beaucoup de matière à réflexion quoi…

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème


Marc Fernandez, cofondateur et rédacteur en chef de la revue Alibi consacrée au polar, est journaliste depuis plus de quinze ans. Il a longtemps été chargé de suivre l’Espagne et l’Amérique latine au Courrier international. Il est également coauteur de plusieurs livres d’enquêtes (La ville qui tue les femmes, Hachette Littératures). Mala Vida est son premier roman en solo

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 2 novembre 2019

LE CHIFFREUR, livre de CHRISTINE BENOIT

*…Il resta immobile face au spectacle abominable
qui se jouait dans le salon. Ses jambes vacillèrent
sous l’effet d’une profonde répulsion. Il sentit son
cœur se fendre dans le gémissement qu’il poussa.*
(Extrait : LE CHIFFREUR, Christine Benoit, Les Éditions de
Mortagne, 2007, édition de papier, 480 pages)

Dans une ville provinciale de France, plusieurs meurtres sont commis plongeant la ville dans une psychose générale. À priori, il n’existe aucun dénominateur commun entre les victimes. Le tueur, perfectionniste, utilise un mode opératoire différent pour chaque victime. Seule sa signature prouve le lien entre les meurtres : un nombre tracé au feutre rouge dans la main gauche de chaque cadavre. Dans cette course contre la montre, le capitaine Nichas devra faire appel à une éminente criminologue pour dresser le profil psychologique de ce tueur aux méthodes surprenantes. Quelles sont ses motivations…?

LE TUEUR AU FEUTRE  ROUGE
*Un quart d’heure plus tard, Pierre Belcourt téléphonait
au capitaine Nichas pour lui annoncer qu’il venait de découvrir
…le cadavre de Cyril Lachaume, handicapé mental, trente-trois Ans, égorgé, puis découpé en quatorze morceaux, pièces
manquantes : Viscères et verge. Meurtrier droitier, pas
d’empreintes ni de traces du suspect. Chiffre 2 écrit au feutre
rouge dans la main gauche.*

Cette histoire développe et analyse une folie meurtrière. J’aurais été tenté de dire, l’histoire d’un homme qui se prenait pour Dieu et alors c’eut été une variation sur un thème connu : *Quant à lui, il accédait à l’autorisation merveilleuse d’enlever la vie à celui qui ne la méritait pas. *  (Extrait) mais ce n’est pas aussi simple. Donc les meurtres s’accumulent dans une petite ville de France.

Ces meurtres semblent disparates à une exception près : un chiffre écrit au feutre rouge sur la paume de la main gauche. L’inspecteur Nichas s’enligne pour une cruelle chute de cheveux tellement la pression est forte sur ses épaules : *En cet instant, il ne pouvait que constater l’avance que le meurtrier prenait sur lui…il redoutait l’accélération de sa folie meurtrière*. (Extrait)

Toute la compréhension de cette histoire repose sur la nature des chiffres inscrits au feutre rouge sur une main des victimes. Et les policiers sont très longs à décoller sur cette piste, ce que je n’ai pas très bien compris : *Son seul regret : la police pataugeait. Il regrettait la stupidité des inspecteurs. À tort, il avait pensé qu’en leur laissant des messages chiffrés les flics comprendraient son but.* (Extrait)

Au début, j’ai vraiment cru que les chiffres sur les mains représentaient un ordre chronologique des meurtres. Je me suis vite rendu compte qu’il s’agissait d’une toute autre chose. En fait, le meurtrier avait détourné à des fins personnelles la valeur symbolique universelle des chiffres.

Les policiers ont fini par comprendre, et moi aussi qu’il n’y avait qu’une façon de résoudre ces meurtres, c’est en passant par la symbolique des nombres, la kabbale et l’alchimie. C’est là que j’ai commencé à m’ennuyer un peu.

Le chiffreur est un parfait illuminé qui croit manifester la volonté céleste. Pour comprendre le récit, à la kabbale et à l’alchimie s’ajoute la compréhension d’une psychologie très complexe qui dépasse de loin l’explication classique de l’enfance difficile.

Là où je veux en venir, c’est qu’à partir du moment où les policiers s’accrochent à la piste ésotérique, vous avez au moins deux spécialistes de la question qui viennent nous faire un cours sur la symbolique des nombres, sujet très complexe pour les non-initiés et qui fait que l’ouvrage accuse une lourdeur inadmissible.

Le tarot, la voyance, l’occultisme, la symbolique, l’alchimie…tous ces sujets ultra spécialisés éloignent le lecteur du sujet, diluent l’intrigue et ont provoqué chez moi une baisse d’intérêt. Le sujet demeure original mais je crois que l’auteure aurait pu couper court ou tout au moins alléger le sujet et garder solide le fil conducteur du récit.

*Une vengeance dans un esprit simple fonctionnait sur le registre œil pour œil, dent pour dent, et ne s’encombrait pas de tout ce folklore hermétique. Un intellectuel dépressif pouvait tout à fait cacher ses actions monstrueuses sous un fatras mystico-philosophique.* (extrait)  Pas de quoi écrire un volume à l’intérieur d’un volume et distraire ainsi le lecteur qui ne sait plus où donner de la tête.

En dehors du fait que le livre est un peu trop didactique à mon goût, LE CHIFFREUR est un bon drame policier. Sa trame est lourde mais elle est tout de même originale. Les personnages ont été très bien travaillés.

L’auteure, Christine Benoit leur a donné une dimension humaine intéressante un peu comme Nora Roberts le fait dans ses drames policiers avec des détails qui prennent souvent par surprise mais qui consacrent la crédibilité des personnages. En général, c’est bien ficelé.

Je crois toutefois important de rappeler que lorsque vous arriverez dans la partie du récit qui explore à fond la piste ésotérique, il faudra jouer le jeu de la patience et essayer de vous mettre dans l’esprit du chiffreur. Revoyez les extraits de cet article pour vous mettre en piste. Moi je ne l’ai pas trop regretté car je dois admettre que l’auteure nous a ménagé une finale intéressante.

L’exploration intéressante d’un esprit tordu… à lire si vous êtes patient…

Suggestion de lecture : SI JE TE RETROUVAIS, de Nora Roberts

Christine Benoit a enseigné l’économie et le droit du travail pendant 10 ans. Depuis 1991, elle dirige une clinique médicale et occupe les fonctions de gestionnaire dans une entreprise de restauration collective ainsi qu’au sein d’une entreprise agroalimentaire, qu’elle a respectivement créées en 1993 et 1996. Jonglant d’une main de maître avec un horaire chargé, elle réussit le tour de force de prendre la plume pour publier son deuxième thriller : LE CHIFFREUR.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

le dimanche 22 septembre 2019

CRIME ACADEMY, de CHRISTIAN JACQ

<L’assassin n’en croyait pas ses yeux. Une convocation
en bonne et due forme à la télévision pour devenir la
vedette d’une émission qui fascinerait le grand public,
«CRIME ACADEMY»! De même qu’à six autres candidats,
on lui proposerait, ni plus moins, de raconter son crime
parfait…>

(Extrait : CRIME ACADEMY, Christian Jacq, 2012, J-édition pour
la version numérique, 235 pages, édition de papier)

CRIME ACADEMY est le titre d’une nouvelle émission créée par une chaîne populaire de télévision et qui se rapproche de la téléréalité. Sept assassins impunis, des criminels qui ont échappé à la justice, sont invités à l’émission pour raconter les circonstances de leur crime. Ensuite, le public est appelé à choisir son criminel préféré. Les grands pontes de Scotland Yard sont furieux et délèguent l’inspecteur  à la retraite Higgins et son remplaçant Scott Marlow pour enquêter. Ce dernier commence par rencontrer les *vedettes* . Quelque chose cloche…

CRIMINELS OU FABULATEURS?
*La forteresse qui abrite les
sept candidats de la
CRIME ACADEMY est un
marécage recouvert de
brume*
(Extrait : CRIME ACADEMY)

Je connaissais déjà la plume de Christian Jacq pour ses nombreux récits sur l’Égypte. J’étais très curieux de vérifier comment Jacq se débrouillait dans un contexte d’intrigue policière. J’ai choisi CRIME ACADEMY tout à fait au hasard. On est très loin de la perfection mais le livre présente un intéressant rapport de forces et de faiblesses. Voyons d’abord le synopsis.

L’histoire tourne autour de sept assassins potentiels, c’est-à-dire sept personnes qui avouent avoir commis le crime parfait sans jamais avoir été ennuyé par la justice. Les crimes ont été perpétrés il y a plus de trente ans, en Grande Bretagne, là où la prescription n’existe pas. Mais la justice doit remonter trop loin dans le temps pour être efficace et rendre punissables ces sept personnages.

Cecil Cadeno, animateur et organisateur d’une émission de télé-réalité à scandale réunit ces sept personnes avec une garantie de protection légale pour qu’elles racontent leur crime et concourent ainsi au titre de meilleur assassin, titre accompagné d’une somme d’argent plus que confortable.

Le superintendant Marlow de Scotland Yard se lance dans une enquête qui s’annonce fort complexe, tellement qu’il fait appel à son vieil ami Higgins pour l’aider à découvrir la vérité dans ce panier de crabe. Très vite, Higgins voit qu’il y a anguille sous roche. Et ça se complique très vite car des morts s’ajoutent pendant l’enquête. Le temps presse.

Première observation, le concept est original et rappelle les *huis-clos* de Miss Marple et d’Hercule Poirot, les brillants limiers créés par Agatha Christie. Le Crime de l’Orient-Express me vient à l’esprit aux fins de comparaisons. Même si ça rappelle Agatha Christie et même Conan Doyle, le concept est bien propre à Christian Jack.

La comparaison s’arrête là, les histoires d’Agatha Christie étant beaucoup plus approfondies et mieux finies. L’originalité de l’histoire m’a quand même plu, d’autant qu’elle vient faire un petit croche-pied à l’univers de la téléréalité, que je trouve d’une extraordinaire insipidité. Elle n’est pas rendue aussi bas, mais je ne suis pas sûr qu’elle se gênerait.

La plus belle réussite de Christian Jacq est qu’il a pu maintenir le caractère intriguant de l’histoire jusqu’à la fin. Il m’a forcé à me creuser la tête et j’ai joué le jeu : *La forteresse qui abrite les sept candidats de la CRIME ACADEMY est un marécage recouvert de brumes…* (Extrait).

J’ai trouvé la finale excellente. Elle vous réserve un magnifique bouquet de déductions et de logique policière alors que tous les suspects sont réunis pour le *speech* final et que toutes les pièces du casse-tête prennent leur place.

Le roman est relativement court, il se lit très bien. La plume est fluide et l’ensemble est très bien ventilé, les chapitres en particulier qui sont courts. C’est la principale faiblesse du roman : il est trop court, il manque de fini, de développement, d’enrobage. La psychologie des personnages est très peu développée ce qui est dommage, spécialement dans le contexte d’un roman de type huis-clos comme CRIME ACADEMY.

Il aurait été intéressant, voir nécessaire de développer davantage le schéma de pensée des assassins et surtout, d’en savoir plus sur les motivations de Cecil Cadeno, l’animateur qui a beaucoup à gagner et beaucoup à perdre aussi comme on le verra, car l’auteur nous a réservé quelques surprises.

On est très loin du chef d’œuvre mais j’ai quand même apprécié ma lecture. Je considère que CRIME ACADEMY est un très bon divertissement.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, De Martin Michaud

Né à Paris en 1947, Christian Jacq est d’abord et avant tout égyptologue et il a partagé sa passion en publiant des livres qui sont devenus autant de références sur l’Égypte. Aujourd’hui, ses ouvrages sont publiés dans une trentaine de langues. Parallèlement, il a publié des romans historiques qui ont pour cadre évidemment l’Égypte antique, ainsi que des romans policiers publiés sous pseudo et réédité par la suite sous son vrai nom.

Comme si Christian Jacq avait une corde de plus à son arc, ses romans policiers ont connu aussi un succès flatteur grâce à son personnage fétiche, l’inspecteur Higgins. Cette série : LES ENQUÊTES DE L’INSPECTEUR HIGGINS comprend 23 titres. C’est une collection à découvrir. Voici quelques titres…juste pour vous mettre l’eau à la bouche…

             
           

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 21 septembre 2019

AGATHA RAISIN ENQUÊTE : LA QUICHE FATALE

Commentaire sur le livre de
M.C. Beaton

*Quoiqu’il en soit, j’espère que vous ne vous
êtes pas mis en tête de devenir la Miss Marple
de Carsely, et que vous n’essayez plus de
montrer que cet accident était un assassinat.*

(Extrait: LA QUICHE FATALE de la série
AGATHA RAISIN ENQUÊTE, M.C. Beaton,
t.f. Éditions Albin Michel, 2016, Numérique,
250 pages)

Voici le premier tome de la série Agatha Raisin : une miss Marple moderne qui n’a pas froid aux yeux, fume comme un pompier et boit sec. Dans LA QUICHE FATALE : Agatha Raisin coule une retraite anticipée dans un paisible village des Costwolds, où elle ne tarde pas à s’ennuyer ferme. Elle participe au concours de cuisine de la paroisse croyant que ça la rendrait populaire. Mais à la première bouchée de sa quiche, l’arbitre de la compétition s’effondre et Agatha doit révéler l’amère vérité : elle a acheté la quiche fatale chez un traiteur. Pour se disculper, une seule solution : mettre la main à la pâte et démasquer elle-même l’assassin.

AVANT-PROPOS :
En 2016, Marion Chesnay initie, sous son nom de plume M.C. Beaton, une nouvelle série intitulée AGATHA RAISIN ENQUÊTE. Bien sûr, Agatha Raisin est un petit clin d’œil à Agatha Christie qui elle-même a créé un personnage ayant plusieurs points en commun avec Agatha Raisin. Je parle bien sûr de Miss Marple.

Madame Raisin est une spécialiste de la communication et des relations publiques. Après plusieurs années à la direction de sa propre entreprise, elle décide de prendre une retraite anticipée, vendre sa compagnie et s’installer dans la campagne anglaise.

Quant à la personnalité de madame Raisin, disons que c’est une femme difficile d’approche, plutôt froide, égocentrique. Elle n’a pas la langue dans sa poche mais elle franche et loyale. Elle n’a pas beaucoup d’amis à part un ancien de sa boîte, Roy, un homosexuel extraverti.

L’auteure met tout en place dans ce premier opuscule pour *humaniser* Agatha Raisin et lui donner des ailes car faut-il le mentionner, son installation dans le *cottage raisin* va lui apporter des maux de tête mais va surtout lui apprendre à se connaître elle-même. Elle se découvre entre autre une capacité de déduction qui fait la barbe aux policiers.

UN PLAT QUI SE MANGE CHAUD !
*John Cartwright est  le mari d’Ella Cartwright, qui avait
une liaison avec Cummings-Browne. Qui aurait pu penser
qu’il savait cuisiner ? C’est une sorte de gros gorille
dégoûtant. Tu vois. C’est tout à fait possible. Quelqu’un
a très bien pu remplacer ma quiche par la sienne.*
(Extrait)

Donc, dans ce premier volet de la série, Agatha Raisin s’installe à Carsely, petit village au cœur des Cotswolds. Elle ne l’aura pas facile car ces petits hameaux sont souvent comparables à des cercles fermés. C’est long avant d’y être accepté…

*Dans un roman d’Agatha Christie, elle aurait non seulement reçu la visite du pasteur mais aussi celle de quelque colonel à la retraite et de son épouse. Tandis que là, toute conversation se limitait «’jour», «’soir» et quelques mots sur la météo* (Extrait) Elle décide donc de faire quelque chose pour s’intégrer à la communauté.

Elle a eu l’idée de participer à un concours culinaire avec toutefois une petite tricherie que je vous laisse découvrir et qui fera toute la différence dans le récit et plus précisément l’enquête. Le plat proposé est une quiche aux épinards…elle ne manquera pas de faire de l’effet car le juge qui en fait la dégustation en meure.

On a trouvé dans la quiche de la cigüe aquatique, une plante mortelle. Agatha devra travailler très fort pour se sortir de cette situation dramatique. Comme on dit souvent que la meilleure défense est l’attaque, Agatha décide d’enquêter étant donné que les policiers obtiennent peu de résultats.

Je trouve l’idée de cette série intéressante. Le lien avec Miss Marple m’a frappé malgré sa discrétion. Je dois toutefois dire que nous sommes très loin ici de la rigueur des romans policiers d’Agatha Christie. Malgré une certaine capacité de Beaton à entretenir l’intrigue, le récit manque de fini et ce qui pourrait passer pour des rebondissements n’est en fait qu’un enchaînement de fausses pistes qui mettent en perspective l’opiniâtreté d’Agatha Raisin.

L’acharnement de celle-ci vise à prouver qu’il y a eu  meurtre et donc qu’il ne s’agit pas d’un simple accident. C’est une faiblesse dans le récit car la cigüe ne s’est pas trouvée là par hasard. Il m’a semblé évident dès le départ que ça ne pouvait pas être un accident. La police ne pouvait pas être bête au point de ne pas tirer cette première conclusion.

Donc, sur le plan policier, ce premier opuscule manque de rigueur. Je ne m’en fais pas outre mesure. Je n’ai pas lu les autres tomes de la série, mais je suis sûr que M.C. Beaton ne faisait que préparer le terrain avec la QUICHE FATALE. Elle a commencé par creuser les personnages dont Roy que j’ai trouvé extrêmement sympathique et bien sûr Agatha Raisin à qui elle attribue finalement une direction arrêtée.

Donc dans ce premier volet, je dirais que l’auteure est en mode *installation*, *mise en contexte*, début d’une nouvelle vie pour madame Raisin : la retraite…faut bien s’occuper. L’auteure nous fait aussi faire la connaissance du village et de ses habitants. On y trouve quelques corniauds et surtout beaucoup de chipies, dont la voisine d’Agatha…voisine qui sera remplacée à la fin par quelqu’un de beaucoup plus intéressant.

Qu’il me suffise de dire en conclusion qu’on est très loin du chef d’œuvre. Je ne m’attendais pas à un chef d’œuvre de toute façon et ce n’est pas ce que je cherchais, sachant très bien que LA QUICHE FATALE n’est que le premier volet d’une longue série appelée à se peaufiner et à s’améliorer.

Le simple non d’Agatha Raisin ne démontre-t-il pas qu’il ne faut pas prendre ses aventures trop au sérieux. C’est une lecture légère et divertissante et j’espère avoir bientôt l’occasion d’y revenir.

Suggestion de lecture : LE BILLETS GAGNANT, recueil de nouvelles de Mary Higgins Clark

QUELQUES *AGATHA RAISIN*

        

LISTE COMPLÈTE

AGATHA RAISIN À LA TÉLÉ

Ashley Jensen joue le rôle d’Agatha Raisin dans la série Britannique créée en 2016

Née en 1936 à Glasgow, Marion Chesney alias M.C. Beaton a été libraire et journaliste avant de devenir un des auteurs de best-sellers les plus lus de Grande-Bretagne avec ses deux séries de romans policiers : Hamish MacBeth et surtout Agatha Raisin (plus de 15 millions d’exemplaires vendus dans le monde). Elle a aussi à son actif plusieurs romans d’amour et historiques. Livreonline.com publie entre autre sur cette auteure prolifique une très intéressante revue de presse. Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 28 juillet 2019

VATICANUM, de JOSÉ RODRIGUES DOS SANTOS

*Enimont ? L’auditrice respira profondément,
presque déprimée d’avoir évoqué ce nom
maudit. –Il s’agit d’un immense scandale de
corruption, dit-elle en insistant sur le mot
«immense»*
(Extrait : VATICANUM,  José Rodrigues Dos Santos,
traduction française aux Éditions Hervé Chopin, 2017,
éditions numériques et de papier, 504 pages num.)

Depuis des siècles, trois prophéties annoncent la mort du pape et la chute du Vatican. Des documents de première importance sont volés dans la cité pontificale, le pape fait appel à Tomás Noronha pour les retrouver. Celui-ci commence son enquête dans les catacombes de la basilique Saint-Pierre, mais sa mission prend très vite une nouvelle tournure. Le pape vient d’être enlevé, il est menacé de mort. Le compte à rebours commence et le chaos menace. Les attentats s’enchaînent et plusieurs pays se préparent à entrer en guerre. Noronha doit retrouver le pape et mettre fin à cette situation en voie de devenir apocalyptique.

AVANT-PROPOS

Banco Ambrosiano est une banque italienne qui a fait l’objet d’une des plus retentissantes faillites de l’histoire en 1982, suscitant ainsi un énorme scandale impliquant la Mafia et la banque du Vatican, son premier actionnaire. Ce scandale aussi spectaculaire que complexe ouvrira la voie à l’opération MAI PULITE qui mettra au jour dans les années 90 des vérités troublantes.

Ainsi, Roberto Calvi, membre de la loge *Propaganda Due*, une loge maçonnique appelée *P2*, et aussi directeur de la banque Ambrosiano, a été retrouvé pendu sous un pont de Londres le 17 juin 1982.

En 2006, dans la foulée du procès Calvi, le grand-maître de la loge P2 est arrêté après 3 mois de cavale à Cannes. En 1978, alors qu’il fait une tentative d’assainissement des finances du Vatican, Jean-Paul premier est retrouvé mort. On a lié le décès au scandale de la banque Ambrosiano car cette dernière venait d’être accusée de transférer secrètement des fonds au syndicat polonais SOLIDARNOSC et aux Contras du Nicaragua soutenus par Washington contre le régime sandiniste.

Pour l’histoire générale, cliquez ici, Suggestion de lecture spécifique ici.

LE CÔTÉ OBSCUR DU VATICAN
 *L’heure était extrêmement grave…le
délai fixé par les ravisseurs était sur

      le point d’expirer et il ne restait plus
assez de temps pour découvrir le
lieu où ils retenaient le chef de l’église.
*
(EXTRAIT: Vaticanum)

En cours de lecture de ce pavé qui fait près de 600 pages, j’ai fait une recherche pour m’assurer que je départageais correctement la fiction de la réalité. On y parvient aisément mais ça fait peur un peu. On trouve ici tout ce qui touche le tripotage des finances du Vatican, le cambriolage du palais des congrégations, les relations du Saint-Siège avec la mafia, le blanchiment d’argent, le sabotage systématique des enquêtes judiciaires de la part du Vatican, le célèbre scandale de la banque Ambrosiano et j’en passe…

tout cela constitue malheureusement une triste réalité. Ce qui concerne la fiction vise surtout la piste Islamique et l’enlèvement du pape. Même les prophéties présentées dans ce roman concernant la mort du pape sont authentiques. Je fais références aux prédictions de Malachie, Pie X et de Fatima.

L’histoire commence alors que le Pape fait appel au célèbre cryptologue Tomas Norona pour retrouver des documents très importants volés au Palais des congrégations. Puis tout s’enchaîne : le pape est enlevé et menacé de mort, le monde est menacé de chaos et la situation devient presqu’apocalyptique. Le temps est compté et dans son enquête, Norona fait d’obscures découvertes de nature à faire frémir d’horreur le monde…et les lecteurs…

Ce livre me rappelle un peu un énorme dossier de presse. La recherche documentaire est impressionnante. Entre les éléments d’action le livre comporte trois parties : un long dialogue avec le pape au début, un très long dialogue avec Catherine, la principale auditrice du Vatican et une longue conclusion qui n’est rien d’autre qu’un spectaculaire exercice de logique, de la part d’un simple historien qui vient mystifier les policiers chargés de l’enquête.

Trop beau pour être vrai dans les faits. Ça m’a rappelé un peu Da Vinci Code. Toutefois, Dos Santos est plus crédible et son histoire beaucoup mieux construite. Le problème majeur de Vaticanum tient sur le fait que le récit est long, répétitif, redondant jusqu’à l’ennui.

Donc le texte est lourd et les interminables dialogues, bâtis comme des articles de presse, diluent beaucoup l’action. Au moins, la crasse bancaire vaticane qui en ressort est un fait avéré. L’information livrée est vulgarisée et claire. Il y a quand même des éléments importants qui font que le lecteur et la lectrice ont de la difficulté à lever le nez de ce livre.

En fait, Dos Santos a le don de finir chaque chapitre par un élément qui rend le lecteur captif et qui l’oblige pratiquement à passer rapidement au chapitre suivant : un rebondissement, un fait nouveau, une révélation spectaculaire…c’est comme ça pour chaque chapitre. Moi qui ai toujours apprécié les livres ventilés avec des chapitres courts, j’ai été servi.

Voilà…on peut bien pardonner un peu les longueurs, la redondance et certains éléments comme la petite condition sentimentale de tomas que j’ai trouvée passablement insignifiante, car le récit ne laisse pas indifférent et même…il choque, remue, secoue, provoque la colère. L’émotion n’est pas imprégnée dans le récit qui est au contraire plutôt froid. C’est le récit qui crée l’émotion dans l’esprit du lecteur et le laisse grandir.

En conclusion, vous avez ici un récit dont l’aspect thriller alterne avec l’aspect journalistique. Les deux sont intéressants mais le rythme est altéré. Ça se lit vite malgré tout et je vous assure que votre patience sera récompensée.

Suggestion de lecture : LA FORMULE DE DIEU, de J.R. Dos Santos

José Rodrigues dos Santos est un journaliste, reporter de terrain, correspondant et écrivain portugais d’origine africaine. Il est né à Beira au Mozambique le 1er avril 1964. Pour CNN et la BBC, Dos Santos a parcouru le monde pour couvrir les plus grands conflits. Il a tiré de cette expérience de terrain des romans majeurs traduits dans près d’une vingtaine de langues. Il a un vécu très intense qui se répercute dans son œuvre littéraire. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 23 juin 2019

AFFAIRES PRIVÉES, livre de MARIE LABERGE

*-Le suicide, Rémy, ça se sème pas de même.
C’est pas le genre d’affaires qui s’attrape
comme un rhume. Faut souffrir pour se tuer.
À quinze ans comme à soixante. Comment
elle a fait ça? *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES, Marie Laberge,
Productions Marie Laberge 2017 pour l’édition de
papier, Éditions Martha pour l’édition numérique.
442 pages numériques.)

Quand Rémy Brisson, le directeur de l’escouade des crimes non résolus, affecte Vicky Barbeau à une enquête sur une mort fort peu suspecte, il le fait pour des raisons personnelles. Il est incapable de refuser quelque chose à la mère de cette jeune fille de quinze ans trouvée morte dans un boisé après avoir pris une dose mortelle de somnifères. Et quand Vicky s’aperçoit qu’en s’approchant des témoins de la vie de cette magnifique Ariel, elle s’expose à revoir des gens qu’elle a relégués au passé, l’enquête prend des allures de cauchemar.

CÔTÉ NOIR
*Qu’un adulte se laisse traiter comme du bétail à faire
jouir, ça le regarde. Mais qu’on contraigne un enfant,
qu’on profite de l’ascendant qu’on a sur lui pour
L’entraîner dans une violence et une subordination
inimaginables, tout cela pourquoi? Pour permettre à
Des impuissants de rêver qu’ils dominent enfin, alors
Qu’ils sont dominés par leurs peurs et leur abjection. *
(Extrait : AFFAIRES PRIVÉES)

Il y a longtemps que je ne m’étais laissé aller à une lecture aussi addictive. Troisième essai dans le roman policier pour Marie Laberge. Elle a signé une histoire complexe et brillante. Un succès.

Voyons d’abord la trame : le directeur de l’escouade des crimes non résolus Rémy Brisson demande à Vicky Barbeau d’enquêter sur le suicide apparent d’une jeune fille nommée Ariel, retrouvée morte dans un boisé, intoxiquée par une dose massive de somnifère.

Vicky enquête effectivement, mais rien ne laisse supposer autre chose qu’un suicide. Elle apprend qu’une autre fille de l’école d’Ariel, s’est suicidée il y a deux ans Après l’étude des conclusions de l’enquête et du rapport du coroner, tout tendait à confirmer les suicides. Ce n’est qu’à l’arraché que Vicky, aidée de son collègue français Patrice trouvera quelques indices qui laisse supposer que tout ça n’est pas net.

Et s’il y avait un lien entre les deux suicides? Ça ne coûtait rien de fouiller de ce côté-là. C’est à partir de là que l’enquête prendra des allures de cauchemar et Vicky trouvera sur son chemin certaines personnes qui auraient beaucoup à se reprocher. Jamais on n’aura poussé l’opiniâtreté si loin.

Ce qui était au départ un cas simple de suicide est devenue une histoire d’horreur dont l’auteur tire une à une les ficelles avec une lenteur calculée et un incroyable don de déduction. Elle utilise le meilleur de sa connaissance de la nature humaine pour extraire des vérités dérangeantes qui n’étaient jusque-là qu’affaires privées.

Laberge signe un roman complexe développé avec une intelligence remarquable alliée à une connaissance précise de l’âme humaine. Avec une lenteur calculée, un sens précis de la déduction, des éléments d’enquête ajoutés à la petite culière, l’auteure lève le voile sur l’horreur, sur cette capacité qu’ont les êtres humains de tomber si bas. Le livre vient nous faire réfléchir sur la nature même du suicide.

Certains suicides s’annoncent, d’autres non, mais ils ne se font jamais sans raison. Il faut chercher à comprendre. J’ai beaucoup apprécié la subtilité des dialogues et de la grande sensibilité avec laquelle les enquêteurs approchent les jeunes dont le silence recouvre des secrets innommables. Par exemple, pourquoi Ariel se mutilait? Pourquoi deux suicides en deux ans et y a-t-il un rapport avec le théâtre que les deux jeunes filles adoraient?

Graduellement, l’auteur aborde avec tact la détresse des adolescentes, la souffrance de leurs parents et l’incompréhension puis, alors que les informations se recoupent,  l’auteure introduit les pointes acérées de la vérité qui n’est rien de moins qu’une descente aux enfers pour Ariel, et avant elle, Andréanne. L’auteure évoque la fragilité de l’adolescence et la subtilité des messages qu’elle peut lancer à ses pairs.

Je me doutais bien toutefois qu’un livre aussi intense allait avoir ses petites faiblesses. En fait, ce sont des personnages qui se caricaturent eux-mêmes : le metteur en scène Gilles Caron, con comme un balai, la directrice de l’école, pincée et aseptisée. Assam qui incarne le bon Roméo, le genre dernier amant romantique.

Il y a certains passages où l’auteure semble sombrer dans la facilité. Disons simplement que la psychologie de plusieurs de ses personnages est insuffisamment développée. J’ai cessé de compter le nombre de fois ou Caron passe pour bête à manger du foin. Ajoutons à tout cela la longueur de certains interrogatoires.

AFFAIRES PRIVÉES reste une excellente histoire. Marie Laberge y a mis toute sa sensibilité vu le sujet traité et y sonde avec précision la nature humaine. Le livre fait réfléchir sur la démarche du suicide ou ne serait-ce que la seule pensée effleurée.

Deux suicides qui au départ étaient sans liens. Conclusions de l’enquête : suicide simplement. La ténacité d’un enquêteur plongera le lecteur dans les abîmes immondes de la pédophilie et du masochisme. Ne vous attendez pas à des descriptions à soulever le cœur. Parfois, le non-dit est pire.

Un grand cru.

Suggestion de lecture: AFFAIRES ÉTRANGES. de Joslan F. Keller

Marie Laberge est une écrivaine, dramaturge, romancière, comédienne et metteur en scène québécoise née le 29 novembre 1950 à Québec.  Elle a à son actif une vingtaine de pièces de théâtre traduites et jouées dans de nombreux pays.

Toute sa carrière est parsemée d’honneurs, de prix et d’attributions. Par exemple, sa nomination au titre de Chevaliers de l’Ordre des Arts et des Lettres en 1998 par le ministère de la culture de la France pour son apport à la francophonie. 

En mai et juin 1995, à la demande du premier ministre du Québec, M. Jacques Parizeau, elle a rédigé le préambule de la Déclaration d’indépendance du Québec en collaboration avec, entre autres, Gilles Vigneault, Fernand Dumont et Jean-François Lisée.

Pour en savoir plus sur Marie Laberge, consultez son site officiel.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 22 juin 2019

 

PANDEMIA, le livre de FRANK THILLIEZ

*Quand l’homme en noir mettra le Grand Projet en route, vous n’aurez aucune chance. Cette histoire n’est pas terminée et vous n’auriez jamais dû mettre les pieds
dedans.*
(Extrait : PANDEMIA, Frank Thilliez, Fleuve édition, 2015, édition de papier, 650 pages)

Deux scientifiques sont appelés à faire des prélèvements sur des cadavres de cygnes découverts à la réserve ornithologique de Marquenterre. Un sac avec des ossements est trouvé à proximité dans un étang. Quelque chose pousse les scientifiques à prendre cette découverte très au sérieux car elle pourrait bien hypothéquer l’avenir de la planète. C’est une enquête ardue pour Franck Sharko et Lucie Hennebelle ainsi que Camille, jeune et courageuse, elle aura un rôle capitale à jouer dans la préservation de l’espèce humaine car c’est bien de ça qu’il s’agit. Ils apprendront que l’homme, tel que nous le connaissons est en fait le pire virus de la Terre.


*L’un des cavaliers, le vert, était un squelette enroulé
dans un long drap et armé d’une lance. La Mort. J’ai
dû voir ce genre de tableau dans un musée. Nicolas
s’approcha, interloqué. «Ce sont…«…les quatre
cavaliers de l’apocalypse. Les annonciateurs de la
fin du monde. *
(Extrait : PANDEMIA)

C’est un thriller assez bien construit avec les héros récurrents de Thilliez : Sharko et Hennebelle. Je n’ai pas choisi ce livre pour son côté thriller biologique même s’il est bon de se faire rappeler des fois que l’être humain est extrêmement vulnérable. Mais j’ai lu beaucoup de romans sur les virus, les bactéries, les épidémies et les pandémies.

Pour moi, le sujet est usé à la corde. Bien sûr on en apprend beaucoup sur les plus petits êtres de la nature, la façon foudroyante avec laquelle une simple grippe peut se répandre. C’est effrayant, et qu’est-ce qui peut se passer quand un criminel met la main sur une culture virale ou bactériologique. J’ai choisi PANDÉMIA pour son côté policier.

Sharko et Lucie sont sur une enquête poussée, complexe et dangereuse, Une affaire de meurtres sordides commis selon un rituel qui évoque les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Dans  ce rituel, il  y a trois cercles concentriques représentant les paliers de l’enfer, le cercle du centre étant représenté par le grand patron du mal : Satan, incarné aux fins de l’enquête par l’homme noir.

Cet icone du mal est un être froid, dépourvu de toute compassion, pas d’empathie, pas de regrets et par-dessus tout, un être qui, comme Hitler, avait dans l’idée de purifier l’humanité en conservant les meilleurs, les plus forts. C’est un des côtés originaux du roman de Thilliez, suivre un meurtrier de masse dans sa folie Eugénique.

J’ai appris beaucoup de choses avec PANDEMIA. En effet, les bassesses innommables de l’homme en noir m’ont poussé à faire une recherche sur l’eugénisme. J’ai compris entre autres que l’eugénisme fait abstraction de toute sympathie, pitié, compassion ou empathie.

Même si les progrès de la génétique viennent relativiser l’eugénisme, je considère toujours que cette philosophie n’a fait qu’ensanglanter l’histoire. Il sera intéressant de voir ce que l’eugénisme moderne donnera. Sur son site internet encyclopédique, agora nous résume sa définition de l’eugénisme. Allez voir pour vous faire une opinion…

Autre fait extrêmement intéressant qui ajoute à l’originalité de l’histoire : l’auteur fait plonger le lecteur au cœur des basses fosses d’internet : le Darknet : *Le Web profond, c’est la pire des déviances humaines, c’est la poubelle de l’humanité, un gros cyber-réservoir à déchéance. Nous on essaie de surveiller ce territoire de près dans nos services mais c’est très compliqué, vous allez voir* (extrait)

Vu l’anonymat total qui entoure les méandres du Darknet, il est impossible de remonter aux sources, ce qui laisse quartier libre à l’homme en noir pour l’utiliser comme trait d’union entre lui et ses sbires. Malheureusement le darknet est une réalité. Cliquez ici pour en savoir plus.

Par l’intermédiaire de Sharko, l’auteur vous donne une petite idée des horreurs qu’on peut trouver dans les bas-fonds de la toile. C’est la première fois que je lisais un roman faisant référence au darknet. Je pêche peut-être par naïveté, mais j’ai été impressionné par l’effet que ça a donné au développement du récit, un effet addictif.

Donc, si je ne tiens pas compte des nombreuses références à des enquêtes antécédentes ou des titres antécédents qui devenait singulièrement irritants, je dirai que PANDEMIA est un très bon roman : très ajusté à notre temps, donc très actuel, j’ai l’impression que Thilliez était très bien documenté.

Chapitres courts, rythme élevé, fil conducteur solide, écriture nerveuse, plusieurs moments de forte tension. C’est quand même une brique de 650 pages (édition de papier, Fleuve noir) mais ça se lit bien quoique ce n’est pas un roman idéal pour les cœurs sensibles à cause de l’inclusion du darknet dans le récit.

*Un roman peut-être bien plus efficace qu’une campagne de sensibilisation.* (LE FIGARO, édition du 15 juin 2015)

Suggestion de lecture : GENESIS, de John Case

Franck Thilliez est l’auteur de plus d’une dizaine de romans, parmi lesquels PANDEMIA bien sûr et Le SYNDROME E dont j’ai déjà parlé sur ce site. Lauréat du prix Étoiles du Parisien-Aujourd’hui en France pour le meilleur polar 2014 avec ANGOR, Franck Thilliez confirme sa place de pilier du thriller français et continue d’alterner *one-shots* et enquêtes menées par ses personnages phares Lucie Henebelle/Franck Sharko. Ses livres sont traduits dans le monde entier.

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 2 juin 2019

LE FÉLIN/MYSTÈRE AU CONGRÈS D’ALCHIMIE

COMMENTAIRE SUR LE LIVRE
D’ARTHUR TÉNOR

Dans la série LE FÉLIN, AGENT SECRET MÉDIÉVAL
*Abel Phégor est le lieutenant de police du duc
de Pique. Sa réputation est aussi sombre que
son regard…On prétend qu’il possèderait un
sixième sens pour repérer menteurs et aigrefins.
Et pour les faire parler, sa cruauté est d’un
raffinement reconnu jusque dans les plus
lointains cachots d’Orient.*
(Extrait : LE FÉLIN AGENT SECRET MÉDIÉVAL, MYSTÈRE
AU CONGRÈS D’ALCHIMIE, Arthur Ténor, éditions LITO,
2005, édition de papier, 170 pages)

Ce récit raconte l’aventure d’Yvain de Bréac, agent secret à la cour du seigneur de Montbrisac. On l’appelle le félin à cause de sa grande souplesse et de sa ruse. Un jour, Yvain est chargé d’une mission:  escorter l’alchimiste de la cour Maître Pirus au congrès mondial d’alchimie. Arrivés sur les lieux, d’inquiétants phénomènes se produisent : des formules secrètes disparaissent, des savants sont agressés… Le lieutenant Abel Phégor, chargé de démasquer le coupable, soupçonne Maître Pirus. Le Félin mène l’enquête et découvre la plus incroyable des vérités…

QUI PIQUE CHEZ LE DUC DE PIQUE ?
Deux hommes approchent, s’arrêtent devant la porte…
Une clé pénètre dans la serrure. Panique!

(Extrait : MYSTÈRE AU CONGRÈS D’ALCHIMIE)

LE FÉLIN AGENT SECRET MÉDIÉVAL est sans doute l’œuvre la plus connue d’Arthur Ténor. Cette série devrait intéresser les jeunes ados et pré-ados en particulier parce que l’auteur situe l’action à l’époque médiévale. Les jeunes aiment beaucoup le contexte médiéval depuis DONJON ET DRAGON entre autres, et puis la cour du roi Arthur n’a jamais vraiment perdu de son influence dans la littérature de toutes les époques.

Donc dans un contexte très médiéval, Ténor ajoute un élément qui séduit beaucoup de jeunes lecteurs, c’est-à-dire qu’il introduit un personnage très spécial, le Chevalier Yvain De Bréa dit LE FÉLIN, un Chevalier espion, ou devrait-on dire un agent secret qui rappelle étrangement le fameux personnage créé par Ian Flemming, James Bond .

Il en a à peu près toutes les caractéristiques : jeune, beau garçon, séduisant et séducteur, ingénieux et courageux. De plus, le génial savant Maître Pirrus équipe notre chevalier de ses gadgets les plus ingénieux pour aider le Chevalier dans ses missions. Ça rappelle bien sûr le célèbre Q, le pourvoyeur en gadgets de James Bond.

Donc, environnement médiéval, mission secrète pour agent secret, espionnage, danger sans oublier une dose d’humour…tous ces éléments font de la collection LE FÉLIN AGENT SECRET MÉDIÉVAL une série très appréciée des jeunes lecteurs. Au hasard de la collection, j’ai choisi le livre MYSTÈRE AU CONGRÈS D’ALCHIMIE : une histoire bien ficelée qui m’a intrigué du début à la fin.

Des alchimistes venus de partout se rassemblent en congrès dans la forteresse du Duc De Pique pour déterminer entre autres qui sera élu au premier cercle extrêmement restreint des alchimistes les plus brillants.

Maître Pirrus est sur les rangs, le Félin est responsable de sa sécurité. Mais très vite, des phénomènes inquiétants se produisent : des formules secrètes qui disparaissent mystérieusement, des savants tabassés, des ingrédients subtilisés. Le Félin mène l’enquête.

C’est une histoire bien bâtie et jamais je n’aurais imaginé qui était le coupable. Ténor m’a tenu en haleine du début à la fin et la finale était drôlement bien orchestrée. L’intrigue est donc solide et bien bâtie.

La plume est fidèle au contexte médiéval, même dans le vocabulaire, et suffisamment descriptive pour plonger le lecteur dans l’atmosphère de la chevalerie et de ses petits mystères. Aussi, elle familiarise le jeune lecteur avec l’alchimie, appelée aussi le grand œuvre qui vise la réalisation de la pierre philosophale, capable de changer le métal en or, de guérir de toutes les maladies et de rendre immortel.

C’est donc un bon petit livre pour les jeunes. L’auteur a su maintenir un très bel équilibre entre l’humour et l’intensité dramatique. La plume est fluide, les chapitres sont courts et l’ensemble est actualisé par les très belles illustrations de Mathieu Blanchin qui ont le don de capter l’attention.

J’ai bien aimé ce petit livre et c’est maintenant toute la série que je vous invite à découvrir. Vous pouvez aussi prendre simplement les titres qui vous inspirent car chaque histoire se lit indépendamment des autres. Un beau moment d’aventure…un beau moment de lecture…

Arthur Ténor est écrivain pour la jeunesse depuis 1998. Il a publié des romans pour toutes les tranches d’âge et pratiquement dans tous les domaines. Il est cependant plus connu pour ses récits historiques, notamment sur les deux guerres mondiales, Versailles et Louis XIV ou encore le Moyen Age. Il réside en Bourbonnais, tout près de Vichy.

Dans une présentation personnelle, il se décrit comme un « explorateur de l’imaginaire » Sa passion de l’écriture est pour lui « semblable à celle d’un aventurier sans cesse en quête de contrées inconnues, de rencontres inoubliables, de péripéties palpitantes ». L’esprit qui anime ses récits est résolument positif « L’action et le suspense se mêlent toujours à l’étonnement et à la tendresse, à l’humour et à la fantaisie ». Son souhait est surtout d’exprimer son amour et son respect indéfectibles de la vie.

DANS LA MÊME SÉRIE

 BONNE LECTURE
Claude Lambert
le  7 avril 2019