BILLY-ZE-KICK, le livre de JEAN VAUTRIN

*« Chère Julie-Berthe. Je suis près de toi. Partout et nulle part. Je te regarde dormir. Je suis prêt à t’obéir. Un mot de toi et j’exécuterai tes ordres. Désigne-moi qui tu Veux tuer et tu verras ce sera fait. Ton dévoué Billy-Ze-Kick » * (Extrait, BILLY-ZE-KICK, Jean Vautrin, Éditions Gallimard, Série Noire, 1974, édition numérique et de papier. 145 pages num.)

Un fou dégomme au fusil à lunette une mariée à la sortie de l’église… Un horticulteur refuse le bétonnage de ses terres et piège son terrain… Des gosses s’enferment dans les caves des tours et y passent des heures… La banlieue est devenue dangereuse, la mort rôde. Julie-Berthe, dans ce décor, a sept ans, zozotte et est terriblement précoce. Elle adore les zizis et les zézettes. Oui, Julie-Berthe est un ange ! Son père, qui pensait se la couler douce au commissariat en l’absence du chef, se retrouve dépassé. Sa fille, orchestre le chaos. Billy-ze-Kick est son prince charmant : il fera ses quatre volontés… Billy serait un mythe enfantin si le sang qu’il verse n’était pas réel.

UN VRAI TUEUR IMAGINAIRE
*Billy-Ze-Kick ouvrit les yeux…Maintenant venait le temps
de la réflexion. Une sourde angoisse lui nouait l’estomac.
Avec le meurtre de la mariée (il préférait dire le coït), il
avait été totalement imprudent. Il avait obéi à une espèce
d’urgence, à une sorte de soumission inconsciente.*
(Extrait : BILLY-ZE-KICK)

C’est un récit étrange. Un roman très noir qui tourne autour d’une étrange famille : Roger Clovis Chapeau, inspecteur de police très attaché à ses prérogatives et au prestige lié à son titre. Julie Chapeau, sa femme, un peu volage et Julie-Berthe Chapeau, une petite fille à l’esprit perturbé et qui souffre d’un sévère problème langagier : elle *zozotte* :

*Papa dit que si ze développe mon intelligence, zirai loin à condition que les cochons me bouffent pas. Qui mettent pas leurs sales pattes sur mon derrière. C’est comme ça qui l’appelle mon popotin, M. Chapeau, mon papa.* (Extrait)

Clovis a pris l’habitude de raconter à sa fille des histoires policières et de meurtre ayant comme personnage central un garçon susceptible, capricieux et violent : BILLY-ZE-KICK. Or, depuis quelques temps, des meurtres sont commis dans la ville de Clovis… des meurtres calqués sur les histoires que raconte le policier à sa fille :

*Un être qu’il avait fabriqué de toutes pièces. Il venait de lui lâcher la main, de lui faire faire ses premiers pas, BILLY-ZE-KICK venait de débuter dans le monde.* (Extrait)

L’histoire est très glauque et réunit une brochette de personnages égocentriques issus de la cité-dortoir des oiseaux, un *achélème* sordide et invivable dont on développe l’envie irrésistible de sortir. Dans tout ce petit monde à la recherche d’air, il y a BILLY-ZE-KICK, personnage basé sur le légendaire Billy-The-Kid, bête et très méchant. Je vous laisse trouver qui joue le rôle de ce personnage odieux.

Mais une chose est sûre : Julie-Berthe y est très attachée : *Si tu es Billy-Ze-Kick, dit-elle, sois gentil. Tue quelqu’un pour moi veux-tu ?…Si tu es vraiment Billy-Ze-Kick…il faut que tu tues ma maman Zuliette.* (Extrait) Graduellement, la petite fille de 8 ans devient monstrueuse…*Un zour, un zour, il faudra que ze tue quelqu’un pour voir comment ça fait. C’est une sensation que ze veux connaître* (Extrait)

Ce livre a été publié au milieu des années 70 et est très lié au contexte de l’époque. Toutefois il pose une énigme intéressante au lecteur : Qui est Billy-Ze-Kick? Un gangster qui s’en sort toujours mais encore ?

Le livre propose donc un défi au lecteur, un défi particulier d’autant qu’il projette dans l’univers complexe de la maladie mentale et de plus, il m’a poussé à la réflexion ou tout au moins à me poser la question : Est-ce que tout le monde n’a pas dans son imaginaire un billy en dormance ?

Je serais curieux de voir quelle proportion de lecteurs se sont attachés à Billy parce qu’entre autres raisons, il est vulnérable. Pourtant, c’est un personnage odieux et insensible pour qui tuer est virilisant. Le livre a certaines caractéristiques de l’étude de mœurs.

Donc j’ai aimé ce livre, c’est une histoire intéressante mais elle a mis ma patience à l’épreuve à cause de son langage très argotique…un jargon poussé pas à peu près : *À c’t’heure, Chariot Bellanger refoulait du goulot et bobinait du côlon avec enflure du pancréas et tortillon dans le grêle tripou tellement son épicurien dîner s’avérait difficultueux à suc-digestiver.* (Extrait)

Autre difficulté dans la lecture de ce livre : le fil conducteur de l’histoire ne tient pas la route. Le récit prend toutes sortes de direction et occulte l’enquête policière. L’auteur a plutôt misé sur la psychologie de ses personnages, leur mal de vivre leurs mœurs et les interactions entre les acteurs du drame.

Il  ne faut pas oublier aussi bien sûr, au centre,  Julie-Berthe et sa créature : BILLY-ZE-KICK. Enfin je précise que tous les propos de Julie-Berthe sont *zozotés* dans le récit. Ça aussi c’est pas toujours facile à suivre. C’est agaçant mais j’ai pu m’y faire avant la fin.

C’est donc un livre intéressant à lire, mais lourd et centré sur une petite fille laissée à elle-même et dont l’imagination malade donne corps à Billy-Ze-Kick. Le lecteur pénètre dans un univers déjanté où les relations humaines sont mécaniques…intrigantes…curieuses, atypiques…un défi à relever.

Suggestion de lecture : LE CHUCHOTEUR, de Donato Carrisi

Jean Vautrin (1933-2015) de son vrai nom Jean Herman était un écrivain, réalisateur, scénariste et dialoguiste français. Il gagne en notoriété dans les années 1970 avec des œuvres comme BILLY-ZE-KICK et BLODY MARY après avoir commencé à écrire sous son pseudonyme : Jean Vautrin. Autre trouvaille de l’écrivain, en 1987, avec Dan Franck, il créera le fameux personnage du reporter-photographe au grand cœur : Boro dont les aventures seront adaptées à la télévision. En 1989,  Il obtient le prix GONCOURT pour son roman UN GRAND PAS VERS LE BON DIEU. En 1998, il reçoit le prix Louis-Guilloux pour l’ensemble de son œuvre.

BILLY-ZE-KICK AU CINÉMA

BILLY ZE-KICK a été adapté au cinéma par Gérard Mordillat en 1985. Dans la distribution, on retrouve François Perrin dans le rôle de l’inspecteur Chapeau. La jeune Julie-Berthe est jouée par Cérise Bloc. Les amateurs de musique se rappelleront également qu’un groupe a pris le nom de BILLY-ZE-KICK et les gamins en folie. Ce groupe a réalisé un album éponyme sorti en France en 1994. Un groupe de punk rock moins connu a pris le nom de Billy-Ze-Kick. Dans tous les cas, le caractère noir du mystérieux personnage est avéré.

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 4 août 2019

MÊME PAS PEUR, le livre de LUC VENOT

*Des verres se cassent, des assiettes aussi.
L’homme sursaute et embrasse la scène :
tous ces ados, son fils qui pleure…il n’est
pas tout à fait sûr de lui…*
(Extrait : MÊME PAS PEUR, Luc Venot, version
intégrale révisée, 2015, Éditions Humanis, num.
200 pages)

Deux policiers enquêtent sur des meurtres sordides précédés de torture. Toutes les pistes amènent les deux limiers à enquêter dans un foyer qui héberge à la fois des adultes en réadaptation sociale et des ados en difficulté. Les policiers n’ont pas le choix de s’immiscer dans la vie de ce lieu hautement improbable pour de telles atrocités. L’auteur plonge graduellement et inexorablement le lecteur dans l’univers sordide de la maltraitance envers des enfants en s’attardant  sur la vie de quatre personnages du centre : un adulte et trois adolescents.

CRU, DÉCAPANT ET EFFICACE
*Écoute-moi bien gros fils de pute. Ton enfant,
ta chair, a mon numéro de téléphone. Si tu le
touches, ne serait-ce qu’une seule fois, je vous
tue, toi et ta grosse. Cappice? Je ne te menace
pas, je te promets. Tu fais la différence?*
(Extrait : MÊME PAS PEUR)

C’est une histoire très dure, mais c’est une belle histoire. Au centre du drame : un quatuor qui évolue dans un foyer d’accueil où se côtoient des adultes et des adolescents. Pour apprécier toute la richesse du récit, il faut bien saisir la nature et la profondeur des interactions entre les principaux personnages de l’histoire .

Il y a d’abord Antoine, 15 ans, garçon attachant, meurtri par la vie et qui cherche maintenant une vie normale incluant l’aide et la présence d’un père. Rio, un petit voyou sympathique, 11 ans, enfant de la rue, sous la protection d’Antoine qui le considère comme son petit frère, Émilie, 15 ans, à la recherche de l’équilibre et de l’exploration sexuelle et qui a un sentiment pour Antoine.

Et puis il y a Michel, l’adulte du quatuor, dans la quarantaine, divorcé, ayant un fils du même âge qu’Antoine. Dans le groupe, Michel est un instrument d’équilibre. Lui-même soucieux de remettre sa vie sur une voie positive, il exerce une influence positive sur les autres.

Ne soyez pas surpris, on connait l’auteur des meurtres dès le début de l’histoire. Le cœur du drame est dans le ressenti des jeunes et des atrocités subies. Quoique d’une forte intensité dramatique, cette histoire en est une d’amitié avant tout, et même d’amour. Même s’il est parsemé de passages crus et violents, le récit est épuré de tout sensationnalisme. L’auteur a su éviter ce piège pour s’attarder à la profondeur des liens et aux blessures du cœur.

Bien que j’ai beaucoup aimé ce livre, je soulignerai tout de même deux petites faiblesses : d’abord pour enquêter sur les assassinats, Vennot a créé trois personnages peu sympathiques et vraiment pas attachants : le commissaire Hercule Mapèch et ses adjoints Fabulous Fab et Biggy.

Quand je lisais les passages sur l’enquête, j’avais l’impression de pénétrer dans un autre monde tellement les personnages sont agaçants, teigneux et insignifiants. J’ai noté aussi un changement drastique dans les niveaux de langage. Au strict niveau policier, j’aurais souhaité une approche différente.

Le deuxième point faible n’est qu’une question de perception. Elle concerne la finale. Elle est extrêmement dramatique et déchirante, ça, ça va, mais j’ai trouvé sa mise en scène peu vraisemblable et même quelque peu démesurée.

Enfin, puisque le cœur du problème est de punir (dans ce cas-ci des batteurs et des violeurs d’enfants) par une mort atroce, Venot nous amène à réfléchir sur la loi du Talion. Jusqu’où peut-on vraiment s’engager dans la haine et le besoin de faire justice soi-même. MÊME PAS PEUR est un récit sensible, profond et touchant. L’écriture, forte et efficace, est venue me chercher rapidement.

Luc Venot est un écrivain français de l’ère numérique. MÊME PAS PEUR est son premier roman. Il a déjà connu un succès fulgurant dès les premiers mois de sa parution en édition numérique…considéré comme un livre-phénomène à saveur autobiographique. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 21 octobre 2018

VIOLENCE À L’ORIGINE, de MARTIN MICHAUD

*Valeri poussa une plainte horrible. Un cri
bestial, à glacer le sang. Le cri d’un animal
blessé qui sait d’instinct que la mort gagne
du terrain et que, cette fois, il n’y aura pas
de dérobade.*
(Extrait : VIOLENCE À L’ORIGINE, Martin Michaud,
Les Éditions Coup d’œil, 2016, papier, 475 pages.)

La tête d’un haut-gradé de la Police de Montréal est retrouvée dans un conteneur à déchet. L’assassin laisse un message clair : d’autres têtes pourraient rouler. L’enquête est confiée au détective Victor Lessard, tourmenté par son passé, personnage récurrent de l’œuvre de Michaud, (voir LA CHORALE DU DIABLE) Victor forme une équipe dans laquelle on retrouve entre autres, la redoutable Jacinthe Taillon. Victor devra résoudre le mystère d’une horrible toile qui semble inextricable et qui pourrait bien capturer son corps et son âme…

Un tueur hors-norme
*On dit que l’humain est la seule créature
du règne animal qui prend plaisir à tuer
ses congénères. On voudrait nous faire croire
le contraire, mais il s’agit précisément là de la
nature humaine*
(Extrait : VIOLENCE À L’ORIGINE)

C’est la troisième fois que je parle de Martin Michaud. Certains se rappelleront peut-être le commentaire assez favorable que j’ai publié le 30 aout 2015 sur son livre LA CHORALE DU DIABLE, et un autre commentaire que j’ai publié le 24 janvier 2016 sur le recueil de nouvelles CRIMES À LA LIBRAIRIE, dans lequel Michaud publie un texte très intéressant : UNE LONGUE VIE TRANQUILLE.

Il semble que Martin Michaud soit devenu un incontournable, ce que confirme les milieux littéraires québécois et même la francophonie canadienne.

De Martin Michaud, j’ai lu cette fois VIOLENCE À L’ORIGINE, un thriller puissant dans lequel j’ai pu retrouver deux personnages familiers que j’appelle les gentils mufles : Victor Lessard qui semble près de faire la paix avec son passé et Jacinthe Taillon, une caractérielle mal embouchée mais très efficace. Encore une fois, Martin Michaud nous offre quelque chose de solide, original, intriguant et haletant. Voyons voir…

La tête de Maurice Tanguay, un haut gradé du Service de Police de la Ville de Montréal est retrouvée dans un conteneur à déchet. Dans sa bouche, on retrouve un petit sachet avec un message à l’intérieur : «Le commandant Maurice Tanguay a été jugé et exécuté le 13 juillet à 3h25. Tanguay était le premier…le dernier sera le Père Noël». (Extrait)

Sur un mur à proximité, on retrouve un graffiti qui explique comment sera commis le prochain meurtre. Voilà donc le modus operandi du meurtrier qui annonce ainsi une série d’exécutions et de gros maux de tête pour les enquêteurs du SPVM, de la GRC et de la SQ qui iront de surprise en surprise.

Voilà, il m’est difficile d’en dire plus sans atteindre le cœur de l’histoire. Je peux toutefois vous dire que Maurice Tanguay était loin d’être un enfant de Chœur : «Fallait-il attribuer un sens au fait que la tête de la victime avait été retrouvée dans un conteneur à déchets?» (Extrait)

Les policiers seront carrément propulsés dans une histoire d’horreur qui évoque un fait malheureusement très réel et dont j’ai déjà parlé dans mon commentaire sur l’autobiographie d’Arielle Desabysses 14 ANS ET PORTÉE DISPARUE. Il s’agit du trafic humain ou esclavage sexuel, une plaie que la Société a tendance à occulter et qui est répandue partout, y compris au Québec, à Montréal en particulier.

Le récit est complexe car trois affaires s’imbriquent parfois dans la même enquête, ce qui éclaire beaucoup certains éléments laissés obscurs dans les livres précédents, mais grâce à une extraordinaire maîtrise de l’écriture et de l’intrigue et à un fil conducteur solide, VIOLENCE À L’ORIGINE est un régal à lire.

C’est un polar très sombre, voire noir mais riche et malgré tout teinté d’humour avec entre autres Jacinthe Taillon qui n’a pas peur des mots et un langage très québécois avec jurons appropriés. Le tout vient alléger une atmosphère parfois inévitablement lourde.

Michaud a développé sans excès la psychologie de ses personnages. Son roman est original parce qu’il a créé un tueur en série plutôt hors-normes avec des motivations complexes dont celle de faire justice soi-même, un problème de société vieux comme le monde.

Un petit fait à noter : dans le récit, Victor Lessard se rend régulièrement chez sa psychologue pour des problèmes évoqués dans les livres précédents. Je voyais ça comme le vieux cliché, répandu en littérature policière, du policier qui tente de combattre et vaincre ses démons du passé. Je trouvais ça un peu agaçant. Mais à la fin de l’histoire, j’ai compris pourquoi ce choix de l’auteur et j’ai trouvé ça brillant.

C’est toute la structure du récit qui est impeccable, ainsi que le développement du schéma de pensée. Les rebondissements s’enchaînent dans des chapitres courts. Ça se lit vite, le temps passe vite et lever le nez du livre est aussi difficile que de trouver le coupable car l’issue est imprévisible.

En terminant, ceux et celles qui lisent régulièrement mes textes savent que je suis sensible aux messages, petites morales et matières à réflexion issus des livres. Dans VIOLENCE À L’ORIGINE, les thèmes à réflexion ne manquent pas : la loi du Talion ou le principe du œil-pour-œil-dent-pour-dent et la tentation de se faire justice soi-même.

C’est inconcevable dans toutes sociétés civilisées mais ce problème encore fréquent de nos jours a toujours suscité réflexion et questionnements.

Il y a aussi matière à réflexion sur la violence faite aux femmes ainsi que sur les incroyables bassesses et perversités issues du trafic humain. N’ayons pas peur des mots, il s’agit de commerce sexuel et plus souvent qu’autrement avec des mineures. Ce trafic existe, même au Québec. Il n’y a rien de plus certain.

Enfin, une réflexion sur la manipulation et la violence, autant psychologique que physique, phénomène que l’auteur semble définir comme atavique, donc très tenace. Cette réflexion est distinctement exprimée dans le récit :

*On porte tous en nous la capacité de détruire et de tuer. On a tous un potentiel de violence à l’origine…ce qu’on appelle le mal est en chacun de nous. Et le seul rempart entre le chaos et la paix sociale, c’est la société qui, avec ses lois et ses règles nous permet de vivre dans une relative harmonie. Mais, parfois, des individus déviants se glissent dans les mailles du filet* (Extrait) on comprend mieux le titre maintenant.

Excellent bouquin. Beaucoup d’action et de rebondissements, une intrigue solide, le développement est impressionnant et la finale est superbe, bien imaginée, peu prévisible et elle laisse croire à une suite possible même si le livre dans son ensemble donne l’impression de la fin d’un cycle. Enfin, bien que plutôt noir, le roman ne manque pas de sensibilité. Du grand Michaud je dois dire.

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité.

Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard qui récidive dans VIOLENCE À L’ORIGINE. Son œuvre lui vaut de prestigieux prix littéraires.

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez le site internet michaudmartin.com Je vous invite également à lire mon commentaire sur LA CHORALE DU DIABLE, de Martin Michaud, publié sur ce site en août 2015.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 12 août 2018

LE MOINE, livre de MATHEW GREGORY-LEWIS

*Ses crimes ont été grands; et quand vous saurez la
cause de sa mort, don Lorenzo, vous vous féliciterez
que cette malheureuse n’existe plus. Elle est tombée
malade jeudi dernier après avoir été à confesse dans
la chapelle des Capucins : sa maladie était
accompagnée d’étranges symptômes…*
(Extrait : LE MOINE, Mathew Gregory Lewis, Creatives
Commons BY-SA, édition originale : 1796, LIBRE DE DROIT
édition numérique, bibebook, 550 pages)

Ambrosio, un moine prieur apparemment irréprochable, bénéficie d’une grande crédibilité dans sa région. Tout ce qu’il fait est dicté par la foi. Il semble campé sur le chemin de la sainteté jusqu’à ce qu’un mystérieux personnage s’installe au monastère : Rosario. Dès le moment où Ambrosio se lie d’amitié avec Rosario, sa vie bascule,  tiraillé entre son idéal vertueux et une forte attirance pour la chair, car une femme est dans le décor. Le Moine qui pourfendait le mal l’attire maintenant à lui. Il tombe dans la luxure et devient un monstre qui tue, viole et sombre dans la déchéance, se montre sous son vrai jour… pervers…

AVANT-PROPOS :
LA LITTÉRATURE GOTHIQUE
La littérature gothique est un genre littéraire d’origine anglaise qui a fait son apparition en 1764 avec l’œuvre d’Horace Walpole LE CHÂTEAU D’OTTRANTE. Les romans gothiques sont généralement noirs, terrifiants, et se distinguent par des éléments surnaturels et moraux. Ils mettent en perspective la force du mal à l’état brut, la cruauté et la misère. Dans la logique d’un roman gothique, il y a un engouement pour le sentimental, le macabre et l’irrationnel. L’influence du genre gothique sera non-négligeable dans l’évolution de la littérature et donnera naissance au genre fantastique au milieu du XIXe siècle.

LE PRÉFÉRÉ DE SADE
*Il se laissa aller et plaqua ses lèvres sur celles
qui les cherchaient. Ses baisers rivalisèrent
d’ardeur et de fougue avec ceux de son amante;
il l’étreignit de toute son âme et laissa sourdre
vers elle le flux montant de ses désirs. Il n’y eut
ni vœux, ni sacrements, ni honneur, il n’y eut
plus que la volupté de l’heure.
(Extrait : LE MOINE)

C’est en parcourant LES 1001 LIVRES QU’IL FAUT AVOIR LUS DANS SA VIE publié chez Trécarré sous la direction de Peter Boxall et dont j’ai déjà parlé sur ce site que m’est venue l’idée de faire l’essai de la littérature gothique. J’ai donc opté pour un roman-phare dans le genre gothique : LE MOINE De Matthew Gregory Lewis.

C’est un roman très noir à l’allure subversive, un récit glaçant qui prend son origine d’un monastère dans lequel s’infiltre un envoyé du diable. À partir du moment où le diable, incarné dans une femme se dévoile, le récit sombre dans une alternance de surnaturel et de dépravation.

LE MOINE, c’est Ambrosio, un homme adulé, vertueux jusqu’au puritanisme qui cache un profil de frustré refoulé et sous l’influence de Mathilde sombrera très vite dans les pires excès de cruauté et de perversion. Le rigoriste vêtu du voile de la vertu et de la pureté devient rien de moins qu’un monstre de décadence et de déchéance.

Lors de sa première parution en 1796, ce livre a longtemps été considéré comme immoral et interdit dans plusieurs milieux. Mais c’était compter sans les mœurs de l’époque et sans compter sur la redoutable influence de l’Église en général et de l’inquisition en particulier d’autant que l’Église était pointée du doigt comme cachant dans son voile le vice et l’hypocrisie.

Si Lewis était peu regardant des mœurs de son époque, il était par contre très conforme au style contemporain, avec la complicité des traducteurs bien sûr : un français haut perché, déclamé, presque théâtral qui transpire l’extravagance mais qui donne à l’ensemble un caractère extrêmement visuel qui englouti le lecteur.

Plusieurs lecteurs ne pourront s’empêcher de comparer Lewis au marquis de Sade. Moi je l’ai fait et pour LE MOINE tout au moins, j’ai trouvé Lewis beaucoup plus raffiné. Il y a dans son texte plus de profondeur, plus de recherche et une meilleure gradation, plus d’intensité aussi car l’atmosphère glauque et le non-dit m’ont peut-être davantage ébranlé que l’innommable perversité du Moine.

J’ai trouvé le récit dur, très noir mais passionnant. Il est complexe aussi car il raconte deux histoires parallèles. Elles finissent par converger mais ça demande un minimum de concentration. Je crois que c’est la grande fluidité de la plume de Lewis qui m’a gardé captif. Le livre développe au-delà de toutes mes espérances la corruption la plus outrancière induite par le pouvoir.

Enfin, je peux comprendre pourquoi ce livre est devenu le préféré du Marquis de Sade. Ce que je comprends moins, c’est que Lewis a écrit LE MOINE essentiellement pour divertir sa mère. Là-dessus, je dois admettre que je m’interroge toujours…

LE MOINE est un véritable cocktail explosif, rien de moins…et il garde toute son actualité

Mathew G. Lewis (1775-1818) était un romancier dramaturge anglais. Il a fait ses études en vue d’une carrière diplomatique et devient attaché à l’ambassade britannique de La Haye en 1794. Il n’y restera que quelques mois et c’est dans cette période qu’il écrira, en dix semaines, son roman LE MOINE, publié l’année suivante. Le succès est immédiat mais a une aura de scandale au point que Lewis publiera une 2eédition épurée des passages les plus décadents, ce qui ne changera pas grand-chose.  Pendant un voyage en Jamaïque, il contracte une fièvre et en mourra.

LE MOINE AU CINÉMA

Dominik Moll a adapté le livre de Lewis LE MOINE au cinéma dans un film sorti en 2011 et réunissant à l’écran Vincent Cassel, Déborah François et Joséphine Japy. Plusieurs critiques ont considéré que la perdition sexuelle l’a emporté sur la qualité du scénario mais tous s’entendent sur l’excellente prestation de Vincent Cassel.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 24 juin 2018

LE SYNDROME «E», livre de FRANCK THILLIEZ

*-Je vais te cramer un peu, jouer avec mes couteaux,
puis j’irai te larguer dans le désert, vivant. Les
hyènes et les vautours te boufferont en quelques
heures. On ne retrouvera jamais ton corps. Il
cogna Sharko en pleine face avec le bidon. Un
craquement, une giclée de sang.*

(Extrait : LE SYNDROME [E], Franck Thilliez, Fleuve Noir,
2010, édition numérique, 420 pages)

Deux évènements dramatiques viennent compliquer la vie de deux policiers, Lucie Hennebelle et Frank Sharko. D’abord, une équipe technique de la voirie découvre par hasard cinq cadavres ensevelis sous deux mètres de terre à Notre-Dame-De-Gravenchon. Fait tout à fait horrible : leur crâne a été scié, ouvert, le cerveau et les yeux prélevés. Parallèlement, un passionné de films anciens devient inexplicablement aveugle après avoir visionné un film qu’il vient d’acquérir…deux affaires différentes mais qui sont pourtant liées. Un nouveau mal fait son apparition : LE SYNDROME [E]. 

Très haute teneur en adrénaline

*Ces lignes de brancards représentent l’attente pour la salle des électrochocs. Les patients les subirent trois fois par jour, durant des programmes de sept à huit semaines. Trois fois par jour, mademoiselle. Des milliers de volts dans l’organisme. Imaginez-vous seulement les dégâts que cela pouvait occasionner aux nerfs, au cœur et au cerveau?* (Extrait : LE SYNDROME [E])

J’ai beaucoup à dire sur ce livre qui joue dur. Pour ma part, c’est une première incursion dans l’univers de Franck Thilliez et d’entrée de jeu, je peux vous dire que ça m’a ébranlé tellement le récit est noir et teinté d’un implacable réalisme.

J’aurais peut-être dû commencer par un des premiers ouvrages de Thilliez comme LA CHAMBRE DES MORTS ou à la rigueur LA FORÊT DES OMBRES, mais quand j’ai découvert le titre SYNDROME E, j’étais trop intrigué pour passer outre.

Mais commençons par le commencement. LE SYNDROME E est le premier volet d’un diptyque qui décortique le phénomène de la violence. Le récit porte sur deux enquêtes policières séparées au départ, devenant graduellement convergentes pour finalement ne faire qu’une.

Au début d’une part, l’ex-ami de l’enquêteuse Lucie Hennebel, un passionné de cinéma et collectionneur de films rares est frappé de cécité après avoir visionné un film rare et non répertorié. Lucie enquête et commence par faire analyser la pellicule.

D’autre part, un enquêteur devenu schizophrène suite au décès soudain de sa femme et de sa fille, Franck Sharko enquête sur la découverte de cinq corps atrocement mutilés.

Au fur et à mesure que l’analyse de la pellicule progresse, les deux enquêtes fusionnent. En fait, tout démarre et tourne autour de ce mystérieux film d’un réalisateur non moins mystérieux, Jacques Lacombe :

*Mais la question qui la turlupinait le plus était de savoir quel lien invisible il pouvait y avoir entre le film anonyme et les cadavres déterrés en Haute Normandie. Cette bobine maléfique était peut-être l’arbre qui cachait la forêt.*(Extrait)

Je vous ai déjà parlé de l’énorme pouvoir du septième art, c’est-à-dire, de cette capacité qu’a le cinéma de façonner les esprits, de créer des tendances, d’influencer les modes de pensées et d’apprentissages. Imaginez tout ce qu’on peut sortir sur le potentiel cinématographique du cinéma. (Voir mon commentaire sur LA CONSPIRATION DES TÉNÈBRES)

Dans LE SYNDROME E, Thilliez va encore plus loin car par des procédés de surimpression, d’insertions subliminales, de découpages obscurs et autres diableries, la pellicule sert ici à cacher un incroyable secret qui dévoile un potentiel extraordinaire et apparemment exploitable du cerveau humain.

Cela va plus loin car cette mystérieuse pellicule camouffle un complot imaginé par des esprits tordus, des scientifiques malades, auteurs d’expériences sur des sujets vivants dont plusieurs comptaient parmi les Orphelins de Duplessis :

*Ce que Lucie Découvrait dépassait l’entendement. Une aliénation de masse, à grand renfort de bulletins médicaux faussés et d’occultes financements* (Extrait)

La dernière citation fait référence au financement par la CIA de certaines expériences sur des cerveaux d’êtres humains vivants. L’enquête amène à l’identification du syndrome E et je vous laisse découvrir par vous-même qu’est-ce que c’est que cette saloperie.

Évidemment, ce roman est une fiction mais quand on y pense, on sait peu de choses sur le cerveau et ça peut laisser un doute dans l’esprit du lecteur. Appelons ça un facteur de stress car l’auteur dévoile les horreurs du film au compte-gouttes et ça n’arrête jamais jusqu’à la dernière page qui là encore dévoile un punch tout à fait imprévisible.

Donc pour résumer, LE SYNDROME E est un thriller d’une fantastique efficacité, fait de corps mutilés, de tortures, de cadavres, de crasse, de fourberie et d’une science qui évoque des bêtes conduites à l’abattoir.

C’est un livre audacieux qui m’a sorti des sentiers battus et qui m’a écorché au passage. Rythme rapide malgré certaines longueurs, lecture aisée, fil conducteur solide.

Dans l’ensemble, le récit est gore et décapant et il est porteur je crois d’une petite réflexion sur la science et l’éthique car je ne suis pas certain que les savants fous et les scientifiques tarés n’appartiennent qu’à la légende et la littérature.

Si vous avez survécu au SYNDROME E, vous êtes mûrs pour la lecture de GATACA, le deuxième volet du dyptique.

Par définition du diptyque, il faut avoir lu LE SYNDROME E pour comprendre GATACA. Je vous le dis tout de suite, l’un est aussi effrayant que l’autre. Un an après l’identification du syndrome E et l’explosion de la vérité, et toujours en vertu d’une quête de la compréhension globale de la violence, l’auteur Franck Thilliez nous entraîne cette fois dans les arcanes obscurs du génome humain.

À nouveaux réunis et prêts à explorer un autre cercle de l’enfer, les policiers Lucie Hennebelle et Franck Sharko remontent cette fois aux origines de la violence, là où le génome humain détermine son avenir : rien de moins que l’extinction. 

Franck Thilliez est un écrivain et ingénieur français né en 1973. En plus d’avoir développé un goût irrésistible pour la lecture, Thilliez a une passion pour le cinéma et pour les Nouvelles technologies. C’est d’ailleurs dans ce dernier domaine qu’il exerce l’ingénierie. Sa carrière d’écrivain a été lancée en pompe dès 2003 avec TRAIN D’ENFER POUR ANGE ROUGE en 2003, nominé au prix SNCF du polar français.

Le succès des livres suivants lui a permis d’abandonner son travail d’informaticien et de s’adonner à l’écriture à temps plein. Ses passions se reflètent dans son écriture. Il aime enduire ses récits d’une atmosphère glauque et comme son imagination est débordante, sa plume produit des romans qui retiennent les lecteurs dans un filet qui évoque la toile d’araignée. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 25 février 2018

LE BONHOMME DE NEIGE, livre de JO NESBO

*Au moment de se coucher, elle voulut se
blottir contre lui. Mais elle ne put pas. Ne
put se résoudre à le faire. Elle était impure.
-Nous allons mourir- avait lâché la voix au
téléphone. Nous allons mourir, catin*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE, Jo Nesbo,
Gallimard, série noire, 2007, éd. Numérique,
430 pages.)

Un jour de novembre 2004, un bonhomme de neige sorti de nulle part se retrouve dans le jardin des Becker, le regard tourné vers les fenêtres de la maison. La nuit suivante, madame Becker disparaît. Un maigre indice, son écharpe rose se retrouve au cou du bonhomme de neige. Parallèlement, l’inspecteur Harry Hole reçoit une lettre annonçant d’autres victimes. Une lettre signée…*le bonhomme de neige*…un tueur en série sévit en Norvège. Le seul indice récurrent mais bien maigre : un bonhomme de neige…un spectre de la folie…

UN BON CRU(el) NORVÉGIEN
*…le congélateur…laissait voir quelque chose pressé
à l’intérieur…les genoux pliés et la tête appuyée
vers le haut contre l’intérieur du congélateur. Le
corps était couvert de cristaux de glace, comme
une couche de moisissures blanches qui s’en serait
repue, et la position torturée du corps était à
l’unisson du cri de Katerine…*
(Extrait : LE BONHOMME DE NEIGE)

C’est une histoire complexe développée avec une lenteur parfois exaspérante, très caractéristique de la littérature Norvégienne. La faiblesse du récit réside dans le fil conducteur qui prend souvent toutes sortes de directions. Ajoutons à cela que l’intrigue est bourrée de fausses pistes, de démarches qui n’aboutissent pas, de retours à la case départ.

Ça ne m’a pas beaucoup gêné car j’ai compris dès les premières pages que l’auteur me lançait le défi de sortir d’un labyrinthe bourré d’indices, souvent trompeurs, et me laissant le choix de trouver le coupable parmi une foule de candidats potentiels. Mais quand la lumière commence à jaillir dans le dernier quart du livre, ça devient génial.

Ce que j’ai le plus apprécié dans ce livre est la psychologie des personnages, Harry Hole en tête, héro récurrent dans l’œuvre de Nesbo : un personnage précédé par sa réputation d’esprit tordu et d’alcoolique qui évolue laborieusement dans une enquête difficile d’une remarquable minutie où il y a tellement de détails que le lecteur a parfois l’impression de déraper. Mais dans la finale qui est remarquable, on voit l’importance de chaque détail, rassuré à l’idée que l’auteur n’a rien laissé au hasard.

L’histoire est originale. L’idée de précéder les meurtres par l’édification d’un bonhomme de neige est une trouvaille car les bonhommes de neige parlent d’une certaine façon, dévoilent des indices, reflètent la psychologie du tueur et bien sûr obnubilent les policiers. Hole en tête.

UNE PLUME FORTE MAIS NOIRE

Tout le livre comporte beaucoup de petites forces qui retiennent le lecteur dans sa toile. Outre la toponymie chantante de la Norvège, la plume est forte, la structure narrative happe le lecteur qui se sent attiré par les nombreux rebondissements. On sent que l’auteur maîtrise son art.

C’est un roman noir. Son atmosphère se fige parfois en une sensation lugubre car les bonhommes de neige conduisent implacablement à des chefs d’œuvre de cruauté de la part d’un tueur aussi froid et dépourvu de moralité que ses œuvres de neige. La découverte très lente et très graduelle de la psychologie de ce monstre m’a tenu en haleine.

Je veux rappeler en terminant que si je recommande ce livre, je le fais sous la réserve suivante : C’est tout le récit dans son ensemble qui fait appel à la patience du lecteur parce qu’il comporte de nombreux changements de direction, de fausses pistes, de virages imprévus.

Aussi, bien que l’histoire soit très longue à démarrer, je vous suggère de bien vous concentrer sur les premières pages car elles contiennent des éléments importants qui vous feront apprécier grandement l’ensemble du récit.

Vous êtes maintenant prêts à entrer dans une histoire à donner froid dans le dos et à savourer ainsi toute l’intensité de la plume scandinave.

Jo Nesbo est norvégien. Il est né à Oslo  le 29 mars 1960. C’est un talentueux touche-à-tout : auteur-interprète, musicien, journaliste spécialisé en économie et écrivain très renommé. De 1993 à 1998, il a écrit et interprété les grands succès d’un des groupes musicaux les plus populaires de Norvège : DI DERRE. Un an avant de quitter le groupe, il se lance dans l’écriture littéraire. Le succès est instantané avec L’HOMME CHAUVE-SOURIS, prix du meilleur roman policier nordique en 1998. Plusieurs autres romans suivront dont ROUGE-GORGE, consacré meilleur polar norvégien de tous les temps par les lecteurs.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 16 décembre 2017

LE ROUGE IDÉAL, livre de JACQUES CÔTÉ

*Vendredi, on a trouvé, dans un boisé à l’université un caniche dépecé et cette main plantée sur un piquet d’une clôture du Collège Jésus-Marie. La veille, quelqu’un avait tracé sur un mur à l’université, un message haineux avec du sang : *au bout de ton sang, femelle*…Méchant malade!…Il y a de a psychose dans l’air.*
(Extrait : LE ROUGE IDÉAL, roman québécois de Jacques Côté,
Éditions ALIRE, 2002, édition de papier. 440 pages)

Octobre 1979, une chaîne d’évènements sanglants sème la terreur à Québec : une chienne horriblement mutilée, une main plantée sur un piquet de clôture, des messages inquiétants qui annoncent menaces et violence. Pour les policiers Daniel Duval et Louis Harel, les pires craintes semblent vouloir se confirmer alors que s’ajoute le meurtre particulièrement sordide d’une jeune femme dans le cimetière de Sillery : un tueur fou est en liberté à Québec et il s’est engagé dans une terrible spirale de violence. L’enquête s’annonce complexe et amènera les enquêteurs à faire connaissance avec un aspect particulièrement répugnant de la criminalité : la nécrophilie.

LES FLEURS DU MAL ET LA
PHILOSOPHIE DE LA MORT
*Le portrait qu’il ébaucha en quatre points mettait
en évidence l’intelligence du meurtrier :
-milieu bourgeois, jeune vingtaine, l’esprit cynique.
-Il méprise tout sauf lui-même et quelques idoles.
Tout comme Baudelaire, il déteste probablement
son père.

-Parents divorcés, très près de sa mère. Il ne
déteste pas les femmes à ce point sans être
atteint d’une démence quelconque.
-Beau et charmeur au point de créer un rapport
de confiance avec ses victimes…*
(Extrait : LE ROUGE IDÉAL)

J’avais très envie de lire du québécois cette fois, avec des noms québécois, du langage québécois, même des jurons québécois, avec un environnement dans lequel je me reconnaîtrais. À ce titre, il y a vraiment de belles possibilités qui s’offrent aux bibliophiles québécois. Mon choix s’est arrêté sur LE ROUGE IDÉAL, un excellent polar de Jacques Côté.

Un mystérieux cercle d’étude appelé Thanatos, dirigé par un professeur apparemment émérite et qui cultive la philosophie de la mort est à l’origine de cette intrigue riche et parfaitement maîtrisée.

Ce thème n’est pas sans rappeler LA SOCIÉTÉ DES POÈTES DISPARUS, le fameux film de Peter Weir avec le regretté Robin Williams. Ce film raconte l’histoire d’un professeur qui réussit à emballer ses élèves pour la poésie au point que ceux-ci forment un cercle à caractère sectaire et qu’ils deviennent dangereux pour eux-mêmes et pour les autres.

Dans le rouge idéal, les étudiants du Cercle Thanatos veulent maîtriser la réalité de la mort et ce faisant, réveille des pulsions de mort chez un étudiant psychologiquement instable. Les dérives du cercle conduisent à la nécrophilie.

Le meurtrier s’inspire de grands auteurs, plus spécialement Beaudelaire, ce personnage troublé en général et mysogine en particulier, et pourtant un incontournable de la littérature. Comme dans les FLEURS DU MAL, l’adorateur de la femme devient son profanateur…vous imaginez qu’il faut s’attendre au pire.

Ce sujet, original, la nécrophilie étant peu courant dans la littérature romanesque, est développé de main de maître par Jacques Côté et sans les artifices superflus souvent attribués à ce genre d’ouvrage.

Avec sa plume d’une remarquable efficacité, Jacques Côté associe la philosophie et les sciences policières dans une enquête complexe qu’il fait progresser avec intelligence, finesse et de bons éléments de surprise.

Les personnages sont attachants, en particulier le gros Louis, policier obèse en fauteuil roulant et dont les réparties arrachent obligatoirement des sourires. Je note aussi que les nombreux passages sur l’assistance des médecins légistes donnent à l’ensemble beaucoup de crédibilité comme c’est le cas pour certains auteurs, Kathy Reichs en particulier.

Je crois que c’est un livre que vous allez apprécier. Il est porteur entre autres, d’une très intéressante réflexion sur la forte influence que peuvent avoir les enseignants sur les jeunes esprits.

D’ailleurs, je ne suis pas surpris que ce livre figure dans les liste des sujets imposés au collégial car les sujets développés concernent de près les jeunes en fin d’adolescence et les jeunes adultes qui peuvent aisément s’identifier au personnage principal en particulier : le lieutenant Duval.

LE ROUGE IDÉAL est une œuvre littéraire de qualité que je vous recommande…un excellent polar.

Jacques Coté est un écrivain québécois né en 1961. Il enseigne la littérature au Cégep de Sainte-Foy. Déjà, dans la jeune vingtaine, il écrit son premier roman alors qu’il séjournait à Londres : LES MONTAGNES RUSSES, adapté au petit écran et réédité en 1999. Suivront : NÉBULOSITÉ CROISSANTE EN FIN DE JOURNÉE, le tout premier roman policier de Jacques Côté, publié en 2000, sa suite logique : LE ROUGE IDÉAL, publié en 2002 et récipiendaire l’année suivante du prix ARTHUR ELLIS.

Je cite aussi WILFRID DEROME, EXPERT EN HOMICIDES, publié en 2003, grand prix LA PRESSE DE LA BIOGRAPHIE qui nous fait connaître le pionnier des sciences judiciaires et de la médecine légale en Amérique. Côté a aussi écrit LA RIVE NOIRE EN 2005, prix Saint-Pacôme et débute LES CAHIERS NOIRS DE L’ALIÉNISTE en 2011 avec LE QUARTIER DES AGITÉS.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 3 décembre 2017

LA SÉRIE NOIRE DE GALLIMARD, héritage du gothique

LA LITTÉRATURE NOIRE SANS FRONTIÈRE

Ce que l’on appelle LE ROMAN NOIR est en fait l’héritage, voire la continuité d’un genre littéraire qui était très prisé au XVIII siècle : le roman gothique. LE ROMAN NOIR décrit le côté sombre de nos réalités sociales : Mafia, crime organisé, meurtres en série, corruption, violence, haine, légendes urbaines etc.

Voyons ce que le dictionnaire mondial des littératures de Larousse dit des romans noirs : *Le genre se spécialise dans la peinture de l’excès et de l’horreur, et produit un récit à grands effets qui dit la force et la cruauté du mal, ainsi que la misère (mais aussi la victoire) de l’innocence.*

En 1945, sous l’impulsion de l’éditeur Claude Gallimard, Marcel Duhamel éditeur, traducteur, scénariste et acteur (1900-1977) crée une collection qui mettrait en perspective toutes les angoisses de la société. Le poète et scénariste français Jacques Prévert (1900-1977) arrêtera définitivement le nom de cette collection : SÉRIE NOIRE.

Les débuts sont modestes…quelques parutions ici et là. Mais puisque l’intérêt se manifeste et que la demande prend de l’ampleur, Gallimard s’organise et la SÉRIE NOIRE prend définitivement son envol en 1948, publiant jusqu’à nos jours des milliers de titres. Gallimard a même publié un livre qui raconte l’histoire de la série.

Édition publiée sous la direction d’Alban Cerisier et Frank Lhomeau. Avant-propos d’Antoine Gallimard. Bon marché et largement diffusée, la Série Noire a été accueillie à bras ouverts par les lecteurs français de l’après-guerre fascinés par l’Amérique, scène mythique de ces romans noirs rugueux et haletants puissamment relayés par le cinéma. Marcel Duhamel s’est entièrement voué à cette passionnante entreprise éditoriale, commencée modestement avant de devenir l’une des collections phares des ÉDITIONS GALLIMARD).

PRÈS DE 3000 LIVRES
*…la série noire change en profondeur les codes de la
littérature traditionnelle. Le style moins ampoulé,
plus bref et incisif, mélange l’action à la psychologie…
La Série Noire dépoussière également le roman en
lui greffant le langage parlé de la rue.
(Thomas Morales, journaliste et écrivain, causeur.fr)

Au moment d’écrire ces lignes, la SÉRIE NOIRE en est à sa 76e année de production et elle a toujours de l’avenir. Bien sûr, je n’allais pas me lancer dans la lecture de plus de 2,900 bouquins mais pour bien saisir et approfondir l’influence de la SÉRIE NOIRE sur les plans culturels et littéraires, il fallait que j’aille voir.

Aussi, j’ai sélectionné tout à fait au hasard quatre livres que j’ai lus au complet. Je vous ai déjà parlé du premier, LE TUEUR DU DIMANCHE de José Giovanni, ouvrage dont l’argot irrésistible teinté de spontanéité et de crudité m’avait séduit. Je vous propose maintenant une brève description ainsi qu’un bref commentaire sur les trois autres livres de la SÉRIE NOIRE que j’ai lus.

 LES ANGES NOIRS, Aevar Örn Josepsson : une informaticienne, divorcée, mère de 2 enfants disparaît sans laisser de traces. Tout le monde la cherche, sa famille, ses amis, les policiers et même un faux policier. Ça devient plus complexe qu’une simple disparition. Il m’a fallu beaucoup de temps avant de m’accrocher à l’histoire. Fil conducteur instable. Le récit est fortement teinté de misogynie et de machisme. Toutefois, malgré la complexité de l’enquête, l’intrigue est soutenue. Reste à se débrouiller avec la toponymie Islandaise.

Le destin de trois personnes se trouve lié de façon inattendue et impitoyable. Ce qui va arriver à Céline, Léopold et Josselin pourrait nous arriver. Violence, cruauté, trahison, rien ne leur sera épargné.

Récit très noir, atmosphère glauque, violent, le sujet est original. La narration est à trois voix en alternance, chaque personnage communiquant au lecteur ses émotions et sentiments. La finale est étrange donnant l’impression d’un roman inachevé. Toutefois, le suspense est évolutif et habile.

Figures de proue de la Série Noire et du polar français, graphomanes talentueux, Jean-Bernard Pouy et Marc Villard ont entamé en 2005 un dialogue littéraire qui a donné naissance à plusieurs textes à quatre mains. Avec La mère noire, ils reforment leur duo pour la Série Noire et signent un roman riche des échanges et jeux de langage qui les caractérisent.

À PROPOS DE L’ARGOT DES POLARS DE LA SÉRIE NOIRE

 Je me suis déjà exprimé sur le caractère très spécial du langage des polars de LA SÉRIE NOIRE. Pour ceux et celles qui veulent explorer davantage cet aspect de la collection, je vous invite à parcourir L’ARGOT DU POLAR, 38 nuances de la Série Noire de Lionel Besnier. Publié par Gallimard à l’occasion du 70e anniversaire de la Série Noire, ce livre réunit les perles des auteurs de polars avec des termes argotiques parfois tout à fait savoureux, des tournures de phrases originales…le tout teinté de tout ce que peut offrir la littérature noire : un soupçon de machisme, des éclats de violence gratuite, de la haine et des criminels en perdition. 

Pour parcourir la liste des titres de la collection, cliquez ici.

Suggestion de lecture :  LES CONTES INTERDITS, coup d’oeil sur la série

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le dimanche 28 mai 2017

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, livre de Hervé Giliénine

*Je lui ai dit de m’oublier, elle devait vivre sa vie, je ne lui écrirai pas, je ne lirai pas ses lettres, je ne la reverrai pas. Elle m’a répondu qu’elle serait là quand la porte de la prison claquerait dans mon dos.* (Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine, Prem’Edit 77, 2012, éd. Numérique, 400 pages.)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE raconte l’histoire de Thomas Vogèle,  garçon tranquille, intelligent, passionné de football. Il a plusieurs amis. Parmi eux, Alicia, petite orpheline recueillie par ses grands-parents, voisins de la famille de Tom. Un jour, Alicia disparaît.

Parallèlement, Tom est reconnu coupable du meurtre involontaire d’un voyou qui harcelait Alicia et est envoyé en prison. Au bout de sa peine de 9 ans, il part à la recherche d’Alicia. La raison en est très simple : un jour, il lui a promis qu’il la rechercherait jusqu’au bout du monde si elle venait à disparaître. Thomas ne se doute pas qu’il s’apprête à mettre à jour de très lourds secrets…

Le poids du secret
*Peter Jacobson jeta un coup d’œil circulaire autour
de lui de peur que des silhouettes armées de
machettes quittent l’ombre des bois au son d’un
tam-tam lancinant. –Je vous souhaite de
découvrir ce qui est arrivé à votre amie. Et, qui
sait, de la retrouver saine et sauve…*
(Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE est un roman noir, dur, à très forte intensité dramatique. Ce livre est *venu me chercher* très rapidement, spécialement à cause de cette aura dense et particulière que l’auteur a installée autour de l’énigmatique Alicia, une jeune fille née vraiment sous une mauvaise étoile. Cette histoire m’a captivé et même choqué, sachant au départ qu’elle est basée sur un fait vécu.

L’histoire est celle de Thomas Vogèle, un jeune homme sans histoire qui a quelques amis évoluant dans un cercle semblant assez fermé : Sandrine, sa meilleure amie et son petit frère Romain, Boule, Frank, le frère de Thomas, René et évidemment Alicia, une petite orpheline recueillie par ses grands-parents et que Thomas affectionne comme une petite sœur.

Un jour, Thomas se bagarre avec un des frères Marchiani parce que ce dernier harcelait Alicia. Thomas tue Marchiani involontairement et ça le conduit en prison pour 9 ans. Entretemps, Alicia disparaît mystérieusement et on ne la revoit plus.

À sa sortie de prison, Thomas va tenir une promesse étrange qu’il avait faite jadis à Alicia : la retrouver, même au bout du monde, si elle venait à disparaître. L’histoire est centrée sur l’enquête de Thomas qui mettra au jour des secrets très pénibles.

Dans cette histoire, il n’y a pas d’interventions policières, mais un journaliste contribuera à faire avancer Thomas dans sa quête. Évidemment, je ne vous raconterai pas la finale, mais sachez toutefois qu’elle pourrait vous donner des frissons dans le dos.

C’est une histoire qui évolue lentement et dans laquelle le mystère épaissit au fil des pages. La forme littéraire de ce roman est un peu particulière car l’auteur y a inséré de fréquents retours sur le passé. Il n’y a qu’un pas parfois pour confondre passé et présent. Aussi, la lecture de ce récit exige-t-elle du lecteur une bonne concentration.

Je dois avouer que cette façon de faire évoluer une histoire, fréquente en littérature, m’agace un peu. Mais le fil conducteur du roman, la quête de Thomas, est extrêmement solide et amène le lecteur dans des zones sombres, voire sordides par moment.

Suggestion de lecture : L’étrange disparition d’Amy Green, de S.E. Harmon

C’est un premier roman pour Hervé Giliénine. Je crois qu’il a investi avec succès dans la psychologie de ses personnages et la fluidité de sa plume. Il ne s’est pas encombré de fantaisies structurelles. Il n’y a même pas de chapitres dans ce livre, les changements étant signalés par des débuts de paragraphes en caractère gras. C’est l’intensité dramatique de l’histoire qui fait toute la différence. Elle est marquée par un crescendo qui amène le lecteur et la lectrice vers une finale choquante et bouleversante.

Je recommande donc ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, un bon roman, riche en suspense et très captivant. Une très belle entrée pour Hervé Giliénine dans l’Univers littéraire.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le 22 janvier 2017

L’ANGE, le livre de MICHEL RIETSCH

*Les quelques dents qui pendaient encore aux
gencives furent éjectées par un ultime hoquet
de douleur…il était mort en catastrophe, trop
vite en tout cas pour que ses terreurs puissent
être convenablement créditées.*
(Extrait : L’ANGE, Michel Riestsch, Éditions Black-ebook,
octobre 2013, version num. 220 pages)

Dans les Vosges (France région Lorraine) un dangereux psychopathe, tueur en série, monstre sans pitié s’évade d’un hôpital où il était suivi par le docteur Sonnenfeld, un psychiatre au professionnalisme douteux. En liberté, Wilfried devient comme un fauve et s’adonne avec délectation à son activité préférée : tuer, massacrer. Parallèlement aux forces policières, Sonnenfeld décide de traquer sans relâche le tueur. Cette quête amènera le psychiatre aux sommets de l’horreur, aux limites de l’imaginable. C’est une traque contre la montre et le temps fait défaut.

Terrifiant. Rien de moins
*…la barre effectua un arc de cercle de golfeur
et arriva à toute vitesse en plein sur la
bouche qui éclata en une gerbe de sang.
Sous le choc, la tête heurta violemment le
mur arrière et l’homme perdit
connaissance.
Déjà dans les pommes? Petite nature va!
(Extrait : L’ANGE)

C’est un livre étrange, un récit noir, glauque, développé dans une écriture typique de Rietsch qui agrippe le lecteur sans lui laisser de répit ou très peu. Il est très difficile de résumer un tel livre, car dévoiler ne serait-ce qu’une bribe amènerait rapidement le lecteur à la conclusion.

Il faut le lire et se laisser aller dans ce récit aux développements imprévisibles, récit qui est aussi un voyage dans les méandres visqueux d’un esprit torturé qui ne tire jouissance que dans le meurtre et la torture autant physique que psychologique. Bref, l’esprit d’un monstre.

On ne peut pas vraiment résumer une telle descente dans l’horreur mais je peux mettre le lecteur sur le sentier en dévoilant, très partiellement, comment l’auteur dévoile la nature de Wilfried : *…car ses méfaits étaient soutenus et organisés par une intelligence structurée su service d’une perversité démoniaque.*

Ou plus habile encore : *Mais avant d’avoir été véritablement en contact avec la vie, … la beauté de la mort l’habitait déjà. Qu’y pouvait-il? C’est une des raisons qui l’avait décidé à opter pour une distraction un peu différente de l’idée qu’on s’en faisait habituellement : tuer. Un loisir qui en vaut un autre.* (Extraits)

Je pourrais aussi mettre le lecteur sur le sentier d’une compréhension partielle en disant que le titre du livre est justifié : *Les anges n’ont pas de sexe mais ils ont de l’imagination.* (Extrait) …il y a là une petite saveur de surnaturel, de fantastique et aussi de recherche sur le plan psychologique.

C’est un thriller efficace, une course contre la montre qui entraîne malgré lui le lecteur qui ne peut absolument pas imaginer la suite des évènements. L’intensité de l’écriture et le rythme parfois effréné bousculent le lecteur mais le *laisse difficilement s’échapper*.

Quant aux versions du livre : censurée et non censurée, préférant ne pas trop penser qu’on puisse me prendre pour une poire, je vous dirai que ça ne change pas grand-chose, car si vous avez l’âme sensible, je vous déconseille tout simplement la lecture de ce livre que ce soit en version censurée ou pas. Vous éviterez ainsi de tomber dans le petit piège d’une banale opération de marketing.

En conclusion, je suis bien conscient que je n’ai pas dévoilé grand-chose de l’intrigue, mais si vous êtes d’attaque et pas trop sensible, je vous recommande la lecture de ce livre qui n’est pas très long. Laissez-vous simplement guider par l’auteur dans une atmosphère opaque, bizarre, teintée d’un humour pour lequel je serais tenté d’utiliser les mêmes qualificatifs.

…un livre fort avec, au programme humour noir et mort blanche…

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

Michel Rietsch est un auteur français né à Strasbourg en Alsace (est de la France) en 1956. Dès son adolescence, il s’intéresse aux livres et aux auteurs susceptibles d’exacerber ses rêves de voyage et de liberté. C’est pendant cette période qu’il apprendra son métier de cuisinier. Par la suite il réalisera ses rêves de voyage qui l’amèneront d’aventure en aventure avant qu’il se réinstalle en Alsace, 17 ans plus tard, pour y exercer son métier de cuisinier et…pour écrire… dans différentes maisons d’édition.

Il a publié entre autres LA NOTATION, bien sûr L’ANGE en deux versions, censurée et non-censurée, parues chez Black-Ebook en 2013, je cite aussi DU SEL ET DES HOMMES qui relate la grande aventure qui a marqué l’histoire et l’économie de l’Alsace. Rietsch réside dans les Vosges en Lorraine.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AOÛT 2015