CRIMES À LA LIBRAIRIE, collectif de nouvelles

*L’heure est venue. Discrètement, il prend un verre de vin rouge et y laisse tomber
quelques gouttes de funeste poison. Un convive le regarde d’un air réprobateur
mais poli. -C’est pour ma pression artérielle…
(Extrait : UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE, Éditions Druide, 2014, 734 pages)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est un recueil de seize nouvelles écrites par des auteurs québécois sous un thème unique. La meilleure façon de décrire cet ouvrage est encore de citer le réalisateur du projet Richard Migneault: *Je vous invite donc…à rencontrer ces seize écrivains de chez nous pour nous amener ailleurs au cœur même de leur imaginaire. Pour stimuler leur créativité et votre curiosité, je leur ai donné un devoir pas très facile à réaliser…faire de la librairie une véritable scène de crime, transformant du coup chaque livre qui s’y trouve en témoin de l’énigme, du suspense, de l’insoutenable* 

Cette anthologie regroupe autant d’auteurs de renoms que ceux les plus prometteurs de la relève. La crème de la littérature québécoise y est. Polars, récits noirs et frissons au programme.

LES NOUVELLES :
-PUBLIC CIBLE de Patrick Sénécal
-LE LIBRAIRE ET L’ENFANT de Martine Latulippe
-UNE LONGUE VIE TRANQUILLE de Martin Michaud
-LE PSAUME DU PSOQUE de Benoît Bouthillette
-DES HEURES À LA LIBRAIRIE de Chrystine Brouillet
-UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières
-L’HOMME QUI DÉTESTAIT LES LIVRES de Sylvain Meunier
-PERINDE AC CADAVER d’André Jacques
-JUNGLE JUNGLE de Jacques Coté
-DERNIER CHAPITRE AU BOOKPALACE de Florence Menay
-MON COMBAT de Mario Bolduc
-233°C de Johanne Seymour
-ROUGE TRANCHANT de Camille Bouchard
-LE PALMARÈS de Richard Ste-Marie
-DEMI-DEUIL d’Arianne Gélinas
-RARES SONT LES HOMMES de Geneviève Lefebvre

La mort entre les livres
*-Oui je vais signer.
-Bon là tu parles. Good man!
Robinson griffonna deux mots
«fuck off»

et remit la feuille à Bennet. En
voyant l’affront de ce jeune
insolent, il devint rouge de colère.
(Extrait de JUNGLE JUNGLE de Jacques
Côté, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est le fruit d’une très intéressante expérience dirigée par Richard Migneault qui a réuni 16 auteurs québécois autour d’un thème bien précis : un crime dans une librairie, sujet original s’il en est car avec son atmosphère tamisée, son calme bucolique et l’attraction qu’elle exerce sur les esprits en quête de mots et d’histoires, la librairie est un endroit qui ne se prête pas beaucoup au meurtre.

Ce thème est une trouvaille qui a mis en lumière tout le talent des auteurs sélectionnés et bien sûr la puissance de leur plume. L’objectif de l’expérience est simple : faire connaître l’univers du polar québécois et le résultat a donné une remarquable anthologie qui m’a accroché car elle m’a permis de faire des découvertes très intéressantes.

Bien sûr j’y ai retrouvé des auteurs avec lesquels j’étais déjà familier comme Patrick Sénécal, Robert Soulières, Christine Brouillet et Martin Michaud, mais j’ai aussi découvert des auteurs qui m’ont surpris et mon donné le goût d’explorer davantage leur œuvre et leur style comme par exemple Geneviève Lefèbvre dont la nouvelle RARES SONT LES HOMMES est particulièrement oppressante.

En ce qui me concerne, la qualité des textes va de très bonne à excellente. Les textes varient beaucoup en intensité, en recherche et en originalité. Comme dans tous les recueils, il y a des bonnes nouvelles, il y en a de moins bonnes. Je ne prétends pas vous dire quelles sont les meilleures mais j’ai particulièrement accroché sur la nouvelle de Martine Latulippe LE LIBRAIRE ET L’ENFANT.

Développer une histoire de meurtre dans une librairie demandant déjà beaucoup d’imagination, y impliquer un enfant rend encore plus complexe le défi littéraire sur le plan contextuel…un défi bien relevé par L’auteure qui se spécialise dans la littérature pour enfants. C’est ce qu’on pourrait appeler une double-vie littéraire.

J’ai aussi beaucoup apprécié la nouvelle d’Ariane Gélinas DEMI-DEUIL, un récit basé sur le parfum de la libraire, qui exhale jusqu’à rendre fou. Cette nouvelle n’est pas sans me rappeler l’œuvre célèbre de l’écrivain allemand Patrick Süskind LE PARFUM dont j’ai déjà parlé sur ce site. Comme je l’ai déjà précisé, décrire une odeur avec justesse et émotion est déjà un énorme défi.

Suggestion de lecture : 17 NOUVELLES ENQUÊTES DE SHERLOCK HOLMES, recueil d’Arthur Conan Doyle


Martine Latulippe à gauche et Ariane Gélinas

Je crois que grâce à l’initiative de Richard Migneault, la littérature québécoise s’est enrichie d’un fleuron qui place le polar québécois au rang de littérature de haut niveau. Il serait intéressant de répéter l’expérience avec des auteurs québécois en émergence. Les résultats pourraient être fort intéressants.

Directeur d’école à la retraite, Richard Migneault est un défenseur de la littérature québécoise. Animateur du blogue POLAR, NOIR ET BLANC et coordonnateur des Prix TENEBRIS des PRINTEMPS MEURTRIERS DE KNOWLTON, il s’est donné pour mission de faire connaître les auteurs québécois de polar en Amérique et en Europe. Il intensifie sa mission en réunissant 16 écrivains québécois autour d’un même thème, ce qui nous a donné l’excellent recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2016

O.T.A.N. EN EMPORTE LE VENT, Patrice Dard

*Je ne suis ni humble ni orgueilleux. Ni soumis,
ni initié. Je crois en ma raison mais l’accuserai
néanmoins d’être défaillante avant de soupçonner
l’évènement d’être surnaturel. Et pourtant…les
rapports que je suis en train de parcourir jetteraient
le trouble dans l’esprit le plus rationnel…*
(extrait de Alix Karol 11, O.T.A.N. EN EMPORTE LE VENT,
Éditions de Vauvenargues, 1977, éd. Numérique i book,
250 pages)

Deux agents enquêtent sur de mystérieuses disparitions signalées entre la Crète, Chypre et le port d’Alexandrie dans la Méditerranée. Un bateau de pêche, cinq avions chasseurs de l’O.T.A.N. et un Jumbo Galaxy renfermant plus de 70 militaires et cent tonnes de matériel disparaissent corps et bien. Les agents doivent-ils attaquer le problème comme on l’a fait jadis pour le vieux mystère du triangle des Bermudes ou y aurait-il anguille sous roche étant donné que les disparitions concernent essentiellement des hommes et du matériel américains. Karol et Bis entreprennent donc une angoissante enquête, quoiqu’ils ne s’empêcheront nullement de profiter de la vie au passage…

100% DARD
*Croyant à une soudaine crise de folie de leur
employé, les deux grecs se hâtèrent d’obéir,
forts du préjugé qu’il ne faut jamais
contrarier un dément.*
(extrait : O.T.A.N. EN EMPORTE LE VENT)

Ayant déjà lu un livre de la série SAN ANTONIO initiée par le père de Patrice Dard, Frédéric, j’étais curieux de connaître le style du fils et j’ai fait l’essai d’un titre de la collection ALIX KAROL très en vogue dans les années 70. La plupart des livres ont été réédités et sont encore lus aujourd’hui.

Moi je n’ai pas été impressionné. La série initiée par Frédéric Dard met en scène San Antonio et son compère Berurier, celle de Patrice Dard suit les aventures d’Alix Karol et de son compère Bis. La première est une série d’espionnage, l’autre policière. Le style des personnages est le même : farfelu.

O.T.A.N. en emporte le vent est une variation sur un thème archi-connu : la guerre froide entre les États-Unis et l’union Soviétique comme toile de fond, l’énigme n’est pas plus originale à cause de son analogie avec le triangle des Bermudes. Ici, il est question du triangle du démon dans lequel on signale d’étranges disparitions : chasseurs et autres avions, navires etc…tous américains.

Pas facile à suivre cette histoire. Il m’aurait fallu un dictionnaire spécialisé tellement le langage est argotique…voici deux exemples :

*Une onde de traczir me cigogne la boyasse.*   *Comme je ne dispose pas de fromtogome pour appâter l’animal, force m’est donc de le brutaliser un chouïa pour lui introduire la bande dans le corps. En poussant du médius, je lui enfonce le blot jusque dans l’estogome*

Si vous avez une bonne connaissance de l’argot et que vous pouvez passer outre sur un humour un peu usé, vous aurez probablement plus d’agrément à lire ce livre que j’en ai eu et vous pourrez alors mieux profiter d’une finale intéressante, sans être géniale, ce qui constitue à peu près la seule force de cette histoire.

Je rappelle que la collection, qui comprend plus d’une vingtaine de titres a été rééditée. C’est donc qu’elle a été appréciée quelque part, probablement par la francophonie européenne surtout.

J’ai pas beaucoup aimé, même si j’ai trouvé ce livre meilleur que ce que j’ai lu de la série San Antonio.

Suggestion de lecture : LA COMPAGNIE, de Robert Littel

Patrick Dard est un écrivain et scénariste français  né en 1944 en banlieue Lyonnaise.  Il est le fils de Frédéric Dard, créateur de la série SAN ANTONIO. Très jeune, il s’intéresse à l’écriture, fait carrière au Fleuve Noir où il crée les personnages de Vic St Val et d’Alix Karol. Il poursuit l’œuvre de son père en écrivant ses propres aventures du commissaire San-Antonio et de son fidèle comparse Bérurier. Énergique et prolifique,  Il écrira aussi plusieurs livres de cuisine ainsi qu’une grande quantité de scénarios pour des téléfilms et des dessins animés.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
NOVEMBRE 2015

LA CHORALE DU DIABLE, de MARTIN MICHAUD

*Le tueur est là, en bas des marches. Il s’apprête à franchir les portes menant
à la station de métro Bonaventure. Le tueur retire sa cagoule…surtout, ne pas
créer de mouvement de panique…*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE de Martin Michaud, éditions Goélette, Qc, 2011, éd. Num. 421 pages)

Avant de se suicider, un homme tue une femme et trois enfants…un carnage d’une horreur indescriptible.  Le meurtrier présumé serait le mari. Deux jours plus tard, une alerte Amber (alerte-enlèvement à grande échelle) est déclenchée : une jeune fille faisant de la porno sur internet est kidnappée. Comme les deux drames semblent sans lien au début, chaque affaire est confiée à un policier. Les deux enquêtes vont finir par converger et elles seront d’autant compliquées que les deux policiers se détestent cordialement.

Ils s’engageront néanmoins dans une démarche dangereuse les conduisant dans plusieurs villes du Québec et même jusqu’au Vatican. Évoluant dans un monde obscur de fanatisme religieux et de perversité dans une enquête parsemée de morts, Victor Lessard et Jacinthe Taillon se rapprochent de la découverte d’un secret terrifiant : celui de la chorale du diable.

Un secret effrayant
*…Est-ce que ça -fitterait- avec des satanistes
de mettre en scène des meurtres, en essayant
de reproduire une invasion de mouches
inspirée du quatrième fléau?*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE)

Avec sa plume puissante et fort bien structurée, Martin Michaud nous livre un récit intense qui évoque les travers les plus tordus de la nature humaine : cruauté, sadisme, violence, pédophilie, satanisme et j’en passe. Je pense que le lecteur doit bien évaluer la sensibilité de son âme avant d’entreprendre la lecture de ce livre et savoir aussi qu’il ne donne pas une image très flatteuse de l’Église Catholique. Une fois commencée la lecture de l’histoire, je me suis senti comme une mouche dans une toile d’araignée…difficile d’en sortir.

L’auteur a imaginé une enquête extrêmement complexe et tentaculaire, car elle amène autant l’enquêteur de l’histoire que le lecteur dans de multiples directions avec de multiples rebondissements pour chaque direction.

Une phrase captée en cours de lecture et qui concerne l’enquêteur Victor Lessard résume très bien la complexité de l’histoire : *…Il ne peut s’empêcher de frissonner : il se heurte à quelque chose de beaucoup plus grand que lui, une bête à multiples tentacules qui le dépasse et qui lui flanque une peur irraisonnée.* (Extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Je parle souvent dans mes commentaires de l’importance du fil conducteur d’une histoire…cette espèce de lien qui garde le lecteur dans le coup. Ce fil conducteur prend une importance capitale dans un récit aussi multidirectionnel que LA CHORALE DU DIABLE. Dans ce récit, il y en a deux…et deux solides : d’abord la chorale.

L’auteur dévoile très graduellement le lien entre la chorale et les meurtres. Et puis, il y a les mouches…alors ça c’est une trouvaille : l’omniprésence des mouches dans le récit…des essaims de millions de mouches…

En plus d’établir un lien entre les mouches et l’apocalypse, l’auteur nous livre sa petite explication judiciaire et médico-légale : *…Lessard sait que l’entomologie judiciaire s’intéresse généralement aux mouches et autres insectes qui, les uns après les autres, viennent se nourrir des cadavres en décomposition, parce que ce comportement permet de fixer avec précision le moment de la mort.* (extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Mais voilà, dans le récit, il y a beaucoup trop de mouches pour que ce soit naturel. Quoique l’auteur mette le lecteur sur la piste (avec retenue), il ne livre l’explication du mystère qu’à la fin.

Autre lien intéressant dans le récit, la présence constante d’hommes d’église et vous pouvez me croire, ce ne sont pas tous des enfants de chœur et leur rôle dans l’histoire est issu d’une motivation très particulière qui m’a laissé pantois.

LA CHORALE DU DIABLE est un polar bien ficelé, puissant qui rappelle un peu Dan Brown dans le dévoilement progressif de l’intrigue et la multiplicité des indices. Les personnages principaux : les enquêteurs Victor Lessard et Jacinthe Taillon sont deux mufles, mais étrangement, deux mufles attachants.

À vous amis lecteurs de découvrir pourquoi. La violence y est très descriptive…trop à mon goût, mais si vous avez le cœur solide, je vous recommande LA CHORALE DU DIABLE déjà bardé de reconnaissances littéraires : PRIX SAINT-PACÔME du meilleur roman policier en 2011, et PRIX ARTHUR- ELLIS remis au meilleur roman policier francophone publié au Canada en 2012.

Suggestion de lecture, du même auteur : SOUS LA SURFACE

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité. Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard. 

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez son site internet michaudmartin.com

BONNE LECTURE

JAILU

AOÛT 2015

LE CLUB DES VEUFS NOIRS, livre d’ISAAC ASIMOV

*Vous avez trop lu Agatha Christie, dit Rubin.
En fait, il s’avère que pour presque tous les
crimes, on s’aperçoit que la personne la plus
équivoque est celle qui est coupable…*
(extrait de RIEN QUE LA VÉRITÉ, du recueil LE CLUB
DES VEUFS NOIRS, Isaac Asimov, 10/18, 1974, éd.
num.)

Le CLUB DES VEUFS NOIRS est une incursion d’un maître de la science-fiction, Isaac Asimov dans le domaine policier. Ce recueil regroupe 12 récits évoquant les rencontres mensuelles de 6 hommes : LE CLUB DES VEUFS NOIRS. En effet, une fois par mois, ces 6 hommes, pas nécessairement veufs mais particulièrement érudits se réunissent pour diner. À chaque rencontre, un des six hommes invite une connaissance qui a une énigme complexe à résoudre ou une affaire étrange à soumettre, toujours de nature policière ou judiciaire.

Aidés par leur maître d’hôtel, Henri, particulièrement brillant, les six hommes s’emploient à résoudre l’énigme et chaque rencontre devient rapidement un marathon de déductions, de raisonnement et de concentration. Chaque nouvelle a le même cadre mais avec une situation et des acteurs différents.

Sept fois Hercule Poirot…
*J’en suis arrivé à un point où je dois en appeler
au grand principe de Sherlock Homes :
«Quand l’impossible a été éliminé, ce qui
reste, même si ça paraît improbable,
est la vérité »*
(extrait LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

D’Isaac Asimov, je connais surtout l’œuvre de science-fiction. C’est un maître dans ce type de littérature. Par exemple, ses livres mettant en scène les robots et les *positroniques* sont remarquables. J’étais curieux d’en savoir un peu plus sur la contribution d’Asimov dans l’univers du roman policier. Je me suis donc mis en quête d’un titre et un ami lecteur m’a suggéré LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

C’est un livre intéressant mais j’ai l’impression que le véritable pouvoir de la plume d’Asimov, c’est encore dans la science-fiction qu’on le trouve. Avec LE CLUB DES VEUFS NOIRS, j’avais l’impression de me retrouver en terrain connu, dans du déjà-vu. En effet le cadre me rappelle beaucoup LE CLUB DU MARDI d’Agatha Christie.

Le style et la profondeur des raisonnements n’est pas sans rappeler le grand Hercule Poirot, célèbre détective créé également par madame Christie. Il y a toutefois plus de palabres dans LE CLUB DES VEUFS NOIRS. Après tout, les limiers sont au nombre de 6, ou plutôt 7 devrais-je dire car il faut tenir compte du fameux Henri, le brillant maître d’hôtel qui, à lui seul, m’a tenu dans le coup.

Même si le livre n’est pas sans intérêt, je ne suis pas tellement amateur de ce style littéraire. Le contexte est statique. Il n’y a pas d’enquête, pas de déplacement, pas d’action. Sur les 7 principaux personnages, il y en a 6, ultra-rationnalistes, bavards et un peu machistes qui s’invectivent et s’écoutent parler.

Le septième personnage est celui qui m’a gardé captif du livre : Henri, le serviteur, estimé Maître d’hôtel des veufs noirs. C’est Henri qui, invariablement, à chaque récit, apporte les solutions, résout les énigmes et ce, avec une humilité désarmante :

*Ce n’était pas difficile dit Henry. Il se trouve que vous avez examiné toutes les possibilités qui ne pouvaient pas marcher. J’ai simplement suggéré celle qui restait.*
*…Vous êtes un détective remarquable. –Ce sont les Veufs Noirs qui le sont. Ils explorent le problème dans tous les sens. Je me contente ensuite de proposer la seule solution qui reste, dit Henry.*
(extrait de LE CLUB DES VEUFS NOIRS)

Donc il faut prendre le livre pour son principal aspect positif. Chaque nouvelle du recueil est un exercice de logique, de raisonnement. Asimov imagine une intrigue, lui donne au départ un aspect banal, insignifiant qui se complexifie pendant le développement. Sa plume pousse inévitablement le lecteur à raisonner, à déduire. Pour aider le lecteur, Asimov parsème ses récits d’indices. C’est intelligent, efficace.

Et toujours, le dernier mot va à celui qui sait écouter et prendre les choses avec suffisamment de recul pour y voir clair. Ce cher Henri…il gagne à être connu.

En fin de compte, j’ai trouvé le livre agréable à lire. Je craignais de sombrer dans la monotonie parce que le cadre et l’environnement ne changent à peu près pas dans les nouvelles, mais l’auteur a apporté une variété intéressante dans la nature des intrigues.

Quoique j’aie encore une forte préférence pour l’œuvre de science-fiction d’Isaac Asimov, je vous invite à noter ce titre : LE CLUB DES VEUFS NOIRS.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE CYCLE DE FONDATION

Isaac Asimov (1920-1992) était chimiste, écrivain et vulgarisateur scientifique, natif de Russie et naturalisé américain en 1928. En littérature, Asimov a été extrêmement prolifique avec plus de 500 ouvrages publiés. Il a touché tous les genres, surtout la science-fiction. Dans une moindre mesure, Isaac Asimov a manifesté son intérêt pour la fiction policière. Il n’a jamais caché son intérêt pour Hercule Poirot qui est pour lui l’image parfaite du détective idéal. C’est donc en s’inspirant du célèbre limier qu’Isaac Asimov a imaginé le CLUB DES VEUFS NOIRS, véritable bijou d’ingéniosité, d’imagination et d’humour.

La carrière d’Isaac Asimov a connu un parcours tout à fait remarquable rehaussée d’une extraordinaire récolte de récompenses et de prix littéraires dont plusieurs prix LOCUS, NEBULA ET HUGO. Je signale enfin que trois films célèbres ont été réalisés d’après l’œuvre d’Asimov. LA MORT DES TROIS SOLEILS de Paul Mayersberg en 1988, L’HOMME BICENTENAIRE de Chris Columbus en 1999 et I, ROBOT d’Alex Proyas en 2004.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
août 2015

L’ANGE, le livre de MICHEL RIETSCH

*Les quelques dents qui pendaient encore aux
gencives furent éjectées par un ultime hoquet
de douleur…il était mort en catastrophe, trop
vite en tout cas pour que ses terreurs puissent
être convenablement créditées.*
(Extrait : L’ANGE, Michel Riestsch, Éditions Black-ebook,
octobre 2013, version num. 220 pages)

Dans les Vosges (France région Lorraine) un dangereux psychopathe, tueur en série, monstre sans pitié s’évade d’un hôpital où il était suivi par le docteur Sonnenfeld, un psychiatre au professionnalisme douteux. En liberté, Wilfried devient comme un fauve et s’adonne avec délectation à son activité préférée : tuer, massacrer. Parallèlement aux forces policières, Sonnenfeld décide de traquer sans relâche le tueur. Cette quête amènera le psychiatre aux sommets de l’horreur, aux limites de l’imaginable. C’est une traque contre la montre et le temps fait défaut.

Terrifiant. Rien de moins
*…la barre effectua un arc de cercle de golfeur
et arriva à toute vitesse en plein sur la
bouche qui éclata en une gerbe de sang.
Sous le choc, la tête heurta violemment le
mur arrière et l’homme perdit
connaissance.
Déjà dans les pommes? Petite nature va!
(Extrait : L’ANGE)

C’est un livre étrange, un récit noir, glauque, développé dans une écriture typique de Rietsch qui agrippe le lecteur sans lui laisser de répit ou très peu. Il est très difficile de résumer un tel livre, car dévoiler ne serait-ce qu’une bribe amènerait rapidement le lecteur à la conclusion.

Il faut le lire et se laisser aller dans ce récit aux développements imprévisibles, récit qui est aussi un voyage dans les méandres visqueux d’un esprit torturé qui ne tire jouissance que dans le meurtre et la torture autant physique que psychologique. Bref, l’esprit d’un monstre.

On ne peut pas vraiment résumer une telle descente dans l’horreur mais je peux mettre le lecteur sur le sentier en dévoilant, très partiellement, comment l’auteur dévoile la nature de Wilfried : *…car ses méfaits étaient soutenus et organisés par une intelligence structurée su service d’une perversité démoniaque.*

Ou plus habile encore : *Mais avant d’avoir été véritablement en contact avec la vie, … la beauté de la mort l’habitait déjà. Qu’y pouvait-il? C’est une des raisons qui l’avait décidé à opter pour une distraction un peu différente de l’idée qu’on s’en faisait habituellement : tuer. Un loisir qui en vaut un autre.* (Extraits)

Je pourrais aussi mettre le lecteur sur le sentier d’une compréhension partielle en disant que le titre du livre est justifié : *Les anges n’ont pas de sexe mais ils ont de l’imagination.* (Extrait) …il y a là une petite saveur de surnaturel, de fantastique et aussi de recherche sur le plan psychologique.

C’est un thriller efficace, une course contre la montre qui entraîne malgré lui le lecteur qui ne peut absolument pas imaginer la suite des évènements. L’intensité de l’écriture et le rythme parfois effréné bousculent le lecteur mais le *laisse difficilement s’échapper*.

Quant aux versions du livre : censurée et non censurée, préférant ne pas trop penser qu’on puisse me prendre pour une poire, je vous dirai que ça ne change pas grand-chose, car si vous avez l’âme sensible, je vous déconseille tout simplement la lecture de ce livre que ce soit en version censurée ou pas. Vous éviterez ainsi de tomber dans le petit piège d’une banale opération de marketing.

En conclusion, je suis bien conscient que je n’ai pas dévoilé grand-chose de l’intrigue, mais si vous êtes d’attaque et pas trop sensible, je vous recommande la lecture de ce livre qui n’est pas très long. Laissez-vous simplement guider par l’auteur dans une atmosphère opaque, bizarre, teintée d’un humour pour lequel je serais tenté d’utiliser les mêmes qualificatifs.

…un livre fort avec, au programme humour noir et mort blanche…

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

Michel Rietsch est un auteur français né à Strasbourg en Alsace (est de la France) en 1956. Dès son adolescence, il s’intéresse aux livres et aux auteurs susceptibles d’exacerber ses rêves de voyage et de liberté. C’est pendant cette période qu’il apprendra son métier de cuisinier. Par la suite il réalisera ses rêves de voyage qui l’amèneront d’aventure en aventure avant qu’il se réinstalle en Alsace, 17 ans plus tard, pour y exercer son métier de cuisinier et…pour écrire… dans différentes maisons d’édition.

Il a publié entre autres LA NOTATION, bien sûr L’ANGE en deux versions, censurée et non-censurée, parues chez Black-Ebook en 2013, je cite aussi DU SEL ET DES HOMMES qui relate la grande aventure qui a marqué l’histoire et l’économie de l’Alsace. Rietsch réside dans les Vosges en Lorraine.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015

PANIQUE À LA MAISON BLANCHE, Clive Cussler

*Les hélicoptères de l’armée et de la marine
grouillent comme des sauterelles et on
pourrait presque traverser le fleuve à sec
tellement les garde-côtes sont nombreux.
Vous ne m’avez pas tout dit Amiral, loin de là.*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE,
Clive Cussler, t.f. Grasset et Fasquelle 1985,
463 pages en édition numérique)

Le Catawba, navire garde-côte reçoit un SOS dans le golfe de Cook, Alaska. Les garde-côtes arrivent trop tard. Tout le monde est mort à bord de l’Amie Marie. Plusieurs évènements graves vont s’enchaîner : entre autres, le Président des États-Unis disparaît et réapparaît plusieurs jours plus tard avec un comportement anarchique qui échappe à toute logique. Plusieurs autres personnalités disparaissent et les morts s’accumulent.  Ainsi commence le défi le plus dramatique de la carrière de Dirk Pitt : mettre fin à une effroyable machination destructrice qui risque de rompre irrémédiablement l’équilibre mondial. 

Implacable machination

*L’eau s’engouffra aussitôt par les énormes
brèches de la coque. Le VENICE frémit et
entama son agonie. Il ne lui fallut que
huit minutes pour mourir…*
(extrait de PANIQUE À LA MAISON BLANCHE)

C’est du grand Cussler, fidèle à son style et la force de son écriture : intrigue solide, évolution et enchaînements rapides, action, héroïsme, nombreux rebondissements, imprévisibilité et bien sûr, l’omniprésence de la mer et des fonds marins sans oublier l’évocation d’une passion de l’auteur, et par ricochet de son personnage fétiche Dirk Pitt pour les vieilles voitures.

J’ai reconnu aussi Cussler dans son habitude de vouloir parfois trop en mettre. Ça donne de nombreux passages peu vraisemblables et plutôt arrangeants sur le plan littéraire.

Bien que ce roman n’invente pas la roue, son idée de base est intéressante et soulève une question non moins intéressante : Qu’est-ce qui arrivera à l’humanité le jour où on pourra manipuler et programmer à sa guise un cerveau humain? Pour l’instant c’est de la science-fiction mais au rythme où évoluent la science et la technologie il faut croire que rien n’est impossible.

J’ai noté une phrase en cours de lecture qui illustre bien le côté dramatique de la question…*Le secrétaire d’État pianota sur son bureau : -le président disparaît pendant 10 jours, et quand il revient, il perd les pédales*.
Il y a là une fort intéressante matière à débat.

Autre élément intéressant dans ce livre est qu’il nous met le nez dans l’incroyable complexité de l’administration américaine et de ses services secrets, de ses coulisses militaires, des relations internationales, des effets pervers de la ruse politique, de la corruption et de la recherche du pouvoir à tout prix.

L’ensemble est un peu classique, mais c’est un thriller efficace qui se lit vite et bien et dont l’évolution est très rapide ce qui a pour effet de garder le lecteur captif. Les habitués de Cussler ne seront peut-être pas surpris.

Suggestion de lecture : DÉSAXÉ, de Lars Kepler

Clive Cussler est un romancier américain né en Illinois le 15 juillet 1931. Sa passion pour la vie sous-marine, le patrimoine marin international et les épaves transparaît dans l’ensemble de son œuvre. Il a entamé sa carrière d’écrivain en 1965 avec VORTEX (difficile à vendre au départ) Puis MAYDAY, suivi de ICEBERG où il introduit un personnage qui deviendra récurent dans la suite de son œuvre : DIRK PITT l’aventurier. Le premier grand succès littéraire de Cussler fût RENFLOUEZ LE TITANNIC. Cussler est aussi réputé pour son impressionnante collection de voitures reconstituées.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015

NOIRE RÉVÉLATION, le livre de BRENDA NOVAK

trilogie de Stillwater tome 3

*Intéressant qu’elle tombe sur un magazine de
cul dans le bureau de son père, vous ne trouvez
pas? Demanda Hunter. Pour quelqu’un qui


promet l’enfer dimanche après dimanche à
ceux qui commettent le péché de chair, ça fait
un peu désordre non?*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION, le tome 3 de la
trilogie STILLWATER de Brenda Novak. Éditions
Harlequin, coll. Mira, 2010, édition. Numérique)

Vingt ans après la mystérieuse disparition de son père dans la petite ville de Stillwater, Madeline voit son existence à nouveau ébranlée par ce drame : la voiture de son père est retrouvée dans un recoin d’une carrière abandonnée. Madeline engage Hunter Solozano, un détective privé pour enquêter et remonter la piste. Ce dernier découvre de sérieux indices dans la voiture. Madeline veut pousser l’enquête et éclaircir le mystère, ce qui rend sa famille mal à l’aise. Ses proches tentent en effet de détourner Madeline de son investigation et garde un silence plutôt culpabilisant sur les mystérieux évènements d’il y a 20 ans. Il y en a semble-t-il, qui ont beaucoup à cacher.

Après NOIR SECRET et NOIRS SOUPÇONS,
NOIRE RÉVÉLATION…
Tout ce qu’il y a de plus noir…
*Norman jeta un coup d’œil vers le
cadavre ballonné et de nouvelles
gouttes de sueur se formèrent sur
son front plus pâle que jamais.*
(extrait de NOIRE RÉVÉLATION)

Premier point important, même si NOIRE RÉVÉLATION est le troisième volet d’une trilogie, il peut se lire indépendamment des deux autres. C’est ce que j’ai fait. Les retours dosés sur le passé sont suffisants pour nous plonger et nous maintenir dans l’atmosphère pesante du récit.

Dans ce récit, Madeline, jeune journaliste de Stillwater se morfond parce que la disparition de son père 20 ans plus tôt n’a jamais été élucidée. Son père était pasteur, un homme apprécié, aimé, respecté. Au début du récit, une voiture est retirée d’une rivière…la voiture du pasteur…l’enquête est relancée mais Madeline, ne faisant pas confiance à la police locale engage un détective privé : Hunter Solozano. Et voilà que tout le monde devient nerveux et mal à l’aise.

C’est un récit dur qui dévoile à la petite cuillère la personnalité d’un véritable monstre. C’est un roman efficace en particulier parce que dans le récit, tout le monde dans la famille de Madeline a quelque chose à cacher, et ce quelque chose a toutes les apparences d’une collusion visant à empêcher l’éclatement de la vérité. Ça complique terriblement l’enquête de Solozano. Le fil conducteur est assez serré et fige l’attention du lecteur.

Un point m’a singulièrement agacé dans le récit : c’est un cliché répandu…la belle jeune femme, à cheval sur sa pudeur et mêlée dans ses sentiments engage un détective de type adonis, récemment divorcé et…surprise…une amourette couve dès la première rencontre et se développe avec l’enquête. Les deux éléments finissent par s’imbriquer et évoluer ensemble et il est très facile de deviner comment ça va finir…c’est ordinaire et agaçant.

Heureusement, Novak garde son lecteur dans le coup et l’attire inexorablement dans l’horreur car ce qui sera révélé s’inspire de la cruauté et de la folie insoutenable.

Je vous dirai en terminant que Brenda Novak ne fait pas dans la dentelle avec NOIRE RÉVÉLATION. Plusieurs passages sont de nature à soulever le cœur. Ne lisez pas ce livre si vous avez l’âme très sensible car la brutalité, la perversité et la cruauté y sont révélées souvent de façon crue et directe.

Puisqu’il est question de pédophilie, le livre suscite une réflexion sérieuse sur une corde extrêmement sensible de la société et semble vouloir nous livrer le message classique et trop souvent oublié : ne jamais se fier aux apparences.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY de Robert Goddart

Brenda Novak est une auteure américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers. Elle publie son premier livre chez Harper Collins en 1999 : OF NOBLE BIRTH traduit en français sous le titre DE NOBLE NAISSANCE et depuis, sa notoriété est grandissante avec plus d’une trentaine de titres et de nombreuses nominations à de prestigieux prix littéraires.

Elle a affiné son art en imprégnant ses ouvrages d’une forte intensité psychologique. Brenda Novak qui a déjà vendu plus de 4 millions de livres dans le monde est mère de 5 enfants et vit à Sacramento en Californie. Elle œuvre comme bénévole dans le financement de la lutte contre le diabète.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2015

CHIMÈRE, le livre de TESS GERRITSEN

*…Elle regardait l’abdomen de Kenichi, dont la peau semblait se plisser et se rider comme en proie à une ébullition intérieure. -Il y a quelque chose qui bouge…sous
sa peau…
(extrait de CHIMÈRE de Tess Gerritsen, t.f. Presses de la Cité, 2000, éd. Num. 436 pages)

Emma Watson,  est désignée pour une mission : étudier des organismes vivants dans l’espace,  observer en apesanteur l’évolution d’archéobactéries rapportées des profondeurs marines et dont la nature mortelle n’a jamais été révélée à la NASA. Dès son arrivée à bord de la station spatiale internationale, tout tourne mal.

Sous l’effet de la microgravité, les cellules contaminent chaque membre de l’équipage qui agonise dans d’horribles souffrances. S’engage alors une angoissante course contre la montre pour stopper la fureur de la Chimère et empêcher sa prolifération…compte à rebours médical d’une tension poussée à l’extrême d’autant que ces cellules peuvent absorber  l’ADN de leurs victimes…

Pas de quartiers…
*Nathan Helsinger avait enfin cessé de bouger.
Ce qui restait de sa tête gisait dans un lac de sang.
Il y en avait une telle quantité que, pendant un
moment, Roman ne vit rien d’autre. Puis, il
réussit à poser son regard sur le visage du mort.
Sur la masse bleu-vert frémissante qui adhérait
à son front. Des kystes. La Chimère.
(extrait de LA CHIMÈRE)

Je dois dire d’entrée de jeu qu’il est très difficile d’abandonner ce livre une fois qu’on en a entrepris la lecture. À partir du moment où la toxine est libérée dans la station spatiale internationale, le récit devient une suite pratiquement ininterrompue de catastrophes, de conséquences dramatiques…un implacable effet domino…une course haletante contre la montre.

LA CHIMÈRE est un thriller médical puissant, dans la lignée de Robin Cook et qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur l’incroyable pouvoir de l’infiniment petit…les micro-organismes.

Ce que j’appelle le fil conducteur de l’histoire est simple, facile à suivre. L’histoire commence au fond de l’océan où des chercheurs découvrent des archéobactéries qu’ils remontent en surface et soumettent par la suite à des expériences en microgravité dans l’espace à bord de la station spatiale internationale.

Ces micro-organismes, au départ inoffensifs pour l’être humain, et passant d’une condition extrême à l’autre, vont devenir un effroyable cauchemar et le lecteur est captif de ce cauchemar car dans le récit,  tout dégénère rapidement. Ça va vite…ça va très vite.

On dirait qu’à travers toute cette escalade, l’auteure s’est arrangée, par la force de son imagination et de sa plume, pour pousser le lecteur à s’interroger : Comment les choses font-elles pour en arriver là? Vont-ils s’en sortir? Y a-t-il de l’espoir?

Est-ce vrai que la vie trouve toujours son chemin? Gerritsen le précise bien dans son récit : *depuis le commencement des temps, les plus redoutables ennemis de l’humanité ont toujours été les plus petites formes de vie*. Le lecteur est pris et bien pris dans une infernale chaîne d’évènements jusqu’à la toute fin du récit…car la Chimère n’est rien d’autre qu’une branche à part de la vie…une abomination.

CHIMÈRE est un thriller haletant, percutant, extrêmement efficace, pas forcément original mais très habile et plongeant le lecteur dans des moments de forte tension. Une petite amourette allège à peine le tout et c’est tant mieux.

L’idée développée par Gerritsen dans son roman est loin d’être nouvelle, mais la logique qu’elle y déploie est tellement implacable qu’elle a réussi à me *figer*. En fait, je place CHIMÈRE dans une courte liste de livres qui m’ont fait passer par toute une gamme de fortes émotions et qui m’ont arracher des frissons (phénomène assez rares en ce qui me concerne).

Suggestion de lecture : CHIMAERIS, d’Éric Tourville

Tess Gerritsen est une écrivaine américaine née en 1953. Elle exerce la médecine à Hawaii. Parallèlement, elle s’adonne à l’écriture. Un jour elle envoie une nouvelle à un concours littéraire mis sur pied par le Honolulu magazine. Elle gagne le premier prix. Emballée par cette reconnaissance, elle quitte la médecine et se met à l’écriture à plein temps, des suspenses romantiques d’abord, mais c’est son premier thriller médical, DONNEUR SAIN qui lui apportera succès et notoriété. Entre autres distinctions, Tess Gerritsen a reçu le Nero Ward du meilleur roman policier en 2006 avec AU BOUT DE LA NUIT.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2015

BOB MORANE ALIAS M.D.O. de HENRI VERNE

*C’est alors que, derrière le battant,
un rire retentit. Un rire grinçant,
désagréable, faisant songer au
bruit provoqué par une feuille de
métal froissé…*
(extrait de BOB MORANE ALIAS M.D.O.
Henri Verne, Pocket Marabout # 45, 1968,
Éditions Gérard & co, Verviers, num. 116 p.)

Le SMOG, organisation criminelle qui fait la pluie et le beau temps à Hong Kong détenait en otage les clients de l’hôtel Ylang Ylang. SMOG a fini par libérer tout le monde sauf une personne : Louis Nordham, alias M.D.O… qui a été retrouvé mort dans le vieux quartier de la ville. Avant de mourir, M.D.O. avait eu le temps de contacter Bob Morane pour lui demander de l’aide, mais c’était trop tard. Morane et Bill Ballantine se mettent en quête de la présumée auteure de l’assassinat, nulle autre  que Miss Ylang Ylang, la grande patronne de SMOG. Nos amis seront aidés par un des rois de la pègre de Hong Kong.

Qui est Bob Morane?

Bob Morane est un personnage créé par Henri Verne en 1953 à la demande de Marabout Junior dont le directeur de la collection était soucieux d’offrir à la jeunesse un héros, aventurier et justicier et dont elle pourrait suivre les aventures de livre en livre. Verne écrit donc un premier *Morane* en 1953 : LA VALLÉE INFERNALE. Les jeunes sont emballés. Plus de 180 romans suivront jusqu’en 2000. Bob Morane est un personnage attachant. Il court après les ennuis, ou les ennuis courent après lui. Il donne parfois l’impression d’être un peu brouillon, mais il est sans peur, il a un sens aigu de la justice. Bob Morane est un sportif, passionné de livres, de films d’horreur et de bains chauds. Bien qu’en général son attitude soit celle d’un don quichotte redresseur de torts, courageux voire téméraire, ses nombreuses qualités et ses petits travers en ont fait un personnage extrêmement attachant. Les jeunes l’ont adopté rapidement.

La guerre aux vilains…
*Si vous n’étiez pas une femme,
je vous briserais la nuque
comme une malfaisante volaille
que vous êtes…*
(extrait de BOB MORANE ALIAS M.D.O.)

Dans les livres de Verne consacrés à Bob Morane, et ils sont nombreux comme vous l’avez vu plus haut, le gentil justicier va donc d’une aventure à l’autre. Comme plusieurs personnes de ma génération, des hommes surtout, j’ai lu les aventures de Morane pendant mon adolescence, mais je n’ai pas pu vraiment m’attacher au personnage. J’ai apprécié plusieurs récits mais mon intérêt était limité.

40 ans plus tard,  avec le recul du temps et sachant que les aventures de Bob Morane sont encore lues un peu partout dans le monde, j’ai à nouveau fait la lecture de quelques aventures du héros. J’ai choisi de parler de ALIAS M.D.O. toutefois mes commentaires s’appliqueraient je crois à n’importe quels titres de la série.

Les critiques décrivent Morane comme un personnage attachant. C’est vrai qu’il est sympathique mais comme je l’ai dit plus haut, *il n’est pas vraiment venu me chercher*.
Bob Morane est un peu justicier, agent secret, espion, policier, défenseur des opprimés…il évolue d’un récit à l’autre avec un personnage créé pour le seconder et parfois ramener un peu son esprit brouillon à l’ordre, il s’agit de Bill Ballentine.

Morane rencontre dans ses aventures des personnages parfois surréalistes comme on en voit par exemple dans la série James Bond. Il donne des rossées mais il en reçoit aussi. Il subit des échecs mais il en sort plus fort et il a une qualité que j’apprécie beaucoup dans ce genre de roman, il a la capacité de s’enrichir de ses erreurs. Ce n’est pas un invincible qui a réponse à tout. Il est très doué et fort mais il est humain. Pas étonnant donc que Bob Morane ait été tant apprécié des ados des sixties et il l’est encore aujourd’hui.

Les aventures de Bob Morane s’étalent sur 180 livres. Ce sont des livres assez courts, entre 100 et 200 pages. Ce sont des récits sans trop de profondeur. Toutefois la profondeur n’est pas une qualité que les ados cherchaient particulièrement dans les sixties. Donc les récits sont assez brefs, bien ventilés avec des chapitres courts et qui sont imprégnés d’un fort caractère aventurier, le tout en accord avec les caractéristiques culturelles des adolescents  d’hier et d’aujourd’hui.

Tous ces éléments s’appliquent évidemment au récit choisi pour ce commentaire : ALIAS M.D.O . Dans ce récit, Henri Verne ballote son personnage dans une société de gangsters et en profite au passage pour donner de la CIA une image peu flatteuse. Un petit livre qui manque un peu de substance mais qui constitue un bon divertissement…assez agréable à lire…ou à relire.

Suggestion de lecture : 35 MM, de Christophe Collins

MORANE EST AUSSI UN HÉROS DE LA BD

Charles-Henri-Jean Dewisme est un auteur belge né à Ath le 16 octobre 1918. Dès sa préadolescence,  il prend goût à la lecture. Il écrit ses premières nouvelles à l’âge de 17 ans. Après la guerre, il devient journaliste de terrain pour une agence de presse américaine, et il écrit des feuilletons pour des magazines. Son premier livre, LA PORTE OUVERTE est publié en 1944. En 1953,  il crée le personnage de Bob Morane. La première aventure du héros, LA VALLÉE INFERNALE est publiée le 16 décembre 1953 et connaît un succès immédiat. C’est à ce moment-là que Charles-Henri-Jean Dewisme choisit un pseudonyme : Henri Verne.

Entre autres adaptations de Bob Morane, je citerai une très bonne télésérie tournée en 1963 et comprenant 26 épisodes avec Claude Titre dans le rôle principal (photo à gauche) et Billy Kearns dans le rôle de Ballantine, le meilleur ami de Morane, personnage récurrent dans les romans de Verne. Pour en savoir plus sur l’auteur, son œuvre, sur Bob Morane et sur les adaptations, consultez le site internet  http://imaginaire.ca/BobMorane/

BONNE LECTURE
JAILU
AVRIL 2015

AU FIL DU RASOIR, le livre de KARIN SLAUGHTER

*La pureté, lui dit Tolliver, dis-moi
ce que ça signifie dans les relations
pédophiles…-J’ai eu ta dame au bout
du fil tout à l’heure, elle aussi elle
m’a parlé de pureté…c’est une affaire
de castration, exact?*
(extrait de AU FIL DU RASOIR, Karin Slaughter,
t.f. Éditions Grasset et Fasquelle, 2004, éd.
num. 344 pages)

AU FIL DU RASOIR est le récit d’un enchaînement dramatique : une adolescente nommée Jenny pointe une arme sur un garçon de son âge et menace de le tuer. Un policier abat la jeune fille. Entre temps, Sara, un médecin légiste, découvre dans les toilettes de l’établissement où se déroule le drame, le corps d’un fœtus d’à peine quelques semaines. Pour Sara et son ex-mari, le chef de la police Jeffrey débute une enquête complexe et éprouvante pour tenter de comprendre le comportement de Jenny et savoir de qui est le fœtus. Sara et Jeffrey croyaient avoir une idée de ce qu’est l’horreur. En fait, ils n’en avaient qu’un tout petit aperçu. Comprendront-ils comment on peut descendre aussi bas?

Dérangeant mais réaliste…
(âmes sensibles et fragiles s’abstenir)
*-Putain de pervers beugla-t-il, puis il
froissa le magazine entre ses mains
et le lança contre le mur. Qu’est-ce qui
se passe par ici,  bordel?  Cria-t-il. Elle
vit palpiter une veine de son cou. –Combien
de gosses sont impliqués dans cette histoire?
(extrait de AU FIL DU RASOIR)

AU FIL DU RASOIR est un récit très noir, d’autant qu’il touche des cordes extrêmement sensibles de la conscience collective : pédophilie, viol de mineurs, inceste, agressions, mutilation. L’ambiance y est sordide, opaque. Malgré tout, l’auteur a bâti son histoire en évitant de tomber dans le piège du sensationnalisme à outrance.

Au début du livre et jusqu’au milieu à peu près, j’étais irrité par de nombreux passages qui me semblaient vides, exagérément étirés. Dans la deuxième moitié du livre j’ai compris que ces passages permettaient au lecteur de respirer un peu et de se remettre un peu des horreurs auxquelles il est soumis. C’est un livre qui ébranle, qui prend à la gorge mais je crois qu’il a été écrit avec finesse et intelligence.

La plume puissante voire impitoyable met en perspective l’originalité du sujet développé. Karine Slaughter  a réussi à imprégner à son roman de la sensibilité, de l’humanisme et de l’empathie, ce qui apporte un bel équilibre par rapport au caractère terrifiant du sujet traité : la pédophilie, un thème complexe, d’autant que dans AU FIL DU RASOIR, les agresseurs sont des femmes. Cet angle de la pédophilie est peu connu et très rarement développé dans les romans. C’était sans doute pour l’auteure un gros défi à relever.

Je dois vous prévenir que la finale du livre risque de vous choquer, moi elle m’a carrément enragé.  Je ne peux évidemment pas vous dire en quoi elle consiste mais je préciserai tout de même que la conclusion apportée au récit est tout à fait plausible, réaliste.

Bien que je ne conseille pas ce livre aux lecteurs sensibles ou fragiles, je veux préciser que l’auteure a évité les descriptions juteuses et suggestives. Le livre est très bien écrit et n’est pas sans suggérer une profonde réflexion sur un travers humain particulièrement aberrant qui s’écarte complètement de toute logique et de toute cohérence morale : la pédophilie.

En conclusion, AU FIL DU RASOIR est un polar aussi excellent que terrifiant mettant en scène des personnages dont quelques-uns sont d’une authenticité désarmante. J’ai apprécié  la lecture de ce livre même si elle m’a un peu ébranlé.

Suggestion de livre : LE RASOIR D’OCKHAM de HENRY LOEVENBRUCK

Karin Slaughter, née le 6 janvier 1971 est une écrivaine américaine originaire de Géorgie  qui s’est spécialisée dans le roman policier. Au moment d’écrire ces lignes, elle vit à Atlanta Son premier roman MORT AVEUGLE publié en 2003 devient rapidement un best-seller traduit dans plusieurs pays. Elle y installe une intrigue puissante qu’elle développera par la suite dans AU FIL DU RASOIR, À FROID et INDÉLÉBILE avec ses personnages fétiches : Jeffrey Tolliver, le chef de la police et Sara Linton, médecin légiste. Ces deux héros évoluent dans une région imaginaire : Grant county. 

BONNE LECTURE
JAILU
MARS 2015