BARTLEBY LE SCRIBE, livre de HERMAN MELVILLE

*Ce que j’avais vu ce matin-là me persuada que
le scribe était victime d’un désordre inné, incurable.
Je pouvais faire l’aumône à son corps, mais son
corps ne le faisait point souffrir; c’était son âme qui
souffrait, et son âme, je ne pouvais l’atteindre.*
(extrait de BARTLEBY LE SCRIBE de Herman Melville,
1853, rééd. Gallimard 1996, 90 pages, éd. Num.)

Ayant besoin d’une aide supplémentaire dans ses activités professionnelles, un homme de loi de Wall street New York publie une annonce et finit par engager un nommé Bartleby comme scribe, c’est-à-dire employé aux écritures. Bartleby, homme solitaire et introverti est, au départ, travailleur et volontaire, mais graduellement, il refuse de travailler et répond simplement à tous les ordres que lui donne son employeur *je préfèrerais pas*. Il devient de plus en plus apathique, passif, indolent Le notaire décide donc de renvoyer Bartleby mais a énormément de difficultés à s’en défaire. Il déploie de grands moyens pour ne plus le voir mais rien à faire, Bartleby semble indécollable.

Je préfèrerais pas…
(expression fétiche de Bartleby,
ex. Bartleby le scribe)

BARTLEBY LE SCRIBE est un opuscule étonnant, un petit livre très bref mais qui en dit tellement long. Melville nous plonge dès le départ dans l’atmosphère surannée d’une étude légale de New York où évoluent des personnages étranges : le notaire et ses trois employés appelés uniquement par leur surnom : Dindon, Lagrinche et Gingembre.

Puis arrive Bartleby, étrange personnage solitaire et introverti, engagé par le notaire pour l’assister dans les écritures.  Mais bientôt, le scribe refuse de travailler et répond invariablement aux ordres qu’on lui donne :  *je préfèrerais pas*, toujours au conditionnel, mais le résultat est le même, il ne fait rien et se replie davantage sur lui chaque jour.

Le notaire tente de s’en défaire mais sans beaucoup de conviction et c’est là que se manifeste toute la beauté du texte car le notaire est allé au bout de ses ressources pour comprendre et aider l’infortuné Bartleby qui s’est pratiquement limité à son expression fétiche dans le texte.

On n’apprend à peu près rien sur le scribe sauf ce qu’il est maintenant : âme abandonnée, esprit impénétrable, corps statique, sans vie active qui semble ne se nourrir que de biscuits au gingembre. Le scribe refuse de travailler. Chez Bartleby, tout n’est que refus…il refuse de s’ouvrir, de parler, de se détendre, de s’amuser et même de quitter le bureau…ça va jusqu’au refus de vivre…et pendant ce temps, le notaire fait preuve d’une patience quasi surnaturelle.

Ce texte d’une incroyable profondeur m’a touché jusqu’à l’âme. C’est un petit livre marqué par le pessimisme et la mélancolie mais qui, avec beaucoup de subtilité, amène le lecteur à réfléchir sur la condition humaine et la détresse de l’âme, détresse qui ne s’exprime pas et qu’on ne peut ressentir que par empathie.

Cet opuscule, qui ne manque pas de grandeur est aussi porteur de réflexion sur les affres de la solitude, l’espoir et aussi sur une vertu qui a toujours fait défaut à l’humanité : la tolérance.

C’est un texte imprégné de détresse mais inoubliable qui évoque une recherche sur le sens de la vie et sur l’absurdité qui souvent, ne manque pas de la caractériser.

À lire absolument…

On retrouve aussi BARTLEBY LE SCRIBE dans le recueil LES CONTES DE LA VÉRANDA réédité en 1995 chez Gallimard. Ces nouvelles ont été écrites alors que la carrière littéraire de l’auteur était très difficile. Melville ne sera vraiment reconnu qu’après sa mort.

Herman Melville (1819-1891) est un romancier et poète américain. Il est considéré comme l’une des figures marquantes de la littérature américaine avec des chefs d’œuvres devenus incontournables dont Moby dick, Pierre ou les ambiguïtés et les célèbres CONTES DE LA VÉRANDA dans lesquels on retrouve BARTLEBY LE SCRIBE.

Influencé par la plume de Fenimore Cooper et Byron entre autres, il commence à écrire en 1845. La véritable consécration est venue bien après sa mort avec entre autres un engouement qui ne s’est jamais démenti pour MOBY-DICK à partir des années 1950 et pour son œuvre en général.

Suggestion de lecture : du même auteur, MOBY DICK

BONNE LECTURE
JAILU
DÉCEMBRE 2014

AU SUD DE NULLE PART, recueil de CHARLES BUKOVSKY

*…-Joe, lâchez-moi! Vous allez trop vite,
Joe, lâchez-moi!
-Pourquoi es-tu venue ici, salope?*
(extrait de AU SUD DE NULLE PART,
Charles Bukowski, Éd. Grasset et Fasquelle,
1982, t.f. 206 pages, éd. Num.)

AU SUD DE NULLE PART est un recueil de 27 nouvelles généralement très courtes et fortement inspirées de la vie de l’auteur Charles Bukowski. À travers son personnage autobiographique Henri Chineski, l’auteur aborde ses sujets courants : les femmes, l’alcool, les courses de chevaux, une vie d’errance, sa rencontre avec des personnages excentriques, instables et misanthropes  et surtout, l’auteur évoque son désenchantement face au rêve américain.

AVANT-PROPOS :
Sacré Charles…

Le moment est venu pour moi de vous parler d’un autre de mes auteurs préférés. Il s’agit de Charles Bukowski. Il y a parfois des personnes auxquelles on s’attache sans qu’on comprenne exactement pourquoi. Bukowski m’a toujours fasciné, intrigué.

Charles Bukowski était un homme tourmenté, instable…c’était un marginal, misanthrope, bourru et indiscipliné qui a passé la majeure partie de sa vie imbibé d’alcool. Pourtant son esprit, sa pensée, sa vision de la vie étaient d’une exceptionnelle profondeur. Son errance constante l’a amené à juger sans prétention, autant que sans concession, la folie qu’il constate au quotidien.

J’ai choisi de vous parler de son livre AU SUD DE NULLE PART à connotation fortement autobiographique. Si vous décidez de lire ce livre, vous pourriez développer, comme moi, l’impression que Bukowski est un vieil ami qui reste pas loin, difficile d’approche, caustique et pourtant attachant et terriblement humain…

Les contes souterrains
*Ne hurle pas lui dit-il ou j’ te tue,
alors empêche-moi de te tuer.*
(ex. AU SUD DE NULLE PART, C. Bukowski)

AU SUD DE NULLE PART est un petit bouquet d’insolences littéraires que j’ai dévoré. Bien sûr il faut apprendre à connaître Bukowski car dans ce recueil de nouvelles, la misanthropie est poussée à ses extrémités. Et la manifestation la plus évidente de cette tendance est dans la nouvelle intitulée L’EXPÉDITIONNAIRE AU NEZ ROUGE. Voici quelques citations…

*Je n’aime tout bonnement pas les gens…*
*…je n’ai jamais rencontré un homme que j’ai aimé…*
*Randall était célèbre en tant qu’isolationniste, pochard, homme grossier et amer…*

Dans la même nouvelle…je cite : *Malgré tout, Randall avait de l’humour. Il savait rire de la souffrance et de lui-même. On ne pouvait s’empêcher de l’aimer.*

Voilà…c’est ça Bukowski. C’est sans concession. On l’aime ou on l’aime pas. AU SUD DE NULLE PART est un recueil de nouvelles fortement imprégnées de sexe et d’alcool et qui n’ont pas vraiment de conclusions. Il n’y a pas de rebondissements ou d’intrigues. C’est l’histoire de la dérive d’un être humain, une exploration des cotés obscurs de l’âme et l’évocation du rêve américain tourné en dérision.

L’écriture est simple mais très directe, parfois brutale. Les personnages sont sombres, misérables, désillusionnés, bourrés d’alcool et de douleurs décrits à la manière de Bukowski…crûs et amers.

Pourtant j’ai aimé ce livre car malgré le désespoir qui y est décrit ou qui le caractérise, il y a des moments drôles, attendrissants et la plume de Bukowski atteint souvent, spécialement dans les dernières nouvelles la profondeur d’une remarquable poésie qui entraîne malgré lui le lecteur, la lectrice.

Lire Bukowski c’est une expérience spéciale car s’il est acerbe, il a au moins la qualité d’être authentique et sincère.

Suggestion de lecture : LE CHEMIN PARCOURU, d’Ishmael Beah

Henry Charles Bukowski est romancier et poète américain, d’origine allemande né à Andernach et mort en Californie en 1994 à l’âge de 73 ans. Il n’a que deux ans quand ses parents décident d’aller vivre à Los Angeles, mais ils connaîtront la misère à cause de la crise économique.

Dès l’âge de 16 ans, le corps de Charles se couvre de pustules. Son mal prend des proportions telles qu’il se verra comme un monstre. Charles, enfant battu par son père jusqu’à l’âge de 17 ans quitte le foyer familial, vit d’un logement miteux à l’autre et sombre graduellement dans l’alcool, mais il écrit. Il va d’un petit boulot à l’autre pour vivre mais il est systématiquement renvoyé…

…mais entretemps il écrit…toujours au son de la musique classique diffusée à la radio et avec de l’alcool en abondance. En 1960, à 40 ans, Bukowski publie son premier livre : FLEUR, POING ET GÉMISSEMENT BESTIAL, un recueil de poèmes. Entre autres épisodes d’indiscipline, Bukowski s’enivre sur le plateau d’APOSTROPHE, l’émission littéraire de Bernard Pivot et doit être évacué du plateau.

Bukowski devient de plus en plus angoissé et alcoolique, mais il continue à écrire et plusieurs de ses livres connaîtront un succès tel que Bukowski atteindra la notoriété et ce, malgré le dédain qu’il éprouve pour le monde littéraire qu’il trouve terne et snob.

Parmi les titres consacrés on retrouve entre autres LES CONTES DE LA FOLIE ORDINAIRE (adapté au cinéma), JOURNAL D’UN VIEUX DÉGUEULASSE, AU SUD DE NULLE PART et LE POSTIER (Bukowski a été postier pendant une dizaine d’années)

À lire
Je vous suggère également un article signé Robert Lévesque et publié en 2008 par le site les libraires.ca. L’article ne s’est jamais démodé même s’il est disons…plutôt acide ou certains diront noir…

BONNE LECTURE
Claude Lambert
OCTOBRE 2014

Adopte-moi, le livre de SINÉAD MORIARTY

*…-James, tu ne vas pas le croire…cette adoption
va nous coûter 20 000 dollars.
-Ben je vais peut-être changer d’avis. Bordel, cette
histoire d’adoption, c’est une putain de course
d’obstacles…*
(extrait de ADOPTE-MOI de Sinéad Moriarty,
Pocket, 2009, 265 pages)

Après deux ans *d’essais intensifs* pour avoir un bébé, Emma et James décident de s’investir dans l’adoption d’un enfant sans trop savoir dans quel marathon ils allaient se lancer. Leur choix se porte sur un petit bébé russe. Aux petits problèmes quotidiens, la passion de James pour le sport, la famille un peu tordue d’Emma et les amis qui viennent parfois compliquer la vie, s’ajoute une incroyable course à obstacles obligeant le couple à affronter une tonne de paperasses administratives, l’apprentissage de la langue et de la culture russe et pire encore : convaincre une assistance sociale qui n’entend pas trop à rire. 

Un bébé à tout prix…

*…Où est passée ma petite optimiste?
-Elle s’est fait tabasser à mort par les
esprits diabolique du service des
adoptions…*
(dialogue entre Emma et James,
extrait de ADOPTE-MOI, Sinéad Moriarty)

C’est un  bon petit roman amusant et instructif. Le sujet est original. Il est en effet assez rare qu’un sujet aussi complexe que l’adoption internationale soit développé sous forme de roman.

ADOPTE-MOI est le récit de Emma Hamilton qui dresse un portrait attendrissant et humoristique des multiples courbettes, galipettes et pirouettes qu’elle doit faire, avec son mari James, instructeur d’une équipe de rugby, pour séduire les assistantes sociales de l’adoption internationale, en particulier Dervla, le dragon de service affecté à l’enquête sur la famille Hamilton, une pincée pas commode et dont le sens de l’humour est à revoir.

Dans ce livre, les assistantes sociales ne bénéficient pas d’une grande popularité. Le couple Hamilton réserve à Dervla quelques pensées et blagues plutôt caustiques…*ainsi, la vieille vache était capable de sourire pensai-je amèrement* (pensée d’Emma lors d’un souper réunissant des candidats adoptants)…

*Quelle est la différence entre une assistante sociale et un pitbull? Au moins avec le pitbull, tu as une chance de récupérer un morceau de ton bébé. –Quand vous serez prêt… j’aimerais commencer cet entretien, à moins que vous ne souhaitiez vous débarrasser de quelques autres plaisanteries d’abord…* (dialogue plutôt tendu entre Dervla et Donal, un garant des Hamilton).

Si le roman raconte de façon réaliste les démarches compliquées et parfois démoralisantes de James et Emma Hamilton il raconte aussi le quotidien du couple et à ce niveau non plus, il n’y a pas de longueur et mon intérêt pour l’histoire n’a jamais failli.

L’auteure a placé au cœur de son histoire des personnages qui viennent ajouter du piment et de la vie. Par exemple, Barbara, appelée Babs, la sœur d’Emma, une jeune adulte pourrie, extravagante et allumeuse, Thomas, un enfant mal élevé et détestable, ou Annie, une ado persuadée que son tuteur légal est sa propriété.

La faiblesse de l’ouvrage réside dans ce qui semble une vision presqu’entièrement féminine de l’adoption. On y trouve des sentiments masculins mais ils donnent l’impression d’être remisés. Bref sur le plan littéraire, c’est ce que j’appellerais un *livre de filles*.

Ça vient un peu assombrir la crédibilité de l’ensemble. Mais on trouve dans l’histoire beaucoup de rebondissements, de situations cocasses, de l’humour, de l’énergie. L’écriture est fluide, touchante et sympathique. Un bon moment de lecture.

Suggestion de lecture : 99 FRANCS de Frederic Beigbeder

Sinéad Moriarty est une écrivaine de nationalité Irlandaise. Elle a travaillé à Londres comme journaliste commerciale et comme chargée des communications au projet des Jeux Olympiques de Londres.  Au moment d’écrire ces lignes, elle exerce le métier de *maman* à Londres.

À ce titre, son expérience de maman l’a motivé à écrire *FAIS MOI UN BÉBÉ* en 2004, traduit en une vingtaine de langues,  livre publié chez Plon. Quelques année plus tard, elle récidive avec *ADOPTE-MOI*. Elle travaille à un troisième volume, D’ICI À LA MATERNITÉ qui viendra compléter la trilogie.

EN COMPLÉMENT :
À PROPOS DE L’ADOPTION INTERNATIONALE…

Je vous invite à prendre connaissance d’un reportage du journaliste Baptiste Ricard-Châtelain publié dans LAPRESSE.CA  le 7 janvier 2012. Le journaliste dresse le portrait le plus récent de l’adoption internationale qu’il qualifie de *chemin de croix*. Plusieurs liens sont proposés.

Allez à http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/societe/201201/06/01-4483655-adoption-internationale-lillusion-du-bebe-parfait.php Pour ce qui est de l’adoption internationale au Québec, l’idéal pour en savoir plus est encore de visiter le site du secrétariat à l’adoption internationale qui propose aussi plusieurs liens pour une recherche complète. Allez à http://adoption.gouv.qc.ca/accueil.phtml

BONNE LECTURE
Claude Lambert
OCTOBRE 2014

99 FRANCS, le livre de FREDERIC BEIGBEDER

*L’avantage avec la nouveauté,
c’est qu’elle ne reste jamais neuve.
Il y a toujours une nouvelle
nouveauté pour faire vieillir la
précédente.*
(extrait de 99 FRANCS, Frederic Beigbeder,
éditions Grasset, paru en 2000)

99 FRANCS est le récit d’Octave, un concepteur publicitaire égocentrique et blasé  travaillant pour une prestigieuse agence de publicité. Octave se rebelle contre l’étrange moralité du monde complexe de la réclame. Il cherche à être congédié afin de quitter la société avec les avantages sociaux (qu’il n’aurait pas s’il démissionnait)  mais ses patrons refusent obstinément de le virer, lui pardonnant continuellement ses excès. Alors Octave remet tout en question, sombrant dans une vie dissolue et critiquant ouvertement les travers vicieux de ces machines à exploiter l’être humain que sont les multinationales et les entreprises de concepts publicitaires.

Tout s’achète

Oh la la la vie en rose
le rose qu’on nous propose
d’avoir les quantités d’choses
qui donnent envie d’autre chose
aïe on nous fait croire
que le bonheur c’est d’avoir
de l’avoir plein nos armoires
dérisions de nous dérisoires…
(extrait de la chanson FOULE SENTIMENTALE
composée et interprétée par Alain Souchon,
de l’album C’EST DÉJÀ ÇA, 1993)

Ce livre est venu me chercher et ça n’a pas été long. Peut-être est-ce parce que j’ai moi-même évolué dans les sphères de la publicité pendant plusieurs années. Toutefois j’étais très loin des sphères mondiales. J’aurais fait long feu dans une agence sans doute parce que j’ai toujours remis en question l’éthique de la réclame que je trouve très douteuse. Je me pose trop de questions du genre : *est-il vraiment nécessaire de montrer une belle fille aux seins nus et généreux pour vanter les mérites d’une paire de souliers? *

Changer les mentalités dans le domaine de *l’advertising* est impossible. Frederic Beigbeder a essayé et il s’est cassé le nez. Il sait de quoi il parle ayant évolué lui-même une dizaine d’années dans la publicité internationale. Dans 99 FRANCS, il fustige copieusement le monde de la publicité. Pour ce faire, il laisse la parole au personnage qu’il a créé : Octave Parango, concepteur publicitaire de haut niveau qui nous livre un récit vitriolé de ses observations sur les tendances perverses et vicieuses de la publicité.

Par le biais de Parango, l’auteur ne fait pas dans la dentelle. Les couleurs sont annoncées dès le début du livre : *…eh oui, je pollue l’univers. Je suis le type qui vous vend de la merde. Qui vous fait rêver de ces choses que vous n’aurez jamais…J’ai trois vogues d’avance et m’arrange toujours pour que vous soyez frustré. Vous faire baver, tel est mon sacerdoce. Dans ma profession, personne ne souhaite votre bonheur, parce  que les gens heureux ne consomment pas.*

Dans son livre, l’auteur se fout de l’effet qu’il peut produire. Ce n’est pas pour me déplaire car chercher à être trop gentil peut contribuer à euphémiser la vérité. Vous êtes donc averti avant d’entreprendre la lecture de ce livre. Il est très incisif et son langage est assez cru.

*En général, quand on commence un livre, il faut tâcher d’être attachant et tout mais je ne veux pas travestir la vérité : je ne suis pas un gentil narrateur. En fait, je serais plutôt du genre grosse crapule qui pourrit tout ce qu’il touche. L’idéal serait que vous commenciez à me détester avant de détester l’époque qui m’a créé.*

Malgré son humour grinçant, sa crudité parfois audacieuse, un étalage d’états d’âme un peu lassant surtout dans la deuxième partie et une finale un peu bizarre,  99 FRANCS est un roman satirique très bien documenté, porteur d’une profonde réflexion sur l’extraordinaire pouvoir de la publicité manipulatrice et corruptrice. L’auteur met bien l’emphase sur le pouvoir de la réclame, allant même jusqu’à dire que c’est la publicité qui a porté Hitler au pouvoir.

C’est un roman acide et encore, pour mettre l’emphase sur ses propos, l’auteur ajoute à son œuvre quelques pages de publicités abracadabrantes et encore, avec un maximum de mauvais goût. Les opinions qui y sont exprimées sont radicales surtout de la part d’une personne qui a *craché dans sa soupe*, mais à aucun moment de ma lecture, j’ai senti qu’il avait tort.

Frederic Beigbeder est né en France en 1965. Sa carrière est brillante et placée sous le signe de la polyvalence : écrivain, critique littéraire, publicitaire, chroniqueur et éditeur. C’est aussi un passionné de littérature. Il a plusieurs titres à son actif dont MÉMOIRE D’UN JEUNE HOMME DÉRANGÉ et WINDOWS ON THE WORLD.

C’est en mettant à profit sa vaste expérience de publicitaire que Frederic Beigbeder a signé son plus gros succès : 99 FRANCS en 2000.

Je signale enfin que Frederic Beigbeder a créé le prix de Flore qui récompense chaque année un auteur au talent prometteur, et qu’il a contribué avec Lionel Aracil, à la création du PRIX SADE remis chaque année pour récompenser un auteur singulier et honnête homme, selon la définition de son siècle. Un authentique libéral qui sera parvenu par-delà les vicissitudes de la Révolution et l’emprise de l’ordre moral, à défaire les carcans de la littérature comme ceux de la politique. (Extrait du site internet officiel du Prix de Sade).

Cette contribution est tout à fait compatible avec la personnalité de Beigbeder qui a la réputation d’un homme extravagant et provocateur et qui déclare lui-même aimer l’argent, les sorties et la vie à *cent à l’heure*.

Suggestion de lecture : INTERNET REND-IL BÊTE, de Nicholas Carr

En complément, je signale que 99 FRANCS de Frederic Beigbeder a été adapté à l’écran en 2007 par le réalisateur Jan Kounen. Beigbeder a collaboré à la réalisation. Ce film met en vedette Jean Dujardin qu’on dit excellent dans le rôle d’Octave Parango (parce que très capable de jouer le rôle d’un personnage qu’on aime détester). 

On retrouve aussi dans la distribution Jocelyn Quivrin et Vahina Giocante. Notez que le comédien Gilbert Ponté avait déjà fait une version théâtrale de 99 FRANCS en 2002 au théâtre Trévise. Il y jouait seul sur scène. La critique du film est divisée. Allo-Ciné lui a attribué tout juste la note de passage.

À lire

BONNE LECTURE
Claude Lambert
OCTOBRE 2014

À L’HÔTEL BERTRAM, livre d’AGATHA CHRISTIE

*…Le chanoine Pennyfather…une énigme.
Il parlait d’abord de se rendre en Suisse,
embrouillait tout, si bien qu’il ne s’y rendait
pas, revenait à son hôtel sans se faire
remarquer et en ressortait au petit jour…
pour aller où? L’étourderie pouvait-elle être
poussée si loin? Sinon que manigançait le
chanoine? Où était-il?*
(extrait de À L’HÔTEL BERTRAM, Agatha Christie,
Librairie des Champs-Élysées 1965)

L’intrigue se déroule au Bertram, un vieil hôtel de Londres qui a résisté aux bombardements de la 2e guerre mondiale et qui a conservé son cachet victorien et feutré. Le Bertram, prisé par les personnes d’un certain âge pour son confort et sa tranquillité accueille Miss Jane Marple, notre héroïne, de passage pour une petite semaine de détente.

Elle ne se doute pas que l’hôtel est sous surveillance par Scotland Yard et observe une chaîne d’évènements impliquant des employés et des clients de l’hôtel  jusqu’à ce qu’un portier de l’établissement soit assassiné. Un inspecteur de Scotland Yard mène l’enquête, mais l’expertise de Miss Marple pourrait bien devenir décisive…

La pause *Agatha*

*J’ai appris, après bien des années, à ne pas croire à l’enchaînement d’événements, trop simples. Les événements, apparemment simples, ne le sont presque jamais*
(Jane Marple, extrait de À l’HÔTEL BERTRAM, Agatha Christie)

AVANT-PROPOS :

Dans mes lectures, il m’arrive à l’occasion de délaisser pour un temps les nouveautés, canons littéraires ou curiosités diverses pour revenir à des valeurs qui sont sûres pour moi : des classiques ou des ouvrages de mes auteurs préférés. Cette fois, j’ai dévoré un livre d’Agatha Christie.

Je connais très bien son personnage le plus célèbre : Hercule Poirot , apparaissant dans 33 romans et 51 nouvelles. Mais pour cette pause *Agatha*, je voulais faire plus ample connaissance avec une vieille dame sympathique et très brillante : MISS MARPLE. J’ai choisi de lire À L’HÔTEL BERTRAM.

Je dois dire d’abord que À L’HÔTEL BERTRAM n’est pas le livre idéal pour faire connaissance avec Miss Marple comme je le souhaitais parce qu’elle ne mène pas l’enquête personnellement.

Elle y prête son concours de façon plus ou moins passive. Je voulais savoir s’il y avait une différence fondamentale entre Hercule Poirot et Jane Marple. J’ai compris qu’il n’y en a pas vraiment. Les deux célèbres détectives appliquent les grands principes du roman policier qu’Agatha Christie a collés à la réalité de l’ensemble de son œuvre, à savoir :

-Le crime peut-être expliqué par la personnalité de la victime comme celle de l’assassin.
-La recherche de mobiles est plus importante que celle d’indices dans la recherche de solution d’un crime.
– le coupable ne peut être démasqué qu’au terme d’une investigation, souvent psychologique, des antécédents de la victime.
-Très souvent la solution de l’énigme ne se trouve qu’après une recherche purement intellectuelle.

Donc Poirot et Marple sont le reflet fidèle de la mentalité littéraire de leur créatrice qui fait passer la solution des énigmes par une profonde compréhension de la psychologie des personnages. <voir les secrets de son  succès> Je mentionnerai simplement en terminant cet avant-propos que Miss Marple est un personnage un peu plus attachant que Poirot, qu’elle a plus de vécu et qu’elle met à contribution une très forte intuition féminine. Cela dit, voyons ce qu’a donné ma lecture du livre À L’HÔTEL BERTRAM.

Mystère dans un nid feutré

C’est un livre un peu spécial qui présente une variation du style habituel d’Agatha Christie. L’intrigue est très longue à s’installer, et le meurtre n’intervient que vers la fin de l’histoire et encore, il est accessoire, comme secondaire dans le récit.

La raison en est très simple et c’est ce qui fait l’originalité de cette histoire : l’énigme de ce roman est principalement l’hôtel Bertram lui-même, visé comme un personnage principal et dans lequel on trouve des personnages qui semblent mystifier les lieux.

Donc l’auteure s’attarde à décrire ce vestige du passé qu’est le Bertram, introduit très graduellement mais efficacement ses acteurs et donne à l’ensemble une saveur très *british* qui va un peu plus loin que le thé et les muffins.

Dans cette histoire, c’est Scotland Yard qui mène l’enquête, et avec brio encore, ce qui sort un peu du cadre habituel de l’œuvre d’Agatha Christie. Mais elle s’est arrangée pour donner à Miss Marple un rôle d’observatrice, presque passive et qui pourtant est essentiel à la résolution de l’énigme. Mais c’est bien la miss Marple telle que madame Christie l’a créée : extraordinairement intuitive et mettant à profit une remarquable connaissance de la nature humaine.

À l’HÔTEL BERTRAM n’est pas ce que j’appellerais un grand livre et sûrement pas le meilleur d’Agatha Christie, mais l’histoire est originale, les lieux et les personnages attachants et il y a des rebondissements intéressants. Malheureusement, Miss Marple étant un peu trop effacée dans le récit, je n’ai pu vraiment me faire une idée précise et satisfaisante du personnage. Pour cela, je devrai me rabattre sur un autre titre.

Suggestion de lecture : 17 NOUVELLES ENQUÊTES DE SHERLOCK HOLMES ET DU DOCTEUR WATSON de Sherlock Holmes

J’attire aussi votre attention sur l’adaptation à la télé de À L’HÔTEL BERTRAM, produite par la BBC en 1987 dans la série MISS MARPLE, 7e épisode, en deux parties, avec Joan Hickson dans le rôle de Miss Marple.

Agatha Mary Clarissa Miller devenue Agatha Christie est une des romancières les plus appréciées de l’histoire de la littérature. Elle a vécu de 1891 à 1976. Auteure de 84 romans, une vingtaine de pièces de théâtre et de plusieurs recueils de nouvelles, elle a présidé à l’élaboration de règles de base pour un bon roman policier avec ses fameux détectives Hercule Poirot et Jane Marple  qui ont une  approche originale et hautement intuitive de la résolution d’énigmes.

BONNE LECTURE
JAILU
SEPTEMBRE 2014

ETERNITY EXPRESS, le livre de JEAN-MICHEL TRUONG

*…Patere legem quam ipse tulisti :
la société s’apprête à opposer à ses vieux
la loi qu’ils ont eux-mêmes opposée aux
êtres encore à naître, à savoir qu’ils n’ont
le droit de vivre que s’ils ne gênent pas les
vivants. Aux deux extrémités de la vie
s’appliquera bientôt le primat de  celui
qui est là sur celui qui est encore à venir
et sur celui qui n’est déjà  plus tout à fait là…*
(Extrait de ETERNITY EXPRESS, Jean-Michel Truong,
Éditions Albin Michel, 2003)

Une économie ruinée et une démographie hors de contrôle poussent l’Union Européenne à adopter la LOI DE DÉLOCALISATION DU TROISIÈME ÂGE. Les baby-boomers devenus papy boomers sont l’objet d’un marchandage sordide. Ne pouvant plus les nourrir, l’Europe, avec la bénédiction des familles envoie ses aînés dans un coin reculé de la Chine où ils pourront *couler* leur retraite…à moindre frais. ETERNITY EXPRESS est le récit du docteur Jonathan Bronstein (devenu lui aussi papy de trop) du voyage de ces vieux, entassés dans un train à destination d’une ville construite spécialement pour eux au bout du monde…

VOYAGE VERS LA FIN

Il ne faut pas avoir une nature trop empathique pour lire sans mal ce livre troublant et dérangeant. En effet dans ce livre dont l’écriture est directe et puissante, le troisième âge est décrit comme une marchandise périmée et dérangeante qu’il faut *parquer* quelque part sans que ça coûte trop cher et encore…si on pouvait faire mieux…

Il fallait un fonctionnaire aussi froid que génial pour trouver la solution… pourquoi ne pas les envoyer en Chine… je cite… *À prestations égales, le coût de la vie était six fois moins élevé en Chine. Y expédier les retraités permettait de leur offrir une fin de vie décente, à moindre frais pour la collectivité.

Les intéressés avaient bien tenté de protester, jetant tout leur poids dans la bataille pour éviter ce que les plus virulents n’hésitaient pas à qualifier de déportation. Mais les objecteurs n’étaient pas les payeurs et les payeurs étaient cent soixante millions, bien résolus à ne pas se laisser vampirisé par cette génération à qui ils ne devaient rien.*

Le sujet abordé par Truong dans ce livre est extrêmement préoccupant. Il s’agit bien sûr de la gestion des retraites en opposition avec la Loi du profit et la gestion des *baby-boomers* devenus trop nombreux et trop dispendieux*.

Et encore, l’auteur va plus loin car si la destination imposée aux vieux a tout ce qu’il y a d’idyllique, en apparence en tout cas, la loi de délocalisation du troisième âge imaginée par l’auteur n’est pas sans mettre en perspective  des sous-thèmes qui m’ont fait grimacer comme par exemple la bienveillance hypocrite des familles.

C’est ainsi qu’on trouvera dans ce livre des dialogues agressifs et d’une incroyable froideur d’où découlent des insanités du genre *-Nous avons limité les naissances et accru la durée de la vie : l’exact inverse de ce qu’il fallait faire.*

ETERNITY EXPRESS est donc le récit du voyage de plusieurs centaines d’ainés à destination de la Chine décrite pour eux comme la Terre Promise. Pour une bonne part, l’histoire tourne autour des questionnements qui tourmentent les vieux et qui reviennent tous à une question qui pourrait être celle-ci : qu’est-ce qu’on a fait pour en arriver là?

C’est là, par le biais de son personnage principal et narrateur, Jonathan Bronstein, médecin déchu, que l’auteur dépeint un monde froid, gouverné par l’argent, le pouvoir, les promesses électorales, les dérives et l’amoralité d’une société capitaliste dans laquelle fleurissent autant la recherche du profit que l’incompétence.

Alors…il faut élaguer… pourquoi ne pas se débarrasser des vieux devenus improductifs et par voie de conséquence, une nuisance administrative, sociale et financière.

Ce livre est porteur d’une profonde réflexion sur notre société de consommation. Bien sûr nous n’en sommes pas encore là, mais je n’ai pu faire autrement que de me poser la question, moi qui est déjà sexagénaire, est-ce que la chose est plausible? En tout cas, les réflexions de Truong sont d’une justesse à faire peur.

Bien sûr, ETERNITY EXPRESS demeure un roman, mais un roman qui tire un signal d’alarme. C’est un livre que je classerais comme *thriller philosophique*. Il est noir, dur, mais captivant et intelligent et au-delà de tout ça, il est nécessaire.

*Quand ce train arrivera à destination, vous saurez vraiment ce que vaut votre vie*

Suggestion de lecture : TOUS À ZANZIBAR, de John Brunner

Jean-Michel Truong

Psychologue et philosophe,  Jean-Michel Truong est né en France en avril 1950. À sa sortie de l’Université de Strasbourg, il est cogniticien, c’est-à-dire spécialiste en intelligence artificielle. D’ailleurs, il est fondateur de COGNITECH, première société européenne spécialisée en intelligence artificielle. Parallèlement à ses activités professionnelles, il est romancier et essayiste. 

Pour en savoir plus sur Jean-Michel Truong, consultez son site officiel :
www.jean-michel-truong.com

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2014

À l’intérieur des vaisseaux de l’espace

Commentaire sur le livre de
Georges Adamski

 *Dans le vaisseau, il n’y avait pas le moindre
coin sombre. Je ne pus  voir d’où venait la
lumière. Elle semblait pénétrer toutes les
cavités et les coins avec une lueur légère et
plaisante. Il n’y a aucun moyen de décrire
correctement cette lumière.*
(extrait À L’INTÉRIEUR DES VAISSEAUX DE L’ESPACE,
Georges Adamski, Michel Moutet éditeur, t.f. 1979,
num. 150 pages)

Dans À L’INTÉRIEUR DES VAISSEAUX DE L’ESPACE,  Georges Adamski raconte son contact avec les extra-terrestres, comment, le 13 décembre 1952, il s’est embarqué dans un vaisseau, a voyagé dans l’espace, a pu observer la face cachée de la lune, ainsi que les ceintures de Van Allen dont il a fait une description assez précise avant même qu’elles ne soient découvertes par le célèbre physicien James Alfred Van Allen et qu’elles ne portent son nom.

Il a même fait une description des lucioles de l’espace avant même les astronautes. Bien que l’auteur ait de nombreux détracteurs et qu’il demeure fort controversé, son histoire s’est insérée très solidement au cœur de l’histoire de l’ufologie. L’ouvrage, toujours disponible, est encore cité en référence de nos jours. Il s’agit de son quatrième livre (publié en 1953).

L’énigme Adamski
*Je crois que j’ai été réellement le témoin
de la force même qui pénètre tout l’espace
et dont les planètes, les soleils et les
galaxies sont formés; la même force qui
soutient et supporte toute activité et
toute vie dans l’univers.*
(extrait À L’INTÉRIEUR DES VAISSEAUX DE
L’ESPACE, Georges Adamski)

Georges Adamski est un de ces personnages qui a marqué mon adolescence, m’intéressant aux sujets qu’il développe, en particulier les extra-terrestres et la Loi Universelle. Je me suis décidé à replonger dans une partie de son œuvre. Je dois dire aujourd’hui que À L’INTÉRIEUR DES VAISSEAUX DE L’ESPACE est un livre peu crédible, mais il suscite tout de même quelques doutes qui déchirent les ufologues.

Peut-être est-ce à cause de sa sincérité, de ses observations sur le fonctionnement des vaisseaux qui sont parfois d’un réalisme impressionnant, ou à cause de certaines photos certifiées par des spécialistes comme ne contenant aucun trucage.

Là où ça ne va pas du tout, c’est quand Adamski décrit les planètes Vénus, Saturne et Mars comme des planètes vivantes avec des communautés prospères et heureuses, de l’eau, de l’air et de la nourriture en abondance, des mondes sans guerre et sans maladie à côté desquels la terre n’abrite que des barbares au balbutiement de leur évolution.

Adamski décrit même la face cachée de la lune comme étant habitée avec des vallées verdoyantes, du gibier, de l’air de l’eau et un peuple évolué.

*…Je vis des engins construits sur le modèle du vaisseau-mère, en miniature. Ils paraissaient glisser juste au-dessus du sol, comme les autobus que j’avais vus sur la lune…* (Adamski, description de Vénus)

Dans l’œuvre d’Adamski, il n’y a pas de petits hommes verts, pas de vaisseaux aux dimensions monstrueuses type *independance day*, pas d’intentions belliqueuses, pas d’armes, aucune hostilité. Les extra-terrestres en question sont des hommes.

Là où la crédibilité en prend pour son rhume, c’est que depuis la publication de l’ouvrage jusqu’à nos jours, la science a fait des progrès énormes jusqu’à démontrer qu’il n’y a pas de vie ni sur Vénus, ni sur Saturne ni sur mars et encore moins sur la lune. Pas d’eau, pas d’air, pas de petites fleurs et encore moins d’autobus aéroglisseur.

Toutefois, les *pro-adamski* avancent l’hypothèse que les visiteurs n’étaient pas de notre système solaire, mais ont fait croire à Adamski que c’était le cas, peut-être pour des raisons de commodité ou pour éviter de communiquer des secrets que l’humanité n’est vraiment pas prête à entendre.

Le livre d’Adamski ouvre à toutes sortes de possibilités, y compris celle de la fumisterie mais les ufologues sont trop partagés pour considérer celle-ci comme étant le seul élément à considérer.

En définitive, c’est au lecteur à faire la part des choses et c’est un défi très intéressant. Pour ma part, ce que j’ai trouvé le plus fascinant dans ce livre est le message véhiculé par les extra-terrestres .

Il est avant tout un vibrant plaidoyer pour la paix et laisse à penser que l’homme n’atteindra jamais sa plénitude, son bonheur et les jalons supérieurs de son évolution tant que son esprit sera gouverné par le besoin de domination, générateur de guerre, de violence, d’intolérance et de haine. Le message semble démontrer que l’humanité n’atteindra son plein potentiel qu’en passant par un scrupuleux respect de la Loi Universelle.

Comme le dit le vieux cliché, la balle est dans le camp du lecteur. Peut-être les extra-terrestres ont-ils simplement imprégné un songe dans l’esprit d’Adamski, comme Dieu l’a fait pour Jean avant la création de l’apocalypse. Toutes les possibilités sont à envisager. Le débat est toujours très actif chez les ufologues pour qui Adamski demeure une énigme.

Suggestion de lecture : AFFAIRES ÉTRANGES de Joslan F. Keller

D’origine polonaise, Georges Adamski (1891-1965) est auteur, astronome autodidacte, conférencier et Ufologue. Il est ce que l’ufologie appelle un CONTACTÉ. En effet, Adamski prétend qu’un être venu de Vénus l’a fait voyager dans l’espace. Il aurait eu plusieurs contacts ayant apparemment pour but d’amener les humains à préserver leurs ressources, cesser de polluer et cesser tout essai nucléaires. Même si l’auteur demeure toujours controversé, ses livres continuent de nos jours à obtenir d’intéressants succès de librairie et le personnage demeure  fascinant.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2014

VOIR LE COMPLÉMENT SUR LA LOI UNIVERSELLE

RAVAGE, un grand classique de RENÉ BARJAVEL

*…et le moteur de la rame a pris feu. La graisse, l’huile, je ne sais. Et les gens qui étaient serrés autour se sont mis à griller comme des saucisses. Je me suis battu, j’ai grimpé sur des épaules, j’ai marché sur des têtes, je suis tombé dans du feu, je ne sais plus…* (Extrait de RAVAGE de René Barjavel, Denoël 1946, réed. Omnibus 1996)

Année 2052, Paris : Voici l’histoire de François Deschamps. Paris a été entièrement reconstruite et dépend entièrement de machines sophistiquées permettant aux citadins de couler une vie sans effort. Un jour, une panne totale d’électricité paralyse toute la ville laissant la population complètement désemparée. La loi du plus fort prend le dessus. François fuit la ville en perdition et va vers le sud où il fonde une nouvelle société basée sur le modèle ancestral. Les machines y sont interdites, voir sacrilèges. Le système fonctionne jusqu’à ce qu’un jour un homme se présente avec une machine qu’il vient de construire. François est prêt à tout pour protéger sa nouvelle société.

L’histoire se déroule en France loin dans le futur. RAVAGE est une dystopie. En effet, l’auteur y décrit d’abord un régime déshumanisé dans lequel le quotidien est entièrement dominé par la science et une technologie ultra sophistiquée qui endort la population dans un confort quasi obscène, lui évitant pratiquement tout effort.

Barjavel déploie un trésor d’imagination pour décrire, dans la première partie de RAVAGE, cette société incroyablement mécanisée. On y trouve par exemple, une machine qui, pour un seul grain de blé, est capable de produire un pain, un cigare et une chaussette.

Autre exemple, le lait n’est plus livré dans des contenants. Dans les cuisines, on trouve deux robinets : un pour l’eau chaude et l’eau froide, l’autre…pour le lait. Un dernier exemple, il n’y a plus de cimetière en France. Les morts sont conservés dans des chambres froides installées au cœur du domicile de leur famille et dans la position désirée par la famille.

Un jour, une panne générale d’électricité fait basculer tout ce monde engourdi dans un enfer démentiel : il n’y a plus d’eau, plus de nourriture, plus de transport, plus de climatisation, plus d’éclairage et imaginez un peu…plus de 50 millions de morts installés dans des chambres froides qui dégèlent… c’est le chaos total, la fin de la civilisation technologique.

Barjavel nous livre ici un classique de la science-fiction post-apocalyptique qui a été étudié dans les lycées français et même fait l’objet d’analyses poussées et de thèses universitaires à cause des questions très sérieuses et complexes qu’il pose sur la dépendance de l’homme face à la science et aux technologies.

Le livre va plus loin en poussant pratiquement son personnage principal vers le statut de dieu vivant en imposant aux survivants, grâce à son grand courage et surtout à un charisme exceptionnel un retour à la vie ancestrale et en bannissant toutes machines ou gadgets.

Donc l’auteur pose des questions ouvertes entre autres sur le libre arbitre et le retour à la terre.

J’ai trouvé ce livre passionnant. Son intensité dramatique m’a gardé captif et m’a même poussé à l’introspection. Tout le long du livre, j’ai senti une critique ouverte de l’auteur sur l’utilisation qu’on fait de la science et de la technologie. Barjavel a mis à profit son exceptionnel sens de l’anticipation dans une écriture puissante et extrêmement attractive.

L’histoire a été écrite en 1943 (rééditée par la suite) et j’y ai reconnu notre société moderne. Ce livre est donc toujours d’une étonnante actualité car il analyse de façon hautement inspirée l’homme moderne, aisément capable de redevenir une bête à partir du moment où on l’arrache de ses dépendances.

Je vous recommande RAVAGE, un livre simplement passionnant…

Suggestion de lecture, du même auteur : LE DIABLE L’EMPORTE

Auteur français, René Barjavel (1911-1985) a débuté dans le journalisme, puis il publie une série de romans d’anticipation et un essai sur les formes futures du cinéma qui fait encore autorité de nos jours. Il s’intéresse au cinéma et collabore à plusieurs films dont, entre autres, la série DON CAMILLO.

Il nous a laissé en héritage une impressionnante bibliographie qui a fait de lui un incontournable de la science-fiction. Les principaux titres de René Barjavel ont été publiés récemment dans un volume intitulé ROMANS EXTRAORDINAIRES chez OMNIBUS.

Pour en savoir plus sur l’œuvre de René Barjavel, je vous invite à visiter le site

http://barjaweb.free.fr

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUILLET 2014

 

L’EXORCISTE, le livre-choc de WILLIAM PETER BLATTY

*N’approchez pas! La truie est à moi…*
(extrait de L’EXORCISTE de William Peter Blatty,
J’ai lu, 1971)
 

La vie d’une jeune adolescente, Reagan McNeil, bascule dans l’horreur le jour où des phénomènes étranges commencent à se manifester en elle et autour d’elle : le comportement et l’apparence de Reagan changent. Elle devient graduellement hideuse, agressive, violente, obscène, des objets disparaissent ou sont déplacés. Sa personnalité se dédouble pendant que des évènements terribles viennent s’ajouter à l’horreur de la situation : un meurtre, une église profanée…

Reagan est soumise à une batterie de tests et aux soins d’une armada de médecins, mais personne ne peut expliquer quoique ce soit. Confrontés à leur impuissance, les médecins proposent en dernier recours un traitement de choc que seul un homme d’église peut offrir….

extrait du film L’EXORCISTE de William Friedkin avec Linda Blair dans le rôle de Regan

Bien  que les thème du diable et de la possession soient récurrents depuis l’aube de la littérature, Blatty a probablement été le premier écrivain à traiter la question avec autant de…modernité…mettant en perspective et en opposition la médecine, la psychiatrie et la prêtrise qui connaît beaucoup de difficultés liées à la fois. Blatty a donné au diable un nouveau visage dans un récit terrifiant constituant une véritable descente aux enfers.

Ce livre montre l’évidente évolution de notre société. Quand il a été publié en 1971, notre société n’était pas tout à fait prête à recevoir ce genre de récit d’horreur glacial, d’autant terrifiant qu’il est basé sur un fait vécu.

Aujourd’hui, le récit paraît plus anodin parce que la société s’est endurcie à l’horreur crachée quotidiennement par la télévision, internet, le cinéma et la presse écrite. Sans trop le savoir, William Peter Blatty a ouvert un bal car le cinéma et la littérature n’ont  pas tardé à s’emparer de cette nouvelle tendance en multipliant les productions, surtout au cinéma.

L’EXORCISTE demeure un phénomène littéraire…comme une curiosité culturelle qu’on n’a pas encore fini d’explorer. Ce n’est toutefois pas un livre qui brille par la puissance de son écriture, sur ce plan, Blatty ne m’a jamais vraiment surpris. Ce qui accroche le lecteur c’est le contexte de l’histoire et l’incroyable densité de son atmosphère…LE NON-DIT qui donne à l’ensemble un réalisme oppressant…voir étouffant.

Même si le livre développe la question de l’éternelle dualité entre le bien et le mal, il fait encore vibrer et démontre encore que la psychiatrie moderne n’a pas réponse à tout. Il a encore cette capacité de glacer le sang et de forcer le lecteur à faire des pauses pour respirer un peu.

Je dirais que ce livre constitue une puissante mise à jour de tout ce qui a pu être imaginé sur la possession démoniaque. À mon avis, il n’y a pas eu d’autres mises à jour dignes du titre, donc le livre conserve toute son actualité.

C’est la deuxième lecture que je fais de ce livre, la première remontant à 1973. Quarante ans plus tard, l’effet est le même : La chair de poule. L’EXORCISTE est un livre à éviter si vous êtes une âme sensible et à lire à petite dose. Malgré des efforts considérables pour y parvenir, ce livre n’a jamais été égalé…

Suggestion d’écoute : LA MER DES DÉSOLATIONS de DIRK MAGGS et JAMES A. MOORE

l’auteur William P Blatty

William Peter Blatty est né à New-York en janvier 1928. Il s’est consacré à la littérature (L’EXORCISTE est son œuvre majeur) et au cinéma où il a œuvré comme scénariste et réalisateur. Il a réalisé en 1990 L’EXORCISTE, LA SUITE (3e épisode de la saga).

Aussi en 1980, il a signé le scénario et la réalisation du film LA NEUVIÈME CONFIGURATION pour lequel il a obtenu deux prix prestigieux. Il s’est bâti une solide réputation dans le cinéma fantastique et d’horreur. L’EXORCISTE est un livre basé sur un fait réel : un cas d’exorcisme sur un garçon de 14 ans en 1949 dans le Maryland.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2014

VOIR LE COMPLÉMENT CINÉMA

GIGASTORE, le livre de JAMES LOVEGROVE

 *…la devise des Fantômes :
-Soyez silencieux, vigilants,
obstinés, intransigeants. Et
surtout, n’oubliez jamais que
le client n’a pas toujours raison
*********
La plupart des  gens considèrent que la somme
dont ils disposent est un but à atteindre
plutôt qu’une barrière à ne pas franchir…
(extrait de DAYS, James Lovegrove, J’ai lu,
Bragelonne, 2005)

Commentaire sur DAYS
de James Lovegrove

DAYS est un roman d’anticipation dont l’action se déroule dans un giga-complexe commercial. L’histoire raconte la journée-type des employés qui travaillent dans ce magasin aux dimensions titanesques, les consommateurs qui le fréquentent et même les voleurs qui y opèrent. DAYS est le plus grand magasin du monde, aux dimensions d’une ville. Sept frères y règnent en rois  selon les traditions établies par le fondateur Septimus Day. L’histoire commence alors que Frank Hubble de la brigade de la sécurité stratégique de DAYS (qui a le droit de tuer au besoin) s’apprête à donner sa démission. Une journée folle commence dans le plus grand *gigastore* du monde…

C’est un livre très intéressant et son sujet est original.  L’histoire se déroule dans un gigantesque magasin aux dimensions effrayantes : sept étages hauts de 14 mètres chacun, ses cotés font 2 kilomètres et demi de longueur, le tout couvrant sept millions de mètres carrés. On y trouve 666 rayons de vente dans lesquels on peut acheter n’importe quoi, à peu près tout ce qui existe et c’est peu dire. Je m’en remets ici à la devise de DAYS : *Tout ce qui est mis en rayon sera vendu et tout ce qui est vendable sera mis en rayon*.

Pour avoir un compte chez DAYS, il faut être quelqu’un, appartenir à une certaine classe, voire à une élite. Et même dans l’élite, il y a des niveaux. La carte aluminium par exemple est dans le bas de gamme, la carte Silver monte d’un cran et ainsi de suite. Avec une carte rhodium, vous êtes presque Maître du monde. Ce n’est pas facile d’avoir une carte. Il faut économiser pendant des années comme deux des héros de l’histoire, Linda et Gordon qui se sont privés pendant des années pour vivre finalement une seule journée de cauchemar.

DAYS est une anticipation sociale et une satire sur nos travers de consommateurs et nos habitudes en société. Je ne veux pas tout dévoiler mais je ne m’attendais pas du tout à une forte intensité dramatique, spécialement dans la 2e moitié. En effet, au cœur de l’histoire, il y a un conflit entre deux rayons adjacents : l’informatique et le rayon livre se livrent une guerre à mort : insultes, harcèlement, menaces, agressions, coups bas et même une alerte à la bombe…(imaginez ça chez Wall Mart entre deux rayons dits associés…)

Il y a d’autres trouvailles…par exemple les ventes *flashs* qui ne durent que 5 minutes, transformant la foule en troupeau et où on aboutit à des chaos indescriptibles…plus de blessés que de bonnes affaires finalement.

Avec beaucoup d’habileté, l’auteur raille nos comportements souvent grotesques en société et met en perspective les vices et les travers non seulement des consommateurs mais aussi du *Dieux Commerce*  qui ne craint pas le ridicule on dirait bien. Lovegrove dépeint plus qu’il ne critique. Il a soigneusement évité la diatribe même s’il y est allé fort avec la guerre des rayons. Je crois qu’il a voulu mettre en perspective la psychologie des foules et les excès d’un monde froid et capable d’être cruel et violent.

De par l’intelligence de l’écriture, le réalisme du propos et les ressemblances frappantes avec notre société actuelle, par exemple, la description de comportements excessifs de clients et de commerçants, je dirais que ce livre m’a autant effrayé qu’il m’a amusé.

Je crois que la lecture de ce livre vous fera passer un moment agréable…avant d’aller magasiner…

James Lovegrove est un romancier de science-fiction spéculative fantasy et horreur. Il est né au Royaume-Uni en décembre 1965. Il est aussi spécialiste en littérature anglaise et chroniqueur littéraire pour le Financial Time. Son premier roman THE HOPE a été publié en 1990. DAYS est le premier roman de Lovegrove traduit en français. Son grand succès lui a valu une réédition chez J’AI LU et une mise en nomination pour le prix ARTHUR C CLARKE en 1988.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
juin 2014